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17 mai 2025 6 17 /05 /mai /2025 05:01

Autrefois, on disait : « un clou chasse l’autre ». Aujourd’hui, 80 ans après Auschwitz, on dit : « un massacre chasse l’autre ».

 

C'est pourquoi je veux revenir aujourd'hui sur le massacre de Boutcha commis par l'armée russe en Ukraine entre le 27 février et le 31 mars 2022. Il fut commis dans cette localité des meurtres de masse, des exécutions de civils, des viols, des tortures.

 

La communauté internationale à promptement réagi. Le 7 avril l'assemblée générale des Nations unies a suspendu la Russie de son siège au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.

 

La Russie a démenti être impliquée et a affirmé que ces meurtres s'étaient déroulés après le départ de ses troupes le 31 mars. Elle ne fut soutenue dans cette thèse que par des comptes de réseaux sociaux complotistes ou des sites d'extrême droite.

 

Dès le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, l'armée russe avance vers la capitale Kiev. Fin février les forces russes prennent la ville de Boutcha dans la banlieue de Kiev et occupent la ville.

 

Fin mars, les troupes russes quittent Boutcha et deux ou trois autres petites villes qu'elles occupaient, et elles se redéploient dans l'Est et le Sud du pays. Début avril, les Ukrainiens reprennent le contrôle de la région de Kiev. Les forces ukrainiennes entrent dans Boutcha le premier avril. La région a été dévastée par les bombardements. Dans la ville même de Boutcha, des dizaines de cadavres d'hommes sont découverts, dont beaucoup ont les mains liées dans le dos par des menottes en plastique. La communauté internationale parle alors de crimes de guerre. Des observateurs sont missionnés à Boutcha afin de collecter des preuves et d'aider les autorités locales à identifier les victimes, souvent méconnaissables. Ce travail est nécessaire pour fonder juridiquement la qualification de crime de guerre, au regard des conventions de Genève et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

 

Une première vidéo montrant des cadavres dans les rues est publiée sur Instagram le premier avril. Le 2 avril une autre vidéo montre neuf corps allongés dans une rue de Boutcha. Des journalistes de l'Agence France-Presse certifient avoir vu au moins 20 corps d'homme en civil dans une seule rue. La peau cireuse des cadavres indique que la mort remonte à plusieurs jours.

 

Le 4 avril, le New York Times publie une comparaison entre une des premières vidéos du massacre dans la rue Iablonska à Boutcha, filmée le premier avril par un membre du Conseil municipal, et les images satellites de la même rue datant du 11 mars. Ce travail démontre qu’au moins 11 corps filmés était présent dès le 11 mars aux mêmes emplacements que sur la vidéo du premier avril. Le journal précise que les corps sont apparus sur les images satellites entre le 9 et le 11 mars pendant l'occupation russe. Est alors réfutée l'affirmation russe selon laquelle les corps auraient été placés après le retrait des troupes russes autour du 30 mars. Les corps visibles sur l'image satellite sont dans la même position et au même endroit que dans les photos de l'AFP prise deux semaines plus tard le 2 avril. Il s'agit systématiquement de victimes civiles.

 

Les Russes avancent alors un autre argument : deux civils présentés comme morts sur une vidéo du 2 avril ne le seraient pas l'un ayant bougé la main, l'autre ayant été vu se relevant dans le rétroviseur d'une voiture présente sur la vidéo. Une analyse poussée de la vidéo montre qu'il s'agit, dans le premier cas, d’un effet d'optique provoqué par une goutte d'eau ou une tâche sur la vitre du véhicule dans lequel se trouve le cameraman et, dans le deuxième cas, d'une déformation du verre du rétroviseur.

 

Dix-huit corps mutilés d'hommes, de femmes et d'enfants assassinés sont retrouvés dans un sous-sol. Les corps montrent des preuves de torture : des oreilles coupées et des dents arrachées. Les rues principales sont jonchées de civils morts laissés à même la route ; plusieurs cadavres auraient été piégés avec des explosifs par des soldats russes avant leur retrait.

 

De nombreuses victimes semblaient vaquer à leurs occupations quotidiennes au moment de leur assassinat. Les corps présentent des traces de balle, ce qui indique qu'ils ont été abattus plutôt que fauchés par des munitions explosives ou des bombardements.

 

Le maire de Boutcha, Anatoliy Fedorouk, déclare que, le jour suivant la libération de Boutcha, les autorités locales ont enterré 280 personnes de la ville dans deux fosses communes. Les habitants de Boutcha avaient déjà enterré 57 autres corps dans une autre fosse commune le 12 mars.

 

Des corps de femmes nues sont également retrouvés, pour la plupart brûlés. Vers 7 h 15, le 5 mars, deux voitures transportant deux familles essayant de s'échapper sont repérées par des soldats russes alors que les véhicules tournent dans la rue Chkalova. Les forces russes ouvrent le feu sur le convoi, tuant un homme dans le deuxième véhicule. La voiture avant est touchée par des coups de feu et s'embrase avec ses occupants : deux enfants et leur mère.

 

Le Guardian cite des témoignages selon lesquels les forces russes ont placé des enfants ukrainiens à bord de leurs véhicules pendant leur déplacement afin de les utiliser comme boucliers humains.

 

Le 7 avril 2022, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel révèle que les services secrets allemands disposent d'enregistrements radios où l'on entend des soldats russes faisant état des meurtres de civils. Une partie des communications semble correspondre aux cadavres sur la voie centrale qui traverse la ville. Un soldat dit à un autre qu'il a abattu un civil à vélo, ce qui correspond à la photo du cadavre étendu à côté d'un vélo qui a fait le tour du monde.

 

Pour les analystes des enregistrements audio récupérés par le Spiegel, les atrocités ne semblent pas le fait de soldats incontrôlables. Les communications suggèrent qu'il s'agit d'une activité planifiée. Les exactions concernent aussi les militaires ukrainiens. Ainsi, dans un message, un homme indique : « On interroge d'abord les soldats, puis on les abat ».

 

D’autres massacres sont commis dans plusieurs localités de la région de Kiev.

 

Le premier carnage découvert dans les territoires abandonnés par l’armée russe a eu lieu entre les villages de Myla et de Mriïa, sur la route qui relie Kiev à Jytomyr. L’envoyé spécial du Monde décrit une « tuerie [qui] s’étend sur près d’un kilomètre », essentiellement des civils calcinés près de leur voiture, pris pour cible lorsqu’ils tentaient de prendre la fuite, et qui, pour certains au moins, ont pu être brûlés après coup.

 

S’appuyant sur des témoignages de survivants, l’ONG Human Rights Watch rapporte également des exécutions sommaires dans le village de Stary Bykiv, dans la région de Tchernihiv, une attaque à la grenade fumigène et à l’arme de feu contre des civils terrés dans un sous-sol du village de Vorzel, à environ 50 kilomètres au nord-ouest de Kiev, ainsi que des viols dans la région de Kharkiv.

 

À Borodianka, les bombardements des forces armées russes ont fait des centaines de victimes. Le 7 avril, le Président Volodymyr Zelensky précise, que la situation à Borodianka est « bien plus horrible » par le nombre de morts qu'à Boutcha.

 

Á Irpin, de violents combats ont eu lieu entre les forces russes et ukrainiennes. À la date du 3 avril, selon le maire de la ville, Oleksandr Markouchyn, 200 à 300 civils auraient été tués pendant l'occupation russe.

 

Á Motyiyn, la maire du village, Olga Soukhenko, a été exécutée sans jugement, d’une balle à bout portant, ainsi que son fils et son mari. Leurs corps ont été retrouvés dans une fosse commune, ligotés et les yeux bandés. Un habitant du village déclare qu'« ils ont été torturés, ils ont les doigts cassés, les ongles arrachés, puis ils ont été exécutés ».

 

À Trostianets, les militaires russes ont tiré sur un immeuble à la mitrailleuse lourde et depuis des blindés, à bout portant. Ils ont positionné leurs chars devant l’hôpital et ils ont commencé à tirer vers les fenêtres. Il n’y avait rien ici, pas de soldats, pas d’armes. Au moins 50 civils ont été tués selon les autorités de la ville. Trostianets n’a jamais connu un tel degré de destruction, même pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon les autorités de la ville, au moins 50 civils ont été tués durant l’occupation russe, un bilan qui pourrait être revu à la hausse alors que de nombreux corps ont été enterrés à la hâte.

 

Des civils ont été visés par des tirs lorsqu'ils quittaient leurs maisons, étant dans l'obligation de rentrer chez eux malgré le manque de produits de première nécessité tels que l'eau et le chauffage, notamment en raison de la destruction des infrastructures locales. Les troupes russes ont refusé l'aide médicale aux civils blessés. Une fosse commune a été creusée pour les victimes locales et les troupes d'occupation ont procédé à des exécutions sommaires.

 

Un habitant nommé Artem, qui a vécu 17 jours sous occupation russe, a déclaré : « Il y a eu des jets de grenades dans des caves, des mines étaient installées devant les portails des habitations et, en sortant de chez eux, des civils ont sauté sur ces mines. Il y avait aussi un blindé. Il passait et tirait sur les voitures. Les soldats russes voyaient bien qu'il y avait des enfants. Je ne comprends pas comment c'était possible de ne pas les voir. […] Souvent, quand je voyais des soldats russes, ils étaient saoûls. Ils nous ordonnaient de creuser des trous et de nous cacher dedans parce que notre quartier allait être bombardé. Si on ne se cachait pas, ils nous disaient que ces trous seraient nos tombes. Il y a eu des jets de grenades dans des caves, des mines étaient installées devant les portails des habitations et, en sortant de chez eux, des civils ont sauté sur ces mines. Il y avait aussi un blindé. Il passait et tirait sur les voitures. Les soldats russes voyaient bien qu'il y avait des enfants. Je ne comprends pas comment c'était possible de ne pas les voir. »

 

 

 

Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
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Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
Boutcha, Oradour sur Horenka (I)
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C
bref : c'était la guerre.<br /> (sans elle, on s'ennuirait)
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