Il est 16 heures. Dans ma rue, un couple – disons d’Arabes (je ne leur ai pas demandé leurs papiers) – collent ces affiches.
Ils ont environ 60 ans.
Une voiture pile à quelques mètres de nous. En descendent un couple – dont je découvrirai dans quelques secondes qu’il s’agit de Juifs – avec un enfant d’une douzaine d’années. Ce couple est plus jeune que le couple d’Arabes, plus vigoureux.
Il entreprend d’arracher les affiches. Les Arabes s’interposent. Les insultes fusent.
J’observe la scène à quelques mètres.
Quand le tutoiement remplace le vouvoiement, je me dis que c’est peut-être le moment de tenter quelque chose.
Je dis au couple juif : « C’est leur liberté d’expression. Collez vos propres affiches ! »
Réponse du couple juif : « Ce sont eux qui ont commencé », sous-entendu quand le Hamas a envahi Israël et a pris en otages des innocents.
Je réponds : « Si vous vous placez sur ce terrain, on n’a pas fini car cela fait belle lurette que les Palestiniens vivent en Palestine. Et puis, vous le savez bien : Arabes et Juifs ont des chromosomes très ressemblants et ils ont des ancêtres communs depuis des milliers d’années. »
Le couple d’Arabes me regarde comme si je venais de la planère Mars. Je sens que ce rappel a calmé le couple juif. J’en remets une petite couche : « Vous connaissez la célèbre phrase de Sartre ? »
— Laquelle ?
« La réalité humaine est souffrante dans son être ».
— Oui, et alors ?
— Vous ne souffrez pas, mais ces colleurs d’affiches, eux, souffrent.
Le couple de Juifs reprit son chemin. Sans oublier le fils, bien sûr…