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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 16:00

 Censure et Pop Music en Angleterre

 

 

Nulle part on ne modifie les lois de la musique sans modifier en même temps les dispositions civiles les plus importantes. C'est ici que les gardiens doivent édifier leur poste. (Platon)

 

En Grande-Bretagne, Mein Kampf, publié en anglais, dans son intégralité en 1939, n’a jamais été inquiété. Ulysse, de Joyce, ou L’amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence, furent longtemps interdits.

Un institut de sondage a-t-il demandé récemment aux Britanniques si la censure existait dans leur pays ? Gageons que si cela a été fait, la réponse a due être massivement “ non ”.[i] Il n'existe pas outre-Manche de censure gouvernementale ou étatique chargée de donner son accord à la diffusion de productions intellectuelles ou artistiques. On vérifiera dans ce qui suit qu'en matière de pop music, une censure a bel et bien fonctionné selon des pratiques le plus souvent “ douces ”, reposant sur le sentiment consensuel de la population et de la profession ou, plus exactement sur l'idée que les instances censurantes se faisaient de ce sentiment.

Dans un pays démocratique comme la Grande-Bretagne, où les libertés formelles sont largement garanties mais où règnent la société marchande et les freins ou entraves qu'elle impose à la création, il y a censure lorsqu'il y a tentative d'interférer avant ou après la publication d'une production afin de l'interdire ou de la modifier. Il peut y avoir interdiction, marginalisation, exclusion des systèmes de distribution. Dans la production d'œuvres populaires, la censure peut être politique, économique ou morale. Elle peut être imposée ou consentie.

 

 BeggarsBanquet.jpg

 

Pour des raisons historiques, culturelles et sociologiques qui mériteraient une importante étude, l'État s'est le plus souvent déchargé de la censure pour la confier à des structures de médiation, officielles ou officieuses, la plus connue étant aujourd'hui le BBFC (British Board of Film Censors). On n'oubliera pas cependant que le pays dispose d'un arsenal législatif assez fourni, avec des lois sur l'obscénité, les publications indécentes, les secrets officiels, la diffamation séditieuse.

Le principal outil légal de censure est l'“ Obscene Publications Act ” de 1959, une législation libérale mise en œuvre à l'initiative du député travailliste Roy Jenkins, dont l'objectif majeur était de « protéger la littérature » et de « renforcer l'arsenal concernant la pornographie ». Selon ce texte, est obscène toute production pouvant « pervertir et corrompre » tout individu susceptible d'être touché par cette production. Le produit peut être détruit et son créateur encourir une amende, voire une peine de prison. Toute personne (« a member of the public ») se sentant concernée peut déposer plainte, la police et lalennon

justice étant obligées d'instrumenter cette plainte. On note que le législateur a introduit une disposition assez étrange dans cette loi selon laquelle une œuvre jugée obscène peut néanmoins être portée à la connaissance du public si elle est d'intérêt ou de qualité. En d'autres termes, la loi a redonné corps à l'idéal romantique qui veut que l'art se situe au-delà du bien et du mal.[ii] Mais le fond et la forme étant un tout, qui veut évaluer et censurer l'un évalue et censure l'autre. Donc – et ceci est particulièrement valable dans la production d'œuvres culturelles de masse – on ne peut s'en prendre à la manière de dire sans attenter à ce qui est dit.

Bizarrement – dans la mesure où la pop music est l'un des plus important phénomène culturel de masse du siècle – les livres qui lui sont consacrés parlent assez peu de censure et les livres consacrés à la censure parlent très peu de pop music, bien plus de littérature, de cinéma et de théâtre.

Si l'on s'en tient simplement aux variétés, on observe que les chansons de guerre, pendant la Première Guerre mondiale, étaient soigneusement écoutées par la police dans les music halls[iii] où l'on encourageait bien entendu des chansons patriotiques et anti-allemandes, et que durant la Seconde Guerre mondiale on évita sur les antennes de la BBC des chansons nostalgiques, mais aussi Beethoven ou Wagner tandis que les œuvres du compositeur marxiste Alan Bush furent interdites d'antenne pendant deux ans.[iv]

La pop music est, depuis le début des années soixante, avec Cliff Richard puis les Beatles, le média le plus populaire en Grande-Bretagne, celui qui concerne le plus vaste public, celui qui rapporte le plus d'argent. EMI fut longtemps la première entreprise de disques au monde.

De même qu'un succès commercial chasse l'autre à la vitesse des hit parades hebdomadaires, l'opprobre, la censure évoluent rapidement et de manière très relative. Le temps d'une génération, ce qui était totalement inacceptable aux yeux des parents (les contorsions scéniques d'Elvis Presley, la chanson “ Great Balls of Fire ” de Jerry Lee Lewis, le brûlot “ communisant ” de Pete Seeger “ If I Had a Hammer ”) est accepté par les grands-parents dans les maisons de retraite.

Il est très difficile d'évaluer l'impact d'une production esthétique. Une œuvre pop n'a pas de sens donné et n'établit pas de rapport direct de cause à effet. Lorsque les Who – dont le contenu idéologique des chansons était assez ténu – cassaient leur matériel sur scène, ils incitaient peut-être davantage à la révolte que les chansons contestataires du Dylan du début des années soixante. La pop music n'est pas que de la musique et des paroles, c'est, aurait pu dire Nietzsche, « le miroir dionysiaque du monde » ou, plus prosaïquement, un contexte, une scène, un rapport à la vie, une attitude. La pop music, ce sont aussi des stars, perçues comme figures exemplaires, et qui, à ce titre, font l'objet de la vigilance des censeurs.

Cocteau disait que lorsqu'un mystère nous échappait, il fallait feindre d'en être les organisateurs. C'est plutôt une stratégie de dénigrement qu'ont adoptée les adultes, les faiseurs d'opinion après avoir constaté qu'ils n'avaient aucune prise sur une culture de masse qui était l'apanage des adolescents. Après les rockers américains des années cinquante, les Beatles, les Stones, les groupes punks ont tous, à un moment donné, fait l'objet de la commisération de la critique dominante. Pour n'en donner qu'un seul exemple historique, le célèbre journaliste Paul Johnson publia en 1964 dans le New Statesman (avant de virer définitivement à droite quelques années plus tard) un article ignoble et à très courte vue, “ The Menace of Beatlism ”[v]. Pour masquer son sentiment d'être, au vrai sens du terme, largué, il dénonça une “ musique de sauvages ” mettant en péril la moralité d'enfants facilement manœuvrables. À gauche comme à droite, une autre technique fut de taxer la pop musique d'“ américaine ” juste après que le pays eut, pour partie, confié sa défense nucléaire au grand partenaire d'outre-Atlantique, “ américain ” signifiant à la fois étranger, infantile et bassement commercial.

Ce qui, dans le domaine de la pop music, rend la censure ou les pressions de toutes natures plus urgentes qu'ailleurs, c'est que ce média est – par le biais du disque, de la radio, de la télévision et des concerts – immédiatement en relation avec le contexte social. Dans une perspective macluhanienne, la pop music est un média chaud qui se vit et se consomme à chaud.

La censure dans la pop music s'exerce tout d'abord dans la phase de production, quand les compagnies décident d'elles-mêmes qu'une chanson ou une couverture de disque ne peuvent être commercialisées. Censurer la couverture d'un disque est une décision sérieuse dans la mesure où, depuis 1965 avec Rubber Soul des Beatles[vi], les chanteurs les plus en vue se sont approprié la maîtrise de la fabrication des pochettes de leurs disques, auxquelles ils ont conféré un maximum de sens, impliquant que le disque en tant qu'objet influe sur l'écoute de la musique. Déjà en 1964, les Rolling Stones avaient engagé une épreuve de force avec leur compagnie Decca à propos de la couverture de leur deuxième 33 tours The Rolling Stones, n° 2 (avec “ Everybody Needs Somebody to Love ”), la firme ayant refusé un encouragement de leur imprésario écrit au dos du disque visant à voler de l'argent à un aveugle pour se payer cet objet. En 1966, les Stones durent substituer le titre Aftermath au titre prévu Could You Walk on Water ?.[vii] En 1968, Decca n'apprécia pas du tout le projet de couverture pour Beggars Banquet (une photo représentant des toilettes avec les titres de chansons sous forme de graffiti). Mick Jagger ayant argué que Decca avait accepté pour Tom Jones une pochette représentant un champignon atomique, le groupe repoussa le compromis selon lequel chaque disque aurait été emballé dans du papier kraft. Finalement, Beggars Banquet fut mis en vente avec une couverture unie, jaune pâle.[viii] Dernier exemple fameux : en 1988, la firme Epic refusa un projet de couverture des Godfathers pour leur disque Cause I Said représentant Madame Thatcher affublée des moustaches de Hitler.

La censure préalable dans les maisons de disques est d'autant plus préoccupante que le monde de la variété est dominé par quelques grandes compagnies (Sony, EMI, Warner, BMG). Leur censure s'exerce principalement dans une optique commerciale, dans une recherche d'équilibre entre les lois du marché et ce qu'elles considèrent comme étant la morale dominante.

Un disque qui risque de ne pas couvrir ses coûts de production aura beaucoup de mal à s'imposer à la direction artistique. De fait, 10% seulement des artistes font faire des bénéfices aux compagnies. Ceci installe un climat de conformisme. Les artistes doivent souvent trouver un équilibre, une voie moyenne entre ce qui plaira au public et à leur maison de disques et ce qu'ils ont vraiment envie de créer.[ix] Les firmes peuvent non seulement dicter un style de musique, mais aussi un style tout court. Les habits que portaient les Beatles de 1962 à 1964 ont été imposés par leur entourage professionnel.[x] Les compagnies peuvent également censurer en fonction de l'air du temps. En 1967, il était relativement risqué de faire l'apologie de la drogue ou même tout simplement d'en faire le thème d'une chanson. Lorsque The Game sortit The Addicted Man, EMI retira le disque de la vente après une mauvaise critique dans l'émission Juke Box Jury alors que le disque critiquait l'usage de la drogue.

Bien que le critique de théâtre Kenneth Tynan ait prononcé le mot “ fuck ” en direct sur les antennes de la BBC en novembre 1965,[xi] il faudra attendre 1969 pour que ce même mot ne pose plus problème dans un disque pop. Le mot figurait dans un disque d'Al Stewart, Love Chronicles, et il n'avait été accepté que parce qu'il n'intervenait pas de manière gratuite. Toujours en 1969, Philips retira de la vente le “ Je t'aime, moi non plus ” de Serge Gainsbourg alors qu'il était en troisième position dans le hit parade au motif que ce disque portait à controverse.

En 1970, après qu'une exposition de ses lithographies érotiques eurent été censurées trois mois par Scotland Yard, John Lennon enregistra “ Working Class Hero ”. EMI accepta quelques “ fuckings ” assez répétitifs mais refusa de les voir publiés sur la pochette du disque.[xii] En 1971 la même EMI (alors la plus grande compagnie de disques et d'appareillage électrique mondiale) ne distribua pas The Black Man's Burdon d'Eric Burdon car l'album contenait une référence très désobligeante à la Reine. Toujours en 1971, EMI exerça une nouvelle forme de censure à l'égard de Lennon et de sa femme Yoko Ono. Le couple sortit une chanson ouvertement gauchiste, “ Power to the People ”, inspirée de conversations tenues avec le militant trotskiste Tariq Ali. Sur la face B du disque, Yoko chantait “ Open your Box ”. La compagnie demanda que les mots “ trousers ” (open your trousers), “ skirts ”, “ legs ”, “ thighs ” fussent remplacés par “ houses ”, “ church ”, “ lakes ” et “ eyes ”, ce que John et Yoko acceptèrent malgré l'altération du sens de l'œuvre en question. EMI avait donc laissé passer le très subversif “ Power to the People ”, davantage dans l'air du temps, mais avait imposé sa volonté pour une chanson graveleuse, et ce malgré le statut exceptionnel des auteurs.

En 1976, les Sex Pistols produisirent “ God Save the Queen ”, une chanson aux dénotations politiques particulièrement violentes :

 

God save the Queen

The fascist regime

[…] The fascist regime

[…] made you a moron

A potential H-bomb

(Dieu protège la reine, le régime fasciste a fait de toi un débile, une bombe H en puissance) 

 

On ne notait dans ces paroles aucune transcendance de la réalité. Précédemment, EMI, après la promesse de son directeur artistique qu'aucune censure ne serait exercée quant au contenu des chansons, avait retiré des étals Anarchy in the UK malgré des ventes très prometteuses. EMI prendrait médiocrement prétexte de frasques assez vulgaires du groupe pour se débarrasser de leurs punks les plus rentables. “ God Save the Queen ” fut proposé à A&M Records, qui accepta puis se rétracta. La chanson fut finalement mise en vente par Virgin. L'ironie de l'histoire est qu'en 1992 EMI acheta Virgin Records avec son catalogue des succès des Sex Pistols.

Parfois, les pressions sont périphériques. En juin 1978, les Sex Pistols devaient sortir un disque sur l'attaque du train postal ayant pour titre Cosh the Driver (le chauffeur de la locomotive était mort de ses blessures). Après une ferme délégation d'ouvriers à l'usine de pressage, le disque se dénomma No One Is Innocent. En 1981, Années des Handicapés, Ian Dury sortit un disque contenant la chanson “ Spasticus Autisticus ”. Les radios censurèrent ce titre à cause du mot “ spastic ”. Avec l'accord du chanteur, Polydor supprima la chanson du disque.

Les points de vente peuvent également exercer des formes plus ou moins nettes de censure. Trois catégories de magasins vendent des disques : les chaînes spécialisées comme Our Price, les grandes surfaces où les disques ne sont que des produits assez marginaux (comme Boots), des magasins indépendants ne vendant que des disques. C'est dans cette troisième catégorie qu'on trouve le plus vaste choix. Et c'est bien sûr dans les grandes surfaces que l'éventail est le plus limité, les disques en tête des hit parades étant privilégiés. Des faits de censure de la part des magasins relèvent de décisions ponctuelles. En 1968, de nombreux magasins refusèrent de mettre en vente Electric Ladyland de Jimmy Hendrix car la pochette représentait des femmes nues. Au même moment, le disque de Lennon et Ono Wedding Album ne fut pas vendu dans les points de vente, mais uniquement disponibles par courrier, car la photo de couverture représentait le célèbre couple dans la tenue d'Adam et Eve.


Wedding-Album.jpg

 

En 1972, Boots refusa de proposer Son of Schmillsonde Nillson car l'une des chansons comportait l'expression “ Fuck You ”. Le magasin justifia sa fermeté de la sorte : « The situation will remain that way until the word on the record and the booklet of lyrics is removed. »[xiii] Boots refusa de vendre le “ God Save the Queen ” des Sex Pistols et Never Mind the Bollocks. Smith fit de même et certains de ses détaillants allèrent jusqu'à matérialiser par un espace vide l'endroit où le disque aurait dû figurer dans les rayons.[xiv] En 1987, W.H. Smith refusa de vendre Appetite for Destruction de Guns 'n' Roses car la couverture représentait le viol d'une femme par un robot.[xv]

La politique commerciale frileuse et les actes de censure des grandes chaînes ont encouragé les petits magasins indépendants à occuper ces créneaux délaissés. Autant Boots peut se permettre de ne pas mettre en vente les Sex Pistols autant des petits disquaires ne sauraient faire l'impasse sur des groupes populaires. La censure commerciale ne suffisant pas, la censure légale entra alors en jeu. Les Sex Pistols furent les premiers créateurs pop poursuivis pour obscénité avec Never Mind the Bollocks en 1977. Le 5 novembre, un agent de police de Nottingham informa le gérant d'un concessionnaire Virgin que la couverture du disque tombait sous le coup de la Loi sur l'affichage contraire aux bonnes mœurs (Indecent Advertising Act) de 1899. Quatre jours plus tard, les disques étant toujours dans la vitrine, le gérant fut arrêté et inculpé.[xvi] L'affaire fut jugée le 24 novembre. Après qu'un professeur d'université eut exposé que le mot “ bollocks ” venait du saxon, la cour classa l'affaire.

La radio puis la télévision s'en sont souvent prises aux variétés en général et à la pop music en particulier. Selon sa Charte, la BBC est tenue à « ne pas outrager le bon goût et la pudeur » et à ne pas véhiculer des œuvres susceptibles de « choquer les sentiments du public ». Une loi de 1990 étend à la télévision les dispositions de la loi de 1959 sur les publications obscènes. La “ Radio Authority ” et la “ Independent Television Commission ” qui ont pour mission d'accorder et de renouveler des autorisations d'émettre, ont tout pouvoir pour fermer une station de radio diffusant des œuvres contraire aux bonnes mœurs. La loi stipule que le “ Broadcasting Standards Council ” (BSC, créé en 1988) a la charge d'évaluer la qualité morale de toutes les émissions de radio et télévision du pays. Le BSC s'intéresse de très près à la pop music en recommandant par exemple – forme de censure la plus douce – que certains disques soient programmés à des heures tardives.

Chaque fois qu'elle a cru bon de censurer de la musique populaire (ce qui n'était pas officiellement de son ressort), la BBC l'a fait de manière biaisée, soit en feignant de ne pas connaître les œuvres en question, soit en déclarant qu'elles n'étaient d'aucun intérêt pour le grand public. L'instance censurante à la BBC est le “ Controller ” qui œuvre sous la surveillance du “ Board of Governors ” (conseil d’administration), lui-même responsable devant le Parlement. Dans son histoire de la BBC, Asa Briggs a bien montré à quel point le jazz dans les années trente, le rock dans les années cinquante et le rhythm and blues dans les années soixante ont été marginalisés par la “ Corporation ”.[xvii] Les radios pirates des années soixante (Caroline et Luxembourg) ont quelque peu changé la donne en amenant la BBC à créer Radio One en septembre 1967, même si elles se sont surtout cantonnées dans le commercial en visant principalement le public jeune de Londres et du sud-est du pays. Étant en position d'illégalité, elles ont cherché la respectabilité en s'imposant une autocensure parfois plus contraignante que celle de la BBC.[xviii] Une loi de 1967 déclara cependant ces stations illégales. Malgré diverses manifestations devant le Ministère de la Poste et à Trafalgar Square, les pouvoirs publics tinrent bon. Un programmateur fut même condamné à deux mois de prison pour avoir refusé de payer une amende de 500 livres car il avait apposé un autocollant à la gloire de Radio Caroline sur son pare-brise.[xix]

Le succès de Radio One ne s'est jamais démenti : elle est écoutée depuis sa création par 20 à 25% des auditeurs britanniques. Bien que très populaire, on lui reproche son conformisme commercial quand elle avantage les disques 45 tours aux dépens des 33 tours. Or depuis Rubber Soul des Beatles (décembre 1965) et plus encore Aftermath des Rolling Stones (avril 1966), les groupes pop ont choisi d'investir artistiquement dans le “ Long Player ” (puis dans le CD) en s'affranchissant des critères commerciaux de la programmation radiophonique, les Stones n'hésitant pas, par exemple, à enregistrer une chanson de 11 minutes (“ Going Home ”). En 1977, le rapport de la Commission Annan reprochait à Radio One de reproduire trop servilement les classements des hit parades et de ne pas suffisamment diffuser des musiques minoritaires mais néanmoins représentatives comme le Punk ou le Reggae. Dans les années quatre-vingt, le Rap eut toutes les peines du monde à se faire entendre.

A la BBC, les cas de censure claire ne furent pas rares ces trente dernières années. Des chansons furent interdites pour des motifs sociétaux, d'autres pour des raisons politiques. On se souvient entre autres des chansons des Beatles “ Lucy in the Sky with Diamonds ” et “ A Day in the Life ” (du disque Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band) en 1967, à qui la vénérable maison reprocha d'inciter à la consommation de drogues.[xx] Autre cas de censure moins connu en 1967 : “ Jacky ” de Scott Walker, la version anglaise de la chanson éponyme de Jacques Brel, le texte étant jugé graveleux par la BBC. Tenons-nous bien, la version anglaise disait ceci :

 

Il me faudrait me saouler tous les soirs

Et parler de virilité

Avec quelque vieille grand-mère

Décorée comme un arbre de Noël

Et même si je voyais des éléphants roses

Parce que je suis rond comme une pelle

Hé bien je me chanterais ma chanson

Celle du temps où on m’appelait “ Jacky ”

 

Insupportable, wasn’t it ? Après des protestations des admirateurs du chanteur, la BBC accepta de programmer ce titre après 9 heures du soir. En 1969, la BBC censura “ Wet Dream ” de Max Romeo à cause de paroles très explicites : « Lie down girl, let me push it up ». La censure la plus spectaculaire de l'année 1969 concerna l'énorme succès de Serge Gainsbourg “ Je t'aime, moi non plus ”. Ce disque fut numéro 2 des ventes et la BBC eut le front de déclarer qu'elle en programmerait une version instrumentale si le disque atteignait la première place des hit parades.[xxi] En 1973, la BBC censura une chanson de Procol Harum sur les maladies vénériennes, “ Souvenir of London ”. Pour se dédouaner, elle programma la face B du disque.[xxii]

La censure de la BBC fut également – quoique moins fréquemment – politique. L'énorme succès du chanteur d'outre-Atlantique Barry McGuire “ Eve of Destruction ” (1965) fut censuré. Cette interdiction surprit d'autant plus que McGuire avait clairement et de manière très opportuniste composé une chanson politique commerciale dans le sillage de Bob Dylan et Joan Baez. En 1967, “ Street Fighting Man ” des Stones fut censurée, tout comme, un an plus tard, par “ Happiness is a Warm Gun ” des Beatles.[xxiii] En 1972 ce fut le tour de “ Give Ireland Back to the Irish ” de Paul McCartney, la chanson ayant été mise en vente quelques jours après le dimanche sanglant de Derry (13 victimes dans un affrontement entre troupes britanniques et manifestants).[xxiv] Cette même année, la “ Corporation ” censura “ Let the People Go ” de McGuiness Flint, une chanson contre les emprisonnements politiques en Irlande. La BBC justifia ces deux interdictions par le fait que les chansons prenaient nettement parti.[xxv]

En décembre 1976, “ Anarchy in the UK ” des Sex Pistols fut interdit de programmation dans la journée, la BBC estimant que le soir l'audience était de meilleur qualité. La BBC censura également le 45 tours des Pistols “ God Save the Queen ” pour « mauvais goût flagrant », le groupe avait eu la bonne (ou mauvaise) idée de faire coïncider la sortie du disque avec les célébrations du Jubilé Royal. En 1981, une chanson sur le président Reagan (“ We Don't Need this Fascist Groove Thing ”) fut également interdite. Durant la guerre des Falklands, la BBC censura “ Don't Cry for Me Argentina ” de Julie Covington tandis que “ Malvinas Melody ” de Alan Hull était boycottée par toutes les stations de radio de Grande-Bretagne. Pendant la Guerre du Golfe, les responsables de la programmation de la BBC conseillèrent aux présentateurs d'éviter de passer une série de chansons à connotation pacifiste plus ou moins avérée. Il ne s'agissait pas à proprement parler de censure, mais, hors du contexte de l'époque, cette liste fait aujourd'hui plus que sourire : “ Waterloo ” de Abba, “ The Night they Drove Old Dixie Down ” de Joan Baez, “ We Got to Get Out of This Place ” des Animals, “ Back in the USSR ” des Beatles, “ Bang Bang ” de Sonny et Cher, “ I Shot the Sheriff ” d'Eric Clapton, “ I Just Died in Your Arms Tonight ” de Cutting Crew, “ Light My Fire ” des Doors, “ Give Peace a Chance ” de John Lennon, “ I'm on Fire ” de Bruce Springsteen, “ Heaven Help Us All ” de Stevie Wonder.

On peut dire que la censure radiophonique – en particulier à la BBC – est fonction de l'air du temps. Le plus grave est que, quelles que soient les raisons qui poussent la compagnie à censurer, ces raisons ne sont pas connues, explicitées et n'obéissent en fait à aucune logique. L'arrivée sur les ondes de stations commerciales n'a pas vraiment libéralisé le paysage pop, ces stations craignant, lorsqu'il y a risque politique, pour le renouvellement de leur licence d'émettre. Mais la forme de censure la plus importante relève du commerce, les stations indépendantes prenant moins de risques que la BBC et programmant environ cinq fois moins de titres différents que cette dernière.

Bien que portant moins à conséquence que la censure radiophonique, la censure télévisuelle porte néanmoins préjudice aux artistes. La grande émission pop de la BBC est Top of the Pops, lancée en 1964.[xxvi] Il s'y est commis quelques actes de censure assez caractérisés. Par exemple, en 1967, la BBC refusa un film promotionnel des Rolling Stones montrant Mick Jagger, Marianne Faithfull et Keith Richards (déguisés en Oscar Wilde, Lord Alfred Douglas et le Marquis de Queensberry) dans un tribunal, allusion à leurs récents démêlés avec la vraie justice.[xxvii] Il faut dire qu'en cet « été de l'amour » (Summer of Love) les autorités avaient fini par évaluer à leur juste mesure les potentialités subversives de la contre culture aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et avaient décidé de museler ses figures les plus représentatives. Décoré du MBE, John Lennon fut épargné tant qu'il en resta à des comportements clownesques. Dès lors qu'il passa à la vitesse supérieure avec son disque Two Virgins, la police déboula chez lui et, selon certains témoins, découvrit de la drogue qu'elle avait elle-même apportée. En 1969, Top of the Pops censura une chanson des Kinks car elle contenait le mot “ bum ”.[xxviii] Bien sûr, Gainsbourg et Birkin ne furent pas invités par l'émission. En 1977, les Sex Pistols ne purent chanter leur “ God Save the Queen ”. En 1987, un film de David Bowie représentant une femme agressée sexuellement à l'arrière d'une voiture fut interdit.

Les télévisions commerciales ne firent pas toujours preuve de discernement. Une des affaires les plus sordides fut, en décembre 1976, l'interview des Sex Pistols par Bill Grundy pour l'émission Today de Thames Television.[xxix] Les membres du groupe s'étant exprimés de manière assez ordurière à propos de leur maison de disques, Grundy voulut en rajouter et leur demanda : « Dites quelque chose de scandaleux. » L'un des Sex Pistols dit alors : « sale con, baiseur de merde, pourriture. » La presse fut scandalisée par un tel langage à une heure de grande écoute. Lorsque, six mois plus tard, le groupe produisit la chanson “ God Save the Queen ” l'Independent Broadcasting Authority imposa facilement une censure totale de la chanson sur toutes les chaînes privées.

Lorsque Channel Four fut lancée en 1982, elle était censée répondre aux attentes des sensibilités minoritaires. Elle produisit une émission d'une heure et demie consacrée à la pop music, The Tube, puis The Saturday Night Live. Le premier cas (malheureusement peu net) de censure se produisit en avril 1988 quand la chanson des Pogues consacrée aux “ Birmingham Six ” fut interrompue par une page publicitaire. À part une ou deux autres bavures, Channel Four fit preuve d'un libéralisme plus avéré que celui des autres chaînes.

On ne saurait parler de censure à la télévision sans évoquer l'action opiniâtre de Mary Whitehouse et de la National Viewers and Listeners Association qu'elle présida jusqu'en 1994. Pour cette catholique convaincue, fortement marquée par la réflexion de l'Oxford Group, les “ Swinging Sixties ” furent un désastre.[xxx] Celle qui voyait en Hugh Greene une « figure du démon » lança en 1964 une campagne d'assainissement (“ Clean Up TV Campaign ”) rassemblant rapidement 40.000 sympathisants, puis, l'année suivante, son association d'auditeurs et de téléspectateurs. Elle intenta des procès contre diverses publications, milita (en vain) pour que le film Gorge Profondene fût pas diffusé en Grande-Bretagne et pour que La Dernière Tentation du Christ ne fût point programmé à la télévision. Elle fut également à l'origine de la création du “ Broadcasting Standards Council ”. Pour Whitehouse, la pop music représentait le mal absolu, le lavage de cerveau le plus perfectionné. Il faut dire qu'elle qualifiait le langoureux calypso “ It's Now or Never ” (D’après “ O Sole moi ”) d'Elvis Presley de chanson pornographique car elle ne supportait pas le passage suivant :

 

Be mine tonight

Tomorrow will be too late

My love won't wait

 (Sois à moi ce soir, demain il sera trop tard, mon amour ne peut attendre)

 

En 1967, elle essaya (en vain) d'empêcher la chaîne BBC 2 de diffuser le film des Beatles Magiscal Mystery Tour parce que dans la chanson “ I'm the Walrus ” le narrateur dit à une petite fille « You let your knickers down » (tu as fait tomber ta culotte).[xxxi] Elle tenta également de faire censurer des émissions avec Jimi Hendrix, Alice Cooper, Chuck Berry, les Rolling Stones et les groupes punk. Elle ne parvint jamais à ses fins.[xxxii]

La pop music est également censurée lorsqu'elle est jouée en public. En 1967, la police fit fermer de nombreux clubs où il se consommait parfois de la drogue et le Parlement vota le “ Private Places Entertainment Act ” qui contraignit tout organisateur de spectacle à demander une licence. Des propriétaires de dancing ou discothèques exercèrent alors certaines formes de censure préalables : la chaîne Rank refusa d'accueillir The Move en 1967 ; l'Orchid Ballroom de Purley dans le Surrey refusa Max Romeo auteur de la chanson “ Wet Dream ”. En 1977, la chaîne Mecca refusa tout groupe punk. Le Royal Albert Hall (où les Beatles avaient connu leur premier succès londonien) censura en 1968 The Nice et Emerson, Lake and Palmer pour antiaméricanisme. L'illustre salle prit également prétexte du comportement intempestif des admirateurs pour ne plus inviter Ten Years After ou les Who. En 1972, les Who ne purent jouer leur opéra rock Tommy avec le New Symphony Orchestra au motif que cette création était « de mauvais goût ».[xxxiii] Tout comme Frank Zappa à qui il fut interdit de jouer (pour cause d'“ obscénité ”) 200 Motels avec le Royal Philarmonic Orchestra.[xxxiv]

En plein air, les groupes pop connurent également quelques mésaventures. Les premiers grands rassemblements pop (ou festivals) se déroulèrent en Grande-Bretagne en 1967. Le plus spectaculaire eut lieu à Hyde Park en juillet 1969 quand les Rolling Stones réunirent 500.000 personnes. En revanche, ce même groupe ne put se produire au château de Carnavon en 1973, la municipalité ayant refusé son accord. En 1978, la Fédération de Tennis refusa de prêter Wimbledon au groupe Queen. En 1981, un très important festival de reggae qui devait se tenir à Battersea fut annulé après des menaces du National Front. Certaines “ rave parties ” furent interdites, en particulier après que le Parlement eut voté l'Entertainment Increased Penalties Act en 1990, prévoyant de lourdes amendes pour toute “ rave " organisée sans autorisation de la police.

 

Toute société connaît des limites et revendique, avec plus ou moins de précision, ses limites. En pays démocratique, la censure est politique dès lors qu'elle veut devancer, prévenir, voire interdire des expressions perturbant ou contestant les valeurs dominantes.[xxxv] La censure est vécue comme une prophylaxie d'autodéfense. Un acte de censure révèle la nature du censeur et celle du censuré. On sait depuis Freud qu'une personne condamne d'autant plus certains comportements qu'elle est fascinée, tentée par ces conduites. Il en va de même pour les groupes humains. Mais l'idéal d'une société démocratique est, d'une part, de reconnaître et d'encourager la différence et, d'autre part, de viser à la raison en oubliant les sentiments ou les préjugés moraux lorsqu'il s'agit de légiférer, de décider ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. En matière de représentation du corps social, de liberté sexuelle, de religion, de politique, les tabous en vigueur ne sont pas forcément le produit de préjugés ou d'actes de défense. Surtout quand il est de masse, l'art est le lieu d'une tension entre un besoin d'exprimer ou de susciter des changements et la réception ou la résistance à cette expression ; il est aussi consolation dans la mesure où il permet la manifestation de sentiments ou de comportements impossibles à extérioriser dans la vie réelle.[xxxvi] Face à cette dynamique, la société institue des repères, des jalons, des freins. Par delà l'illusion de l'universalité, un pouvoir d'expression démocratique peut avoir recours à une censure directe et officielle s'il estime qu'il doit protéger ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes. Là où il n'y a pas de loi il ne peut y avoir de liberté.[xxxvii] Le risque étant alors de pénaliser des créations de valeur alors qu'il sera difficile de sévir contre des artistes plus médiocres mais experts en matière de guérilla provocatrice. Dans une perspective moins dramatique, les créateurs sont eux-mêmes encouragés à se discipliner, tandis que les spectateurs sont invités à respecter les codes de bonne conduite institués dans un esprit consensuel. La pop music (créateurs, maisons de disques) a donc choisi cette deuxième branche de l'alternative, favorisant la recherche d'une voie moyenne, du bon goût, de ce que les Britanniques appellent decency, avec une tendance à écarter l'excès, mais aussi l'ambigu, le symbolique, l'absurde, l'incohérent chaque fois qu'il y avait risque de défamiliarisation ou de difficulté pour le public à participer pleinement. Naturellement, des créateurs s'insurgèrent contre les limites de l'institution autocensurante censée refléter ou devancer les préférences des spectateurs, mais qui, volens nolens, défendait les piliers de l'ordre existant. Mais même si les artistes ont pu être frustrés par certaines décisions, la pop music britannique, n'a pas connu de cause célèbre identique à celle de la chanson de Boris Vian “ Le Déserteur ”.

Censurer, c'est tenter de résoudre par des réactions névrotiques et en s'installant dans un fantasme de puissance, ce qui dérange ou semble de guingois. C'est aménager et introniser un “ blanc ” dont le rôle est de masquer les refoulements, ou au contraire – mais ce qui revient au même – la montée du désir. Souhaiter dire “ I'd love to turn you on” dans une chanson revient à dialectiser une tentation, à formaliser un dire, à socialiser une parole. Remplacer “ trousers” par “ houses”, “ thighs ” par “ eyes ”, c'est vouloir évacuer la mise en forme du fantasme avant de censurer le moi et — dans le cas d'un art de masse — la morale collective.

 

 

 



[i] Cela dit, un sondage réalisé pour l'Observer en 1995 (auprès d'un échantillon de 518 personnes) montrait qu'un tiers seulement des Britanniques était opposé à toute forme de censure et que 40% d'entre eux estimaient que le Gouvernement avait le droit de censurer ce que les gens voyaient ou lisaient. Voir Televioon and Censorship, Cambridge, Independence, 1996.

[ii] Selon Waugh, Patricia, Harvest of the Sixties, (Oxford, Oxford U.P., 1995) 49.

[iii] Voir Cheshire, D.H., Music hall in Britain, Londres, 1974.

[iv] Voir O' Higgins, P., Censorship in Britain, Londres, 1972.

[v] 28 février 1964.

[vi] Photographiés avec un grand angle, les Beatles ont un air très sombre. Le jeu de mots du titre du disque est très énigmatique (âme de caoutchouc, semelle de caoutchouc, trou dans le préservatif ?). La typographie annonce l'ère psychédélique et l'absence du nom “ Beatles ” sur la pochette peut signifier soit une très grande marque d'orgueil, soit au contraire que les individus sont moins importants que leur musique et que John, Paul, George et Ringo veulent casser le processus de Beatlemania.

[vii] Les Stones prendraient leur revanche en 1970 en enregistrant une chanson naturellement refusée par Decca mais abondamment piratée : “ Cocksucker Blues ”.

[viii] A l'intérieur du disque, une photo couleur sépia figurait les membres du groupe comme s'ils sortaient d'un repas plantureux et bien arrosé. Le “ double blanc ” des Beatles, The Beatles, ne fut pas le résultat d'une censure mais d'un choix du groupe.

[ix] En 1975 Warner fit un procès à Alice Cooper, coupable de ne pas produire suffisamment de disques commerciaux. Ses débuts avaient été aussi prometteurs que lucratifs même s'il avait placé la barre assez haut : outrageusement maquillé, il fouettait ses musiciens sur scène et faisait glisser entre ses jambes un boa constrictor du nom d'Yvonne. La pochette de ses quatre premiers disques contenait une culotte de femme.

[x] La batteur Pete Best fut remplacé par Ringo Starr pour des raisons artistiques. On note cependant qu'il avait été le seul à vouloir garder un style “ Teddy-Boy ”.

[xi] Le mot était venu naturellement dans la bouche de Tynan, non comme une grossièreté mais comme un élément d'une explication pédagogique sur la censure des relations sexuelles au théâtre.

[xii] En 1969-70, Lennon était un des personnages les plus en vue et les plus sulfureux de la planète. Son hymne “ Give Peace a Chance ” (où il avait remplacé — dans la version en direct — “ masturbation ” par “ mastication ” pour prévenir les foudres de la censure états-unienne) fit le tour du monde. La chaîne de télévision ATV l'avait désigné l'Homme de la Décennie en compagnie de John Kennedy et de Mao Tse Toung.

[xiii] Melody Maker, 29/7/72. Woolworth censura de même.

[xiv] Selon Coon, Christopher., The New Wave Punk Rock Explosion, (Londres, Omnibus, 1988) 90.

[xv] Mais le T-Shirt se vendit fort bien.

[xvi] Savage, John, England's Dreaming : Sex Pistols and Punk Rock, (Londres, Faber and Faber, 1991) 425.

[xvii] Briggs, Asa, The BBC : the First 50 Years, Oxford, Oxford U.P., 1985.

[xviii] Voir Barnard, Stephen, On the Radio, Londres, Open University Press, 1989.

[xix] New Musical Express, 10 décembre 1977. Les stations pirates refleurirent à la fin des années 80 avant de profiter de la loi de 1990 créant de nouvelles stations commerciales.

[xx] Sans nier que la chanson “ Lucy in the Sky... ” ait été influencée par le LSD, les auteurs ont toujours argué qu'elle devait beaucoup au chapitre “ Wool and Water ” de Through the Looking Glass de Lewis Carroll :

                        A boat, beneath a sunny sky,

                        Lingering onward dreamily

                        In an evening of July

Quant à “ A Day in the Life ”, les Beatles n'ont jamais caché que « He blew his mind out in a car », « I'd love to turn you on » et « had a smoke, somebody spoke and I went into a dream » en faisaient — pour partie — une chanson sur la drogue. Voir Miles, Barry, Paul MacCartney. Many Years from Now, (Londres, Secker and Warburg, 1997) 312. Concernant “ A Day in the Life ”, chanson, à proprement parler, extraordinaire, voir Gensane, Bernard, “ Les Transgressions du Sgt Poivre ”, Annales du GERB, Université de Bordeaux III, 1989. Le disque Sgt Pepper a fait l'objet d'une étude très savante dans une collection où l'on retrouve la Missa Solemnis de Beethoven ou Oedipus Rex de Stravinski : Moore, Alan F., The Beatles Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, Londres, Cambridge U.P., 1997.

La BBC censura à l'époque d'autres grands succès inspirés par la drogue ou la culture hippy : par exemple “ Eight Miles High ” des Byrds, “ We Love You ” ou “ Mother's Little Helper ” des Rolling Stones, “ Have a Whiff on Me ” de Mungo Jerry. En revanche, “ Purple Haze ” de Jimi Hendrix ou “ Cocaine ” d'Eric Clapton furent abondamment programmées.

[xxi] Melody Maker, 4 octobre 1969. Au grand soulagement de la BBC, le titre de Gainsbourg ne fut pas n° 1. Radio Luxembourg passa cette chanson à de très nombreuses reprises.

[xxii] Melody Maker, 18 août 1973.

[xxiii] John Lennon avait emprunté le titre de cette chanson à une publicité états-unienne (et non censurée) pour des armes à feux. Sur le sens (à peine caché) de cette chanson et ses connotations sexuelles, lire Bernard Gensane, “ Les Années Pop ”, Les Années Wilson, 1964-1970, sous la direction de Bernard Gilbert, Paris, Les Editions du Temps, 1998.

[xxiv] Pour la première fois, McCartney (dont la famille est d'origine irlandaise) utilisait son immense notoriété pour assumer une position politique ferme. Très surpris par cette acte de censure, il enregistra dans la foulée, par dérision, “ Mary Had a Little Lamb ”. Il s'est par la suite engagé dans la cause écologiste. McCartney fut censuré par MTV en 1988 pour une chanson comprenant les paroles : « Big Boys bickering/ Fucking it up for everyone. »

[xxv] Melody Maker, 13 mars 1972.

[xxvi] Cette émission succédait à Hit Parade, Cool for Cats et Juke Box Jury.

[xxvii] Condamnés à une peine de prison pour usage et détention de cannabis et d'amphétamines, les deux chanteurs avaient été relaxés en appel. La condamnation faisait suite à une ignoble campagne de presse de journaux “ populaires ” comme le News of the World. La relaxation fut peut-être la conséquence d'une mobilisation importante des admirateurs des Stones auxquels le groupe dédia dans la foulée “ We Love You ” et de prises de position en leur faveur de journaux de qualité comme le Times, un éditorial du quotidien se demandant, en reprenant la jolie interrogation d'Alexander Pope : « Who Breaks a Butterfly upon a Wheel ? » La place manque pour évoquer l'action de la presse écrite depuis trente ans. S'il n'y eut jamais d'acte de censure véritable, on peut dire que la presse à grand tirage fut systématiquement hostile à la pop music (le Daily Mirror dans les années soixante, les publications du groupe Murdoch dans les années soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix). La presse de qualité (Times, Sunday Times et surtout Guardian) présenta la pop music, la culture pop sous un angle globalement favorable, surtout dès lors qu'elle était acceptée par l'Establishment. Voir Bertrand Lemonnier, L'Angleterre des Beatles ; une histoire culturelle des années soixante. Paris, Kimé, 1995.

[xxviii] Melody Maker, 3 mai 1969.

[xxix] Voir J. Savage, op. cit.

[xxx] On se reportera à ses ouvrages : Cleaning Up TV : From Protest to Participation, Londres, 1967 ; Whatever Happened to Sex ?, Londres, 1977 ; A Most Dangerous Woman ?, Londres, 1982 ; Mightier than the Sword, Londres, 1985. Le 25 août 1971, elle fut reçue en audience privée par le Pape qui la félicita pour son action. Elle avait apporté au Saint-Père un exemplaire du sulfureux Little Red Schoolbook et le n° 28 du magazine Oz (un “ spécial enfant ”), deux ouvrages condamnés par la justice à qui elle fit donc passer la douane illégalement… Dans John Sunderland, Offensive Literature. Decensorship in Britain, 1960-1982, (Londres, Junction Books, 1982) 116.

[xxxi] Mais cette chanson fut interdite un temps sur les ondes de la radio nationale.

[xxxii] Elle réussit cependant à faire condamner l'écrivain James Kirkup pour un poème évoquant un fantasme sexuel mettant en jeu le Christ.

[xxxiii] Melody Maker, 4 novembre 1972.

[xxxiv] Melody Maker, 13 février 1971.

[xxxv] Ainsi, il apparaît que la censure fut moins sourcilleuse autour de 1960 qu'autour de 1970.

[xxxvi] Selon certains analystes, le développement du cinéma a contribué à faire chuter l'alcoolisme en Grande-Bretagne : 189.000 personnes furent condamnées pour délit d'ivresse en 1913 contre 53.000 en 1930. Voir Henry Pelling, Modern Britain, 1885-1955, Londres, Sphere Books, 1960.

[xxxvii] Selon P. M. W. Thody, Four Cases of Literary Censorship, Leeds, Leeds U.P., 1968.

 

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