13 avril 2025
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Theodor Hertzel, fondateur du sionisme à la fin du XIXème siècle, prit son temps pour devenir… sioniste.
En 1894, il écrit en faisant le compte-rendu pour Die Neue Freie Presse de la pièce d’Alexandre Dumas fils, La Femme de Claude, dans laquelle un personnage (Daniel) encourage les Juifs à revenir sur la terre de leurs ancêtres :
« Le bon Juif Daniel veut retrouver sa patrie perdue et réunir à nouveau ses frères dispersés. Mais sincèrement un tel Juif doit savoir qu'il ne rendrait guère service aux siens en leur rendant leur patrie historique. Et si un jour les Juifs y retournaient, ils s'apercevraient dès le lendemain qu'ils n'ont pas grand-chose à mettre en commun. Ils sont enracinés depuis de longs siècles en des patries nouvelles, dénationalisés, différenciés, et le peu de ressemblance qui les distingue encore ne tient qu'à l'oppression que partout ils ont dû subir »
— Cité dans Jérôme et Jean Tharaud, Petite Histoire des Juifs, Paris, Plon, 1927.
Par ailleurs, on pourra citer cette réflexion de Stefan Zweig (lui-même beaucoup plus viennois que juif ou sioniste) dans Le Monde d’hier (un des quelques livres que je relis jusqu’à plus soif) :
« Dès que Hertzl se mit à assigner à son action des buts précis dans l'espace réel, à nouer les forces en présence, il dut reconnaître combien son peuple était devenu disparate parmi les nations et les destinées les plus diverses : ici les Juifs religieux, là les libres penseurs, ici les Juifs socialistes, là les capitalistes, tonnant les uns contre les autres dans toutes les langues, et tous fort peu disposés à se soumettre à une autorité centrale. »
Il est sûr que Hertzl n'avait que peu d'estime pour les Juifs orientaux : « C'est la volonté de Dieu, écrit Herzl, que nous revenions sur la terre de nos pères, nous devrons ce faisant représenter la civilisation occidentale, et apporter l'hygiène, l'ordre et les coutumes pures de l'Occident dans ce bout d'Orient pestiféré et corrompu. C'est avec les Juifs un élément de la culture allemande qui va aborder les rivages orientaux de la Méditerranée […]. Le retour des Juifs semi asiatiques sous la domination de personnes authentiquement modernes doit sans aucun doute signifier la restauration de la santé dans ce bout d'Orient négligé ».
D'une façon plus générale, il se situait dans la tradition de la « mission civilisatrice de l'Occident » : « Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un morceau du rempart contre l’Asie, nous serions la sentinelle avancée de la civilisation contre la barbarie. »
Illustration : Hertzl en Palestine, où il n'a guère séjourné.