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9 novembre 2025 7 09 /11 /novembre /2025 06:01

Acquérir une langue c'est accumuler des compétences linguistiques. C'est aussi se pénétrer d'une idéologie, d'une vision du monde, d'une échelle de valeurs qui se greffent sur celles de la langue maternelle. Développer un discours athée dans une langue qui ramène sans arrêt le locuteur à une formulation religieuse de sa pensée relève de la gageure. Accessoirement, il est impossible de dire « neige » en bambara.

 

L'anglais, ou, plus exactement, le sabir atlantique, est maintenant la seule langue au monde qui va de soi. Certains titres de films « US » ne sont même plus traduits, ou alors mot à mot, ce qui est parfois source de contresens : il me revient en mémoire le titre d’ un bon polar de Sydney Pollack, Absence of Malice. Ce film devint en français Absence de malice alors qu'il aurait fallu traduire, selon le contexte, « Sans intention de nuire » ou « Sans préméditation », ce qui n’était pas du tout la même chose. Je prends un exemple tout à fait au hasard, la page 100 du Télérama n° 3138. On y relève les titres de film suivants : Hitman, Already Dead, Breaking Bad, Broken Arrow, The Marine, Blade, Casino no Limit, In the Land of Women, Hollywood live, Waitress, The Mission, Last Seduction, Doggy Bag, Oh Happy Day, Head case, Les Commitments, Purple Rain, Under the Cherry Moon, Toys, Goodbye Emmanuelle (film français), Don't Look Back, I’m not There, London to Brighton, Wonderful Town, Sex Academy. Sur quelle planète vivons-nous ?

 

Dans les années soixante-dix, on pouvait entendre sur les ondes françaises des réclames (on disait déjà « pubs ») vantant tel whisky parce qu'il était « The Scotch we drink in Scotland ». À la même époque, dans certaines UFR d'anglais des universités parisiennes, on n'imposait pas aux étudiants anglicistes une connaissance raisonnable du français et l'exercice de version passa, « with malice », à la trappe. Cela permit à des étudiants anglophones et fortunés d'obtenir sans peine en France une licence qu'ils n'auraient peut-être pas obtenue chez eux. Dans un champ d'activité différent, les consignes anti-incendie pour toute la ville de Stockholm sont, depuis belle lurette, rédigées en sabir atlantique car la lutte contre le feu est programmée par un ordinateur se trouvant aux États-Unis. Les pompiers suédois sont donc censés être très réactifs dans la langue de l’ Empire.

 

Lorsqu'une langue va de soi, l'idéologie qu'elle véhicule va également de soi. Quand j’étais adolescent, on trouvait chez nous des magasins dont les enseignes signalaient sans honte des « surplus américains ». Se serait-on jeté sur des surplus turcs ou sénégalais ? Dans les années soixante-dix, quantité de jeunes Français portaient des treillis de l'armée étasunienne, une armée de losers, pardon de loosers (je blague, c'est bien losers), au Vietnam. Ceux de l'armée rouge eussent été beaucoup moins naturels ! Ce qui va également de soi, c’est que les Étatsuniens se sont accaparés le vocable « américain » (« God Bless America »), au détriment des Canadiens, mais aussi des Argentins, des Chiliens, etc., qui sont aussi des Américains, qui se définissent en tant que tels, d'autant que, pour beaucoup d'entre eux, l'immigration fut antérieure à celle des Nord-Américains.

 

Je relèverai aujourd’hui quelques exemples de ce qui est peut-être le comble de l’ aliénation linguistique : des mots « anglo-américains » que nous utilisons couramment en français, alors qu’ils n’existent pas outre-Manche ou outre-Atlantique.

 

Les enfants français jouent au baby-foot alors que les Anglais jouent au table football. Les Anglais ne font pas de stock-car mais du stock-car racing. Leurs sportifs ne chaussent pas des baskets (mot qui signifie uniquement « panier ») mais des sneakers, trainers, tennis shoes, ou plimsolls. Y compris les adeptes des Mixed Martial Arts (et non du free fight). Il n’y a pas chez eux de recordmen du monde mais des record holders, de tennismen mais des tennis players, de footballe(u)rs mais des football players, de rugbymen mais des rugby players. Il n’y a pas de compétitions de catch mais de wrestling. Un goal ne fera pas son jogging matinal vêtu d’un jogging : un goal-keeper fera son jog, vêtu d’ un jogging outfit, ou d’un tracksuit. On ne le considèrera pas comme faisant partie des people mais des celebrities ou celebs. Aucune de ces célébrités ne sera top mais great, même si elle a un portfolio (et non un book). Avec l’âge, le Grand-Breton ne se fera pas faire un relooking mais un make-over, ou encore un face-lift, mais pas un lifting. Le soir, il n’ira pas au dancing mais dans un dance-hall, à moins qu’il préfère regarder des music videos (et non des clips), ou encore faire un peu de channel hopping (et non du zapping), après s’être fait un blow-dry (et non un brushing). Peut-être aura-t-il chez lui une pinball machine (et non un flipper, qui n’est autre qu’une nageoire). Il finira vraisemblablement la soirée en écoutant les nouvelles (les news de Canal+) présentées par un announcer et non par un speaker. En espérant qu’il ne nous apprendra pas qu’un avion vient de se scratcher (se gratter, sous les ailes, peut-être…). Naturellement, les Anglais ne portent pas de smoking mais une dinner jacket (les Étasuniens un tuxedo). Ils ne connaissent pas la mode du string mais du thong. Ils ne portent pas de sweat (prononcé /swet/ dans les classes moyennes françaises et /swit/ – ce qui fait alors penser à bonbon – dans les classes plus populaires) mais des sweat shirts. Ces habits, on ne les confie pas au pressing mais au drycleaner. Les Anglais ne roulent pas en break mais en station wagon (d’où le sw que l’on voit en France sur les voitures, françaises, qu’on appelait « commerciales » autrefois). Ils ne se garent pas dans un parking mais dans un car park (ou parking lot aux États-Unis). Ils ne vont pas non plus dans un camping mais dans un camping site où, là comme ailleurs, ils n’actionnent pas des warnings mais des warning (ou hazard) lights. Quand ils font leurs courses ils n’utilisent surtout pas de caddie mais un trolley. S’ils achètent par internet, ils n’envoient pas de mails (courrier papier) mais des emails. Ce courrier peut faire l’objet d’ un schedule (et non d’ un planning).

 

Échantillon non exhaustif.

L'aliénation linguistique (6)
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5 novembre 2025 3 05 /11 /novembre /2025 06:01

Depuis Étiemble, donc depuis les années soixante, on désigne l'ensemble des phénomènes de contact entre le français et le sabir « anglo-américain » sous le nom de « franglais ». Le quatrième de couverture de son livre Parlez-vous franglais ? exposait sa thèse de la manière suivante :

 

« Les Français passent pour cocardiers ; je ne le crois pas indignes de leur légende. Comment alors se fait-il qu'en moins de vingt ans (1945-1963) ils aient saboté avec entêtement et soient aujourd'hui sur le point de ruiner ce qui reste leur meilleur titre à la prétention qu'ils affichent : le Français. Hier encore langue universelle de l'homme blanc cultivé, le Français de nos concitoyens n'est plus qu'un sabir, honteux de son illustre passé. Pourquoi parlons-nous franglais ? Tout le monde est coupable : la presse et les Marie-Chantal [personnage de jeune femme snob inventé par le danseur mondain Jacques Chazot dans les années cinquante], la radio et l'armée, le gouvernement et la publicité, la grande politique et les intérêts les plus vils. Pouvons-nous guérir de cette épidémie ? Si le ridicule tuait encore, je dirais oui. Mais il faudra d'autres recours, d'autres secours. Faute de quoi, nos cocardiers auront belle mine : mine de cocardiers, l'œil au beurre noir, tuméfiés, groggy, comme disent nos franglaisants, K.O. Alors, moi, je refuse de dire O.K. »

 

Ces phénomènes sont complexes et l’on ne saurait les réduire à une simple invasion du français par des termes anglais. Un terme franglais a sa propre vie à l'intérieur du français. Il occupe un territoire sémantique qui n'est pas forcément identique à celui occupé dans la langue d'origine, et il provoque une altération du système français. Par exemple les substantifs parking ou smoking, qui n’existent pas en anglais. Une autre acception du terme « franglais » sera l'utilisation dans l'univers sémiotique français de termes anglais adaptés selon un système français. Exemples : Quiz Desperate Houswives. Les connaissez-vous vraiment ?ou les salons de coiffure Planète Hair ou Tiff’ Annie.

 

On ne saurait sous-estimer l'importance profonde du sabir dans les secteurs modernes et dynamiques de la société française. Depuis au moins quarante ans, des entreprises privéesfrançaises, installées sur le sol français, utilisent l'anglais comme langue de communication interne. Des séminaires d'entreprise tenus en France avec des participants en majorité français se déroulent en anglais. Des colloques universitaires de grammaire ou de linguistique française peuvent se tenir en France dans un anglais approximatif, mais audible, pense-t-on, par la communauté scientifique internationale. Cela dit, si la France a réagi à la pénétration du sabir avec plus de vigueur que d'autres pays, c'est parce qu'elle n'a pas« admis » que la connaissance de l'anglais était instrumentale. Dans les faits, apprendre une langue c'est s'intégrer, ce n'est pas simplement posséder un outil neutre. Un bon exemple de cette intégration, du mimétisme obligatoire serait le titre d'un manuel bien connu : Imagine You're English. Paradoxalement, les Anglais d'Angleterre sont peut-être moins américanisés, dans ce domaine, que les Français. Lorsqu'un Anglais regarde un feuilleton américain en version originale, il perçoit peu ou prou ce qu'un Français ressent à l'écoute d'un Québécois : il comprend, mais il sait qu'il a affaire à une autre langue, plus exactement à un patois. Lorsqu'un Français regarde 24 heures, doublé par des voix familières, il ne peut que très difficilement avoir conscience de l'étrangeté du produit d'origine. Une solution moyenne est celle des pays d'Europe du Nord qui présentent la plupart des feuilletons nord-américains en version originale sous-titrée. Mais qu’en retiennent les enfants ? Aujourd’hui, deux petits exemples qui n’ont l’ air de rien, mais qui procèdent, à leur manière, de l’ aliénation linguistique. Soit le dialogue suivant dans un feuilleton anglais ou américain, doublé en français :

 

- J’ai rencontré John, il s’est approché de moi de manière menaçante…

- Et ?...

- Il a sorti une arme.

 

Ce « et » est le calque tout simple de l’anglais and. En français « normal », on dirait plutôt « et alors », « et puis » ou, dans d’autres contextes, « mais encore », « dis-moi tout ».

Autre exemple relevé très fréquemment dans les feuilletons (pardon : les séries – de l’ anglais series ; ah, les séries d'Alexandre Dumas !) anglo-américaines : un jeune adulte expose son projet de vie :

- J’aimerais avoir une famille.

Il calque servilement I’d like to have a family. Un Français demandera à un autre « Avez-vous des enfants ? » quand un Anglais demandera « Do you have any family ? » Pour informer qu’ elle est enceinte, une Anglaise pourra dire, en maniant l’ironie, « I am in the family way ». Donc, dans notre feuilleton, il serait préférable d’entendre, soit « J’aimerais fonder une famille », soit « J’aimerais avoir des enfants ».

 

Un correspondant trouva ma présentation caricaturale : Tout comme le discours de Claude Hagège, ce que vous dites est franchement caricatural. Que vous le vouliez ou non, il y aura forcément des mélanges de langues. Et ce n'est pas une tare. Les communautés immigrées importent forcément des bribes de lexique venant de leur langue natale. Prétendre qu'il y a une "invasion" de l'anglais dans la langue française est totalement infondé. Je suis en contact avec de nombreuses personnes dans mon travail, notamment des chefs d'entreprise, des responsables institutionnels, etc. Je n'ai jamais assisté à une seule réunion où l'anglais était de mise et je n'ai jamais eu affaire à la moindre personne parlant le "franglais", que j'estime être simplement une sorte de fantasme identitaire (fortement relayé par Claude Hagège notamment, qui voue une argumentation d'ordre plus passionnel que linguistique à la langue française). Et généralement, on ne parle pas des dégâts qu'ont réalisés les colons dans les anciens territoires français, où ils ont, par leur action "civilisatrice", tué bon nombre de langues, dont quelques-unes subsistent péniblement. Ce qui est assez drôle, en outre, c'est que le lexique anglais contient plus de 50% de mots français (c'est vrai, la globalité dudit lexique est très vaste). N'est-ce pas paradoxal de jouer les vierges effarouchées en constatant ce supposé envahissement de l'anglais dans les sphères économiques (et, je persiste, cela reste limité) ?

 

Par ailleurs, dans un des derniers ouvrages de Hagège (Combat pour le français), celui-ci écrivait d'ailleurs avec pertinence que l'anglais n'était pas aussi international que certains osaient le prétendre. Alors, le chinois prendra-t-il sa place ? L'espagnol ? Le portugais ? Le japonais ?

 

Et pourquoi pas l'espéranto ?

 

Il n'y a pas plus de situation grave que désespérée. Surestimer l'anglais, c'est aussi sous-estimer le fait que cette langue ne se substituera pas au français, ni à l'allemand, l'italien, l'espagnol, le néerlandais, le finnois, le suédois, etc. Et je ne parle que des langues européennes. Ce genre de discours n'est en fait que le reflet de cette volonté impérialiste de montrer la prétendue supériorité linguistique du français sur l'anglais. Mais c'est d'une absurdité déconcertante. Ce n'est même pas scientifique. Vous ne voulez pas parler la langue de Bush et d'Obama ? C'est tout simplement idéologique. Et, justement, Hagège se perd dans son discours idéologique pour justifier ses théories "linguistiques".

 

Je suis moi-même trilingue (français, anglais, espagnol). Jamais, sauf exception très rare, je n'ai fait un seul mélange des langues (sauf pour rire avec des amis). Et si vous vous intéressez un tant soit peu à la linguistique, vous découvrirez que la diglossie n'est jamais (ou rarement) pratiquée chez les classes sociales moyennes ou les classes les plus défavorisées. Des études ont été faites dans ce sens (mais je ne me souviens plus les références, cela doit dater de premières études en sociolinguistique). Généralement, ce sont des personnes qui maîtrisent parfaitement les langues en question qui réalisent des mélanges linguistiques à l'intérieur d'un même discours. C'est simplement un épiphénomène. C'est infime. »

 

Un autre en appela à Leibniz. Le philosophe allemand Leibniz a écrit des choses intéressantes sur ces problèmes de langues, les unes au contact des autres. A son époque, certains Allemands avaient peur que trop de français envahisse l'allemand. Pour Leibniz, tant qu'une langue s'enrichit de l'apport d'une autre, ce n'est pas grave. Ce qui devient (deviendrait) très préoccupant, c'est quand une langue remplace une autre langue. Je comprends donc parfaitement la peur de certains, quand jusque sur le lieu du travail (en France par exemple), on se met à parler une autre langue (l'anglais par exemple). (La langue des maîtres bien entendu).

 

Un autre problème est celui de la communication internationale. Ce même Leibniz était partisan d'une langue inventée à cet usage. Depuis, de nombreux projets ont vu le jour.

 

Et depuis plus de 120 ans, la langue internationale espéranto joue très bien son rôle. Disons, pour parler court à un public français que, malgré son âge, l'espéranto est encore un peu en avance pour la communication contemporaine. Actuellement le rapport des forces nous impose l'anglais pour jouer ce rôle. Mais attention : l'histoire continue (heureusement) et je pense que l'espéranto d'ici quelques années, en jouant ce rôle de communication entre les peuples, préservera bien mieux toutes les langues. On parle de la préservation de la biodiversité mais il faut aussi préserver la diversité des langues, et des cultures.

                                    *                                                                                                     *

Je [BG] signale en préambule qu’ il y a une différence manifeste entre Claude Hagège et moi : il est un (très grand) linguiste alors que je suis, j’ ai été, un simple professeur de langues. Comme d’autres, j’ observe, j’ouvre les yeux et les oreilles. Et si l’on pointe du doigt un impérialisme culturel, celui des États-Unis en l’occurrence (souvenons-nous des accords Blum-Byrnes de 1946 – par lesquels les salles de cinéma françaises devaient être ouvertes aux films américains trois semaine sur quatre, merveilleux média permettant de diffuser de l’ idéologie, une conception du monde), on devient une « vierge effarouchée ». Je note enfin que ne pas vouloir parler la langue de Bush « est tout simplement idéologique ». Je la parle et il m’arrive même de l’écrire (mieux que Bush, ce qui n’est pas un exploit).

 

Durant ma vie, j’ai été placé, pendant de longues années, en situation de contact linguistique. Enfant, dans la cour de l’école primaire, j’entendais parler polonais et ch’ ti. La premièrelangue est restée pour moi à jamais mystérieuse, en revanche j’ai longtemps parlé le patois du Nord et je le comprends toujours. Bien que tout jeune, il ne m’ avait pas échappé que, dès que nous rentrions en salle de classe, l’utilisation d’ un français le plus pur possible s’imposait. J’ai vite compris qu’il y avait la langue des maîtres d’école et celles des ouvriers. Plus tard, en Afrique de l’Ouest, j’ai vécu dans un pays où, en plus du français (et de l’ arabe utilisé par certains libanais), il se parlait une soixantaine de langues maternelles, plus une langue véhiculaire, le dioula, que j’ ai un peu apprise. Il eût fallu être sourd et aveugle pour ne pas reconnaître que le français (y compris dans sa variante populaire) jouissait d’un statut supérieur. Non, comme me l’impute mon correspondant, à cause de sa « supériorité linguistique », mais à cause de son statut politique, économique et culturel.

 

Mon correspondant déplace tous les problèmes. L’aliénation linguistique, telle que l’ a théorisée Henri Gobard, ne consiste pas à dire football, datcha, baraka ou farniente. Dans ce cas, on sait que l’on utilise un emprunt. L’aliénation consiste, presque toujours inconsciemment, à utiliser un mot, une expression française dans le sens qu’ il ou elle a en anglais. On pense alors dans la langue de l’autre et l’on perd quelque chose en route. La langue et la pensée de l’autre deviennent alors « naturelles », comme il était naturel, lorsque j’étais gosse, que les jeunes téléspectateurs français se farcissent, tous les jeudis après-midi, les 164 épisodes des aventures de Rintintin, comme s’il n’en n’existait pas d’autres, et comme si le petit garçon (Rusty, ce qui signifie rouillé en anglais !) et son chien (tous deux militaires, notons-le) étaient des universaux.

 

Mon correspondant n’a jamais vu utiliser l’anglais dans des réunions de travail sur le sol français. Ce genre de pratique existait déjà, il y a trente ans, chez Renault. Vers l’an 2000, Jean-Marie Messier favorisait l’anglais comme langue de communication dans les entreprises qu’il dirigeait. En 2004, Jean-Claude Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, présentait en anglais la politique de cet établissement devant le Parlement européen de Strasbourg. Après avoir pris ses fonctions, il avait déclaré « I am not a Frenchman ». En 2007, Christine Lagarde (« The Guard », comme disent ceux qui la raillent) communiqua, un temps, en anglais avec ses services du ministère. Un des exemples les plus insensés (toujours l’aliénation) auquel il m’ a été donné d’ assister récemment est celui d’une réunion de linguistes spécialistes de sémantique et grammaire françaises dissertant sur le passif, savamment mais en anglais, ou plus exactement dans un anglais grotesque. Le spectacle était pitoyable. Les neuf dixièmes de ces chercheurs étaient francophones. Ils pensaient ainsi – être audibles à l’ international (comme on dit) et faire plaisir aux chercheurs d’outre-Atlantique. Ce faisant, ils se bridaient et appauvrissaient volontairement, en la tordant, leur pensée. Les deux ou trois anglophones présents buvaient du petit lait...

 

Mon correspondant a parfaitement raison de relever qu’environ 50% des vocables de la langue anglaise sont d’ origine française. Évidemment, puisque le français fut, pour un temps, la langue de l’aristocratie anglaise. Il sait aussi que, lorsqu’ un anglophone veut exprimer le concept de liberté, il dispose de deux mots (freedom et liberty) et que, spontanément, il utilise neuf fois sur dix le premier. Liberty sonne étranger, presque efféminé, disait Orwell. À l’intérieur d’une même langue, tous les mots ne sont pas égaux. C’est pourquoi – un exemple entre mille – le mot bourgeoisie et l’expression middle class n’ ont pas exactement le même sens en anglais (idem : proletariat et lower classes). Ce qui revient à dire que parler de « classes moyennes » en français est très connoté. À propos de lower classes, on peut se réjouir que l’ expression « classes inférieures » n'ait pas pris en français.

L'aliénation linguistique (4)
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4 novembre 2025 2 04 /11 /novembre /2025 06:01

En résumé, le bobo parle vite et mal. Il utilise des expressions qu’on ne peut pas lui retourner : essayez, sur le même registre, de dire le contraire de : « Ben Hur, c’est juste incroyable ». Le consensus règne en maître. Nous sommes sauvés.

 

 

On ne va peut-être pas toujours taper sur les Anglo-américains et sur la manière dont nous nous aliénons par rapport à eux.

Parlons, pour une fois, des Africains. Soit une petite fille de huit ans, née à Neuilly et résidant dans cette ville de rêve. Vous allez l'entendre dire, fort naturellement, "Ma poupée , elle est trop belle", ou encore, "Cette glace à la vanille, elle est trop bonne". Ce qu'elle veut dire, c'est que cette poupée est TRÈS belle ou que sa glace est TRÈS bonne. Cette enfant n'a aucun contact avec aucun Arabe, aucun Africain noir. Et pourtant, elle leur doit cette inexactitude. Ces deux vocables n'ont, à l'origine, pas grand-chose à voir. Trop vient de throp, qui, au XIe siècle, signifiait amoncellement. Très vient du latin trans (au-delà). Il n'a été doté d'un sens intensif qu'à la Renaissance. Il existe en Afrique de l'Ouest une langue véhiculaire (langue seconde parlée couramment) qui s'appelle le dioula (environ 20 millions de locuteurs, et moi, et moi, et moi. J’ai appris les bases dans des cours du soir). Cette langue ne fait pas la distinction entre très et trop. Elle utilise dans les deux cas le mot caman (prononcez tiaman). La confusion très/trop a d'abord concerné ce qu'on appelle désormais les « quartiers » avant de se répandre dans toute la société. Si la petite habitante de Neuilly est vraiment sous influence, elle ira jusqu'à dire que sa glace est « trop bonne, même » (caman dè).

 

 

S'il fallait singulariser notre époque par rapport à celles qui ont immédiatement précédé, je dirais qu'elle s’est caractérisée, depuis une quarantaine d’ années, par un développement prodigieux des communications de toutes sortes. Parmi elles, les langues servent, comme elles l'ont toujours fait, à rapprocher les hommes. Mais toutes les langues n'ont pas le même statut, la même force, la même autorité au sein de la communauté humaine. Certaines langues sont plus égales que d'autres. L'islandais, parlé par un peu plus de 300 000 personnes, est reconnu aux Nations Unies comme la langue d'un peuple et d'une nation. Mais pas le haoussa qui compte plus de 50 millions de locuteurs. Et parmi les langues privilégiées, il en est une qui domine toutes les autres : l'anglais, ou plus exactement l'anglais qu'utilisent des centaines de millions d'individus de par le monde, en tant que langue seconde presque exclusivement générée par la classe dirigeante étasunienne. Cet anglais n'est pas à proprement parler une langue en soi, mais une langue d'appoint, ce que René Étiemble avait appelé dès les années soixante un sabir (de l’espagnol Saber, savoir), autrement dit une mixture linguistique proposant quelques règles grammaticales simples et un vocabulaire restreint, un système fonctionnel, pratique, couvrant des besoins de communication limités. Le créole, en revanche, est une langue maternelle complexe. Quant au pidgin (mot anglo-chinois qui vient de la déformation de l’anglais business, comme un fait exprès) c’est un système linguistique composite puisque le vocabulaire est anglais et la grammaire chinoise. Ce sabir, imposé bon gré mal gré au monde entier, est en effet d'autant plus pauvre que, outil exclusivement pratique, il est axé sur des fonctions de communication très particulières comme les sciences, les échanges monétaires, le tourisme, l’ informatique, les médias. Or, dans une langue, ce n'est pas tant la langue qui importe que la communication dont la langue n'est que le moyen. Ainsi, dans une langue véhiculaire – et le sabir anglo-américain en est une à sa manière – c'est la fonction véhiculaire qui prime en ce qu'elle est une fonction sociopolitique, à la fois l'expression d'un besoin et la réponse à ce besoin. La fonction véhiculaire se constitue sur le terrain, au cours des âges, tandis que les langues nationales procèdent du droit, de la décision politique : on ne nomme pas telle ou telle langue véhiculaire par décret alors que c'est possible pour une langue nationale. Voir l’exemple du français, avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts. En Angleterre, à la même époque, celle de la Renaissance, l’aristocratie décide de parler et d’écrire en anglais, après avoir longtemps parlé un certain français de l’époque, et écrit en latin. C’est pourquoi il existe dans le vocabulaire anglais des doublons tels que ox et beef, sheep et mutton, calf et veal. Ox, sheep et calf étant les animaux utilisés par le paysan, beef, mutton et veal, les animaux dans notre assiette.

 

Deux exemples, pour aujourd’hui, d’aliénation linguistique : un « mauvais » et un « bon ». J’appelle « mauvais » ce qui contribue à l’affaiblissement, à l’appauvrissement de la langue de départ. Est bon ce qui enrichit cette langue de départ. En français journalistique, on entend quasiment tous les jours parler d’attaques. Dans les faits, il s’agit d’attentats. En français « normal », ces deux termes ne sont pas synonymes. Ils n’ont pas la même origine : attaque vient de l’italien attacare qui signifie assaillir par la violence. Attentat vient du latin attemptarer, entreprendre quelque chose contre quelqu’un. Le substantif anglais attack signifie attaque, et aussi attentat, c’est-à-dire, une attaque contre la vie de quelqu’un. Donc, en disant en français « attaque » pour « attentat », on parle et on pense anglais en français, et, à terme, on fait disparaître un vocable de la langue. J’aime beaucoup l’expression anglaise in the middle of nowhere. Elle veut bien dire ce qu’elle veut dire et elle est délicieusement absurde : comment pourrait-il y avoir un « milieu » à « nulle part » ? L’équivalent français n’ est pas mal non plus : « dans un trou perdu ». Le français est tout aussi absurde : comment un trou peut-il être perdu ? Quand j’étais gosse, on disait, plus trivialement : « Pétaouchnoque (de « schnock », idiot ?) ou Trifouillis-les-Oies », avec l’ idée que c’était nul et à perpette. Les Belges affectionnent (j’adore) Foufnie-les-Berdouilles ; les Québécois Saint-Creux-des-Bas-fonds. « Au milieu de nulle part » est vraiment une très bonne expression. Le petit problème c’est qu’elle fait de l’ ombre à quantité d’ autres expressions francophones. De l’ombre comme celle de Tataouine (du nom d’un bagne en Tunisie).

L'aliénation linguistique (3)
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3 novembre 2025 1 03 /11 /novembre /2025 06:01
Le World Socialist Website évoque les questions de classe dans l'élection à la mairie de New York : À moins d'une semaine des élections à New York, le vote anticipé a déjà commencé. Les sondages indiquent que Zohran Mamdani, membre des Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), sera élu, ce qui ferait de lui, qui se réclame du socialisme, le maire de la plus grande ville des États-Unis, siège de Wall Street et centre névralgique de la finance mondiale.
Mamdani, encore quasiment inconnu l’an dernier, est parvenu à battre l'ancien gouverneur Andrew Cuomo, le candidat favori de l’establishment politique de la ville, aux primaires démocrates de juin.
Depuis, il conserve une avance confortable dans les sondages sur Cuomo, devenu indépendant, et sur le démagogue républicain Curtis Sliwa. Le large soutien dont bénéficie la campagne de Mamdani témoigne d'une profonde aversion pour la politique pro-entreprise du Parti démocrate, qu'Andrew Cuomo a impitoyablement mise en œuvre durant son mandat. Les travailleurs et les jeunes sont révoltés par la complaisance du Parti démocrate envers Trump et cherchent un moyen de lutter contre les inégalités criantes, la flambée des loyers, les salaires de misère, les guerres sans fin, le génocide à Gaza et les rafles de la police de l’immigration.
Dans Le Grand Soir, Victoria Fernandez rappelle que l’Assemblée générale  des Nations Unies demande pour la trente-troisième fois la fin du blocus contre Cuba :

L'organe délibératif suprême de l'ONU rejette à une large majorité le blocus économique imposé par les États-Unis à ce pays des Caraïbes depuis 1962. La résolution obtient 165 voix pour, 7 contre et 12 abstentions.

La résolution de cette année a obtenu 165 votes en faveur, 7 contre (Argentine, États-Unis, Hongrie, Israël, Macédoine du Nord, Paraguay et Ukraine) et 12 abstentions (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Costa Rica, Tchéquie, Équateur, Estonie, Lettonie, Lituanie, Maroc, Moldavie, Roumanie et Pologne).

Ceci représente un changement par rapport aux dernières années, durant lesquelles le pays caribéen a reçu le soutien unanime des pays d’Amérique latine et des Caraïbes et de tous les États membres de l’Union européenne. L’année dernière, la résolution avait obtenu 187 votes en faveur, seulement deux votes contre (États-Unis et Israël) et une abstention (Moldavie).

Le blocus contre Cuba a commencé en 1960 et s’est durci à différents moments historiques, atteignant les pays tiers à partir de 1992, date à laquelle l’Assemblée générale a émis sa première demande aux États-Unis pour y mettre fin.

 

Pour L’Humanité, avec la privatisation des bus, « l’offre de transports va se dégrader » en Île-de-France.

Le 1er novembre, les trois premiers lots de bus de la petite couronne parisienne basculeront dans une gestion privée. Pour la communiste Céline Malaisé, ce choix politique de Valérie Pécresse doit être remis en cause lors du prochain scrutin régional.

Le big bang dans les lignes de bus RATP entre dans le concret. Ce 1er novembre, trois lots basculeront dans une gestion privée (Bussy, Asnières-Pleyel et Bords de Marne), résultat du saucissonnage du réseau historique de la RATP en 13 lots par Île-de-France Mobilités (IDFM) soumis à des appels d’offres.

Si la gestionnaire historique a conservé 70 % du chiffre d’affaires et 75 % du personnel, l’exploitation se fera au travers de sociétés privées et dédiées appartenant à sa filiale Cap RATP.

 

 

Selon Le Nouvel Obs, 107 femmes ont été tuées en 2024, un chiffre en hausse de 11 % en un an, selon le ministère de l’Intérieur.

Au total, 138 morts violentes au sein du couple ont été enregistrées par les forces de l’ordre l’an dernier, dont 31 hommes, selon l’étude nationale annuelle sur cette question.

 

En 2024, 107 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en France, un chiffre en hausse de 11% sur un an, selon les dernières données du ministère de l’Intérieur.

 

 

« En moyenne, un décès est enregistré tous les trois jours », souligne le bilan annuel. En 2024, 403 tentatives d’homicides au sein du couple ont été par ailleurs recensées.

 

Le profil type est « majoritairement masculin »

Dans le détail, 90% des féminicides et homicides conjugaux ont été commis au domicile du couple de la victime ou de l’auteur, précise l’étude. Il a été fait état de 49 usages d’arme blanche et de 34 usages d’arme à feu.

 

Trente-et-un pour cent des faits étaient précédés d’une dispute et 16 % s’inscrivaient dans le contexte d’une séparation non acceptée.

 

Revue de Presse 583
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2 novembre 2025 7 02 /11 /novembre /2025 06:01

Un exemple d’aliénation linguistique que j’affectionne particulièrement : « Les couples mixtes franco-russes étaient pratiquement bannis en RDA » (entendu sur les antennes de France Inter ou France Info).

 

Voici un bon exemple d’appauvrissement de la langue française par le biais de l’anglais. Cela est dû, bien sûr, au fait qu’une bonne proportion des nouvelles d’agence parviennent à Paris en anglais et que les journalistes ne savent pas, ou ne veulent pas savoir, que « to ban » vient d’un mot du vieil anglais qui signifiait « maudire » et qu’il veut dire aujourd’hui « interdire ». « Bannir » se dit en anglais « to banish ». Les couples mixtes étaient donc pratiquement interdits et non bannis. « Bannir », en français, c’est « mettre au ban », envoyer hors des limites de la cité. Avec, par conséquent, les mots et expressions « banlieue » (le territoire d’une lieue autour d’une ville, d’où – consciemment ou inconsciemment – l’aspect très péjoratif du générique « les banlieues »), un « four banal » (four villageois communal), « publier des bans » (informer les habitants de la cité de l’annonce d’un mariage), « être en rupture de ban » (enfreindre une interdiction de séjour dans la cité).

 

Il vaut toujours mieux s’exprimer simplement. « Interdire » est un verbe que tous les francophones connaissent. Mais lorsqu’on pense en anglais et qu’ on veut en mettre plein les oreilles à ses auditeurs, on utilise « bannir » à la place d’ « interdire » et l’ on appauvrit le sémantisme de deux mots français en semant la confusion. Même problème pour le mot « incident ». En français, il s’agit de quelque chose d’accessoire, de pas très important. En anglais, « incident » peut avoir un sens plus fort : un avion qui s’écrase (pardon qui se « crashe « quand il ne se « scratche « pas – » to scratch » = gratter), cela peut être qualifié en anglais d’ « incident ». Tout comme des combats frontaliers qui font 200 morts. Donc, maintenant, en français, on utilise le mot « incident » pour un avion qui laisse tomber par mégarde quelques bombes sur un village afghan. Il faut donc faire preuve de prudence quand on souhaite s’exprimer dans la langue des maîtres du monde. Ce que n’a pas fait, tout récemment, le ministre Pierre Lellouche lors d’un entretien à un journaliste anglais. Lellouche qui voulait faire l’interview en anglais car, selon lui, il parle très bien la langue, a insulté les conservateurs britanniques en les traitant d’« autistes ». Il voulait dire qu’ ils étaient « sourds à » certains arguments (en anglais « deaf to »). Le problème est qu’« autistic » en anglais ne s’emploie qu’ au sens propre. L’ impétueux (et prétentieux) ministre sarkozyste s’est excusé.

Depuis la rédaction de cette note, j'ai entendu, sur France Inter, la phrase suivante : « Le ministre X demande le bannissement de la burqa dans les lieux publics ». Par snobisme et ignorance crasse, ce journaliste dit exactement le contraire de ce qu'il veut dire. Il dit en effet que l'homme politique souhaite que la burqa soit confinée aux lieux publics.

 

Aujourd’ hui, le français tel qu’ on le parle chez les bobos.

Le terme « bobo » est étasunien. C’est la contraction de « bourgeois bohemian » (bourgeois, en anglais, se disant « bourgeois »), popularisé par le livre d’un journaliste de la côte Est : Les Bobos au paradis, la nouvelle bourgeoisie (Bobos in Paradise, the new Upper Class). Mais si on voulait se la jouer franchouillard, on pourrait dire qu’en fait l’ inventeur de cette expression n’ est autre que Maupassant qui, dans Bel-Ami, évoque « cette petite bourgeoisie bohème et bon enfant ». Comme pour chaque expression qu’il forgeait, Maupassant n’avait rien laissé au hasard : il n’y a que deux occurrences du mot « bourgeois » dans son texte. D’une manière générale, l’auteur d’ Une vie était toujours un peu en peine lorsqu’il s’ agissait de parler de la bourgeoisie. Il en dépeignait bien des travers, mais prenait son rôle dominant dans la société comme un fait acquis. Pour ce qui est de David Brooks, l’auteur de Bobos in Paradise, il entendait qualifier sous ce vocable cette frange de la société qui avait succédé aux Yuppies (Young Urban Professional, jeunes citadins membres des professions libérales), tels qu’ on avait pu les rencontrer sous Reagan et que, par exemple, Oliver Stone avait mis en scène dans Wall Street.

 

Le paradoxe avec bobo, c’est que ce terme est peu usité outre-Manche et outre-Atlantique. Son équivalent anglo-américain serait plutôt « hipster », qui désignait dans les années 1940 les Blancs décontractés, calmes, gentils (« cool ») qui faisaient semblant d’adopter le mode de vie, les pratiques socioculturelles des Noirs adeptes de la culture jazz, be-bop. Le modèle « hipster » par excellence étant alors Charlie Parker. Ce vocable s’affadissant et devenant péjoratif dans les années soixante, il fut remplacé par « hippie » avant de retrouver de la vigueur, il y a une dizaine d’années. Les chroniqueurs de Canal+ parlent bobo. Ils n’ont pas leur pareil pour asséner qu’un film est « juste incroyable ». À proprement parler, ce type de notation ne signifie strictement rien. Elle fait se retourner dans sa tombe Louis Prima (« I’ m just a Gigolo »), mais ne renseigne pas du tout sur la qualité du film (ou sa nullité), sur son intérêt quant au syntagme et au paradigme, sur le scénario, les acteurs, la mise en scène. L’expression nous dit qu’on ne peut pas y croire (et si on y croyait, ça changerait quoi ?), mais qu'elle est « juste ». Si l’appréciation est banale (« Ben Hur, c’est juste incroyable »), elle signifie moins que ce qu’ elle dit, mais si l’ appréciation est fine  (« Accords et désaccords, c’est juste incroyable »), elle dit moins que ce qu’elle signifie. Quant à une phrase comme « si vous prenez cette drogue, vous êtes juste un peu morts », elle a du mal à nous faire sortir de l’auberge.

 

PS : demain, revue de presse, pardon : press review.

L'aliénation linguistique (2)
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29 octobre 2025 3 29 /10 /octobre /2025 06:01

J'ai déjà effectué un rapprochement entre les actuelles manœuvres et provocations étasuniennes dans les Caraïbes et les provocations correspondantes de ces mêmes Étasuniens dans le golfe du Tonkin, en août 1964. Naguère, il fallait trouver un prétexte pour attaquer le Nord-Vietnam, aujourd'hui, il faut trouver un nouveau prétexte pour s'en prendre au Venezuela bolivarien. 

Il m'est venu un autre rapprochement, plus ancien, mais qui parlera davantage au lecteur français : l'expédition française d'Alger de 1830. Rappel de quelques faits.

Rappel n° 1. Les livres d'histoire du primaire, jadis (et les publications d'extrême-droite, aujourd'hui), se plaisent à raconter l'histoire édifiante du dey d'Alger, en 1827, qui aurait souffleté le consul de France, Deval, avec son éventail. Ce qui aurait alors décidé le roi de France Charles X, et son président du conseil, l'ultra-réactionnaire prince de Polignac, à lancer, en 1830, l'expédition d'Alger, laquelle aboutit à la conquête, puis à la colonisation de l'Algérie. [N.B. D'aucuns contesteront sans doute ce terme de "colonisation" au motif que l'Algérie, formellement, officiellement, ne fut pas une colonie mais, jusqu'en 1955, trois départements français (à l'instar, par exemple, des départements métropolitains de l'Indre-et-Loire, de l'Allier ou du Puy-de-Dôme). Mais, dans les faits, cela revenait au même, puisqu'il y avait deux populations nettement séparées : les Européens, relevant du droit métropolitain, et les indigènes, soumis au Code de l'Indigénat (qui en faisaient des serfs sur leurs terres) et, jusqu'en 1946, astreints au travail forcé (la corvée du Moyen âge)].

Rappel n° 2. La France invoquait alors, en sus du coup d'éventail, la piraterie des Barbaresques (c'est-à-dire de flibustiers embusqués dans des ports de la Régence d'Alger) pour justifier son expédition. En fait, la réalité était bien plus sordide : au cours de la Révolution et des années suivantes, deux négociants juifs algériens originaires de Livourne (en Toscane), Bachri et Busnach, avaient vendu à la France d'énormes quantités de blé algérien... que la France ne leur avait presque pas réglées. Or ces deux négociants étaient eux-mêmes débiteurs auprès du dey d'Alger, qui leur avait avancé les fonds. Ce qui faisait qu'au final, la France était, en dernier ressort, débitrice envers la Régence d'Alger,|et qu'elle n'avait pas du tout l'intention d'honorer sa dette.

Rappel n° 3. La conquête de l'Algérie eut d'autres causes, à la fois stratégiques et psychologiques. En 1814-1815, le Congrès de Vienne avait entériné la défaite, l'abaissement et l'amoindrissement de la France. La France, qui avait dominé politiquement et militairement l'Europe pendant 23 ans, était ramenée en-deçà de ses frontières de 1789. En outre, la France, qui avait occupé tous les pays d'Europe et était entrée victorieuse à Berlin, à Vienne, à Moscou et à Madrid, se trouvait elle-même occupée et contrainte de payer une indemnité de guerre, elle qui avait exploité et pressuré tous les pays d'Europe de 1793 à 1813. Pour la France, en 1830, ces souvenirs, cette humiliation, étaient encore tout frais. Il ne s'était écoulé que 15 ans entre le Congrès de Vienne et l'expédition d'Alger, soit à peine plus (pour prendre une référence contemporaine) que les deux septennats de François Mitterrand...

 

 

Rappel n° 4. En 1830, les pays qui dominaient le continent, c'étaient la Russie, l'Autriche et la Prusse. Et le pays qui dominait les mers, c'était la Grande-Bretagne. Or ce pays, non content de régner sur les océans, notamment sur l'Atlantique, dominait aussi la Méditerranée. La Grande-Bretagne, en particulier, verrouillait l'entrée de la Méditerranée avec Gibraltar, depuis 1704, et verrouillait le passage entre les deux bassins, avec Malte, depuis 1800. L'amoindrissement de la France, sa diminutio capitis, étaient donc vécus par les Français comme une humiliation. Il lui fallait donc retrouver un statut international, s'imposer face aux puissances continentales et à la Grande-Bretagne. Quoi de plus aisé, alors, que de jeter son dévolu sur un pays situé juste de l'autre côté de la Méditerranée, en vis-à-vis de ses côtes provençales ? 

Rappel - et rapprochement n° 5. La situation géographique et stratégique de la France vis-à-vis de l'Algérie (mais aussi des autres pays du Maghreb) n'est pas loin de faire penser à la situation des États-Unis vis-à-vis de l'Amérique latine. L'Amérique latine est située au sud des États-Unis, comme le Maghreb est au sud de la France. La mer des Caraïbes (ou des Antilles) sépare l'Amérique du Sud et une partie de l'Amérique centrale des États-Unis, comme la Méditerranée sépare la France du Maghreb. Enfin, la conquête de l'Algérie par la France fut entamée en 1830, tandis que la doctrine Monroe (qui théorisait la volonté de domination des Étasuniens sur l'hémisphère occidental), fut énoncée en 1823, c'est-à-dire au tout début du XIXe siècle, à l'époque, en France, du régime de la Restauration. 

Rappel n° 6. La France, au XIXe siècle, n'a pas cessé d'étendre son emprise sur le Maghreb, d'abord par une guerre contre le Maroc, en 1844, puis par la mise sous protectorat du pays en 1912, et par l'invasion de la Tunisie, en 1881. Parallèlement, les États-Unis n'ont pas cessé de s'en prendre à l'Amérique latine : en 1846, contre le Mexique, en 1853 contre l'Argentine et le Nicaragua, en 1855 contre l'Uruguay, en 1859 contre le Paraguay, en 1865 contre la Colombie, en 1888 contre Haïti, en 1891, contre le Chili, en 1903, contre la Colombie et la République dominicaine. Liste non exhaustive...

Remarques sur les médias, par Philippe Arnaud
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27 octobre 2025 1 27 /10 /octobre /2025 07:27

Le Guardian estime qu’il y a au moins au moins 135 corps mutilés de Palestiniens détenus dans une prison israélienne tristement célèbre. Information reprise par Le Grand Soir.

 

Des documents indiquent qu’ils provenaient de la sinistre prison de Teiman, déjà accusée de torture et d’assassinats extra-judiciaires.

 

Le directeur général du ministère de la Santé, le Dr Munir al-Bursh, et un porte-parole de l’hôpital Nasser de Khan Younis, où les corps sont examinés, ont déclaré qu’un document trouvé à l’intérieur de chaque sac mortuaire indiquait que tous provenaient de Sde Teiman, une base militaire située dans le désert du Néguev où des détenus palestiniens étaient enfermés dans des cages, les yeux bandés et menottés, enchaînés à des lits d’hôpital et contraints de porter des couches.

 

Les médecins de Khan Younis ont déclaré que les examens officiels et les observations de terrain « indiquent clairement qu’Israël a commis des meurtres, des exécutions sommaires et des actes de torture systématique contre de nombreux Palestiniens ». Les responsables de la santé ont affirmé que les constats documentés incluaient « des signes évidents de tirs directs à bout portant et des corps écrasés sous les chenilles de chars israéliens ».

 

Selon Le Figaro (qui fête en ce moment ses 200 ans), Grand Corps Malade veut casser la décision de justice exigeant de modifier une de ses chansons où la voix de Fabien Lecœuvre apparaît.

 

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La cour d’appel de Paris a ordonné vendredi de retirer du morceau Des gens beaux un extrait sonore dans lequel un chroniqueur télé se moque du physique de la chanteuse Hoshi.

 

EEn 2021, Fabien Lecœuvre, chroniqueur spécialiste de la chanson française et auteur de plusieurs biographies d'artistes, qualifiait sur une web-radio la chanteuse d’« effrayante ». Ces propos ont soulevé de vives protestations, obligeant le chroniqueur à présenter des excuses à la chanteuse, victime à l'époque de harcèlement en ligne.

 

Peu après, Grand Corps Malade a pris la défense d'Hoshi dans sa chanson Des gens beaux. Ce titre utilise l'enregistrement des propos du spécialiste contre Hoshi. Fabien Lecœuvre, qui a fait appel, a cette fois obtenu gain de cause vendredi, la cour d'appel de Paris estimant que la chanson de Grand Corps Malade « porte atteinte à son droit de voix ».

Le Grand Soir, sous la plume de Craig Murray, dénonce des procès de 36 minutes et sans jury. Les personnes accusées de terrorisme pour avoir soutenu Palestine Action n’auront pas droit à un jury lors de procès limités à 36 minutes chacun, avec des peines de prison pouvant aller jusqu’à six mois. Tels sont les projets des tribunaux Starmer pour les procès de masse des manifestants anti-génocide.

Ces plans ont été élaborés par le juge Michael Snow. Il est l’incarnation même des préjugés judiciaires. Lorsque Julian Assange a comparu devant Snow lors de la première audience après avoir été traîné hors de l’ambassade, Snow a qualifié Assange de « narcissique », alors que celui-ci n’avait rien dit d’autre que confirmer son nom et qu’aucune preuve n’avait été présentée.

Snow a maintenant décrété que les 2 000 personnes accusées en vertu de l’article 13 de la loi sur le terrorisme pour avoir soutenu Palestine Action seront jugées par groupes de cinq, à raison de dix personnes par jour, soit 36 minutes d’audience pour chaque accusé. Il s’agit d’une farce, d’un spectacle de procès-spectacle de masse. Les 36 minutes comprennent à la fois les arguments de l’accusation et de la défense, ainsi que le contre-interrogatoire.

Lors d’une audience préliminaire mercredi, l’une des accusées, Deborah Wilde, âgée de 72 ans, a objecté que ces procès seraient beaucoup trop courts pour permettre une défense adéquate.

Snow a rétorqué : « Je suis convaincu que le temps est suffisant. Je ne vais pas accorder plus de temps. Votre seul recours est la Haute Cour ».

Comme Snow le sait certainement, les gens ordinaires n’ont pas les moyens de se rendre devant la Haute Cour. Ce qui est inquiétant, c’est que les procès se dérouleront devant des juges, dont l’épouvantable Snow, sans jury.

Revue de Presse 582
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22 octobre 2025 3 22 /10 /octobre /2025 05:01

Quand la France vend des meubles historiques pour une bouchée de pain.

 

En 2024, une agente de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) est condamnée par la Cour des comptes à 3 000 euros d’amende pour avoir bradé du mobilier du château de Grignon (Louis XIII). Or son propre directeur va demander à ses collègues d’organiser une collecte pour la soutenir. Résultat : une cagnotte en ligne va atteindre 1849 euros.

 

Le problème est qu’une loi de 1881 interdit des collectes destinées à payer des amendes judiciaires. Le faire c’est contourner la loi.

 

Selon le ministère de l’Agriculture, cette cession est illégale. Une procédure en nullité de vente est introduite.

 

Les agents du ministère avaient été requis pour des véhicules et du matériel agricole. Arrivés sur le site, ils ont appris qu’ils devaient également gérer la vente de meubles, présentés comme « de style » alors qu’ils étaient « d’époque ». Résultat, une console en bois de 1780 est mise à prix à 40 euros et adjugée en ligne à 2 250 euros, avant de partir à 13 000 euros quatre mois plus tard lors d’une vente organisée à l’hôtel Drouot.

 

L’erreur sera-t-elle réparée ? L’avenir du château lui-même est incertain. Depuis mi-décembre, il abrite un centre d’accueil pour les sans-abri, géré par Emmaüs.

 

Ce château a connu un destin vraiment particulier. Je cite La Tribune de l'Art : “ le domaine de Grignon est l’un des deux sièges de l’Institut national agronomique, fusionné en 2007 avec trois autres écoles pour donner naissance à AgroParisTech. Sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, cette école doit s’installer prochainement sur le plateau de Saclay. Pour financer les travaux, la vente des sites de la rue Claude Bernard et du domaine de Grignon, avec son superbe château Louis XIII (ill. 1), a été décidée. Le premier a déjà été vendu, et le second est en cours de cession. Après que le Paris Saint-Germain a fort heureusement renoncé à y installer son centre de formation, une procédure de vente a été lancée, qui devrait aboutir d’ici deux à trois mois au choix d’un nouveau propriétaire. Il y a tout lieu de s’en inquiéter.

Après avoir donné un rapide historique de ce domaine, nous regarderons un à un les scandales qui émaillent cette affaire, avant de conclure sur les prochaines étapes, et espérons-le un dénouement satisfaisant.

Grignon n’est pas un lieu ordinaire : il appartenait à François Ier, puis à Henri II qui en fit don à Diane de Poitiers. En 1582, il fut vendu à Pompone I de Bellièvre (1529-1607), surintendant des finances d’Henri III et resta dans sa famille pendant tout le XVIIe siècle, au début duquel le château actuel fut édifié. Alors qu’il avait été agrandi à peu près aux dimensions actuelles, le domaine fut cédé en 1686 aux Pottier de Novion qui le conservèrent jusqu’en 1802, lorsqu’il fut acquis par Pierre César Auguié, qui le vendit presque immédiatement au général Jean-Baptiste Bessières, élevé peu de temps après à la dignité de maréchal d’Empire.

C’est en 1826 que le domaine redevint royal, après son acquisition par Charles X qui le transféra à la Société Anonyme de l’Institution Royale Agronomique, créée la même année, afin de faire une ferme modèle en charge d’« enseigner et donner l'exemple de la pratique de bonnes méthodes agricoles  ». Elle fut transférée en 1829 au domaine public de l’État, il y a donc presque deux cents ans. Après être devenue École régionale d’Agriculture sous la IIème République, elle se transforma en École impériale d’Agriculture en 1852, puis en École nationale d’Agriculture de Grignon en 1870, avant de fusionner un siècle plus tard en 1971 avec l’Institut national agronomique créé en 1848, pour devenir l’INA-Paris-Grignon. ”

 

Les loufoqueries du château de Grignon
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11 octobre 2025 6 11 /10 /octobre /2025 05:01

En 1972, John Lennon et Chuck Berry se livrent à un “ bœuf ” légendaire.

 

Lennon, incapable de refuser quoi que ce soit à sa Yoko, la laisse perturber son duo avec Chuck (qu'il admire au plus au point depuis toujours) par des cris débiles, au grand effarement de l'auteur de “ You Never Can Tell ”.

 

Un ingénieur du son coupe le micro de Yoko.

 

Savait-elle, cette pauvre fille, que Chuck était quasiment l'inventeur du rock tandis qu'elle n'avait “ inventé ” que des cris primaux ?

 

 

Un duo de légende et une perturbatrice qui s'y croyait
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4 octobre 2025 6 04 /10 /octobre /2025 05:01

Je suis en train de regarder sur Canal + cette série étasunienne qui m'a empêché de m'assoupir. Il s’agit d’une adaptation du roman de Dror Mishani The Missing File (Le dossier manquant), publié en 2001. Cette série policière, ayant pour héros récurrent l'inspecteur de police Avraham Avraham, est d'abord parue en hébreu à partir de 2011, avant d'être traduite en plus de 15 langues, dont l'anglais, le suédois, l'allemand et le français. Le premier titre de la série a remporté le prix Martin Beck du meilleur roman policier étranger publié en Suède.

Alors que son épouse, originaire de Pologne, enseigne à l’Université de Cambridge, Dror Mishani tenta d'y terminer sa thèse de doctorat, mais acheva plutôt l'écriture de son deuxième roman.

 

Le premier épisode de la série met en scène un inspecteur qui enquête sur un nouveau meurtre. On le voit, dans les tout premiers plans, s'incliner devant un cadavre et se mettre à prier le kaddish alors qu'il est interdit de réciter le kaddish si l'on n'est pas en présence de 10 hommes âgés de plus de 13 ans. Il s'agit du détective Avraham Avraham que ses proches appellent « Avi » comme Édouard devient Ted ou Robert devient Bob (ils ne peuvent pas s'en empêcher).

 

Le personnage principal de la série, Avraham, de la police de New York, est en effet un juif orthodoxe incarné par l'acteur israélien Jeff Willbush, ancien membre de la communauté Satmar de Jérusalem. Le scénariste n’est autre que David E. Kelley, l’un des plus côtés d’Hollywood (Ally McBeal).

 

Les sites Rotten Tomatoes et Metacritic ont accueilli cette série de manière assez mitigée.

 

Quelques mots sur les trois acteurs principaux. Jeff Wilbusch est né en novembre 1987 à Haïfa en Israël et a grandi dans la communauté hassidique juive Satmar à Jérusalem. L'une des croyances fondamentales qui distingue la secte Satmar – environ 60 000 personnes – est son opposition à l'État d'Israël. La secte croit que le peuple juif n’a pas vocation à retourner en Israël par la force mais qu'il est plutôt destiné à attendre l'intervention divine et le destin messianique. La langue maternelle de Wilbusch est le yiddish, comme pour ses 13 frères et sœurs. Il parle quatre autres langues : l'anglais, le néerlandais, l'allemand et l'hébreu. Son anglais étasunien est parfait.

 

Web Bush est secondé par l’actrice étasunienne Juliana Canfield, dans le rôle de Janine Harris. Elle est surtout connue pour son rôle de Jess Jordan dans la série Succession sur HBO et également pour avoir incarné Beth DeVille dans la série dramatique post-apocalyptique Y le dernier homme en 2021. C'est une mulâtresse issue d'une famille de la grande bourgeoisie qui a déjà une belle carrière dans le théâtre et le cinéma. Elle a reçu une nomination pour le Tony Award de la meilleure actrice dans une pièce de théâtre pour sa performance dans Stéréophonic en 2024. Auparavant, elle avait obtenu un baccalauréat ès arts avec spécialisation en anglais, puis un diplôme avec mention à l'université Yale en 2014. Elle a ensuite décroché un diplôme de la Yale School of Drama en 2017. Un de ses arrière-grands-pères était le richissime éditeur de livres Cass Canfield qui possédait entre autres la maison Harper. Soyons people : on a vu Juliana Canfield lors de l'été 2013 dans le bal des débutantes à Paris.

 

Ces deux policiers enquêtent sous l’autorité d’une commissaire jouée par Karen Robinson, une actrice noire possédant la double nationalité britannique et canadienne. Karen est née en Angleterre mais elle a grandi en Jamaïque avant de déménager en Alberta avec sa famille à l'adolescence. Très tôt, elle a exprimé ses goûts pour diverses formes artistiques : le chant dans diverses chorales, le théâtre, la poésie. Elle a étudié la communication et le théâtre au Mount Royal College de Calgary avant de travailler comme actrice professionnelle au début des années 90. Physiquement ce n'est pas du tout une beauté : on ne voit au premier regard… que son regard qu'elle nous transmet par des yeux exorbités, un peu des yeux de poisson. Le reste de la distribution est plus traditionnel, plus grand public, avec des acteurs blancs ou noirs que l’on pourrait rencontrer dans n’importe quelle autre série.

 

Cette série est très réaliste, avec un souci du détail dans toutes les scènes se déroulant dans un cadre policier.

 

Je donne ici un résumé des premiers épisodes de la saison 1. Apparemment il n’y aura pas de saison 2, pour des raisons que je ne connais pas.

 

L'inspecteur Avraham Avraham fait donc équipe avec Jeannine Harris pour enquêter sur la disparition de Vincent, un adolescent de 16 ans, semble-t-il sans histoire. Abraham envisage la possibilité d’une fugue avant d'apprendre que le jeune adolescent s'était disputé avec son père la veille de son départ. Le sac à dos et le téléphone du jeune homme sont retrouvés. Avraham n'écarte pas la piste de la fugue mais cela ne le satisfait pas. L’enquête patine. Le père de Vincent donne l’impression de freiner les efforts d’Avraham. Zack Miller, un voisin de la famille, a donné des cours de soutien au jeune homme pour l'aider à préparer son entrée à l'université. L’épouse de Zac fouille dans le carnet de son mari et trouve des textes décrivant le mal-être de l’adolescent, des informations que Zac a caché à la police. Le corps de Vincent est retrouvé dans la rivière, caché dans une valise. On apprend que l'adolescent a surpris son père en train d'abuser de sa petite sœur avant de mourir sous les coups de son géniteur, fou de rage. Il s’agit d’une mort sans l’intention de la donner.

 

L'inspecteur Columbo faisait semblant de ne rien savoir mais il savait tout, grâce à son intuition et à sa raison. Il ne cessait de gigoter et de grimacer alors qu'Avraham est hiératique, retranché derrière l'inexpressivité de son visage. Avraham ne sait rien mais il trouve, mu par une spiritualité très profonde et par son art de la parole : il envoute littéralement les personnes qu'il interroge et leur fait dire des mots, des phrases qu'elles ne soupçonnaient pas. En outre, il est un surdoué, heureusement contrebalancé par une coéquipière simplement intelligente, qui comprend au quart de tour, à laquelle les spectateurs peuvent s'identifier : les questions qu'elle lui pose sont celles que nous-mêmes lui poserions. The Calling reprend les thèmes habituels des série policières, mais en cassant les codes.

 

Son potentiel était énorme. On ne comprend pas pourquoi les diffuseurs (les producteurs également ?) ont décidé de ne pas tabler sur l'originalité des premiers – et derniers – épisodes.

The Calling : une série vraiment différente

PS qui n'a rien à voir :

The Calling : une série vraiment différente
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    Jean-Pierre Perrin . La chambre d’Orwell. Paris : Plon, 2025. Un très bon livre par un auteur qui nous prouve – car cela n’avait rien d’évident – que l’on peut encore et toujours produire du neuf sur George Orwell. L’ouvrage est sous-titré “ Dans la fabrique...
  • L'aliénation linguistique (4)
    Depuis Étiemble, donc depuis les années soixante, on désigne l'ensemble des phénomènes de contact entre le français et le sabir « anglo-américain » sous le nom de « franglais ». Le quatrième de couverture de son livre Parlez-vous franglais ? exposait...
  • L'aliénation linguistique (3)
    En résumé, le bobo parle vite et mal. Il utilise des expressions qu’on ne peut pas lui retourner : essayez, sur le même registre, de dire le contraire de : « Ben Hur, c’est juste incroyable ». Le consensus règne en maître. Nous sommes sauvés. On ne va...