Je crois que, pour la première fois de sa vie, peut-être, Bernard Arnault a peur. Sa violente réaction vis-à-vis de la “ taxe Zucman ” qui vise à écorner d’un demi bout d’ongle les avoirs des 1 800 personnes les plus fortunées de France nous dit vraisemblablement qu’il a perdu les pédales dès lors qu’il a lancé une attaque personnelle contre l’économiste, mettant en cause ses capacités intellectuelles, ses savoirs, son parcours. « On ne comprend pas les positions de monsieur Zucman », affirme Bernard Arnault, si l'on oublie qu'il est d'abord un militant d'extrême gauche. Á ce titre, il met au service de son idéologie [qui vise la destruction de l'économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous] une pseudo compétence universitaire qui elle-même fait largement débat. »
Bernard Arnault, pour sa part, on le sait bien, n’est pas un militant. Et ce n’est surtout pas un idéologue, même s’il proclame que le capitalisme est la seule idéologie au service de tous. En revanche, c’est un pleutre : en 1981, en réaction à l’élection de François Mitterrand, il s'expatrie aux États-Unis et laisse la gestion de son entreprise en France à son homme de confiance Michel Lefebvre, un chti (tout comme Bernard, la honte m'habite…) que Les Échos nous présente comme un « pragmatique passionné d’immobilier. »
En 2012, le pleutre Bernard va faire payer aux citoyens français une attaque classique dans les sphères où il règne : il est victime d’un chantage. Il fait officieusement appel, à travers Bernard Squarcini, ancien commissaire de police et préfet, aux services de la Direction générale de la Sécurité intérieure qui, à nos frais, mettra le grappin sur un seul et unique maître chanteur. Après son élection à la Présidence de la République, François Hollande ne reconduira pas Squarcini dans ses fonctions, qui intègrera le groupe LVMH.
Pleutre, mais pas patriote : en , le parquet de Bruxelles rend un avis négatif concernant la demande d’obtention de la nationalité belge introduite par le grand entrepreneur français. Pour deux raisons : il ne peut pas prouver qu'il a résidé principalement pendant trois ans en Belgique et la justice belge a ouvert une enquête concernant son réseau d'entreprises, boîtes aux lettres et fondations qu'il possède en Belgique.
La révélation de cette demande de naturalisation fera réagir Libération qui titrera en une : « Casse-toi, riche con ! ».
Gabriel Zucman n’a pas ces problèmes. Et contrairement à ce qu'affirment les propos diffamatoires du milliardaire des sacs à main de luxe, son parcours d’enseignant et de chercheur est l’un des plus brillants qui soit.
Il a réussi le concours en sciences sociales de l’École normale supérieures Paris-Saclay en 2005 après une classe préparatoir au lycée Henri IV. Il obtient en 2008 le master “ Analyse et politique économique ” à la Paris School of Economics. Á la même époque, il cofonde la revue Regards croisés sur l’économie, dont il est rédacteur en chef de 2006 à 2013. En 2013, il obtient un doctorat en sciences économiques à l’École des hautes études en sciences sociales, avec une thèse portant sur “ Trois essais sur la répartition mondiale des fortunes ”, sous la direction de Thomas Piketty, sûrement un affreux gauchiste pour notre Bernard national (alors qu'il est un socialiste plutôt modéré). Zucman retourne à Berkeley en 2019 comme professeur adjoint, puis est nommé professeur au département d’économie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et à la Paris School of Economics. Il est chercheur affilié au Centre for Economic Policy Research depuis 2014 et au National Bureau of Economic Research depuis 2015. Des centres de recherches pas vraiment subversifs. Il enseigne à la London School of Economics de 2014 à 2015, à l’université de Californie à Berkeley. De 2017 à 2018, il est professeur invité à l’université Stanford. Depuis 2021, il dirige l’observatoire de l’Union européenne à l’École d’économie de Paris. Il est par ailleurs professeur des universités à l’École normale supérieure. Mais ce qui inquiète l’ami Bernard c’est que Gabriel – outre sa proposition de loi sur les très grandes fortunes acceptée par la grande majorité des Français – s’est spécialisé dans l’étude des inégalités sociales et des paradis fiscaux.
Pour finir, ce qui doit hérisser le poil des mains délicates du pianiste Bernard Arnault, c’est que Gabriel est très régulièrement cité par LFI et ATTAC, dont il inspire les réflexions.
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