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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 05:01

Dans ce rayon, le wokisme règne, la décontraction s'affole.

 

Il y a, par exemple, l’histoire d’une petite fille noire qui s’appelle Simone et qui a une amoureuse noire, ou celle de deux garçon complices (et colorés) : Les plus beaux.

 

Il y a un ouvrage intitulé Doudous Prides. Un autre s’appelle Mes deux papas. Sans oublier Ma maman bizarre, un peu lesbienne sur les bords. Ou encore Awa, les nuances de l’amour (ici les banlieues sont visées puisqu’Awa est un prénom ouest-africain, équivalent d’Eve).

 

Le franglais est décomplexé : Queer et fières.

 

Les questions métaphysiques s’imposent : Je suis QUI, Je suis QUOI ?, Qu’est-ce qui fait mon genre ?, C’est quoi mon genre ?, Julian est une sirène.

 

Un petit coup d’inclusif avec PARFAIT.E, moins subtil que Brune-Feuille, le prince se marie et autres contes inclusifs.

 

Le garçon en fleurs ne manquera pas d’intéresser les parents botanistes.

 

Sans oublier, évidemment, Mon collier arc-en-ciel et Mon bracelet arc-en-ciel.

 

Il ne reste plus aux instituteurs de maternelle qu'à emboiter le pas. Je ne sais si la production actuelle de livres pour enfants est aussi biaisée que ce présentoir pompidolien. Si c'est le cas, les enfants de mes petits-enfants vont en voir des vert.e.s et des pas mûr.e.s !

Au rayon “ Enfants ” du centre Pompidou
Au rayon “ Enfants ” du centre Pompidou
Au rayon “ Enfants ” du centre Pompidou
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13 septembre 2023 3 13 /09 /septembre /2023 05:01
Pipi debout, pipi assis

 

Ces inscriptions sont parfaitement compréhensibles. Il faut, cela dit, contourner l’édicule de gauche et ouvrir celui de droite pour constater qu’il y a trois emplacements pour les hommes et un seul pour les femmes.

 

Comme nous sommes, à Lyon, administrés par une municipalité écolo-bobo, il est spécifié que la maintenance de ces toilettes se fait à vélo (et pas en camionnette diesel), et que les résidus serviront à nos braves paysans (comme on dit en Côte d’Ivoire). Au moment où j’ai ouvert la porte du pipi assis, pour inspection bien sûr, le lieu était passablement cracra. Mais nous étions un dimanche matin.

 

Ce qui me fait drôle c’est l’utilisation de « masculin » et de « féminin ». Qu’est-ce qu’un urinoir masculin ? Je sais ce qu’est un organe masculin ; je sais ce qu’est un corps masculin, y compris pour une femme ; je sais ce qu’est un comportement masculin ; je sais ce qu’est une activité dite masculine (il existait autrefois une agrégation masculine de grammaire) ; enfin je sais ce qu’est une ensemble de personnes masculines (une équipe masculine de basket).

 

A contrario, je sais ce qui est féminin. C’est d’abord ce qui caractérise toutes les créatures qui produisent des ovules ; puis c’est tout ce qui est relatif à la femme (la toilette, la beauté, la voix) ; c’est aussi une certaine image – que l’on retrouve dans quasiment toutes les cultures – de la féminité. En 1980, fut créé en Côte d’Ivoire, en réaction à la Miss Côte d’Ivoire qui satisfaisait aux critères occidentaux de minceur et de peau un peu claire, une Miss Awoulaba, plantureuse et franchement noire. Cette miss était, pour les Ivoiriens, plus  féminine que l’autre. Dans le domaine psychologique, on parlera d’intuition, de douceur, voire de perfidie féminine : de belles constructions qui nous ont précédés et que l’on peut encore développer. On pourra également gloser sur la peinture pastel, tellement féminine, par opposition à la peinture à l’huile, forcément masculine. Et je ne parle pas de l’éternel féminin, vu qu’il n’y a pas d’éternel masculin.

 

Enfin, politique oblige – et bien que ce ne soit ni joli ni heureux –, je sais ce qu’est un salaire féminin, par opposition à un salaire masculin.

 

Mais j’ai du mal avec « urinoir masculin » ou « féminin ».

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 05:01

Aujourd’hui, dans le bâtiment, où il semble qu’il y ait une pénurie de travailleurs, les patrons ne recrutent plus des ouvriers dans un rapport hiérarchique vertical : des potes recrutent d’autres potes. Ou plutôt des “ collaborateurs ”.

 

On se tutoie, on fait des jeux de mots à deux balles, on fait miroiter des soirées de gala et on invente la maçonnerie “ technique ”.

Dans le bâtiment, on recrute “ copains ”
Dans le bâtiment, on recrute “ copains ”
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25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 05:01

Qu'aurait fait Roland Barthes de tous ces signes ? Un deuxième tome de Mythologies, peut-être. Une nouvelle approche de la culture du pauvre renvoyant au classique de Richard Hoggart The Uses of Literacy ?

Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
Des signes pour Roland Barthes
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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 05:01

Certes, nos amis allemands ont beaucoup à se faire pardonner, mais là ils sont grandioses en croyant qu’ils peuvent s’arranger avec l’intégrisme religieux qui avance partout. Ceci est repris d'un texte publicitaire pour les produits Liebherr.

 

 

Le shabbat (ou chabbat) et un réfrigérateur Liebherr semblent de prime abord ne pas avoir grand-chose en commun. Cependant, il y a plus à dire à ce sujet que vous ne le pensez.

 

Pour commencer, un peu de culture générale à propos du shabbat. Lors de ce jour de repos dans le judaïsme (et de certaines fêtes juives), il est interdit de travailler, mais aussi de pratiquer toute activité de création et de transformation. Par exemple, il est interdit d’allumer ou d’éteindre un feu, ou encore la lumière. C’est ici que le réfrigérateur intervient. À l’ouverture du frigo, la lumière s’allume, ce qui est justement interdit pendant le shabbat.

Que se passe-t-il lorsque le mode shabbat est activé ?

Afin de se conformer aux interdictions du shabbat, de nombreux appareils Liebherr ont été équipés d’un mode shabbat. Cette fonctionnalité désactive certaines fonctions électroniques :

  • Toutes les lumières sont éteintes, y compris l’afficheur.
  • L’écran n’affiche aucune information.
  • Toutes les alarmes sont désactivées.
  • Les ventilateurs continuent de fonctionner comme avant l’activation du mode shabbat. Donc s’ils étaient allumés, ils restent allumés et vice versa.
  • L’IceMaker (en option) est éteint.

Le mode shabbat est très facile à activer. La façon de procéder varie d’un appareil à l’autre, mais elle est toujours décrite dans le mode d’emploi. Vous avez un réfrigérateur connecté à une SmartDeviceBox ? Il vous sera bientôt possible d’activer automatiquement le mode shabbat les jours de shabbat.

Modèles Liebherr équipés du mode shabbat

De nombreux modèles Liebherr sont équipés du mode shabbat :

  • Combinés réfrigérateur/congélateur en pose libre (congélateur en dessous) dotés du DuoCooling
  • Réfrigérateurs, congélateurs et side-by-sides BluPerformance
  • Réfrigérateurs sous-encastrables Premium
  • Modèles FrenchDoor
Shabbat et réfrigérateurs

De Dietrich fait aussi bien :

 

Jour de repos et de fête traditionnel dans la religion juive, le Shabbat commence le vendredi soir et se termine le samedi soir. Parmi les impératifs, il est impossible d'allumer ou éteindre un feu - par extension, une lumière, un appareil électrique. La marque d'électroménager De Dietrich innove en proposant un four doté d'une fonction spéciale Shabbat - jour de repos traditionnel dans la religion juive - certifié par le Grand Rabbinat de Paris. Ce mode permet au four de fonctionner en complète autonomie pendant 24 heures.

Destiné à respecter les impératifs de la religion juive le jour traditionnel de Shabbat, le four Shabbat De Dietrich arrive en France. Déjà commercialisé en Israël, il a été certifié par le Grand Rabbinat de Paris. Il permet au four, à l'activation d'un mode particulier, de fonctionner en complète autonomie pendant 24 heures. "Un flux d'électricité maintient la cavité du four à une température de 90°C, sans avoir recours au thermostat pour cuire et chauffer toutes vos préparations", explique la marque d'électroménager. "La lumière reste en marche et la température constante à 90°C."

Le site Zabilo fait la synthèse côté israélien :


 

Depuis plusieurs années maintenant, de grandes marques comme Siemens, Samsung, Sharp, LG, Beko, Bosch, De Dietrich, Hisense etc. fabriquent des appareils électroménagers spécialement conçus pour shabbat !

La Shabbat Tech en Israel, c'est LA technologie au service de Shabbat, pour notre plus grand confort.

Certains étant déjà connus comme la plata, d'autres moins...

Voici une liste de 5 appareils indispensables inventés spécialement pour shabbat:

Le four :

Vous voulez faire réchauffer vos délicieux plats pendants Shabbat ?

Grâce à la fonction Shabbat, maintenant, certains fours peuvent être utilisés !

C'est simple, vous n'avez qu'à programmer votre four avant shabbat en fixant la température à laquelle vous voulez qu'il fonctionne, puis le four shabbat marche tout seul et reste allumer pendant la période de chabbat.


Exemples de fours shabbat:


Les fours Bosch et Siemens, permettent de chauffer vos plats en mode convection naturelle entre 85°C et 140°C avec une autonomie allant jusqu'à 72h.

La marque Bekoelle, propose des fours mehadrin supervisés et approuvés par la communauté orthodoxe pour shabbat. 
 

La marque Sauter dispose de fours certifiés par le Rav Halperin avec autonomie complète de 24h, ceci grâce a un flux d'éléctricité maintenant la cavité du four à température constante de 90 degrés. La lumière elle aussi reste en marche.


LE KOUMKOUM


Vous avez besoin d'eau chaude pendant chabbat ?

Pour faire du thé ou une autre boisson chaude ?

Le Koumkoum est fait pour vous. Quel nom sympa en plus ! KOUMKOUM !

Le Koumkoum est une bouilloire faite pour shabbat.

Vous l'allumez avant l'entrée du vendredi et grâce a un mécanisme interne, celui-ci continue à fonctionner, conserve et garde au chaud l'eau que vous versez à l'intérieur.

Il existe différents modèles avec des capacités de stockage d'eau qui varient.


Exemples de Koumkoum en acier inoxydable, "Made in Israel":


Koumkoum 6L pour 30 verres
 Koumkoum 8L pour 40 verres

Koukoum 12L pour 60 verres


 


LA PLATA

Qui ne connaît pas LA Classique de Sabbath ?

La plaque de chabbat est un appareil conçu pour rester allumer de l'entrée de shabbat à la sortie de shabbat et rester à température constante.

Elle est très utile pour conserver la chaleur de vos plats de shabbat.

La plata de chabbat vous permet de manger chaud du vendredi soir au samedi soir inclus.


Exemples de Plata:


 

LE CLIMATISEUR


Vous avez besoin d'air à chabbat ? 

Ça tombe bien, certaines marques comme Tornado ou Family proposent des climatiseurs portables numériques avec une fonction shabbat qui vous permet de régler un minuteur pour qu'il fonctionne pendant toute la durée de chabbat.

Ce n'est pas le plus utile car on peut laisser allumer la clim pendant tout shabbat même avec une clim normale, mais on le mets quand même, car le gadget est fait pour shabbat ! 


LE RÉFRIGÉRATEUR

Est-il possible d'ouvir son frigo à Shabbat ?

Maintenant OUI ! Il existe des frigos mode shabbat casher mehadrin ou certifiés par Rav Halperin.

Les meilleures marques en Israel tel que LG, Samsung, Sauter, Sharp, Beko etc. proposent des réfrigérateurs, parmi les meilleurs du marché en prix et qualité, utilisables pendant shabbat !

Comment ça marche ?

La lumière reste tout le temps allumée, ou l'inverse, la lumière ne s'allume jamais mais la température à l'intérieur de votre frigo reste la même !

Résultat : vos aliments restent au frais même à shabbat :) 

Exemples de frigos mode shabbat:

  • Et pleins d'autres frigos mode shabbat encore, à tous les prix, à découvrir en cliquant ici ! 


 

Vous avez trouvé cet article utile ? Vous connaissez d'autres appareils avec fonction shabbat que nous n'avons pas cités ? Réagissez avec nous dans la rubrique "commentaires" ci-dessous... Shabbat Shalom !

 

Un ami juif me fait passer le témoignage suivant :

Ah, la commercialisation du Shabbat! Tu sais, ma grand-mère en Algérie, qui n'avait ni four ni frigo, avait comme toutes les familles juives la ressource du four banal (oui, celui qui existait dans les campagnes françaises aussi avant la Révolution et qui se pluralise en "banaux", contrairement à toutes les autres collocations) : elle y mettait sa marmite le vendredi soir, ça mijotait toute la nuit, et l'un de mes oncles allait la chercher pour le déjeuner du samedi. Plus récemment, il y avait (j'en ai encore vu chez ma tante il y a peu) des plaques chauffantes qui conservent la chaleur pendant une vingtaine d'heures, et plein de gadgets du même genre. On s'accommodait aussi pas mal avec les règles, quand j'étais tout petit on me demandait parfois d'allumer ou d'éteindre la lumière, car pour les gamins "ça ne compte pas", etc. Bref, du bricolage au sens Lévi-Straussien du terme.

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3 août 2023 4 03 /08 /août /2023 05:01

7,9 millions de personnes pratiquent le yoga en France quand elles n’étaient qu’1,6 million il y a dix ans.

 

Dans Le Yoga, nouvel esprit du capitalisme, Zineb Fahsi signe un essai critique sur cette discipline qu’elle enseigne elle-même.

 

 

basta! : En quoi le yoga vous paraît-il être devenu une formidable « caisse de résonance » de l’idéologie néolibérale » ?

Zineb Fahsi : Il suffit d’analyser les discours qui accompagnent et encouragent la pratique du yoga aujourd’hui. Cela se résume souvent à une longue liste de bienfaits en tout genre, comme si le yoga était devenu une recette miracle, un palliatif de tous nos problèmes : on va apprendre à mieux gérer ses émotions, reprendre possession de son corps, améliorer son sommeil, gagner en concentration, cultiver enfin des « pensées positives »…

Autant d’aspects qui nous permettraient in fine d’affronter les tracas du quotidien et d’être plus heureux. Or, toute cette rhétorique de transformation que prône le yoga – car le yoga prétend bien changer le monde, c’est bien là tout le sujet ! – ne s’appuie plus que sur la responsabilité individuelle de tout un chacun, en évacuant consciencieusement tous les enjeux collectifs, politiques et sociaux.

C’est le principe de la « révolution intérieure » : tout ne repose plus que sur nos épaules, à nous de faire des efforts en premier lieu. C’est ce qui en fait un canal de diffusion extrêmement efficace de l’idéologie néolibérale, en contribuant à imposer insidieusement ce mythe selon lequel c’est en se transformant soi-même qu’on transforme le monde. Sauf que non, bien sûr que non, ce n’est pas le yoga ni notre métamorphose intérieure qui nous sauveront du patriarcat, de l’augmentation des inégalités, des hôpitaux en déliquescence ou des burn-out au travail !

La discipline reste protéiforme, dites-vous : historiquement, il n’a jamais existé un seul yoga, monolithique, mais bien différentes formes de pratiques cohabitant sous la même appellation. Quel type de yoga est précisément la cible de vos critiques ?

Je parle du yoga tel qu’il est aujourd’hui pratiqué dans les studios ou dans les salles de fitness. C’est-à-dire un yoga de postures, plutôt athlétique et sportif, qui se déclinent en plusieurs courants différents, tels le Ashtanga ou le Vinyasa, tous hérités d’une forme plus ancienne connue sous le nom de Hatha yoga.

 

Ce yoga est désormais parfaitement « mondialisé ». Les chercheurs parlent parfois d’un « yoga transnational anglophone ». Car dans l’histoire de sa circulation, il a transité par les États-Unis avant de se répandre partout ailleurs. On le retrouve aujourd’hui à l’identique dans les métropoles du monde entier, comme dans les médias ou sur les réseaux sociaux.

Sociologiquement, c’est une pratique très marquée. On manque encore d’études précises à ce sujet, mais le public est principalement composé de CSP+, en majorité des femmes, dans la tranche 25-45 ans. Quand j’ai commencé le yoga dans les studios parisiens, je me suis vite sentie mal à l’aise face au manque de diversité. Il n’y avait aucune personne racisée, aucune mixité. Au contraire, on retrouve toujours les mêmes codes très bourgeois, avec des salles aseptisées, une esthétique très luxe et cette mise en valeur très glamour des corps.

Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes dans l’évolution du yoga. Alors qu’au départ, il prônait l’exploration de soi loin des carcans du moule social, le yoga est devenu une pratique très normative, et très conforme avec les grandes représentations dominantes de la société. Un simple constat : la plupart des cours de yoga ne sont pas accessibles à des personnes non valides. En fait, il y a une grande violence symbolique qui se joue là.

Vous dénoncez également « les injonctions individualistes et dépolitisantes de perfectionnement de soi, de productivité et de performance » qui caractérisent ce yoga contemporain…

C’est la manière dont il est aujourd’hui enseigné et promu, dans ces salles de sport comme dans les ateliers en entreprise, ou dans les écoles, les hôpitaux, etc. On met d’abord en avant la façon dont le yoga va nous permettre d’améliorer notre existence, en prenant soin de notre corps tout en soignant notre esprit. Cette dimension sotériologique (science théologique relative au salut, à la rédemption, ndlr) est parfaitement assumée. Le yoga est devenu l’instrument parfait de la « réalisation de soi ».

C’est ce qui en fait un outil à la fois très dépolitisant, puisqu’il annihile toute référence à la mobilisation collective pour changer concrètement la structure du système. Mais la portée de ce discours n’en est pas moins politique, dans le sens où il réalise justement ce grand dessein néolibéral visant à réduire la société à une somme d’individualités. Si, tel que Pierre Bourdieu l’avait défini, le néolibéralisme consiste en « un programme de destruction des structures collectives [encore] capables de faire obstacle à la logique du marché pur », alors on peut considérer que le yoga y participe, à sa façon, aujourd’hui.

 

Cela n’empêche pas une bonne partie des pratiquants d’être animés par des convictions très critiques contre l’ordre établi, avec des discours volontiers anticonsuméristes. Car le yoga entretient cet imaginaire de transformation sociale, la plupart des yogis pensent qu’ils agissent pour changer le monde. Il y a beaucoup d’idéalistes dans ces milieux.

Simplement, cette résistance se retrouve désormais canalisée à la simple échelle individuelle, à travers des petits gestes. C’est toute l’idéologie du « faire sa part » inspirée de la légende du colibri. Autrement dit, le yoga est devenu une méthode de développement personnel, ce qui n’était pas du tout son ambition de départ.

Le titre de votre livre est une référence explicite à l’œuvre de Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme (Gallimard, 1999), où les auteurs montrent comment le système capitaliste a su absorber et récupérer à son avantage une partie des critiques faites à son encontre. Est-ce une façon d’illustrer directement cette forme de dévoiement dont semble être victime le yoga à vos yeux ?

Le Nouvel Esprit du capitalisme reste un travail majeur pour comprendre les mutations du capitalisme à partir des années 1980. Boltanski et Chiapello analysent ce « nouvel esprit » à partir des manuels de management qui ont façonné les nouveaux modes d’organisation des entreprises dans ces années-là.

Or, justement, le yoga a été assez largement récupéré par le monde du travail, c’est une pratique très en vogue dans les grandes entreprises. Je cite l’exemple d’Amazon qui a développé un programme de bien-être proposant aujourd’hui à ses salariés des exercices d’étirement et des cabines de méditation appelées « Amazen ».

L’objectif, c’est de leur permettre de mieux « recharger les batteries », sans pour autant remettre en question la charge, la cadence ou l’organisation du travail, alors même que les conditions de travail y sont connues pour leur extrême pénibilité, particulièrement en entrepôt. On retrouve cette même logique : se montrer toujours plus résilient et continuer à s’adapter sans jamais s’attaquer fondamentalement aux racines du système.

Boltanksi et Chiapello, c’est une excellente référence théorique pour éclairer cette nouvelle instrumentalisation du yoga, et cette drôle d’évolution dans sa réception. En une cinquantaine d’années, le yoga est passé d’une pratique longtemps considérée comme marginale, voire ésotérique, symbole de la contre-culture hippie, à une discipline extrêmement mainstream, presque une sorte d’art de vivre, en tout cas un symbole de la culture urbaine branchée, qui s’est diffusé jusqu’aux plus hauts lieux de la Silicon Valley.

Comment cette transformation s’est-elle faite ?

Il y a deux grands points de bascule. Une première transformation du yoga – qui est une pratique millénaire, née en Inde il y a 2500 ans – intervient vers le début du 20e siècle. Le yoga s’exporte alors en Occident dans un contexte de lutte naissante pour l’indépendance de l’Inde. Le yoga se reconfigure dans cette période au contact des philosophies occidentales, grâce aux milieux intellectuels indiens qui vont jouer le rôle de passeurs et qui y voient l’occasion de reformuler leur pratique spirituelle à l’aune des valeurs de la modernité comme l’universalisme, le progrès social, voire une forme de sécularisme.

 

Le yoga devient une sorte de bras armé de l’hindouisme dans sa quête de redéfinition en tant que « religion moderne ». Cela devient un moyen de forger des corps forts et sains, pour une nation puissante, à même de s’autogouverner. Il y a à l’époque un enjeu de conquête culturelle pour l’Inde, qui construit un véritable mouvement missionnaire. Le yoga devient un outil de soft power. Cela alimente un registre de discours très orientaliste autour de la « sagesse spirituelle » qui cherche à se positionner comme un parfait complément du progrès technique et de la modernité occidentale.

Pour l’Inde, c’est un excellent moyen de se remettre sur le devant de la scène et de dire qu’elle a quelque chose à proposer au monde. Un siècle plus tard, Narendra Modi (Premier ministre de l’Inde, ndlr) n’a donc fait que poursuivre cette tradition en instaurant la journée mondiale du yoga à son arrivée au pouvoir, en 2014. D’une certaine façon, nous sommes tous aujourd’hui les ambassadeurs plus ou moins complices du soft power indien, et même hindou en l’occurrence !

C’est donc le yoga qui aurait colonisé l’Occident plutôt que l’inverse ?

Disons que concernant le yoga, le mouvement est double, ce qui rend parfois les discussions autour de l’appropriation culturelle compliquées. On ne peut pas mettre sur le même plan la colonisation britannique et l’entreprise de soft power indienne qui se formule en réaction.

Mais il est sûr que cette transformation du yoga n’existe que dans le contexte de la domination coloniale, à un moment où l’Inde veut s’ériger en contre-modèle idéalisé face à un Occident colonial perçu comme violent, matérialiste. Cela va contribuer à fonder une image hyperpositive qu’on a aujourd’hui du yoga. Et c’est précisément ce qui va attirer ensuite toute la mouvance hippie, qui constitue le deuxième point de bascule. 

 

Publié par le site Basta

Une critique matérialiste du yoga par... une enseignante de yoga
Selfie en 1984

Selfie en 1984

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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 05:01

Se démarquer des intellectuels (alors qu’il en est un lui-même malgré sa différence) autorise Orwell à disserter sur l’image de l’intellectuel dans la société anglaise. En partant du principe (qui, naturellement n’a jamais été démontré – pas par lui, en tout cas) que les Anglais ont la pensée abstraite en horreur et qu’ils sont même capables d’agir sans penser, il postule que la force du peuple anglais réside, pour une bonne part, dans sa méfiance pour les idéologies et son penchant pour les problèmes concrets. Pour Orwell, les gens ordinaires ont une pensée à ce point tonique qu’« au moment décisif ils apparaissent plus intelligents que les malins » (“ Inside the Whale ”). Ils attaquent les intellectuels, par la droite ou par la gauche : le vocable “ intellectuel ” est une insulte à la fois pour le Daily Worker et pour Punch. Mais il y a plus sérieux : les marxistes de stricte obédience et les hommes politiques de base méprisent l’homme intelligent ou l’artiste émérite en ce qu’ils sont des intellectuels bourgeois, véhiculant une culture élitiste pour la consommation des classes dirigeantes (“ The Lion and the Unicorn ”).

 

Même à l’époque de la guerre où il fallait serrer les rangs, Orwell n’a jamais vraiment cru que les intellectuels pourraient s’agréger aux masses et leur être utiles. Pour lui, l’intellectuel anglais souffre d’une tare rédhibitoire : sa tournure d’esprit étant négative, il récrimine mais ne construit pas. De plus, son souci de se démarquer du vulgum pecus par des comportements excentriques (Orwell aime brocarder les « buveurs de jus de fruit chaussés de sandales, les végétariens antialcooliques ») ou l’expression de théories arides le ridiculise aux yeux de l’Anglais moyen.

 

Orwell ne s’en prend jamais au lecturer de base, et rarement aux universitaires de haute volée. Il s’agit là de catégories d’individus qui resteront toujours pour lui des étrangers, à l’exception notoire de Freddy Ayer, professeur de logique à l’Université de Londres (« a great friend of mine », CEJL, IV, p. 178). Il préfère railler, en généralisant et en caricaturant, le microcosme des fils de la bourgeoisie bien née, ces jeunes loups fortunés qui glissent avec grâce d’Eton à Cambridge et de Cambridge aux revues littéraires et qui, dans Keep the Aspidistra Flying, empêchent son personnage principal de publier dans les revues qu’ils contrôlent (pp. 39-84). Dans The Road to Wigan Pier, il soutient que pour faire son chemin dans les sphères intellectuelles il faut faire des courbettes dans les cocktails, « baiser le cul de petits lions couverts de vermine », et il regrette dans la foulée que les prolétaires ne puissent accéder à la bourgeoisie qu’en passant par la scène littéraire (p. 144). A maintes reprises, il qualifie les « truands à particules » de l’édition de « Pansy Left » (la Gauche tapette). Dans la mesure où il n’a jamais évoqué la « Pansy Right », on peut penser que la féminisation de certains intellectuels de gauche anglais symbolise, derrière un machisme qui ne s’ignore sûrement pas, une légèreté de... pensée pouvant déboucher sur l’irresponsabilité, voire une réelle brutalité d’écriture que son parti pris d’adopter le point de vue de l’avocat du diable n’excuse pas : « To be a highbrow, with a footing in the snootier magazines, means delivering yourself over to horrible campaigns of wire-pulling [...] » (Wigan, p. 144).

 

Dans “Inside the Whale”, Orwell attaque très durement Auden coupable d’utiliser des mots dont il ne sait pas, parce que toute sa vie fut protégée, à quelles réalités ils renvoient. On peut, cela dit, se demander si Orwell n’avait pas vu extraordinairement clair dans la personnalité d’Auden. En effet, un peu avant sa mort, le poète déclarait à Richard Hoggart : « We the middle class are the pivot of society. We keep the shops open while the aristocracy goes shooting and the workers go boozing »19. On note cependant que Ravelston, le seul personnage de fiction correspondant à l’archétype tant décrié du bourgeois idéaliste frais émoulu de Cambridge, est, dans Keep the Aspidistra Flying, un homme sympathique, un riche socialiste qui sait assumer ses contradictions. Avec Ravelston, Orwell aurait pu réfléchir au rôle du bourgeois de gauche dans la société anglaise, ou encore montrer la société par le regard de ce type d’individu. Mais il est resté en deçà de ses possibilités, sûrement parce que Ravelston était directement inspiré d’un de ses propres amis : le diplomate, écrivain et peintre Richard Rees20.

 

Dans un pays comme l’Angleterre, assure le narrateur de Keep the Aspidistra Flying, « on ne peut pas plus accéder à la culture que s’affilier à un club de cavalerie si l’argent fait défaut » (p. 49). Ce type de raisonnement – dont on a du mal à déterminer s’il est marxiste ou poujadiste avant l’heure, supposant que la richesse et le savoir sont les degrés qui permettent d’accaparer le pouvoir, n’est pas fréquent chez l’Orwell des années trente. Mais nous sommes à un moment où, pour reprendre l’expression de Gilbert Bonifas, il est en pleine « carence idéologique »21 et où il se cherche des boucs émissaires. On peut alors lui adresser le reproche qu’il fera à la gauche anglaise quand elle clouera Wodehouse au pilori. L’intellectuel est donc un individu aux manières grotesques et le garant des privilèges culturels et sociaux de la classe dominante. Mais on ne le voit pas à l’œuvre dans les écrits d’Orwell. Que fait-il à part comploter dans les salons contre les écrivains méritants d’origine modeste ? De quoi ses livres sont-ils faits ? Comment ces livres parlent-ils de la société ? Y a-t-il entre la production élitaire et la culture commune des points de rencontre ? Ces questions ne sont jamais posées.

 

A l’époque de la rédaction de The Road to Wigan Pier, le mépris d’Orwell pour ceux qui pensent atteint des sommets. Il expose par exemple qu’après la boucherie de 1914-18 les jeunes affichent, ce qu’il admet fort bien, des idées pacifistes. Mais sa plume glisse rapidement vers l’amalgame et l’insulte : les jeunes raillent le monde inutilement, il est de bon ton de s’afficher “ bolcho ” et, d’une manière générale, l’Angleterre est submergée par des idées “ antinomiennes ”, “ prédigérées ” telles que le pacifisme, l’internationalisme, l’humanisme mis à toutes les sauces, le féminisme, l’amour libre, le divorce, l’athéisme, le contrôle des naissances (Wigan, p. 121). Ce prurit de snobs se croyant révolutionnaires ne dure pas car les jeunes iconoclastes d’Eton vieillissent et jettent leur gourme. Un seul d’entre eux, dans les années vingt, s’enrôle dans la police impériale birmane, sans qu’on sache exactement si, pour lui, cet engagement représente la vraie vie. Tous les autres se regroupent dans les cercles intellectuels des beaux quartiers de Londres. Ce qui renforce l’épanouissement du groupe de Bloomsbury dont Orwell feint d’ignorer totalement la contribution à la réflexion sur l’esthétisme, sur l’écriture, pour ne retenir, dans un écrit de 1940, que le « ricanement mécanique » d’« intellectuels fossilisés ». Et Orwell crédite bizarrement des mêmes méfaits, vouent aux gémonies, en les mettant sur le même plan, ces fins intellectuels et les colonels en retraite : « A modern nation cannot afford either of them. Patriotism and intelligence will have to come together again » (CEJL, II, p. 96).

 

Pour Orwell, les années vingt ont été dominées par une espèce d’artistes sans prise réelle sur la société. C’était l’époque des « rentiers intellectuels, une époque d’irresponsabilité telle que le monde n’en avait jamais connue auparavant » puisque dominaient des écrivains qui, tels Ezra Pound, T.S. Eliot ou Aldous Huxley, poursuivaient avant tout des buts « moraux, religieux et culturels ». Donc, au moment où Orwell se politise, il reproche à l’intelligentsia de se dégager de l’idéologie. Or, pendant les dix dernières années de sa vie, il consacrera une bonne partie de son énergie à expliquer qu’il n’y a de bonne littérature que loin des contraintes immédiates de la politique. Mais, pour le moment, il observe que les intellectuels anglais qui contemplent leur plexus ou qui ont le regard tourné vers Byzance ou Moscou commettent l’erreur d’ignorer ce qui importe sur le continent européen, comme par exemple la montée du fascisme en Italie. Mais, note Orwell, « tout change vers 1930-35 ». L’homme de lettres représentatif n’est plus un expatrié cultivé et dévot, comme T.S. Eliot, « le dernier des vrais intellectuels de droite », mais le jeune bourgeois communisant (“Inside the Whale”). Désormais Orwell reproche à l’intelligentsia d’être trop politisée, c’est à dire d’embrasser les idéologies sans le recul nécessaire que peut procurer la perspective artistique. Il tance tous les errements, les enthousiasmes irréfléchis : 

 

Who would have foretold just after the general strike that ten years later Winston Churchill would be the darling of the Daily Worker ? [...] On the whole, the intellectuals of the Left defended the Russo-German Pact. It was ‘ realistic ’, like Chamberlain’s appeasement policy, and with similar consequences (CEJL, II, p. 367).

 

Orwell prend le mors aux dents : il critique (en privé) Kingsley Martin, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire de gauche New Statesman, « ce sombre idiot pour qui la guerre ressemble à un match de cricket » (CEJL, I, p. 395). Il n’établit pas de différence entre les écrivains communisants qui “ baisent le cul de Staline ” et ceux qui se pâment devant Mussolini : tous vénèrent le pouvoir, la force et la cruauté (“ Inside the Whale ”). Et puis, en dépit de leurs propensions à l’ouvriérisme, ils sont restés des snobs : leur gilet n’est pas boutonné jusqu’en bas (Wigan, p. 119). Et quand ils se rendent comptent que l’ouvrier les méprise et risque, s’il se révolte, de mettre en péril leur confort matériel et intellectuel, ils sont à nouveau tentés par le fascisme, à savoir l’ordre le plus authentique22.

 

En 1940, dans “ The Lion and the Unicorn ”, Orwell avance que l’affaiblissement de l’impérialisme dans les années trente a été largement provoqué par l’intelligentsia de gauche, cette intelligentsia s’étant elle-même renforcée grâce à la stagnation de l’Empire. Il pense qu’une alliance objective s’est nouée entre les colonels en retraite (les Blimps) pour qui un individu trop intelligent ne pouvait être patriote, et les intellectuels pour qui un patriote ne pouvait manifestement pas être intelligent23. Ce paradoxe ne saurait surprendre puisque arrivant en bout de chaîne après d’autres considérations tout aussi étonnantes sur les intellectuels. Orwell pose tout d’abord que du pessimisme à une vision réactionnaire des choses il n’y a qu’un pas vite franchi par une fraction importante de la classe dominante (CEJL, I, p. 558). Il estime également qu’il eût été possible de susciter un mouvement pacifiste authentiquement populaire en Angleterre, loin des salons de la gauche efféminée (CEJL, I, p. 368). Mais dans les années trente, l’intelligentsia s’est déconsidérée dans des activités inqualifiables, dans le domaine de l’esprit comme dans celui de la politique. Elle s’est coupée du reste de la société en dénigrant systématiquement la civilisation occidentale et en cultivant un sentiment négatif de « désillusion » (CEJL, I, p. 564). La vraie question, se demande Orwell, n’est pas de savoir pourquoi des bourgeois sont devenus staliniens, mais pourquoi ils ont viré à gauche. A première vue, c’est parce que, les puissances de l’Axe menaçant l’Empire britannique, l’antifascisme et l’impérialisme se sont rejoints dans un même combat. Pour Orwell, il n’existait pas de différence fondamentale entre un Blimp anticommuniste et un « antifasciste argenté » : « The Left intelligentsia made their swing-over from ‘War is Hell’ to ‘War is glorious’ not only with no sense of incongruity but almost without any intervening stage » (CEJL, II, p.288). Face à ce recentrage, le rôle des Conservateurs antifascistes était de servir d’officiers de liaison. L’homme de gauche de base est maintenant, constate Or well, un bon impérialiste tout en étant « théoriquement hostile à la classe dominante » (CEJL, I, pp. 381-3).

 

Que pouvait donc faire un écrivain cohérent et responsable au beau milieu de ce maelström ? Orwell, qui, à l’automne 1938, ne parvient pas à faire publier un petit livre pacifiste (CEJL, I, p. 395), est terrorisé à l’idée qu’une Angleterre belliqueuse ne bâillonne les écrivains. Et il désespère de voir ses collègues partager ses frayeurs : « Richard Rees was talking as though even war couldn’t be worse than the present conditions, but I think what this really means is that he doesn’t see any peace-time activity for himself which he feels to be useful » (CEJL, I, p. 564). Ainsi, Orwell reproche aux intellectuels de gauche d’être, plus encore que les bureaucrates et les magnats de la presse populaire, responsables de l’« affaiblissement du désir de liberté » à cause de leur aveuglement pour le mythe stalinien « nauséabond ». Ils ont trop lu Freud ou Dostoïevski tandis qu’Hitler prenait le pouvoir et que Staline affamait les paysans ukrainiens. Le laisser-aller, le « sabotage » des intellectuels, le délabrement du psychisme de tout un peuple (au moment de Munich) ont encouragé les régimes totalitaires à considérer l’Angleterre comme un pays décadent malgré « la bonne santé morale des classes dirigeantes »24.

 

Trois ans avant la publication de 1984, Orwell souligne, dans “ The Prevention of Literature ” (CEJL, IV, p. 81 sqq.), le paradoxe suivant : quantité de gens trouveraient scandaleux de falsifier un manuel scientifique mais ne se formalisent pas d’un fait historique dénaturé. Or c’est au moment où la littérature rencontre la politique que, selon Orwell, « le totalitarisme exerce sa pression la plus forte sur les intellectuels ». Dès qu’il y a démission, tout devient possible : « Everything in our age conspires to turn the writer, and every other kind of artist as well, into a minor official ». Et dès que l’esprit de chapelle l’emporte, l’art, mais aussi la réflexion pâtissent. Chez les Staliniens comme chez les Catholiques. En témoigne le cas de G.K. Chesterton qui a choisi de mettre sous le boisseau sa « sensibilité et son honnêteté intellectuelle » au profit de la cause catholique. Durant les vingt dernières années de sa vie, précise Orwell, Chesterton n’a fait que répéter la même chose. « Chaque livre, chaque paragraphe, chaque phrase [...] devait démontrer, par delà toute possibilité d’erreur, la supériorité des Catholiques sur les Protestants et les païens ». Mais cette supériorité ne pouvait pas être simplement intellectuelle ou spirituelle. Il fallait qu’elle fût traduite – et c’est là que Chesterton devenait malfaisant, « en termes de prestige national et de puissance militaire, entraînant par là-même l’idéalisation des pays latins, la France au premier chef » (CEJL, III, pp. 414-5).

 

Non aux intellectuels fonctionnaires, oui aux rebelles, oui aux hérétiques dans la tradition protestante, oui à ceux qui savent rester maîtres de leur conscience. Mais ces grands principes une fois posés, Orwell généralise et intente des procès particulièrement captieux contre les pensées et les motivations des intellectuels de gauche. Dans la démission, il les amalgame aux propriétaires des grands moyens de communication et les rend complices de l’affaiblissement du désir de liberté (CEJL, III, p. 414). En outre, Orwell n’a jamais cru les intellectuels de gauche réellement socialistes. Tout socialiste croyant et pratiquant, postule-t- il, se pense étranger à l’exploitation des classes. De même, il met en doute leur anti-impérialisme (« au fond d’eux-mêmes, ils ne veulent pas que l’Empire disparaisse »). De plus, si le système stalinien les fascine, c’est parce qu’ils savent son avènement impossible en Angleterre. L’intellectuel de gauche affiche son progressisme d’une manière d’autant plus violente qu’il souhaite en secret que rien ne change.

 

On retiendra que le discours d’Orwell sur l’intelligentsia s’est souvent caractérisé par l’irritation et la violence. Comme cause des emportements de l’écrivain, on n’oubliera pas la relation d’amour/haine qu’il a longtemps entretenue avec l’université anglaise, un parti pris personnel le poussant à montrer du doigt les éléments les plus marginaux de la scène londonienne, et surtout l’âpreté des luttes idéologiques. Car les revirements d’Orwell, ses anathèmes, ses analyses parfois contradictoires et sans nuances doivent être évaluées à l’aune des préoccupations, du malaise, des vicissitudes du monde intellectuel lui-même. Jusqu’en 1935, Orwell ne cache pas l’aversion que lui inspire les coteries et les dynasties littéraires omnipotentes. Ce sentiment l’empêche d’admettre que ces intellectuels, souvent brillants, étaient les initiateurs d’expérimentations, de renouvellements marquants. Il s’insurge contre les « poètes politiques » communisants des années trente (mais ne dit mot de leur désengagement au début des années quarante) sans prendre la peine de relier le manichéisme parfois peu subtil de cette poésie aux exigences d’une situation politique très instable à l’intérieur du pays (ainsi, quand un leader travailliste choisit l’union nationale contre sa base, que faire et où aller ?), très précaire dans le monde et difficile à évaluer objectivement. En outre, il ne tient par exemple pas compte du fait que la majorité des intellectuels progressistes s’imaginaient sincèrement tels les Prométhées d’une nouvelle société25, croyant dur comme fer que l’histoire était de leur côté ou encore qu’ils étaient du côté de l’histoire. « The certainty of a new life must be your starting point », écrivait Cecil Day Lewis dans sa “ Lettre à un jeune révolutionnaire ”26. Orwell écarterait un peu rapidement l’optimisme raisonné de tous ceux qui croyaient, avant la grande désillusion, que les années trente verraient un nouvel ordre bénéfique à l’homme : « At the beginning of the Thirties it was a tenet of faith [...] that reason was slowly replacing force in the conduct of human affairs »27. Orwell quant à lui, verrait ses espoirs en la société s’envoler à l’occasion de la guerre d’Espagne.

 

Mais l’important reste que sa réflexion a débouché sur une impasse. Dans sa période de maturation socialiste, il rejeta les intellectuels parce que bourgeois, néfastes et parasitaires. Plus tard, dans sa période “ union nationale ”, il douta de la jonction avec le peuple. Quant à la naissance d’une culture prolétarienne, il la repoussa aux calendes grecques. Reconnaissant aux écrivains d’origine ouvrière le mérite d’avoir fourni à la littérature anglaise de nouveaux thèmes d’observation et de réflexion, ce qui enhardit certains écrivains bourgeois à se pencher enfin sur des problèmes qui étaient « sous leur nez » (CEJL, II, p. 54 sq.), Orwell observa que ces auteurs écrivaient comme des bourgeois, « dans la langue des bourgeois », sans créer un nouveau mode d’expression culturelle.

 

Dans 1984, les Proles ne produisent rien. Ils reproduisent...

 

NOTES

 

19 Conversation particulière (mars 1988).

 

20 Propriétaire et rédacteur en chef de l’Adelphi, Rees contribua à lancer Orwell comme journaliste. Il est l’auteur du très chaleureux George Orwell: Fugitive from the Camp of Victory (Londres : Gollancz, 1961).

 

21 Gilbert Bonifas, George Orwell : L’Engagement (Paris : Didier Erudition, 1984).

 

22 The Road to Wigan Pier, p. 148. Il y eut bien peu d’artistes ou intellectuels anglais ouvertement fascistes ou ayant exprimé de l’attrait pour le fascisme. Orwell a fort bien expliqué que l’Utopie wellsienne du “ World State ” et l’ordre mussolinien ou hitlérien était objectivement de même nature. Mais Orwell absolvait l’auteur de The Sleeper Awakes au motif qu’il était un homme du XIXe siècle (“ Wells, Hitler and the World State ”, CEJL, II, p. 166 sq.). Jean-Marc Riaume a rappelé que Yeats et Shaw étaient d’origine irlandaise, que Pound était étasunien, que Wyndham Lewis ou T.S. Eliot étaient d’origine étasunienne, tandis que Belloc était d’origine française. Riaume expliquait en ces termes l’aveuglement d’Eliot : « retour à la tradition et au classicisme », « rêve d’une nouvelle Renaissance réalisée au XXe siècle par l’Italie de Mussolini », frayeur devant « une vision apocalyptique du devenir européen ». Gardant ses distances envers le fascisme « tout en le soutenant », il souhaitait « la perpétuation de la civilisation » (“ Stephen Spender et les intellectuels britanniques face à la montée des périls extérieurs ”, Les Années Trente, n° 3, février 1985). Concernant la convergence pacifisme/fascisme dans l’Angleterre des années trente, on pourra se reporter à Claude Jolicœur : “ Les intellectuels britanniques et le fascisme ”, Les Cahiers du C.E.R.F., n°1, mars 1983 et Jean-Paul Révauger : “Plutôt nazis que morts, les pacifistes britanniques et le fascisme”, Les Années Trente, n° 3, février 1985.

 

23 Dans Education and the Social Order (Londres : Allen and Unwin, 1932), Bertrand Russell développait la thèse selon laquelle les plus conformistes des jeunes de la classe dirigeante mourraient sur les champs de bataille dans des guerres auxquelles ils ne comprendraient rien.

 

24 Dans “The Lion and the Unicorn”, Orwell justifie cette bonne santé par le fait que plusieurs ducs et comtes se sont battus – et ont péri, lors de la campagne des Flandres.

 

25 Cf. Valentine Cunningham, British Writers of the Thirties (Oxford : Oxford UP, 1988), chap. 12.

 

26 Dans New Country, Michael Roberts ed (Londres : The Hogarth Press, 1933).

 

27 Julian Symons, The Thirties : A Dream Revolved (Londres : Faber & Faber, 1975), p. 21.

 

George Orwell et les intellectuels : malentendu moral et politique (II)
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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 05:01

J'ai publié cet article dans la revue Cycnos en 1994. J'ai eu plaisir à le relire trente ans plus tard et j'ai eu envie de le porter à la connaissance des lecteurs de ce blog.

 

Cycnos, vol. 11.2 (Autour d'Orwell), 1994, mis en ligne en juin 2008.

 

Orthodoxies, whether of the Right or the Left, flourish chiefly among the literary intelligentsia, the people who ought in theory to be the guardians of freedom of thought. George Orwell

 

Intellectuals [...] take their cookery from Paris and their opinions from Moscow. [...] England is perhaps the only great country whose intellectuals are ashamed of their own nationality. George Orwell.

 

 

Anglicité, classification générique du monde en termes d’odeurs, socialisme, souci d’honnêteté constituent le hochepot de la démarche orwellienne dans la deuxième moitié des années trente, au moment où l’ancien combattant de la Guerre d’Espagne se démarque des intellectuels britanniques, les communisants en particulier, et se constitue en tant que directeur de conscience d’un lectorat intellectuel et de gauche gagné, en grande partie, lors de la publication de The Road to Wigan Pier par le Left Book Club.

 

 

Cette constitution de l’image publique s’est opérée après qu’Eric Blair eut, en position défensive, reconnu qu’il était coupable d’appartenir à la classe des exploitants,1 et, sur le mode offensif, décidé de s’en prendre à l’intelligentsia des années trente, à ses yeux irresponsable. Á la première phase correspondent les premiers romans qui expriment, de manière plus ou moins explicite, le syndrome de l’homme vaincu, ainsi que les premiers essais où une conscience innocente découvre et révèle les horreurs du monde.2 A la seconde phase correspondent un roman3 où l’auteur est largement parvenu à dissocier ses affres et réflexions personnelles de celles de son narrateur s’exprimant en “ je ”, et des essais où Orwell se démarque, sur des bases principalement politiques, de tous ceux qui, culturellement, socialement et idéologiquement lui sont proches.4

 

Pour ce qui me préoccupe ici, la différence entre l’Angleterre des années trente et celle des années vingt est l’absence de ce qu’Orwell appelle une « intelligentsia libérale ». Il voit en Bertrand Russell le parangon de l’intellectuel libre, le modèle édifiant de l’homme intelligent, concentré d’esprit de tolérance et de force de caractère, courtois, magnanime, autonome, capable de faire un sort aux idées à la mode (Collected Essays, Journalism and Letters, désormais CEJL, I, p. 413). Mais, déplore-t-il, le culte de la force est devenu la religion universelle.

 

Avant même de rendre publiques ses réflexions substantielles sur le totalitarisme, Orwell pose qu’il convient, à la suite de Russell – ou, avant lui, de Charles Dickens, d’être profondément moral quand on souhaite mettre son intelligence au service des autres, et il allègue que l’intelligence doit être une composante de la morale. Bien sûr, dans ce cas, l’épistémologie ne risque pas d’être rompue. On en voudra pour preuve le vibrant obit qu’Orwell écrit à l’occasion de la mort de Rudyard Kipling. Si l’impérialisme de la fin du XIXe siècle était aux yeux d’Orwell ignorant et dangereux, il n’en était pas pour autant « entièrement méprisable ». Il était encore possible d’être à la fois « un colon et un gentleman », ou encore un écrivain populaire, consensuel, véritable dieu lare des classes moyennes (CEJL, I, pp. 183- 84). Inversement, la trop grande intelligence d’un H.G. Wells ne pouvait qu’aveugler un penseur manichéen, incapable d’accepter que le fanatisme puisse être plus fort que la raison, que les ténèbres du passé aient fait irruption dans le présent, simplement parce que sa vision du monde était commandée par la dualité simpliste d’un scientisme mondialiste subissant les assauts d’une anarchie réactionnaire et passéiste (CEJL, II, p. 169). Ayant observé que le haut niveau de la science allemande n’avait pas empêché la barbarie hitlérienne, Orwell conteste formellement l’affirmation de Wells selon laquelle le bon sens finira par l’emporter sur le totalitarisme. En conséquence, alors qu’Orwell soutient moralement la vision impérialiste, vertueuse, de Kipling, c’est au nom d’une certaine rationalité politique qu’il pourfend le discours scientiste wellsien.

 

Moraliste mais sans système moral, homme d’idées se méfiant des idéologies, contempteur de l’obscurantisme ou des replis lawrenciens vers un passé mythique ou un plexus cul-de-sac, Orwell joue sans relâche de ses hésitations entre les impulsions d’un sujet moral généreux, ouvert aux difficultés de l’autre, et les raisonnements lucides – quoique paradoxaux – d’un activiste de la pensée constamment sur ses gardes.

 

Dans sa préface à The Road to Wigan Pier, l’éditeur Gollancz avait tenu à se démarquer de son jeune auteur :

 

« Emotional Socialism must become scientific Socialism – even if some of us have to concern ourselves with what Mr Orwell, in his extremely intellectual anti-intellectualism, calls « The Sacred Sisters » – Thesis, Antithesis and Synthesis. »5

 

Les émotions pourfendues par un Gollancz qui, à l’époque, dialectisait sa pensée, Orwell va leur trouver un singulier substrat : les odeurs. Dans les œuvres d’Orwell des années trente et, à un degré moindre, des années quarante, l’expérience, puis le discours sur l’expérience, sont particularisés par des odeurs. Rarement, est-il besoin de le préciser, des fumets enivrants. Ainsi, les indigènes de Burmese Days produisent des « exhalaisons de fauve », tandis que dans les maisons des mineurs de The Road to Wigan Pier l’enquêteur est agressé par des odeurs de sueur de classes inférieures. Mais si les émanations peuvent provoquer une prise de conscience, elles ne sauraient produire de l’art. Dans un débat l’opposant à Desmond Hawkins sur “ l’écrivain prolétaire ” (CEJL, II, p. 54 sq.), Orwell doute qu’on puisse fonder une littérature sur des « plafonds qui gouttent et des éviers qui puent ». Sinon on crée une nouvelle convention, des archétypes qui dureront moins longtemps que le Siège de Troie. Malgré cette lucidité, les odeurs constituent un obsédant paradigme dans la fiction comme dans la diction d’Orwell, ce qui contribue à l’éloigner de ses pairs. On se souvient de la fameuse chute de son essai sur Charles Dickens où, après avoir brossé en filigrane un portrait de lui-même qu’on n’attendait pas nécessairement, il s’en prend aux « misérables orthodoxies nauséabondes qui tentent de s’emparer de nos âmes » (CEJL, I, p. 504). La liste est longue, selon Orwell, des auteurs qui sombrent dans la crasse intellectuelle parce qu’ils pensent au niveau de l’expertise médico-légale (CEJL, II, p. 478), des magnats de la presse qui font de l’argent comme les sconses sentent mauvais (CEJL, III, p. 157), de ces gens à l’haleine fétide qui répugnent davantage que les assassins ou les sodomites6, d’un monde malade de ses boîtes de conserve et de ses mitrailleuses (CEJL, I, p. 548), de la nourriture industrielle, cette « saleté qui vous explose comme une bombe dans la bouche »7, et aussi de tous les minables « lécheurs et baiseurs de cul » qui tiennent le monde de l’édition sous leur coupe (Keep the Aspidistra Flying). Sans parler de tous les concepts et mots en isme aux odeurs de toilettes, des écoles privées qui ne sont que des « escroqueries crasseuses », tandis que Gandhi, malgré bien des réserves orwelliennes, a réussi à laisser flotter derrière lui une « odeur de propreté » que bien des hommes politiques peuvent lui envier. Que Dorothy Hare (A Clergyman’s Daughter) soit agressée par des odeurs de fosses d’aisance8, que le roman Pas d’Orchidées pour Miss Blandish soit lui-même une fosse d’aisance, porte moins à conséquence que la démarche fécale d’Orwell quand il s’agit d’évaluer un adversaire politique d’envergure aussi redoutable que le Parti Communiste Espagnol et ses alliés soviétiques et anglais. Si les souvenirs les plus frais remontant à la mémoire d’Orwell après l’expérience catalane sont des odeurs de latrines (CEJL, II, p. 287), c’est peut-être parce que se plonger dans le maquis de la vie politique espagnole revient à s’engloutir dans une fosse d’aisance (« cesspool »)9.

 

Renifler l’autre pour s’en démarquer n’a pas empêché Orwell d’opérer un mouvement inverse, le premier pas qui l’a mené vers les déchus, vers les ouvriers ou les combattants de la liberté. Conscient que, comme Dickens ou Priestley il observe et pense, malgré tous ses efforts, à partir de sa classe, il lui faut, pour ne pas donner l’impression de parler de haut en bas10, forcer le ton, hausser la voix d’une manière parfois artificielle11, et marquer grossièrement le mouvement descendant qui le conduit vers les victimes et l’éloigne des nantis. Orwell s’en va ainsi « down and out » à Paris et à Londres parce qu’il veut « s’immerger » dans les bas-fonds de la société avant de descendre, après avoir reçu le baptême du charbon et de la chique, au fond des mines du Lancashire. Ce faisant, il peut tenter d’échapper à toute forme de domination de l’homme par l’homme, tout en vérifiant que les travailleurs de force transpirent désagréablement (The Road to Wigan Pier, chap. 9). Curieusement peut-être, le chemin vers le socialisme est passé pour Orwell par cette descente, cette agression d’un appendice nasal trop sensible, tandis que Ravelston, le mécène socialiste de Keep the Aspidistra Flying, ne se résignait pas à boire de conserve avec des ouvriers dans un pub (The Road to Wigan Pier, p. 96). Alors, par un habile retournement des choses, c’est parce que les Bolchos de salon (« parlour Bolchos »), les misérables petites bestioles (« mingy little beasts ») ne peuvent manger avec des prolétaires qu’avec une longue cuiller, que le socialisme « pue » (The Road to Wigan Pier, chap. 11).

 

Il est des créateurs ou des artistes qui ont les pieds sur terre, et non pas la tête dans les étoiles, c’est-à-dire à Berlin, au pied des barrages sur le Dniepr ou dans les savanes de l’Abyssinie. Ce peut être le cas de D.H. Lawrence, digne d’estime, malgré certains égarements idéologiques, car n’ayant pas trahi ses origines en accédant aux classes moyennes (CEJL, I, p. 556)12. Plus intéressant apparaît Henry Miller à qui, bien que presque tout les opposait, Orwell aurait donné le bon dieu sans confession. Orwell regrette assurément que dans un Paris envahi par une kyrielle de « faux artistes, de débauchés et d’imposteurs » en quête d’identité et de succès hypothétique, Miller s’installe douillettement, avec toute la faiblesse tranquille qui le caractérisait dans « le ventre de la baleine »13. Mais ce qui plait à l’auteur de “Inside the Whale”, c’est que son ami étasunien postule que l’écrivain bourgeois problématique est condamné au même titre que l’hippopotame. A quoi bon écrire « pour » dans la mesure où la boucherie de la Grande guerre a relégué au placard les valeurs sur lesquelles croyait reposer la société occidentale ? C’est pourquoi, explique Orwell, Miller préfère franchement se « soumettre » à l’iniquité, à la tyrannie et à l’embrigadement pour atteindre les « imites infranchissables de l’irresponsabilité ». Alors, demandera-t-on, que retient Orwell de positif chez l’individu Miller ainsi que dans son œuvre ? Simplement ceci : l’écrivain étasunien est un homme absolument libre et serein. Et c’est pour cela que ses livres sont beaux et originaux. Ce ne sont pas les « renifleurs d’orthodoxie » qui écrivent les bons romans, pense Orwell, mais les gens qui n’ont pas peur. Peur des discours, peur de la rhétorique. Le créateur libre est, par essence, un libéral, même s’il n’est qu’un fétu de paille dans ce monde caporalisé. Miller est la preuve par l’absurde qu’il n’y a pas de grande littérature quand la cause de la démocratie semble perdue.

 

Un peu plus tard, Orwell prendra la défense d’un autre écrivain “irresponsable”, non problématique mais ayant posé problème, P.G. Wodehouse. Alors qu’Orwell a, des années durant, fustigé les intellectuels de gauche, il absout, sur des bases assez inattendues, un écrivain “apolitique” qui s’est fourvoyé chez les Nazis. En effet, au moment où son pays est traumatisé par la guerre-éclair et tandis que de nombreux jeunes Anglais ont péri au combat, Wodehouse, prisonnier, se laisse interviewer sur ses conditions de détention en Allemagne par une radio étasunienne. Il affirme que l’internement a du bon car – et il n’y a là aucun humour au second degré, il permet de « faire des lectures qu’on a en retard » (CEJL, III, p. 388 sqq.)14. Orwell soutient son confrère parce qu’il est un écrivain non intellectuel, non politisé, irresponsable dans ses propos. Si Wodehouse a accepté de parler à Berlin aussi légèrement, c’est qu’il est « naïf et stupide ». Surtout, Orwell prend sa défense parce qu’il trouve un peu facile de s’acharner sur des boucs émissaires alors que les vrais faiseurs d’opinions (comme le magnat de la presse Lord Beaverbrook) ne sont pas inquiétés. Orwell lui accorde donc le bénéfice de clergie refusé à Salvador Dali, aux “aveugles” de gauche et aux pacifistes de tout poil, tandis qu’il qualifiera de « propagande démagogique » les émissions radiodiffusées de J.B. Priestley pendant la guerre15. Il insultera donc un patriote progressiste alors que, par ailleurs, il se montrera magnanime pour les collaborateurs français et même pour certains criminels de guerre fascistes16. Mais il faut dire que la mauvaise foi d’Orwell vis-à-vis des intellectuels fut constante. Elle atteignit peut-être des sommets lorsque, dans un article de Tribune en 1945, il expliquait que la faune littéraire française s’était « extrêmement bien comportée » sous la botte allemande, et donc qu’il souhaitait que les intellectuels anglais se fussent aussi bien tenus en cas d’occupation (CEJL, III, p. 366).

 

Mais qu’est-ce que, pour Orwell, un intellectuel ?

 

Malgré de nombreuses pages de fiction, de journalisme ou d’essais consacrées à l’intelligentsia londonienne, c’est une question que cet auteur ne s’est jamais réellement posée17. On note que ce champion de l’anglicité utilise davantage le concept russe d’intelligentsia que le mot intellectuel, d’origine française, il est vrai. C’est qu’Orwell considère les intellectuels « en bloc », comme une espèce darwinienne, une faune parasitaire à qui il ne souhaite pas de survivre, sans liens organiques authentiques avec le reste de la société. Quand, dans “ The Lion and the Unicorn ” (CEJL, II, p. 74 sqq.), au moment où il écrit sous les bombes d’avions allemands pilotées par d’autres intellectuels, il leur oppose « les boutiquiers en guerre », il marque combien cette catégorie socioprofessionnelle – à qui il adresse maints reproches comme celui de ne défendre que ses intérêts corporatistes, est profondément intégrée au tissu social du pays. De la gens intellectuelle, il ne distingue que quelques caractères caricaturaux mais qu’il dit représentatifs comme dans la violente apostrophe de The Road to Wigan Pier où il a l’habileté d’inclure sa personne : « You and I and the Editor of the Times Lit. Supp., and the Nancy Poets and the Archbishop of Canterbury, and Comrade X, author of Marxism for Infants […] ». C’est l’époque où il “ gauchise ” sa pensée alors que sa culpabilité n’est pas encore pleinement exorcisée. C’est pourquoi il affirme jouir, aux dépens des travailleurs, des mêmes privilèges que ceux de la tribu qu’il raille : « All of us really owe the comparative decency of our lives to poor drudges underground » (Wigan, p. 31).

 

Hormis quelques rares développements sur les origines de classe et l’éducation des membres de l’intelligentsia, Orwell s’est peu intéressé à la fonction et à la place précise qu’occupent les intellectuels dans la société. Le principal reproche qu’il leur adresse est – paradoxe !, de vivre avec les idées. Jamais un écrivain anglais n’aurait pu écrire Guerre et Paix, pense-t-il, non par manque de talent, mais par manque de sensibilité et de relations avec autrui. Tolstoï « lived in a great military empire in which it seemed natural for almost any young man of family to spend a few years in the army, whereas the British Empire was and still is demilitarized to a degree which continental observers find almost incredible » (CEJL, II, pp. 223-4). En outre, alors qu’il s’est toujours targué d’aimer la surface des choses, Orwell reproche aux intellectuels leur « manque de profondeur » dû à une méconnaissance volontaire du patrimoine culturel national, de leur éloignement de la common culture, ce concept bien à lui et qu’il affectionnait18. C’est qu’Orwell est traversé par une vision quasi pascalienne de l’intellectuel, celle qu’inscrivait Malraux dans sa fameuse question : « Qu’importe ce qui n’importe qu’à moi ? ». Le fait est que pour l’auteur de “ How the Poor Die ” (CEJL, IV, p. 261 sq.) l’intellectuel anglais n’accède pas à la grandeur par manque d’une conscience vraie du réel, parce qu’il croit qu’il peut se soustraire à sa condition corporelle, parce que son esprit n’a pas payé le prix d’une passion de la vie, d’une souffrance vitale, parce qu’il n’a pas franchi les obstacles du bois sacré de l’existence qui, seuls, peuvent faire comprendre combien le poids de la chair est triste. Dans cette optique, Orwell ne conçoit l’intellectuel que comme un visionnaire, un translucide unissant en lui passion et culture, capable de révéler le secret de la vie des objets et des êtres placés « devant le nez » (CEJL, IV) de chacun, capable de révéler, par delà l’intelligence pure, l’essence des choses, parce que sa pensée est généreuse comme celle de Dickens, courageuse comme celle de Henry Miller et morale comme celle de Bertrand Russell.

 

 

NOTES

Voir Bernard Crick, George Orwell: a Life (Londres: Secker & Warburg, 1980) et Bernard Gensane, George Orwell: vie et écriture (Nancy: Presses Universitaires de Nancy, 1994).

 

2 Premiers romans : Burmese Days (New York: Harper, 1934), A Clergyman’s Daughter (Londres: Gollancz, 1935), Keep the Aspidistra Flying(Londres: Gollancz, 1936). Parmi les premiers récits ou essais : Down and Out in Paris and London (Londres: Gollancz, 1933), “The Spike”, “A Hanging” (1931), “Shooting an Elephant” (1936) (The Collected Essays, Journalism and Letters of George Orwell, eds Sonia Orwell et Ian Angus, vol. I (Londres: Secker and Warburg, 1968). Par la suite abrégé en CEJL avec référence à l’édition Penguin de 1970.

 

3 Coming Up for Air (Londres : Gollancz, 1939).

 

4 Exemples : Homage to Catalonia (Londres: Secker and Warburg, 1938) ; “Inside the Whale”, “My Country Right or Left” (1940) (CEJL, I), “Prophecies of Facsism” (1940) (CEJL, II), “The Lion and the Unicorn” (1941) (CEJL, II), “Literature and Totalitarianism” (1941) (CEJL, II).

 

5 Ruth Dudley Edwards, Victor Gollancz: a Biography (Londres: Gollancz, 1987), p. 247.

 

6 George Orwell, The Road to Wigan Pier, 1937 (Harmondsworth: Penguin Books, 1963), p. 112. Par la suite abrégé en Wigan.

 

7 Georges Orwell, Coming Up for Air, 1935 (Harmondsworth, Penguin Books, 1962), p. 27.

 

8 Georges Orwell, A Clergyman’s Daughter, 1939 (Harmondsworth, Penguin Books, 1964), p. 48.

 

9 George Orwell, Homage to Catalonia, 1938 (Harmondsworth: Penguin Books, 1962), p. 143.

 

10 Richard Hoggart, Speaking to Each Other, 2 vols (Harmondsworth: Penguin Books, 1973), II, p. 109.

 

11 Bernard Gensane, “Ecriture et transgression chez Orwell, Annales du GERB, 1989.

 

12 On note qu’Orwell entretient le mythe sur les origines sociales de Lawrence, qui n’était pas, à proprement parler, d’origine prolétarienne, même si lui-même avait fini par le croire. Son père était chef d’équipe et sa mère institutrice. Leur maison avait une fenêtre en baie et une entrée séparée.

 

13 “Inside the Whale” (CEJL, I, p. 540 sq.).

 

14 En 1944, Wodehouse revient en Angleterre et le ministre des Affaires étrangères, Sir Anthony Eden, confirme, après qu’Orwell et Malcolm Muggeridge ont pris sa défense, que l’écrivain ne sera pas poursuivi. Wodehouse s’expatriera aux Etats-Unis, blessé d’avoir été suspecté de trahison, et prendra la nationalité étasunienne.

 

15 CEJL, III, p. 402. L’attaque contre Priestley ne laissait pas de surprendre : socialiste fabien, l’auteur de The Good Companions n’était nullement un fanatique du stalinisme et son attitude pendant la guerre fut irréprochable.

 

16 “ Who Are the War Criminals ? ” (CEJL, II, p. 363 sqq.). Dans ce très fort texte, Orwell dénonce la connivence des Conservateurs britanniques (Winston Churchill au premier chef) avec le Mussolini des années vingt et trente, celui qui tentait de faire plier l’Abyssinie et qui était, à l’intérieur de ses frontières, le meilleur rempart contre le “ bolchevisme ”. Il dénonce l’abandon intellectuel et moral de la classe dirigeante anglaise : « When one thinks of the lies and betrayals [...], the cynical abandonment of one ally after another, the imbecile optimism of the Tory press, the flat refusal to believe that the dictators meant war, [...] the inability of the moneyed class to see anything wrong whatever in concentration camps, ghettos, massacres and undeclared wars, one is driven to feel that moral decadence played its part as well as mere stupidity ».

 

17 Nous retiendrons, quant à nous, la définition de Pascal Ory : « un homme du culturel mis en situation d’homme du politique ». “ Qu’est-ce qu’un intellectuel ? ” in Dernières questions aux intellectuels, ed. P. Ory (Paris : Olivier Orban, 1990), p. 24.

 

18 Ce concept de common culture a peut-être inspiré certaines réflexions de T.S. Eliot dans son essai d’après-guerre Notes Towards the Definition of Culture (Londres: Faber and Faber, 1948) ; les deux hommes s’étaient beaucoup fréquentés pendant la guerre et ils s’estimaient profondément : « It is important to remember that we should not consider the upper levels as possessing more culture than the lower, but as representing a more conscious and a greater specialisation of culture » (p. 48).

George Orwell et les intellectuels : malentendu moral et politique (I)
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29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 05:01

On pourrait déjà commencer avec le mot cookie qui ne signifie rien d'autre que petit gâteau sec. Mais, soyons beau joueur, fair play : mettons qu'il soit entré dans la langue.

Depuis des années, des publicités vantent les cookies Granola (produit crée aux États-Unis en 1863). De LU. LU, ce fleuron de l'industrie alimentaire française passé (pour 5,3 milliards d'euros) sous la coupe de Kraft Foods, entreprise de l'Illinois. Principaux actionnaires : le fonds d'investissement Berkshire Hathaway, qui appartient à Warren Buffett (l'homme qui a gagné la guerre des classes), Barclays Global Investors, State Street Corporations et Capital World Investers (autres fonds). Dans une autre vie, LU signifiait Lefèvre Utile. La honte ! Rappelons que LU est une marque de biscuit. Rendue célèbre par le Petit Beurre Nantais. Ses créateurs, Jean Romain Lefèvre et Pauline-Isabelle Utile ont commencé à les confectionner dès 1846.

 

Je serai franc avec vous : j’adore les Granola. En particulier le “ Granola Extra-Cookie aux gros chunks* de chocolat.

 

Comme, depuis les States, on sait qu'on s'adresse plutôt à des bouseux, à des fromages qui puent, on traduit chunks. Un astérisque renvoie à “ pépites ”. Ah, “ pépites ” ! On se mange de l'or. En ces temps de difficultés économiques, c'est chouette, non ? Seulement chunk n'a jamais signifié pépite. “ A chunk ”, c'est un morceau, plutôt gros : a chunk of metal, a chunk of wood : du métal, du bois. Et l'on rencontre ce terme principalement dans l'expression “ a chunk of bread ” : un quignon de pain. Une pépite, c'est a nugget. Hé oui, nous avons tous les jours sous les yeux cette merveilleuse antiphrase : les “ nuggets de poulet ”, ces bouts de viande tout droit extraits de volatiles élevés en batterie.

 

La publicité nous rend cons, elle nous aliène. Elle inscrit en nous de l’imaginaire, de l’illusion. Notre réel est vécu selon un mode de fiction perpétuel. Nous jouons à faire semblant. La publicité, la communication, nous empêche de repérer l’ennemi, l’exploiteur.

 

Granola et ses pépites
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27 juillet 2023 4 27 /07 /juillet /2023 05:01

Pour la 3000ème fois, il serait bon que les médias évitent :

 

1) dans leur ignorance crasse

2) dans leur souci de bien faire

3) dans leur souci du politiquement correct

d'utiliser le verbe “ exécuter ” à la place du verbe “ assassiner ”.

 

Exécuter, c'est faire mourir quelqu'un conformément à une décision de justice. Assassiner (supprimer, zigouiller, flinguer ou, tout simplement, tuer), c'est tuer avec préméditation. Jean Jaurès, Kennedy, Olof Palme furent assassinés, pas exécutés.

 

L'acception “ faire mourir sans jugement ” (“ le mouchard a été exécuté froidement par ses camarades ”) ne doit pas être privilégiée dans cette situation et ne rend pas hommage aux victimes. Sans parler du sens figuré (“ la critique a exécuté ce film ”).

"Exécuter", disent-ils

PS : à propos de la famille Cazeneuve, j'avais anticipé il  y a un an.

https://www.legrandsoir.info/connaissez-vous-marguerite-cazeneuve.html

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