Pourquoi être opposé par principe à l’immigration de travailleurs ?
Parce que le peuple n’en veut pas. L’immigration introduit une concurrence sur le marché du travail, sur le logement et sur les services publics qui est défavorable aux intérêts populaires.
Sur le plan culturel, aussi, il y a un rejet populaire de l’immigration de masse sans assimilation : les bourgeois vivent entre-soi, les intellos vivent entre-soi, et bien le peuple aussi veut vivre entre-soi, et il semble qu'à tort ou à raison la démocratie et le respect de la volonté de la majorité n’ait plus aucune importance quand on en arrive aux desiderata qui sont dominants dans les classes populaires quand ils contredisent le consensus idéologique des classes moyennes.
Mais il faut aussi penser à l’intérêt des immigrés eux-mêmes :
Parce que les immigrés sont surexploités, méprisés, relégués aux tâches et dans les quartiers dont personne ne veut. Défendre les droits des travailleurs, y compris des travailleurs immigrés signifie qu’on demande l’arrêt de l’immigration de travail qui renouvelle de manière continue la main d’œuvre corvéable et qui gêne particulièrement l’intégration qui se fait principalement par le travail non-qualifié des enfants des immigrés de la cohorte précédente.
L'immigration de masse de travailleurs précaires en situation irrégulière, mais volontaires et motivés pour toutes les tâches que les métropolitains refusent de faire – pour différentes raisons, certaines valables, d'autres non – habitue petit à petit les nations occidentales riches, blanches et de culture chrétiennes à une ségrégation de fait et à la formation de castes ethniques hiérarchisées suivant la couleur de la peau ou la religion, dont les membres ne sont pas égaux, ni devant la police, ni devant la justice, ni par rapport aux possibilités d’éducation et particulièrement sur le lieu de travail, dans des branches d'activité de plus en plus ethnicisées. La logique de l’immigration, c’est la formation progressive de sociétés d'apartheid.
Et pour finir, l’intérêt du développement des pays d’origine : les migrants sont pour la plupart non des paysans sans formation, et encore moins des réfugiés, mais des jeunes hommes instruits, pour lesquels la migration signifie une re-prolétarisation. Les efforts d'éducation et de formations de cadres des pays en développement et des pays socialistes sont contrecarrés ou même anéantis par la migration des travailleurs qualifiés et des diplômés, et la compensation opérée par les transferts de revenus vers le pays d'origine n’est pas équivalente au préjudice majeur qui a été subi par ces pays..
Les éléments qui auront réussi leur ascension sociale dans les diasporas originaires du Sud ou de l’Est pourront servir ensuite d’interface pour l’ingérence néocolonialiste et néo-impérialiste dans les pays d’origine (comme par exemple en Ukraine, où des Canadiens descendants impénitents des réfugiés néonazis acclimatés dans ce pays après 1945 ont pris le contrôle de la vie politique).
Défendre et favoriser les migrations, au-delà de la simple protection physique des migrants en danger qui va de soi, c’est dans les conditions du monde moderne, enfoncer une porte ouverte. C’est défendre un des piliers de l’impérialisme économique et idéologique, et des politiques antisociales métropolitaines.
Lutter contre les migrations est cependant voué à l'échec : les États occidentaux embringués dans l'UE et dans l'OTAN n’ont plus la capacité de fermer leurs frontières, et les migrations de travailleurs continueront tant qu’il y aura dans les métropoles la demande pour la main-d’œuvre exploitable. Croire que le RN va y parvenir, ou même essayer de le faire, que ce soit pour l’espérer ou pour le redouter est s’illusionner complètement.
Sur cette question comme sur bien d'autres, les exploités dépolitisés sont plus lucides que les militants idéologisés qui voudraient les représenter.
Gilles Questiaux