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23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 05:01

La famille Quandt bâtit sa fortune (Varta, durant le Troisième Reich, puis, après la Deuxième Guerre mondiale, BMW) en pleine symbiose avec les nazis. Les descendants de cette famille ont toujours protesté de leur innocence et de celle de leurs parents alors qu’ils ont profité d’une main-d’œuvre d’esclaves en provenance des camps de concentration. Jamais inquiétée, cette famille ne fut pas déférée devant le tribunal de Nuremberg.

 

Après avoir épousé le grand industriel Günther Quandt, Magda Quandt convola avec Joseph Goebbels, le hiérarque nazi le plus fidèle à Hitler. Joseph et Magda se suicidèrent le lendemain de la mort du Führer et d’Eva Braun, dans le bunker, après avoir assassiné leurs six enfants âgés de quatre à onze ans. La mère avait écrit à son fils combattant dans la Luftwaffe qu’elle ne voulait pas que ses enfants vivent dans un monde sans national-socialisme.

 

J’ai souhaité m’intéresser ici au destin de cette femme car il nous renseigne, par-delà le nazisme et la participation de grands industriels à l’horreur, sur la société allemande dans sa complexité.

 

Le fait que Magda ait porté cinq patronymes, qu’elle ait été à la fois une femme plus émancipée que la moyenne et une véritable éponge qui s’imprégnait jusqu’au fanatisme et à l’absolutisme de la personnalité des hommes qui ont compté dans sa vie, permet peut-être de comprendre un peu mieux l’acte démentiel d’une mère que l’histoire aurait vraisemblablement épargnée, comme la femme de Göring, par exemple.

 

Magda naît en 1901. Elle est une enfant illégitime qui va donc porter le nom de sa mère, Behrend. Ses parents sont catholiques, mais sa mère se remarie avec un Juif nommé Richard Friedländer. Son père biologique, Oskar Ritschel, avec qui elle est restée en contact, l'initie au bouddhisme. À Berlin, Magda fréquente la famille juive russe Arlosoroff. Elle tombe éperdument amoureuse du fils, Viktor Haïm, un jeune militant sioniste dont elle embrasse la cause. Elle apprend l’hébreu, porte l’étoile de David. Viktor deviendra l’une des grandes figures du sionisme (plusieurs monuments lui sont consacrés en Israël) avant d’être assassiné sur une plage de Tel-Aviv en 1933, peut-être à l’instigation de Goebbels.

 

En 1920, Magda, qui porte alors le nom de Friedländer, son beau-père l’ayant reconnue, fait la connaissance d’un des hommes les plus riches d’Allemagne, l’industriel Günther Quandt, de vingt ans son aîné. Il l’épouse l’année suivante. Les Quandt n’acceptant pas les connotations juives du nom de la mariée, celle-ci abandonne le patronyme Friedländer et prend celui de Ritschel, du nom de son père biologique qui l’a enfin reconnue. Un petit Harald naît de cette union et, en 1925, le couple adopte les trois enfants d’un ami d’affaires mort soudainement. Comme Quandt avait déjà eu deux enfants d’un précédent mariage, Magda élève donc six enfants.

 

Après la mort, suite à une erreur médicale, du fils aîné de Günther, le couple se désunit et Magda renoue avec Viktor son amour de jeunesse. Le couple Quandt divorce, Magda récupérant la garde de son fils Harald et une coquette pension.

 

En 1929, elle est pleinement acquise aux idées nazies, par le biais du Cercle nordique, un club qui attire des Berlinois de la bonne société vers le parti de Hitler. Elle rencontre Goebbels en 1930 et devient une militante rétribuée du NSDAP. Goebbels et Magda deviennent amants. Hitler voit en elle l’idéal de la femme nazie : belle, intelligente, blonde, cultivée, jouant fort bien du piano, ayant élevé des enfants. Goebbels et Magda se marient en décembre 1931 dans la propriété de Günther Quandt avec qui Magda est restée en bons termes. Hitler est le témoin. Comme, à ce moment-là, Hitler ne veut pas s’encombrer d’une épouse ou d’une compagne, Magda va jouer le rôle de Première dame du Troisième Reich. Elle inaugure des chrysanthèmes et se pose en modèle de la Mutter allemande. En 1940, elle est mère de six enfants, dont les prénoms commencent tous par H comme Hitler. Harald vit dans ce foyer depuis 1934.

 

Derrière l’image de la famille nazie idéale, une autre réalité se fait jour. Goebbels aime beaucoup les actrices de cinéma, en particulier la Tchèque Lída Baarová (ancienne maîtresse de Charles Boyer et l'une des actrices préférées de Vittorio de Sica pendant la guerre). Le ministre de la propagande est à ce point épris qu’il demande à Hitler de le destituer et de le nommer ambassadeur au Japon. Hitler ordonne à Goebbels de se réconcilier avec sa femme au nom des intérêts supérieurs du Reich. Goebbels écrit dans son journal : « Je vais me plier. De tout mon être et sans rechigner. C'est une vie nouvelle qui commence à présent. Une vie dure et cruelle, entièrement vouée au devoir. C'en est fini maintenant de ma jeunesse. »

 

Magda se désintéresse complètement du destin de son beau-père juif, qui mourra en déportation en1939 à Buchenwald, à qui elle devait tant. Son fils Harald se bat sur le front. Elle intègre la Croix-Rouge et travaille pour Telefunken. Elle retrouve son rôle de Première dame, ce qui n’empêche pas de graves dépressions. Elle mène pourtant une vie de femme émancipée : elle fume, boit, trompe son mari avec son secrétaire d’État. Elle est la seule femme avec qui Hitler discute de politique.

 

L’idéologie nazie lui aura permis d’assouvir son besoin d’absolu et d’exaltation. Selon l'ethnopsychiatrie Tobie Nathan, l'adhésion totale de Magda à l'idéologie nazie s'explique par ses problèmes de filiation, par le fait qu'elle a dû abandonner sa langue en pension en Belgique. Avec le nazisme elle trouva une idéologie, une identité la faisant appartenir à la race supérieure.

 

Avant de se suicider, elle écrira à son fils (combattant, dont elle ne savait même pas s'il était toujours en vie), en matière de testament : "Notre magnifique idée s'effondre. Le monde qui va venir après le Führer et le national-socialisme ne vaut plus la peine qu'on y vive, et c'est pour cela que j'ai aussi emmené les enfants ici. Ils sont trop bons pour la vie qui viendra après nous et Dieu, dans sa bienveillance, me comprendra si je leur donne moi-même la délivrance."

 

 

L'inexorable destin de Magda Quandt-Goebbels
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