Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 06:18

 

Un des mots les plus utilisés par les médias neuneux et les politiques médiocres est “ compliqué ”. Il s’agit là d’une de ces nombreuses simplifications qui appauvrit la langue française dans son sémantisme, et donc la pensée qui va avec. Ce type de phénomène est toujours, pour partie, idéologique. Ces assassins de notre langue utilisent “ compliqué ” en lieu et place, selon les contextes, de : complexe, alambiqué, recherché, ardu, nébuleux, difficile (je vous passe difficultueux), délicat, épineux, emberlificoté, byzantin, ardu, subtil, raffiné. Parmi deux ou trois dizaines d’autres termes.

 

En fait, le plus souvent, on nous balance “ compliqué ” pour signifier “ difficile ”. Mais en utilisant ce terme de manière floue, on opacifie la réalité et on on l’atténue lorsqu’elle est hostile. Dire « ce sera compliqué pour Jacques de se sortir de cette situation », c’est beaucoup plus doux et moins dramatique que « ce sera ardu ou épineux ».

 

Et pourtant, l’adjectif compliqué n’est pas inintéressant en soi. Mais les neuneux et les médiocres nous en ont fait oublier toutes les subtilités. Á noter, pour commencer qu’il est toujours postposé. On ne dit pas « une compliquée situation » mais « une situation compliquée ». Le mot a plusieurs sens, le premier renvoyant à des éléments qui entretiennent entre eux des rapports multiples, variés et difficiles à appréhender. Il peut qualifier des mots concrets (« un plan de masse compliqué ») ou abstraits (« une représentation compliquée »). « Compliqué » peut avoir une connotation morale (« ce type a une tournure d’esprit vraiment compliquée »). Il peut être positif : « ce tour de magie est compliqué » ou ambigu (« elle est compliquée, ton histoire ! », « cette colonne baroque est d’un compliqué ! »).

 

J’en viens à ce qui a motivé ce billet. Une couverture récente du magazine La Croix nous informe que l’Islam (Islam avec une majuscule, on se demande pourquoi) « c’est compliqué », et que l’équipe de l’hebdomadaire catholique va nous expliquer le « pourquoi » de cette complication. Nous sommes ici dans une affirmation péremptoire, dans l’absolu et dans la simplification. L’islam est-il plus ou moins compliqué que le catholicisme ou le pentecôtisme ? Que représente l’« islam » de cette couverture ? Une religion, une population, une politique, une présence au monde ? Peut-être une menace. Mais la grande complexité de ce titre choc est atténuée par l’utilisation de l’adjectif « compliqué » qui ne veut pas dire grand-chose, donc qui veut tout dire mais sans le dire tout en le laissant entendre. Écrirait-on que le luthérianisme avec ses 95 thèses était « compliqué » ? Non, bien sûr. Remplacez « islam » par « politique étrangère de Joe Biden » ou « gestion de la crise sanitaire par le banquier éborgneur » et vous aurez des propositions  qui cachent les drames du monde, qui en évacuent les ressorts dialectiques, qui produisent un discours qui ne ramène qu’au discours car nous sommes, non pas dans l’analyse ou l’information, mais dans dans la communication.

 

Et il se trouve que les kiosques lyonnais qui affichent la “ une ” de La Croix ont disposé la “ une ” d’Historia au dessus de celle de l’organe catholique. Là, rien n’est compliqué, tout est clair. La France, notre France, est celle des « 100 tribus gauloises », ces Arvernes, ces Parisii qui ont créé les « territoires » (mot très chargé d’idéologie comme l’a récemment démontré Fabrice Aubert). On passe sur le fait qu’il n’y a pas eu 100 tribus gauloises en Gaule pour retenir que ces tribus n’avaient vraisemblablement pas conscience de constituer un tout pouvant projeter un territoire français. Bien compliqué, tout cela.

Compliqué
Compliqué
Partager cet article
Repost0
30 janvier 2021 6 30 /01 /janvier /2021 06:09

Repris du site Des livres et moi.

Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Astérix et l'art classique
Partager cet article
Repost0
27 janvier 2021 3 27 /01 /janvier /2021 06:10

Je découvre, 56 ans après, que la chanson “ Nathalie ” de Gilbert Bécaud n'avait rien d'un mythe imaginaire ou évanescent.

 

A Léningrad, l'hiver n'en finit pas

Et nos glissades le long de la Neva

Nous font oublier le froid

Est-ce qu'un jour tu reviendras ?

A Léningrad, je vis avec maman

Des camarades me sortent de temps en temps

Au musée, au restaurant Je viens d'avoir 19 ans 3.

A Novgorod, j'entre à la faculté

Au mois d'Octobre, petite mère est effrayée

Mais vous serez fier de moi

Quand j'aurai fini mon droit

Avec maman, quand le cœur est au gris

Après l'dîner, on se passe "Nathalie"

Ça la fait un peu pleurer

Et moi ça me fait danser

Rappelle-toi la place était vide

Et dans ce temps-là, maman était guide

Pouchkine elle en parle tout l'temps

C'était son bon temps

J'voudrais bien aller à Paris

Voir les magasins et les rues la nuit

Mais pour avoir un pass'port

Crois-moi c'est du sport

A Léningrad, les longues nuits de Juin

On se régale de rock américain

On chante aussi tes succès

En français et en anglais

Envoie-nous des cartes postales

De la Tour Eiffel, du Château d'Versailles

Et une diapo couleurs

De mes petites sœurs

Moi j't'envoie une photo de moi

Ma jupe est trop longue

Mais ici c'est comme ça

Est-ce que j'ressemble à maman

Il y a 19 ans ?

A Léningrad, tout le monde t'attend

A Léningrad, c'est bientôt le printemps

Si tu revenais avec lui

Elle serait contente Nathalie.

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2021 4 21 /01 /janvier /2021 06:26

 

 

Pas d’affolement : on ne va pas évoquer les actifs financiers, les obligations boursières, les créances, mais plutôt la manière dont il convient d’écrire les titres d’ouvrage. On parlera donc littérature et cinéma.

 

Dans une autre vie, j’ai, pendant environ 40 ans, corrigé 150 mémoires de maîtrise et de DEA et une vingtaine de thèses et de dossiers pour l’habilitation à diriger des recherches. Je crois qu’autrefois j’aurais aimé rejoindre les rangs des imprimeurs, d’authentiques savants appréhendant des centaines de normes, de règles, des techniciens à la croisée des mondes manuel et intellectuel.

 

Il faut s’efforcer de respecter les règles en matière d’édition comme il convient de respecter les feux de circulation. Cela rend la vie plus simple. Si j’écris « J’adore les misérables » ou « On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset »,  ou bien « II faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » du même Alfred, je risque d’installer la confusion chez mes lecteurs.

 

Comme presque toujours, le mal vient d’outre-Manche et d’outre-Atlantique (je ne parle pas de l’outre-Rhin car la langue allemande est un cas à part). Les Grands-Bretons et les Étasuniens ont tendance à mettre des majuscules un peu partout (What’s New Pussycat ? contre Quoi de neuf Pussycat ?, For Your Eyes Only contre Rien que pour vos yeux, “ Let It Be Me ” contre “ Je t’appartiens ”). Nous, non, mais nous sommes contaminés par ce qui n’est pas notre grammaire, notre culture, nos traditions.

 

Alors faut-il écrire « J’ai vu l’avare de Molière », « J’ai vu L’avare de Molière », « j’ai vu l’Avare de Molière » ou « j’ai vu L’Avare de Molière » ? Sans oublier que, depuis que nous disposons de traitements de texte, il vaut mieux mettre le titre de l’œuvre en italiques. Nous écrirons donc : « J’ai vu l’Avare de Molière ». Ça marche aussi pour la sculpture ou la peinture : « Quelle est l’influence de Camille Claudel dans le Baiser de Rodin ? ». Ou encore : « J’aimerais bien revoir la Joconde ».

 

Citer le nom d’une œuvre obéit à des règles simples mais précises. Autrefois, on soulignait les titres : la Femme de trente ans (et nom 30). Maintenant, les italiques des traitements de texte permettent d’écrire sans ambiguïté : “ Le Chêne et le Roseau ” compte parmi les Fables de La Fontaine. Á noter que Roseau prend une majuscule car il est en miroir par rapport au chêne. Pour les journaux, revues, pour les émissions qui constituent une œuvre, les italiques s’imposent : France-Soir, Initiative Communiste, Affaires sensibles.  Pour les sites internet, nous sommes encore en plein flottement : pour l’instant, j’écris Le Grand Soir et non Le grand Soir (ou Le Grand Soir, ou encore Le grand soir).

 

 

Les textes courts – articles, chansons, chapitres, contes – qui font partie d'un ensemble et qui ne constituent pas des publications isolées sont le plus souvent mis entre guillemets : “ Un cœur simple ” de Flaubert fait partie du recueil Trois contes (et non 3 Contes).

 

Seul le premier mot d’un titre d’œuvre prend une capitale initiale : Voyage au bout de la nuit, Du contrat social, l’Éducation sentimentale. Les noms propres conservent leur majuscule : Michel Strogoff, Madame Bovary, Babbitt.

 

Si le titre commence par un adjectif ou un adverbe, on ne met pas de capitale après le premier substantif : Vingt Ans après.

 

Si le titre constitue une phrase à lui seul, seul le premier mot prend une capitale : Autant en emporte le vent, Touchez pas au grisbi !. Si le titre ne constitue pas une phrase, on capitalise le premier substantif : les grandes Espérances. Á noter l’exception des Fleurs du Mal, Baudelaire ayant exigé cette seconde capitale. Si un adjectif est placé entre l’article et le substantif ou après le substantif, il commencera par une capitale : les Trois Mousquetaires, la Vingt-cinquième heure, les Femmes Savantes, le Courrier Picard.

 

Lorsqu’un titre contient une comparaison ou une symétrie, les substantifs qui le composent commencent généralement tous par une capitale : Crime et Châtiment, le Zéro et l’Infini.

 

Si le titre contient un mot composé, le deuxième élément commence par une capitale : le Procès-Verbal, l’Affaire Saint-Fiacre.

 

On ne met jamais les titres en abrégé : Madame Bovary, Madame de.

 

Pour ce qui est des chiffres, il faut respecter les choix des auteurs : l’Assassin habite au 21, 1984 (version française, Nineteen Eighty-Four, version originale),  Quatrevingt-treize, (Hugo ne s’était pas vraiment expliqué sur cette graphie : « J’ai déjà fait observer que Quatre-vingt ne veut pas de trait d’union. C’est un seul mot. Ne pas l’oublier. »)

 

 

Attention à la Bible et au Coran : « J’ai lu la Bible », mais « J’ai une bible à la maison » ; « Passe-moi ton exemplaire du Coran », mais « Tu trouveras des corans en solde chez le bouquiniste ».

 

Problème de l’article contracté : « J’ai assisté à une représentation du Cid » (et non pas de le Cid), « J’aime le Baudelaire des Fleurs du Mal », « J’aime l’humour des Joyeuses Commères de Windsor », « J’ai une édition du XIXe siècle des Trois Mousquetaires », « Je pense aux “ Petites madmaselles ” de Bécaud », « Il nous a parlé du Rouge et le Noir » (et non du Noir), « Je n’ai pas trop aimé sa critique de les Salauds vont en enfer ».

 

Pour ce qui est des films, les règles peuvent être différentes. Lorsque le titre commence par un article défini, seul le premier substantif prend la majuscule : les quatre Filles du docteur March, le Rideau déchiré, la Femme du boulanger. Si un adjectif précède le substantif, il commence par une majuscule : le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Mais l’adjectif ne porte pas la majuscule lorsqu’il suit le substantif : la Lettre écarlate. Lorsque l’article commence par un article indéfini, les mots qui suivent ne portent pas la majuscule : Une si jolie petite plage. Si le titre est une phrase, aucun des mots qui suit l’article ne porte la majuscule : Le cave se rebiffe, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause !. Si un titre est composé de plusieurs substantifs au même niveau, ils portent tous la majuscule : Le Bon, la Brute et le Truand. Mais dans Diabolo menthe, le statut de menthe est inférieur à celui de diabolo.

 

On l’a dit, les Britanniques et étasuniens mettent des majuscules un peu partout. Les Italiens sont parcimonieux : La dolce vita. Les substantifs allemands commençant par une majuscule, ça y va outre-Rhin : das Kapital, die Entwicklung des Sozialismus von der Utopie zur Wissenschaft, die Brücke. Les Espagnols sont plus modérés : La piel que habito, Mar adentro, Abre los ojos, Cien años de soledad, Don Quijote de la Mancha.

 

E la nave va…

De la titrisation
Partager cet article
Repost0
19 janvier 2021 2 19 /01 /janvier /2021 06:11
Du récit national, par Marie-Jean Sauret

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 06:32

 

Mathilde de Toscane naît en 1045. Elle est la fille du marquis Boniface III assassiné d’un coup de lance empoisonnée quand elle n’a que six ans. Sa mère, Béatrice de Lorraine, se remarie sans l’autorisation de l’empereur Henri III dont elle est la vassale. Lors de sa descente en Italie en 1055, Henri III entre en Toscane et emmène Béatrice et ses enfants avec lui en Allemagne. Mathilde et sa mère sont retenues à la cour impériale de Spire. Les deux princesses ne sont libérées qu'après la mort de l'empereur en 1056.

 

Après les morts mystérieuses de sa sœur aînée et de son frère, Mathilde devient l’héritière du château de Canossa, du marquisat due Toscane et d’une partie de la Lombardie et la Lorraine.

 

Elle étudie le latin, le français, l’allemand, mais aussi l’équitation, le maniement de la lance, de l’épée et de la hache. Sans parler de l’art de la guerre en général. Elle mène ra sa première campagne en 1067 en repoussant les Normands hors du Latium.

 

En 1057, Béatrice retourne enToscane, accompagnant le pape Victor II. Accompagnée de Godefroid II (le Barbu), le second mari de sa mère, ils font élire comme pape Étienne, le frère de Godefroid. Mais où est donc Jésus dans tout cela ? En 1069, Mathilde épouse le fils de son beau-père, né du premier mariage de ce dernier, connu sous le nom de Godefroid III le Bossu.

 

En 1073, le moine Hildebrand est élu pape sous le nom de Grégoire VII. Il entend purifier l’Église selon des normes grégoriennes : affirmer l’indépendance du clergé, imposer (mais oui !) le célibat des prêtres, créer un collège de cardinaux et interdire la simonie. Grégoire veut mettre fin au pouvoir de nomination des évêques par les princes. Dans cette querelle des Investitures, Mathilde le soutient totalement. L’empereur est excommunié. Mathilde lui propose de rencontrer le pape qui s’est réfugié dans son château de Canossa.

 

Bismarck inventa donc l’expression « aller à Canossa » (s’agenouiller devant son ennemi) en hommage à Mathilde de Toscane et à son château de Canossa. Bismarck se référait à l’épisode de la pénitence de Canossa par l’Empereur du Saint-Empire romain germanique Henri IV en 1077 qui vint s’agenouiller – après trois jours en tunique de pénitent – devant le pape Grégoire VII pour que celui-ci lève l’excommunication qui le frappait. Après la mort de Grégoire VII, Mathilde soutient son successeur Victor III, réfugié au Mont Cassin, contre l’antipape impérial Clément III (mais où donc est Jésus dans tout cela ?). Après la mort du pape, une quarantaine d'évêques et d'abbés, réunis sous la protection des milices de Mathilde, élisent l'évêque d’Ostie sous le nom d’Urbain II (un Français du nom de Eudes de Châtillon, à l’origine de la première croisade et instaurateur de la prière de l’angélus pour la conversion des musulmans).

 

En 1089, Mathilde se remarie à 43 ans avec Welf II de Bavière (dit “ Welf le gros ”), un ado de 17 ans. Le couple se séparera six ans plus tard, Welf ayant choisi le parti de l’empereur.

 

En 1077, Mathilde avait cédé, pour après sa mort, l’ensemble de ses États à la papauté. Cette donation sera à l’origine d’un conflit de 100 ans entre les papes et les empereurs (la “ lutte des Guelfes et des Gibelins ”).

 

Mathilde meurt en 1115. Elle est enterrée dans l’église de Saint-benoît de Polirone. En 1632, le pape Urbain VIII fait transférer sa dépouille dans la basilique Saint-Pierre où Bernini lui consacre un monument funéraire grandiose.

 

 

Femmes au pouvoir (3)
Partager cet article
Repost0
8 janvier 2021 5 08 /01 /janvier /2021 06:03

La journée du 6 janvier 2021 devait être celle de la confirmation officielle, par le Congrès des États-Unis, présidé par le vice-président Pence, du nombre de grands électeurs attribués par le suffrage de chacun des 50 États. En général, cette séance est une formalité, où, cinquante fois, on se contente d’énumérer des chiffres. Or, cette séance ne fut pas une formalité.

 

En effet, l’actuel président Trump qui, depuis le mois de mars, refusait d’envisager une défaite et qui, depuis le 4 novembre, ne cessait de clamer – sans preuves – qu’il avait été victime d’une fraude, avait appelé ses partisans à manifester devant le Capitole, siège du Congrès, pour faire pression sur les élus, afin que ceux-ci invalident le vote du 3 novembre (au moins dans les Etats-bascules, sinon dans tous les États). Résultat : vers les 18 h, heure française, les manifestants, chauffés à blanc par les propos de Donald Trump et par leurs propres slogans, ont envahi le Capitole, vandalisé les portes et les vitres, chassé les parlementaires, et détruit du matériel de journalistes.


Je ne décris ces événements (désormais connus de tous) que pour les rapprocher d’un événement de l’Histoire de France, qui parlera peut-être à ceux qui s’intéressent à la vie politique de la Troisième République.

 

1. Le 6 février 1934, à la suite d’événements proches et lointains (Grande crise de 1929, chômage, scandales politico-financiers, affaire Stavisky, mutation au Maroc du préfet de police Chiappe, très populaire à l’extrême-droite), une grande manifestation fut organisée par l’extrême-droite à Paris. On y trouva plusieurs groupements de cette mouvance politique, l’Action française, les Camelots du roi, les Jeunesses patriotes, une Ligue d’Anciens combattants... Tous furent appelés à se rassembler place de la Concorde, face au Palais-Bourbon, siège de la Chambre des députés. La manifestation se solda par 14 morts et plus de 600 blessés et eut comme conséquences lointaines (de façon indirecte), deux ans après, la victoire du Front Populaire, et, six ans après, le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

 

2. En quoi ces deux événements peuvent-ils être rapprochés ? D’abord en ce que tous deux viennent de l’extrême-droite : le président Trump, de droite extrême sur les plan sociétal et social, refuse le libre jeu de la démocratie parlementaire, et avait appelé ses partisans à manifester. Et, parmi ces manifestants, se trouvaient des groupes armés extrémistes et quelque peu "déjantés", tels que les Proud Boys ou des complotistes, comme les QAnon.

 

3. Ces événements le sont aussi en ce que, tous les deux, ils prennent pour cible non le siège de l’exécutif (l’Hôtel Matignon, la Maison Blanche), mais le siège du législatif (le Palais Bourbon, le Capitole), empli de parlementaires réputés inefficaces, profiteurs, gavés et corrompus – ce qui est une des antiennes de l’extrême-droite.

 

4. Ils le sont enfin du fait du manque de perspective, de vue claire des événements, de plan concerté des organisateurs : le 6 février 1934, les organisateurs étaient multiples, divisés, sans vision d’ensemble (le colonel de la Rocque et ses Croix de Feu s’éclipsèrent rapidement), sans chef reconnu par tous. Ils voulaient renverser le gouvernement : mais pour mettre qui à la place ? Et pour y faire quoi ? De même, le 6 janvier 2021, le président Trump avait bien chauffé, excité, galvanisé ses partisans, en leur demandant de se rassembler devant le Capitole. Mais qu’espérait-il ? Que les Représentants et Sénateurs, pris de peur, refuseraient le verdict des urnes du 3 novembre ? Qu’ils lui offriraient quatre ans de présidence supplémentaire par un invraisemblable tour de passe-passe constitutionnel ? Il semble qu’il ait cru, que, comme par magie, tout le monde allait croire à son histoire de fraude et le maintenir au pouvoir...

 

5. Ce n’est que lorsqu’il vit que les choses se gâtaient, que les événements lui échappaient, qu’il demanda à ses partisans de se disperser et de rentrer chez eux. Mais cette attitude ressemble à celle d’un parfait irresponsable, à celle d’un chef de parti, à celle d’un chef de bande, mais certainement pas à celle d’un chef d’État : il agit comme quelqu’un qui, après avoir arrosé un feu de cheminée avec un camion-citerne d’essence, chercherait à l’éteindre avec un arrosoir...

Partager cet article
Repost0
6 janvier 2021 3 06 /01 /janvier /2021 06:19

 

 

Tout a commencé il y a une trentaine d’années environ quand on a cessé de parler de chandail pour adopter une horreur inspirée de la langue anglaise et imposée par l’impérialisme langagier zunien “ sweater ”.

 

Par ignorance, par contamination et par paresse, sweater est devenu sweat, et on l’a prononcé [swi:t], comme sweet qui signifie bonbon. « T’as pas vu mon sweat ? » est passé très facilement dans la langue.

 

Sweater vient du substantif sweat qui signifie sueur et du verbe to sweat qui signifie suer. Sweat se prononce [swet].

 

Un sweater est donc un habit de laine qu’on enfile pour suer, pour transpirer. Ce qui est beaucoup moins ragoûtant que chandail, le tricot que portaient les marchands d'ail bretons. Par aphérèse, le “ mar ” a sauté. C’est un bonnetier d’Amiens qui adopta le mot chandail pour désigner les sweaters qu’il fabriquait. Utiliser des mots français, c’est baigner dans notre culture et dans notre histoire. L’histoire de la langue c’est la langue de l’Histoire. Adopter des idiomes improbables fait de nous des barbares. Un marchand de sweet/sweat ne vendra pas un article de plus parce qu’il se coule dans le moule de l’acculturation.

 

Stricto sensu, un sweater est un gilet en mailles, à manches longues, boutonné devant. J’aime bien l’origine du mot tricot. Il vient du verbe tricoter (XIVe siècle) qui signifie remuer vivement. Lorsque l’on dit d’un cycliste qu’il tricote des jambes, c’est littéralement vrai. Le verbe a donné le substantif. Les linguistes appellent celui-ci un déverbal (quand le nom est tiré du verbe). Un tricot implique que l’objet a été fabriqué avec deux aiguilles, sauf lorsqu’il est rond et que trois ou quatre aiguilles sont disposées en circuit fermé. Dans l’entre-deux-guerres, outre-Manche comme chez nous, on utilisait sweat-shirt pour signifier un survêtement d’athlète.

 

La culture du pauvre ou, plus précisément, la culture pour les pauvres, c’est toujours l’imprécision, le flou, l’amalgame, la frime.

Un bonbon ou un chandail ?
Partager cet article
Repost0
1 janvier 2021 5 01 /01 /janvier /2021 05:55

Hergé, le père de Tintin se raconte, Hors série des Cahiers de la BD, Paris : 2020.   

 

S’il y a un  créateur qui a conçu un personnage qui ne lui ressemblait vraiment pas, c’est bien Hergé. Tintin, c’est non seulement une version supérieure de lui-même, mais aussi une projection fantasmée et idéalisée : « Tintin est certainement né de mon désir inconscient d’être parfait, d’être un héros », disait le créateur. Heureusement pour nous les enfants de 7 à 77 ans (fichtre, il ne me reste que cinq ans de lecture !), celui qui fut sa vie durant un être dépressif, bourré de contradictions, a créé un personnage lisse, plein d’allant, sans réels problèmes, avec un visage qui n’en était pas un (son visage est un masque disait Hergé), sans aucune appétence pour l’alcool, sans sexualité alors que celle de son créateur dut enchanter les psys qu’il consulta. Les relations d’Hergé avec les femmes furent placées – nous rappellent les auteurs de cet ouvrage – sous le double signe de l’infantilisme, l’impossibilité de comprendre son rapport profond à sa mère, et du mythe de la petite fille. Et nous devons toujours garder en mémoire que le père d’Hergé était le fruit d’une union illégitime entre une servante et un comte chez les parents duquel travaillait la domestique. Certains évoquèrent même un géniteur dans la famille royale.

 

Contrairement à Tintin sans cesse en mouvement, Hergé ne quitta guère Bruxelles, ce qui ne l’empêcha pas d’imaginer et de recréer le monde comme peu de dessinateurs surent le faire. Un peu comme Blaise Cendrars qui affirmait que l’important n’était pas qu’il se fût rendu dans les pays de ses reportages mais que nous ayons cru, en le lisant, qu’il y était allé…

 

Après son service militaire en 1927, son retour à Bruxelles fut marqué par sa rencontre avec l’abbé Wallez, son père d’adoption, la « rencontre de sa vie », selon ses dires. Un curé nationaliste, catholique, conservateur, réactionnaire et qui adhéra au nazisme en 1940. Il rencontra le Duce et l’admira éperdument. Il fut l’éminence noire de Léon Degrelle, négationniste après la guerre et nazi jusqu’à sa mort sous le chaud soleil de Malaga. Wallez rêva d’une Belgique qui se serait unie à la Rhénanie pour donner naissance à un État autoritaire au nord de l’Europe. Au début de sa carrière, Hergé voulut envoyer Tintin en Amérique, mais l'abbé lui imposa la destination africaine pour faire l'apologie de la colonisation belge. L'abbé n'aimait pas les États-Unis réputés protestants, où la société était infectée par l’argent du capitalisme « judéo-américain ». De ce catholicisme, il ne restera rien. Dieu est absent des albums de Tintin, tout comme, à de rares exceptions près, la lumière du soleil (cherchez les ombres, il n’y en a guère).

 

En tant que créateur, Hergé ne venait bien sûr pas de nulle part. Ses influences furent Alain Saint-Ogan (Zig et Puce), son ami le sculpteur Tchang Tchong-jen, Benjamin Rabier (Gédéon, “  La Vache qui rit ”), Charlie Chaplin, Jerome K. Jerome, George McManus (La famille Illico), l'illustrateur René Vincent.

 

Bien que de droite toute sa vie, Hergé ne fut pas monolithique. Sous l’influence de son ami Tchang, il soutiendra la Chine contre le Japon, futur puissance due l’Axe. Il saura prendre le parti d’étudiants républicains espagnols lors d’une manifestation à Genève. Ses héros Quick et Flupke (pour lesquels Hergé eut toujours un petit faible) sauront défier l’autorité et se moquer des éditions Rex dirigées par Léon Degrelle. Tintin prendra la défense de Zorrino dans Le Temple du soleil et des romanichels dans Les Bijoux de la Castafiore.  Ces romanichels qui lui tireront une des très rares larmes de sa saga. Mais au début de la guerre, Hergé se rangera du côté de ceux qui voulaient être « embochés », faire vivre la BD car la collaboration était un moindre mal. Après la guerre, Hergé sera quelque temps interdit de publication avant que son dossier soit classé sans suite par la Justice.

 

Enfant, Hergé fut très probablement abusé sexuellement par son oncle maternel. Dans les albums, on remarque une hantise du corps poilu : le savant délirant dans Le Manitoba ne répond plus, le premier Haddock à la barbe folle, le singe Ranko, le yéti. Sans parler de cette scène extraordinaire – rêvée – de viol (Le Crabe aux pinces d’or, p. 34) où un Haddock hirsute, aux dents terrifiantes, viole Tintin avec un tire-bouchon.

 

La mère d’Hergé meurt aliénée en 1946. Jusqu’en 1959, alors qu’il est en pleine gloire, il va vivre une longue période dépressive, interrompant, par exemple, la saga lunaire pendant un an.

 

Les retrouvailles avec Tchang, cinquante ans plus tard seront décevantes. Sculpteur, Tchang est toujours dans l’académisme alors qu’Hergé a abandonné le réalisme pour se tourner vers le non-figuratif. Il soutient le Tibet quand son ami lui explique que cette province est chinoise depuis 2 000 ans.

 

Á l’École de recherche graphique, Tchang montre ses œuvres. Hergé, atteint d’une leucémie, n’est pas là. Tchang fait admirer ses talents de calligraphe et se fend d’une délicieuse pirouette. Il lit ce que son pinceau a tracé : « Travail donne Travail et produit de la Patience. Patience donne Patience et produit de la Force. » Les spectateurs méditent ce proverbe chinois, jusqu’à ce que Tchang les surprenne par un : « C’est une pensée de Rodin. »

 

Devrais-je le cacher plus longtemps ? Je considère Hergé comme l’un des quatre ou cinq grands génies créatifs du XXe siècle, au niveau de Charlie Chaplin ou Picasso.

 

Note de lecture (193)
Partager cet article
Repost0
31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 06:18

 

 

Végan

 

Un anglicisme, bien sûr. Le véganisme correspond au végétalisme intégral qui consiste à ne consommer aucun produit animal (nourriture, et aussi cuir des animaux pour les chaussures ou laine pour les tricots).  Dons pas de viande, pas de poisson, pas de lait, pas de miel, pas de beurre dans les épinards.  Pas de caviar non plus. Pas de médicaments ou de produits cosmétiques testés sur des animaux. Cette démarche s’inscrit dans l’antispécisme, « une philosophie selon laquelle l’espèce d’un individu n’est pas un critère pertinent pour définir la considération morale à accorder à cet individu » (Wikipédia). C’est Israël qui compte proportionnellement le plus grand nombre de végans au monde – on les trouve surtout parmi les partisans de la paix au Proche-Orient – peut-être parce que, consciemment ou non, ces adeptes ont en mémoire que Kurt Franz, dernier commandant du camp d’extermination de Treblinka, était boucher et cuisinier de formation.

 

Comme le mot “ Végan ” est un emprunt direct de l’anglais (“ vegan ” datant de l’après Deuxième Guerre mondiale), il y a flottement au niveau des dictionnaires. Le Robert préscrit “ végane ” au masculin comme au féminin alors que le Hachette préfère “ végan(e), selon le genre. Le Grand dictionnaire terminologique du Québec a choisi “ végétalien(e) intégral(e) ”. De même que FranceTerme  (ministère de la Culture).

 

Le mot “ Végan ” est apparu en France au début des années soixante mais n’est devenu populaire qu’au XXIe siècle.

 

Le végétalisme intégral n’a pas vraiment pris en France (moins de 0,5% de la population. Il a un peu plus de succès en Allemagne (1% de la population). Parmi les végétaliens célèbres, on compte : Pamela Anderson, Nathalie Portman, Aymeric Caron, le pilote Lewis Hamilton, l’ancien boxeur Mike Tyson, James Cameron, Greta Thunberg, de nombreux acteurs de la série Game of Thrones.

 

Aux élections européennes de 2019, le Parti animaliste, soutenu par Brigitte Bardot et Sylvie Rocard, a obtenu 2,17% des voix, presque autant que le parti communiste.

 

On peut dire que, dans notre pays, le véganisme a supplanté le macrobiotisme qui eut son heure de gloire dans les années 60 à 80. Au XIXe siècle, nous avions connu le mouvement légumiste, originaire des Indes via le Royaume-Uni.

 

Á noter que, dans le monde de l'automobile, la Tesla est entièrement végane, tout comme le véhicule utilitaire sport (pardon : SUV) électrique de chez Volkswagen dont les sièges sont fabriqués à partir de cuir de pommes, tandis que la Zoé de Renault l'est en partie : les ceintures de sécurité sont fabriquées à partir de bouteilles en plastique recyclées. Ford étudie la possibilité de construire ses voitures largement en bambou. Les pandas risquent de crever de faim. Il faut choisir...

 

 

 

 

 

 

 

Les mots chéris des médias et des politiques (31)
Partager cet article
Repost0

  • : Le blog de Bernard Gensane
  • : Culture, politique, tranches de vie
  • Contact

Recherche

Articles Récents