Cet épisode douloureux qui avait à l’évidence un fort rapport avec la Guerre d'Algérie en cours m’est soudain revenu en mémoire.
Cela s’est passé le 18 juin 1961, à 15h10, près de Vitry-le-François. Une bombe placée sous la voie explosa au passage du train qui dérailla.
Immédiatement, la plupart des journalistes qui suivent le conflit franco-algérien pensent que la bombe a été placée par l’OAS.
L’attentat fait, selon les sources 24 ou 28 morts et 132 ou 170 blessés. C’est l’attentat le plus mortel depuis celui, royaliste, dirigé contre le consul Napoléon Bonaparte, rue Saint Nicaise en 1800 (22 morts).
L’attentat du train ne sera égalé (et dépassé) que par ceux du 13 novembre 2015.
Durant l’enquête, il est facile au sénateur communiste Jacques Duclos d’attribuer le forfait à l’OAS qui avait envoyé une lettre au chef de gare de Vitry-le-François pour le prévenir de l’éventualité d’un attentat. Une lettre que la police mit sous le boisseau pendant des semaines. Duclos critique également :
– les affirmations officielles faites à la suite de cette catastrophe pour écarter l'éventualité d'un sabotage,
– la longueur de l'enquête qui traine pendant des mois,
– le refus d'indemnisation des victimes,
– le fait que les autorités aient tenu à écarter toute responsabilité de l'OAS.
De son côté, la Cour de cassation estima qu'il n'y avait aucune preuve que les auteurs de l'attentat ne fissent pas partie de la SNCF.
L'attentat ne fut reconnu qu'en 1966 par l'État qui accepta d'indemniser les victimes mais sans l'imputer à l'OAS.
Pour l'historienne Anne-Marie Duranton-Cabrol, l'attribution de cet attentat à l'OAS s'est faite très tard parce que ses auteurs qui étaient très jeunes n'avaient pas été tous inculpés. Pour les historiens Jacques Delarue et Odile Rudelle, la date de l’attentat un 18 juin est très symbolique.
Parmi les victimes, on compta Émile Rémigy qui était appelé à faire une carrière hospitalo-universitaire en hématologie à Nancy. Reçu à l'écrit de l'agrégation, il se rendait par le train à Paris pour passer l'oral, ce 18 juin 1961. Âgé de 36 ans, le docteur Rémigy était déjà l’auteur de travaux pionniers concernant l’hémophilie. Ces travaux furent arrêtés. Autre victime : Michel Cressot, agrégé de grammaire, inspecteur d’académie de l’Ariège, dont la vie avait été parsemée de drames. Pendant la Seconde Guerre Mondiale il avait été déporté dans le camp de concentration de Neuengamme. Son fils unique Jean avait été fusillé par les Allemands pour fait de résistance. Suite à cela, la femme de Michel Cressot avait été retrouvée morte de chagrin. Cressot restera l’auteur d’un précis de stylistique bien connu : Le style et ses techniques (Presses universitaires de France).