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11 août 2012 6 11 /08 /août /2012 06:42

Par David Macaray (traduction : Le Grand Soir).

 





Quand Joe Torre quitta son poste de gérant des Yankees de New York à la fin de la saison 2007, ce ne fut pas sans amertume. Torre trouvait que, après des années de service dévoué et fructueux, les dirigeants des Yankees lui avaient grandement manqué de respect. Torre a refusé leur offre de 5 millions de dollars de salaire annuel qui, tout en représentant une sacré somme d’argent dans le vrai monde, n’était que la moitié de ce qu’il avait gagné la saison précédente.


Mais ce n’est pas seulement la baisse de salaire qui a contrarié Torre. Ce fut plutôt l’insinuation sous-jacente que Torre ne s’était pas entièrement donné à sa tâche -n’avait pas fait le maximum pour gagner- pendant les trois décevantes saisons précédentes. C’est ce que Torre a déduit du fait que les Yankees lui offraient des bonus pour augmenter sa motivation.


Aux termes du nouveau contrat qu’on lui proposait, Torre aurait un bonus si l’équipe gagnait la Série des divisions et un autre si elle gagnait la course aux fanions (pour le titre de champion de ligue ndt) et un bonus beaucoup plus gros si elle gagnait les Séries Mondiales. Mais au lieu de se sentir motivé ou dynamisé par les bonus, Torre s’est senti insulté. A ses yeux, ce système de bonus signifiait que les Yankees pensaient qu’il ne s’était pas assez "défoncé" pour ses 7,5 millions de dollars et pour un homme aussi fier que Torre, c’était intolérable.


Il se passe quelque chose de comparable avec les enseignants des écoles publiques étasuniennes. Des réformateurs éducatifs bien intentionnés ont suggéré de rémunérer les enseignants au mérite par le biais de "bonus de performance" pour améliorer les résultats aux tests. Les enseignants recevraient un paquet d’argent chaque fois que les taux de réussite des étudiants aux tests grimperaient. Comme pour Torre, on partait du principe (1) que plus les bonus étaient élevés plus les enseignants se donneraient du mal et (2) que plus les enseignants se donneraient du mal, plus les résultats seraient bons.


N’importe quel enseignant peut vous dire tout de suite que le dévouement d’un professeur et les résultats des élèves aux tests n’ont pas toujours de rapport direct, mais il a fallu une respectable étude sur "la rémunération au mérite" de l’Université de Vanderbilt pour le confirmer. L’étude Vanderbilt a démontré que lorsqu’on offrait des bonus aux enseignants (certains allant jusqu’à 15 000 dollars) il n’y avait pas d’amélioration significative des résultats.


Je le répète, n’importe quel enseignant aurait pu prédire la conclusion de l’étude. L’argent n’a rien à voir avec tout ça. La plupart des enseignants connaissent les problèmes par coeur : la discipline n’est pas respectée, les élèves sont peu motivés, peu assidus et refusent de faire leurs devoirs, les parents n’attachent pas assez d’importance à leur progrès scolaires, les administrateurs ne sont que des relais budgétaires surpayés et les tests d’état standards (qui n’ont aucun rapport avec les bulletins scolaires des enfants ou leur passage dans la classe au dessus) sont arbitraires et mal faits.


Ce n’est pas que les enseignants ne cherchent pas des solutions. En réalité ils se donnent un mal de chien pour essayer de trouver de nouvelles méthodes, des méthodes innovatrices, pour améliorer les résultats de leurs élèves, pas seulement aux tests d’état standards mais aussi au jour le jour.


Mais toutes ces critiques hystériques rendent fous les enseignants, ils font des dépressions nerveuses, ils quittent la profession en masse pour y échapper. Ce travail n’a jamais été très bien payé mais au moins il était gratifiant car enseigner était une profession noble dans la mesure où les professeurs étaient considérés comme les "gardiens" de la nouvelle génération de leaders américains. C’était un emploi respectable.


Mais tout cela a été gâché par les professionnels républicains de la diffamation qui, pour détruire les syndicats enseignants (qui soutiennent généreusement les candidats démocrates), sont prêts à détruire la réputation des enseignants eux-mêmes. La seule idée qu’offrir de l’argent à un professeur pourrait faire la moindre différence dans les résultats aux tests témoigne de la naïveté et de la sottise de ces réformateurs. C’est tout simplement ridicule.


Voyez vous-mêmes : Qu’est-ce qu’une enseignante va faire pour un bonus de 5 000 dollars ? Est-ce qu’elle va dire à son patron : "Comment ? J’ai bien entendu ? 5000 dollars ?! Whoa !" Et puis ensuite va-t-elle aller dire à ses élèves : "Ecoutez les enfants ! A partir d’aujourd’hui je vais vous enseigner ce qu’il faut comme il faut. A partir d’aujourd’hui vous allez voir ce que vous allez voir !! Pourquoi ? Parce que ça va me rapporter 5 000 dollars !"


Réduire toute cette affaire à des bonus c’est non seulement passer à côté des véritables problèmes de l’école publique étasunienne, mais c’est vilipender et discréditer une noble profession. N’y aura-t-il pas de fin aux humiliations infligées aux enseignants américains ?


David Macaray


DAVID MACARAY, un auteur dramatique et écrivain de Los Angeles, (“It’s Never Been Easy : Essays on Modern Labor”), est un ancien délégué syndical. Il a contribué à Hopeless : Barack Obama and the Politics of Illusion, publié par AK Press.


Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/2012/08/03/is-there-no-limit-to-...


Traduction : Dominique Muselet


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