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28 août 2025 4 28 /08 /août /2025 05:01

27 000 soldats français tués le 22 août 1914. Le jour le plus meurtrier de toute l’histoire de France, le jour dont la France n’a jamais voulu se souvenir. Le 22 août doit être chaque année un grand jour de mémoire, le jour le plus con.

Sur un front de 400 kilomètres, de la Belgique à la Lorraine, les soldats français avec leurs fusils ringards et leurs pantalons rouge garance sont fauchés et hachés par l’artillerie allemande. 27 000 sont tués dans la seule journée du 22 août 1914, dont 7 000 pour la seule bataille du village de Rossignol, dans les Ardennes belges. Charleroi, Morhange, Rossignol sont les lieux des pires défaites françaises.

Au total, en cinq jours, du 20 au 25 août 1914, 40 000 soldats français sont tués et 100 000 au total pour ce mois d’août.

En quelques jours, l’armée allemande s’approprie tout le bassin minier de la Sambre et de la Lorraine, ce qui lui permettra de l’exploiter à son profit pour la fabrication de ses armements, au détriment de la France, jusqu’en 1918. Cette hécatombe est connue des historiens et des habitants de ces régions, mais la France n’a jamais voulu s’en souvenir. Pourtant les grands discours et les appels au devoir de mémoire ne manquent pas. Emmanuel Macron s’en est fait une spécialité, sauf pour ce jour-là. Aucun responsable, ni l’état-major, ni le gouvernement n’ont été mis en cause. Le général Joffre, commandant en chef, responsable majeur de cette tuerie, est devenu maréchal.

De l’histoire ancienne ? Des barbaries révolues ? Pas vraiment si l’on regarde aujourd’hui côté Ukraine. Les deux adversaires et leurs soutiens sont discrets sur l’hécatombe en cours qui fait la joie des marchands de canon et de leurs actionnaires. Une étude récente estime à 1,4 million le total des tués et blessés depuis le 24 février 2022 (Center of Strategic and International Studies, juin 2025 : 1 million côté russe, dont 250 000 tués. 400 000 côté ukrainien dont 60 000 à 100 000 tués. Sans parler des 6 millions de réfugiés et des pertes matérielles considérables). Une sanglante hécatombe pour gagner parfois 50 mètres par jour, repris le lendemain, tout à fait comparable à la bataille de la Somme en 1916 avec son million de victimes et ses 450 000 morts en pure perte en quatre mois et demi. 19 240 soldats britanniques furent tués dans la première journée, le premier juillet 1916, un joli score mais c’est la France qui reste glorieusement en tête avec son record du 22 août 2014. Même si la guerre en Ukraine n’a pas dit son dernier mot, ni tué son dernier môme.

La fabrique de l’opinion s’appuie sur ces dissimulations silencieuses. Les élites et les brutes gallonées ont toujours su faire du passé table rase pour le réécrire à leur façon, les collaborateurs empressés ne manquent pas. Bien que l’histoire du 22 août 1914 soit documentée et qu’elle soit connue localement, la France n’a jamais voulu se souvenir de cette journée portée disparue.

Chaque année, en France, en Belgique, en Allemagne et à travers le monde, par des célébrations, des débats, des recherches, des réflexions, il faut faire du 22 août « le jour le plus con ».

Daniel Mermet
Le jour le plus con (par Daniel Mermet)
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commentaires

P
Très peu de Français connaissent cette "bataille des frontières" d'août 1914. Ce fut la bataille la plus meurtrière pour l'armée française, bien plus que la Marne, Verdun ou le Chemin des Dames. Un enseignant de l'école militaire Saint-Cyr Coëtquidan me disait (ce qui m'avait surpris) que l'année 1914 avait été la plus meurtrière pour l'armée française.<br /> <br /> En effet, lorsque le monument aux morts classe les morts par année, on se rend compte que soit l'année 1914 comporte le plus de noms, soit, proportionnellement, elle est la plus longue. En effet, l'année 1914, pour l'armée française, n'a duré que 5 mois, le premier mort français, le caporal Peugeot, étant tombé le 2 août.<br /> <br /> Cela tint, entre autres raisons, que l'armée française, humiliée par sa passivité lors de la guerre de 70, avait décidé l'offensive à outrance. D'autre part, elle avait sous-estimé la dotation de l'armée allemande en artillerie lourde et en mitrailleuses. D'où ses énormes pertes. Ce n'est que bien plus tard, en s'enterrant dans les tranchées qu'elle limita sa saignée.<br /> <br /> Ce sont aussi ces tranchées qui expliquent, pour partie, les affreuses mutilations au visage des "gueules cassées" (dont Pierre Lemaître a fait un des ressorts de son roman "Au revoir là-haut"). En effet, dans les tranchées, le seul élément du visage qui dépassait était la tête, de ce fait vulnérable aux balles et aux shrapnells. <br /> <br /> Les Français, comme tous les belligérants, d'ailleurs, entamèrent cette guerre avec le souvenir des expériences passées. L'expérience de la France, c'était la guerre de 1870. Lors de cette guerre de 6 mois, la France avait eu 140 000 morts. La guerre de 14, uniquement pour les soldats, en occasionna 10 fois plus (sans compter les mutilés). Si, en juillet 1914, on avait présenté le devis aux Français, auraient-ils signé pour y aller ? On peut en douter...
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