En relisant un article que j'avais publié dans ce blog en octobre 2014 sur l'affaire Profumo -Keeler, je suis tombé sur une photo du docteur Ward qui venait de mourir. L'affaire en question eut pour protagonistes principaux Jon Profumo, sous-secrétaire d'État à la Guerre issu, d'une très bonne famille comme on dit, Christine Keeler mannequin, mais surtout une pauvre fille qui se trouvera vite dépassée par le plus grand scandale de l'après-guerre (ah, ce jeu de mot qui lui colla injustement à la peau : « Christine the killer ») et enfin le docteur Stephen Ward, personnage flamboyant, ambigü, dont la mort fut brutale, après qu’il eut avalé des barbituriques.
Ward était né en 1912 et, après de brillantes études de médecine, devint ostéopathe. Il s'installa à Londres et eut dans sa clientèle de nombreuses célébrités telles que David Mountbatten, le cousin du prince Philip, Winston Churchill, Elizabeth Taylor. C'était aussi un peintre de talent, principalement portraitiste, un galeriste agréé par la reine. Il compta parmi ses modèles le leader du parti travailliste Hugh Gaitskell, le Premier ministre Macmillan, Douglas Fairbanks, Sophia Loren, le duc de Kent, la princesse Margaret et son mari, le prince Philip et j'en passe.
Il fut accusé de proxénétisme ayant tiré des revenus de la prostitution de Christine Keeler et de trois autres call girls. De toutes ces relations, aucune ne prit sa défense. Il avala une dose de barbituriques juste avant que le jury rende son verdict et ne prit pas connaissance ni n'entendra la sentence qui le condamnait à 14 ans de prison ferme.
Je voudrais m'intéresser à cette photo ou Ward qui vient à l'instant de mourir a été posé – sans aucune majesté ou considération, c'est le moins qu'on puisse dire – sur une sorte de chaise à roulettes. Il est recouvert d'une couverture. Ses yeux sont clos. Des policiers le transportent hors de la maison où ils se trouvaient. Son visage est parfaitement apparent. Aujourd'hui ce type de cliché serait totalement impossible. La personne décédée – de la haute société ou pas – serait posée sur une civière on ne verrait pas ses jambes pendouiller dans le vide. Surtout on ne verrait pas son visage car celui-ci serait caché. Nous sommes au début des années 60. Est-ce que, à l'époque, une quinzaine d’années seulement après la guerre on avait moins de considération pour les morts et pour les blessés ? Je ne sais pas. Ce que je sais, parce que j'avais 14-15 ans à l'époque, c'est que le scandale fut énorme, que nous les jeunes qui découvrions l'Angleterre, nous nous sommes régalés de ce drame politico-érotique et que dans l'Angleterre qui ne connaissait pas encore la Beatlemania, les swinging Sixties, tout était possible, y compris des choses extrêmement dérangeantes comme des collusions au sommet de l'État entre de pauvres filles qui se prostituaient et des nobles, des ministres, alors que, pendant ce temps-là la France était gouvernée par le général De Gaulle et que la présence tutélaire de tante Yvonne ne poussait pas à la rigolade.