13 mars 2025
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On m’a inscrite dans la chair l’abandon, la solitude, la violence, les insultes, l’impuissance, avoir mal, l’envie de mourir, la peur de mourir.
Formatée pour ne jamais ressentir la protection.
Un enfant est maltraité lorsqu’il reconnaît au son que font les pas de son parent que le calme va être rompu.
Les fantasmes des enfants, j’entends : devenir maîtresse, vétérinaire, médecin, super héros, avoir des chevaux, aller à la piscine, faire du théâtre, faire du vélo, avoir une souris, faire du patin, chanter à la télé, dormir chez la copine...
Mes fantasmes c’était, devenir souris pour réussir a s’échapper dans des petits trous.
Devenir invisible.
Savoir voler pour ne plus être touché.
Devenir un animal parce qu’ils étaient mieux traités.
Vivre dans un bulle ensevelie sous 6 mètres d’un désert de neige.
L’adolescente a arrêté de manger, elle n’avait pas de rêve.
L’adulte d’aujourd’hui rêve de vivre au milieu de la société en paix, et savoir qui elle est. Est ce que les gens m’auraient aimée ?
A 11 ans j’ai arrêté de m’alimenter. J’ai été hospitalisé.
Ma mère a tapé un scandale dans le bureau du psychologue pour dire que j’allais bien.
Les conséquences de la maltraitance.
Avec mes maladies psy, j’ai des pertes de mémoires disproportionnées. Des pertes cognitives comme une personne âgées. Une très faible immunité. Une incompréhension de la réalité. Des dissociations, dépersonnalisation, hallucinations. Une hypervigilence douloureuse. Des tremblements. Vomissements. Hypersensibilité aux bruits, lumières, odeurs, touchés. Ou alors totalement l’inverse.
Bref, je suis malade, je suis handicapée. Comme les accidentés de la route. Le corps est traumatisé. Victime de crimes.
Je veux tout lâcher.
Retrouver cet enfant, la toute petite, que j’aimais, qui vivait sa vie sans parler, qui aimait juste la rosée, intelligente et qui voulait se cultiver, qui était câlinée et préservée.
Cette enfant était mignonne et gentille, elle voulait juste vivre pour toujours avec sa mamie et être aimée.
Quand je dis que j’ai vécu de la torture, je parle bien de torture.
On m’a envoyé dans une école où on m’a harcelée et maltraitée.
J’avais des bleus, tout le temps.
J'étais frappée partout, chaque jour, du matin au soir, avec la validation des adultes. A coup de poing, coup de pieds, claque derrière le crâne.
On me brûlait avec des mauvaises herbes, on me lapidait avec des pierres, on me frappait avec des bâtons.
On me jetait au sol pour m’écorcher.
On me disait : t’es moche, t’es conne, tu pues, baisse les yeux, pute, t’es une merde, dégage, salope, connasse, vas te suicider, démon, ton regard est bizarre, pourquoi tu regardes pas dans les yeux ? Pourquoi t’es pâle ? Pourquoi t’as des cernes ? Pourquoi t’es maigre ? vas crever, pourquoi t’es pas morte ? Pourquoi tu marches bizarre ? Je vais te tuer, si je te croise je t’éclate, à la recrée t’es morte, me touche pas, écarte-toi tu vas nous contaminer, vous sentez pas une odeur ? Ah quelle horreur ! Faites gaffe, elle nous regarde, on court loin d’elle, pourquoi tu parles pas ? Pourquoi t’es toute seule ? C’est normal que tu sois seule, t’es une poubelle.
On me lançait des déchets.
On parlait en me regardant et on rigolait.
On abîmait mes affaires.
On m’a étranglée.
Comprimé le sternum.
On jetait mon sac par terre.
On me poussait dans la boue.
On m’arrachait les cheveux.
On m’a enfoncé des ongles dans la chaire, j’ai encore une cicatrice.
« Regardez elle pleure ! Pourquoi tu pleures ? Qu’est ce que t’es nulle !! Ah ah ah !! »
Le directeur a dit « de toute façon avec celle là dans une autre école ce sera pareil ».
Les instituteurs disaient « de toute façon elle est bête, elle comprend rien, elle ne parle pas, quand on l’appelle elle ne répond pas ».
On me faisait le signe qu’on allait me trancher la gorge. On m’a menacé de me poignarder.
On m’a touché. On m’a racketté.
On m’a mis des langues dans la bouche.
Bloqué contre un mur.
Sachez que des enfants même très jeunes peuvent être d’une cruauté impressionnante. Un jour un hérisson s’est perdu dans la cours, ils l’ont tué.
Quand je rentrais chez moi ma mère m’insultait et me frappait.
« Tu es conne »
« Tu es bête »
« Tu es débile »
« Incapable »
« Tu es nulle »
« Ignoble »
« Dégage »
« T’arriveras à rien dans la vie. Tu es destinée à ramasser la merde. »
« Pauvre fille! »
« Une fille de prof, quelle honte, tu me fais honte ! »
« Des cadeaux à Noël ? Tu ne mérites rien ! »
« Baisses les yeux ! »
« Qu’est ce que t’as ?! Hein ?! Tu me cherches ?! Je vais t’en coller une ! »
« Chiales, tu pisseras moins ! »
« Oui tu peux pleurer ! Pleures ! Pleures !! »
« Arrête d’être comme ça, qu’est ce que t’es moche quand tu fais ça »
J’ai eu mal à la tête.
J’ai eu mal aux oreilles.
J’ai eu mal au cœur.
J’ai pleuré en secret. Toute seule.
J’ai eu mal dans mon corps tellement j’ai pleuré.
La tendresse que je recevais était temporaire.
Tout ce que je faisais n’étais jamais assez bien.
Tout ce que je voulais entreprendre, j’étais « pas capable », « trop dur pour toi », « trop compliqué », « trop difficile », « ça coûte trop cher », « de toute façon tu vas laisser tomber ».
L’amour était conditionnel et inconstant.
Quand j’étais malade c’était ma faute, c’était pas vrai.
Un jour j’ai eu un streptocoque, on m’a laissé à mon sort jusqu’à ce que je ne puisse plus me lever.
Il n’était pas question de faire venir un médecin à domicile.
J’étais très jeune face à des problèmes d’adulte et la confidente de choses pas du tout de mon âge.
Parfois elle m’appelait maman. N’importe quoi…
Ma grand-mère me disait « tu sais ta fille… » en parlant de ma mère.
Ça voulait tout dire.
La semaine j’étais chez ma grand mère. Le weekend dans la garçonnière de ma mère.
Je jouais aux jeux vidéos, dans une pièce sans lumière naturelle, sans fenêtre, pendant qu’elle “ faisait la sieste ” avec son mec pédophile, qui m’a montré mon tout premier pénis d’homme adulte à 4 ans. Dans une pièce avec une télé, et ses vhs de porno rangées sous le meuble TV.
Je regarde les photos de mon enfance, et je trouve des photos de moi dénudée, façon Alice Liddell. Elle et moi avons le même regard. Avec mes yeux d’adulte, je suis un peu dégoûtée.
Je me rappelle que quand est arrivé la puberté, j’avais coupé mes cheveux.
Ça n’a d’ailleurs pas été apprécié. Comme tout ce que je faisais.
« Ah ah ah ! Regardez ce qu’elle a fait ! T’es trop moche avec tes cheveux coupés ! »
« T’es une fille ou un garçon ? Fais nous voir ! Il faut prouver ! »
« T’as même pas de seins t’es qu’une planche à pain. Et t’es maigre. C’est super laid. »
Au début de ma vie je souris. Avec le temps c’est fini.
Elle était ravie de l’enfant que j’étais. Je me taisais, j’étais patiente, je prenais sur moi, j’étais sage, j’étais conciliante, je disais oui.
J’ai observé des animaux se faire maltraiter, dans une agonie longue et discrète, sans rien pouvoir y changer.
Mon père m’a abandonné sans me laisser aucune chance.
Pas de frère.
Pas de cousin.
Pas de tante.
Personne. Seule.
Ma grand mère m’aimait.
Mais son esprit a vite tourné, la vielllesse l’a rattrapé.
La jolie maison propre, la chaleur, les fleurs, la lumière, la chambre, mes jouets, la jolie table à manger.
La maison propre a fini par puer, les fleurs arrachées, les volets ont été fermés, le frigo était pu froid, ma chambre vidée, donné aux chats errants, les jouets jetés.
Elle était mon seul repère de sérénité.
Elle était gentille, ne m’a jamais frappé, me faisait à manger, repassait mes vêtements, jusqu’à la sénilité.
« Tu es l’amour de ma vie », « ne pleure pas, tu vas abîmer tes beaux yeux », « tu veux des gâteaux ? », elle disait.
Elle me prenait dans ses bras et me portait tous les matins.
Peu importe ce que je faisais, ce que je disais, elle m’aimait.
J’ai 35 ans et je suis encore une enfant maltraitée.
Je n’ai pas fini de raconter puisque ça ne s’est jamais jamais arrêté.
Ça dépasse l’entendement.
Comment ne pas tomber malade même si toute ma vie j’ai lutté ?
Je ne coupe pas les ponts, pourquoi ? Je ne l’ai pas encore travaillé. Peut être parce que ça n’est pas simple, ni à porté de main de faire le deuil d’un parent vivant.
Je raconte tout ça, ce n’est pas pour que quelqu’un soit blâmé. C’est inutile, ça ne ferait qu’aggraver, on ne peut plus rien changer.
Je raconte tout ça parce que j’en ai assez de faire toujours comme ci, tout est normal, comme ci j’allais bien, de mettre un masque, de porter toute seule tout le temps, d’espérer qu’on me trouve normal, pour finalement ne jamais être accepter.
Je n’ai plus rien à espérer de toute façon, en ce moment je n’ai plus personne.
Sachez que les gens comme moi sont en tension constante.
Même si c’est détestable. On n’aime que les gens en bonne santé, heureux et distrayants.
On le sait. Mais on arrive pas à s’en débarrasser.
On vit dans une société de validisme, qui ne comprend rien à la santé mental, et qui rejettent constamment les malades comme si c’était eux les responsables.
J’en ai marre de m’adapter à cette utopie qui voudrait que l’on n’existe pas, alors qu’il faut bien nous voir pour aider d’autres enfants à avoir une vie normale.
Ne pas tomber malade.
Avoir une reconnaissance.
Être mieux accepté, compris, et conseillé.
C’est à contre-courant et pourtant bien plus simple et peut être même plus sain que d’essayer de cacher quelque chose de plus gros que ta maison.
Quel énorme fardeau ce que la société nous demande.
J’ai appris excessivement tard qu’on m’avait fait passer un test de QI toute petite, et qu’il était supérieur à la moyenne.
Un jour j’ai réalisé que, sorti du contexte hostile, j’étais capable de suivre des études complexes et d’avoir des notes bien supérieures à la moyenne.
Mais je n’ai jamais réussi à passer de diplômes.
On a préféré me maltraiter et me faire passer pour une attardée mentale plutôt que d’admettre mon autisme. Parce que c’était la honte un enfant handicapé.
Ça allait me rendre « plus forte », c’est « comme ça qu’on apprend », « tu vas pas en mourir », « ben allez défends toi », « soit pas comme ça », « tu vas apprendre à t’adapter ».
Toujours tout donner sans rien recevoir.
Intellectuellement, psychologiquement, physiquement, on m’a pris énormément.
Je retourne essayer de trouver la lumière dans mes ténèbres forcées.