En février 2011, j’ai publié sur mon blog un article consacré au pseudonyme sur internet. Je reprends ici un commentaire que m’avait envoyé Jacques Richaud.
"PSEUDO MA HONTE MON AMOUR…
1 – Le pseudo de l’artiste ou l’écrivain ne me pose guère de problème. Nom de plume ou nom de scène ; il n’est pas une dissimulation car la personne physique est connue. Il masque parfois une origine par volonté de ‘francisation’ d’un nom aux consonances ‘pas très catholiques’ comme disent les fachos. Je m’interdirai de porter une appréciation sur cette démarche personnelle qui vise à se fondre dans le banal en rupture avec son origine… Après tout Patrick Bruel, Christine Angot, Yves Montand ou Akhenaton ont bien le droit de masquer leurs origines si ils le désirent. Ce sont des personnages publics qui n’aspirent à être reconnus que pour ce qu’ils sont où produisent comme œuvre et tout procès d’intention sur leur décision serait d’inspiration douteuse.
2 – Le pseudo de précaution en des temps troublés ou le rédacteur risquait d’être embastillé sous l’ancien régime ou déporté pendant la résistance est un acte de ‘guerre’ même s’il se situe sur un champ littéraire. Le pseudo ne fait ici que compenser un rapport de force asymétrique et défavorable. Celui qui en use se sait exposé aux représailles ou pire en cas d’arrestation. C’est déjà une forme de clandestinité dans une situation qui l’exige. Vercors et aussi Aragon en ont usé, avant eux Voltaire également qui fut embastillé quand même.
3 – Mais notre univers du web, qui coexiste avec d’autres ingrédients de nos technologies débridées ; après Second Life (https://secondlife.com), Facebook et avatars divers de la duplication possible de personnalité offre un ‘possible’ qui ne correspond à aucune contrainte mais libère un champ nouveau qui ne laisse ni empreinte digitale ni reconnaissance graphologique possible. Le ‘corbeau absolu’ est né, et j’ai même écrit qu’il pouvait se faire ‘sniper’ ; camouflé derrière une adresse IP qui ne désigne elle-même que la machine, l’arme, qui est identifiable et non son utilisateur. Le ‘masque parfait’ en quelque sorte offert à tous et à toutes et on peut même avec jouer plusieurs rôles. Ce que j’appelle la burqa mentale s’adressait surtout à une catégorie de dénonciateurs qui peuvent se faire imprécateurs d’une cause, la laïcité contre le voile par exemple, sans mesurer l’énorme contradiction que leur propre anonymat reflète. Il y aurait un développement psychanalytique à envisager que je n’aborderai pas ici, mais je pense que, pas toujours mais parfois, le pseudo est le contraire de la modestie et une hypertrophie de l’ego. Je ne mets pas sur le même plan celui qui signe mimosa ou souris verte ou celui qui signe Imperator ou modestement Mao Tse Toung…
C’est dans le champ du civique et du politique que la pratique m’interpelle le plus, en corrélation avec une évolution sécuritaire forte qui valorise l’idée même de la délation comme un ‘devoir civique’ déjà encadré par des textes législatifs concernant par exemple les professions médico-sociales.
J’avoue que cette pratique m’irrite, beaucoup, lorsque le forum concerné est un forum d’opinion ‘politique’ ou ‘philosophique’. Dans ces cas l’identification me semble être la condition de la respectabilité de celui qui s’exprime. Sur un autre site en un temps où l’accès m’était encore possible j’avais ainsi répondu à un ‘camarade’ au discours ferme mais masqué. Ma réponse interpellait aussi la position du gestionnaire du site toujours en situation de décider ou non la parution d’un propos : « A "J F" qui ose dire qu’il se prétend communiste et que en même temps il exige qu’il n’y ait "aucune censure" je réponds : 1 / Je ne connais pas le parti des communistes anonymes...Et JF c’est de l’anonymat ! 2/ Il est aberrant de demander à un gestionnaire de site d’assumer la responsabilité de la mise en ligne de propos que leurs auteurs eux-mêmes refusent de signer... La lâcheté serait-elle devenue une vertu révolutionnaire camarade ? Et les banderoles tu les fais porter par des intérimaires payés à la vacation pour ne pas paraître à la manif ? Et pour la grève tu engages des intermittents pour occuper l’usine à ta place Et pour le débat d’idées tu faisécrire tes textes par un intermédiaire déguisé par un pseudo ? J’ai déjà eu l’occasion d’écrire tout le mal que je pensais de l’anonymat, ou son équivalent par initiales ou pseudo, dans les textes à prétention "politique"...Tous ceux-là contribuent à la dégradation des termes du débat, à la dégradation de la démocratie en sa caricature et sa mise en spectacle parfois sordide...L’anonymat est la forme suprême de l’individualisme, sa forme masquée, aux antipodes du militantisme...On ne prépare aucun "tous ensemble" dans l’anonymat ! L’anonyme n’est qu’un corbeau même lorsqu’il défend une cause qui lui semble juste. L’habituation à l’anonymat, pratiqué ou consenti, c’est aussi l’apprentissage de la délation qui précède souvent la collaboration avec le pire...Les lois Perben ont élevé déjà la délation au rang de vertu...Et nous qui combattons ces dérives ne savons les dénoncer que de façon anonyme ? ...Sarko peut se frotter les mains, les forums nous démontrent combien est vaste la population déjà disposée à dénoncer son voisin, son compagnon d’hier, son ex-camarade peut-être...Honte à tous ceux-là. Fréquentez un peu les sites d’extrême droite et vous verrez la haine débordante des anonymes et des lâches, auxquels certains ressemblent sans même s’en rendre compte. Courage camarades nous serons heureux de vous connaître avant de vous lire avec plusd’attention... (Il serait dommage que seuls les RG qui ont accès aux adresses IP de chacun sachent qui vous êtes !) Jacques Richaud – 1er mars 2007 »
Dire cela semble sans doute ‘brutal’ a beaucoup de ceux qui ne font qu’un usage ‘ludique’ d’un pseudo qui ne fait qu’alléger leur personnalité d’une dimension seulement a demi assumée et sans aucune malveillance pour autrui. Pour d’autres qui savent qu’ils ne tiendraient jamais dans un face à face les propos tombés sur leurs claviers, chacun peut trouver le qualificatif qui lui semblera le plus adéquat, certainement pas flatteur ni prometteur d’un monde meilleur.
PS : Á Lyon, les manifestants n'ont pas oublié le futur incarcéré...
PPS :
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