Quand l’armée de terre fait sa promotion publicitaire

« Faire de l’aventure sa routine quotidienne ».

De quoi cette « aventure » est-elle le nom ? S’agit-il (photo du haut) de faire mumuse avec des drones dans un environnement sahélien ? S’agit-il (photo du bas) de jouer les fiers à bras avec des blindés qui coûtent 20 fois le prix de mon appartement lyonnais en sous-entendant qu’on est un peu minable si l’on n’est pas capable de relever ce défi ?

Ce qui me gêne particulièrement, c’est le jeu sur les mots aventure et routine. Deux mots antinomiques et qui s’annulent. Mais surtout deux mots qui sont interchangeables. Les concepteurs auraient fort bien pu proposer « faire de la routine une aventure quotidienne ». On sait bien que l'aventure est au coin du premier erg venu. Mais la charge de ces mots est très forte : de manière positive pour l’aventure, de manière négative pour le mot routine. Il y a là matière à confusion, confusion renforcée par le fait que l’aventure échappe au quotidien qui, lui, ne s’inscrit pas spontanément dans le contexte de l’aventure.

On notera également que l’armée de terre n’échappe pas au wokisme : le personnage de gauche est clairement bronzatto, comme disait Berlusconi, avec un teint qui n’a que peu à voir avec le chaud soleil des tropiques. Le conducteur du char, pour sa part, est bien blanc, et même blond.

Enfin, on notera que, dans sa campagne publicitaire, l'armée de terre utilise des slogans humanistes, on pourrait dire de gauche : « Ici on avance tous avec les mêmes chance », « Je veux être le nouveau souffle après la tempête », « Rares sont les entreprises où vos collègues ne perdent jamais une occasion de vous soutenir », « Pour moi, pour les autres ». Mais mon slogan préféré reste celui proposé par une soldate qui nous regarde droit dans les yeux en disant : « J’ai rejoint les rangs pour sortir du lot ». « J’ai soif d’aventure pour ceux qui ont faim de liberté » m’a semblé plutôt paresseux.

L'Armée de Terre s'est engagée dans une campagne de communication massive (affichage urbain, radio, télévision). Elle prévoit de recruter 16 000 soldats d'active et 5 000 réservistes âgés de 17 à 32 ans chaque année.

Comments

[AF30]

Une petite histoire, anecdotique puisqu’elle est personnelle.
À l’époque - j’écris à l’époque parce que je sais plus comment ça se passe aujourd’hui et même si ce mot semble renvoyer au temps du règne de Henri IV - donc à l’époque il y avait les 3 jours. Après ces 3 jours je retourne à la maison et j’ai laissé croire à mes parents et particulièrement à mon père que j’étais réformé. Réformé, c’est curieux ça s’applique dans ce cas par avance contrairement à du matériel qui lui l’est quand ayant trop servi il est devenu obsolète. Mon père a mal vécu cette annonce et j’ai eu droit à une baisse des températures familiales jusqu’à l’aveu de la vérité. Nous n’avions pas les mêmes jugements vis à vis de l’armée pour des raisons qui tiennent à des histoires personnelles et qu’il serait ( très ) ennuyeux d’exposer ici.
À l’armée finalement on n’est pas déçu. En tout cas avant ne sachant ce qu’il en est aujourd’hui. On est pas déçu car ça se passait comme on l’imaginait c’est à dire assez semblablement à celle décrite dans le film Le Pistonné de Claude Berri. Les appelés se comportent comme des appelés c’est à dire fidèles à ce qu’ils pensent devoir être et les gradés conformément à leur statut, l’adjudant comme un adjudant, le lieutenant, le capitaine, etc selon le rôle qui leur est assigné.
Tant et si bien que je n’arrivais pas à croire que tout ça c’était pour de vrai. Ainsi devant me présenter devant un gradé assis à son bureau j’avais exécuté de façon approximative le salut réglementaire ( je trouvais que ça faisait trop ), le gradé m’ a demandé de sortir et de présenter à nouveau devant lui en exigeant le salut imposé.
J’avais remarqué aussi que certains, au moment de la distribution des armes, prenaient subtilement une attitude virile dès qu’ils étaient en possession de leur fusil.
Parfois la logique militaire est déroutante. Ayant indiqué que j’avais fait des études dans le domaine de la construction on m’envoya passer quelques mois de formation d’infirmier. Je dois reconnaître que j’y ai appris au moins l’art de faire une piqure sous cutanée et intramusculaire. Ça ne m’a plus servi depuis mais on ne sais jamais en cas de guerre nucléaire.
Finalement tout ça n’est pas très glorieux et on pense immanquablement à la chanson de Brel : Au Suivant
Tout nu, dans ma serviette, qui me servait de pagne
J’avais le rouge au front et l’savon à la main
Au suivant, au suivant
J’avais juste vingt ans et nous étions cent vingt
À être le suivant de celui qu’on suivait
Au suivant, au suivant
En dernier mot pour la route ( je crois l’avoir déjà évoqué) :
Il y a une quinzaine d’années nous marchions près de Vieux Port à Marseille. Nous sommes passés devant un stand de l’armée qui faisait la promotion pour le recrutement. J’ai entendu 2 jeunes qui trouvaient peu élevée le salaire pour tuer. Textuellement..