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15 février 2024 4 15 /02 /février /2024 06:01

Il faut toujours se méfier des expressions que l’on nous balance directement en anglais, sans prendre la peine de les traduire car nous somme alors directement sous la coupe de la langue de l’Empire politique et culturel qui domine le monde.

 

Qui sont ces "sensitivity readers" qui travaillent désormais dans les maisons d'édition ?

 

Des lecteurs de sensibilité (sensible et sensitive sont deux faux-amis en anglais), c’est-à-dire des lecteurs qui débusque le caractère sensible, délicats, d’œuvres soumises par des auteurs à des éditeurs.

 

Christophe Rioux, journaliste et enseignant à Science Po Paris nous parle de ce phénomène et de ses conséquences sur les romans à venir.

 

Dans le secteur anglo-saxon de l'édition, de nouveaux relecteurs sont déjà au travail, on le nomme les “ sensitivity readers ” et leur rôle est de débusquer dans les manuscrits des phrases ou des situations qui pourraient blesser des minorités ethniques ou sexuelles et provoquer des polémiques. Un article paru ces récemment dans Le Monde précise que désormais toutes les maisons d'édition font appel à ces relecteurs et les candidats à ce nouveau métier en plein développement doivent se présenter avec leurs listes de compétences, des sujets sur lesquels ils sont particulièrement sensibles : “ gros, milieux populaires, culture iroquoise ou encore style de vie végétarien ”.

 

Ce phénomène, essentiellement étasunien, gagne à présent la France. Aussi les “ sensitivity readers ”, qu’on pourrait traduire, selon Christophe Rioux, “ démineurs littéraires ” sont de nouveaux relecteurs engagés pour traquer dans les manuscrits des propos qui seraient potentiellement offensants pour des minorités. L'idée serait de chercher des contenus qui pourraient poser problème, qui pourraient donner lieu à des polémiques et à une mauvaise publicité.

 

Aux États-Unis, ce mouvement a d'abord touché les best-sellers et tout écrivain assez connu pour engendrer une critique, voire une polémique. Le problème est que lorsqu’il y a polémique, il y a vente. On n’en sort pas.

 

Pour Rioux, ce nouveau phénomène est un véritable reflet de notre société qui, peut-être plus sensible, est assurément dans une démarche d'analyse permanente pour ne laisser passer aucune appropriation culturelle et visant à inclure le plus grand monde.

 

Les maisons d'édition ne sont pas les seules à faire appel à ces relecteurs, des écrivains font également cette démarche afin de ne pas commettre d'impairs, telle Marie-Hélène Poitras, qui a écrit publié chez Alto, un roman nommé qui s'appelle La Désidérata.

 

« La question se posait, à savoir : comment parler d'un personnage qui possède une telle complexité narrative sans avoir lui-même expérimenté cette dimension-là. C'était véritablement pour l'auteur, un questionnement profond. » Ben oui, quoi ! Victor Hugo pouvait-il nous parler de Cosette ? Non, bien sûr. Damned : j'oublie que le Grand Totor avait de l'imagination et du talent.

 

Christophe Rioux souligne par ailleurs que cela lui rappelle le processus de création de Flaubert, qui, obsédé du détail, tirait ses descriptions, jusqu'à vérifier les boutons d'un uniforme. La seule différence tient de l'ordre de l'émotionnel, car les relecteurs traquent les propos affectifs blessants.

 

Et Rioux conclut : « L'un des risques souvent avancé, c'est qu'un personnage négatif qui serait amené à tenir des propos blessants, pourrait être cloué au pilori. Dès lors, une partie de la littérature mondiale, par le prisme de ces relectures sensibles, pourrait finir dans les oubliettes de l'histoire littéraire. »

Un “ sensitivity reader ”, c’est quoi ?
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