9 octobre 2025
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Les gens de nos médias ont, il y a une bonne dizaine d’années, lancé la mode de l’utilisation massive du mot « déroulé ». Souvent en lieu et place de « déroulement ». Comme d’hab’, ils appauvrissent la langue. Finis les enchaînements, les successions ou, tout simplement, les suites.
Déroulé et déroulement sont très proches mais pas totalement identiques, et on ne peut pas plaquer l’un sur l’autre.
Dans notre belle langue, il est fréquent qu’un même verbe donne un nom dérivé en “ ment ” et un participe passé substantivé. Exemple : abrutir, abrutissement et abruti. L’abrutissement est l’action de rendre abruti. Abruti est le résultat de l’action. Ou encore l’affranchissement d’un timbre et un timbre affranchi. Mais parfois un seul mot peut désigner l’action et le résultat de cette action. C’est le cas du mot déroulement : « Je vous fais part du déroulement de la journée » (voici le programme) et « le déroulement de la journée nous a laissés sur notre faim » (ce n’était pas terrible).
Il vaut mieux dire, contre nos savants des médias, « le déroulement de la carrière du ministre X fut sans à-coup » plutôt que « le déroulé… ». « Déroulé », c’est donc comme « déroulement », mais en moins bien, en moins précis.
Je cite ici le site de la Mission Linguistique Francophone :
“ La Mission linguistique francophone et l'Académie française unissent leurs efforts pour rappeler d'une même voix qu'une action se déroule selon son déroulement et non selon son "déroulé" (sic) - contrairement à ce que l'on lit depuis peu d'années sous la plume de rédacteurs professionnels adeptes de l'approximation. Faute que l'on entend par contagion dans la bouche des francophones que la répétition des erreurs de langage nouvelles attirent irrésistiblement, par la seule vertu de leur nouveauté.
Pour ces francophones-là, que nous avons sondés, le bon déroulement est un mot éculé qui manque de dynamisme. Selon eux, le "déroulé" (sic) d'une cérémonie, c'est plus actif [*]. De toute façon - tranchent-ils - on est libre de dire ce qu'on veut quand même, non ? Ce dévoiement (et non ce dévoyé) de la notion de liberté ne suscite ni le "consternement" ni le "consterné", mais bien la consternation.
[*] Faux : le néologisme "un déroulé" est issu du participe passif du verbe (se) dérouler ; il est donc impropre à évoquer l'action autrement que subie. Il appartient indéniablement au registre de la passivité et non de l'activité.
NDA : Si le déroulement devient "le déroulé", alors il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin mais étendre cette altération pour conserver à notre vocabulaire sa cohérence : l'égarement devient l'égaré, le gouvernement devient le gouverné, le règlement devient le réglé, le stationnement devient le stationné, et la connerie devient reine. ”
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