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15 août 2024 4 15 /08 /août /2024 05:01

Gloabalement une merveille avec les bleus et les rouges uniques des 18 vitraux d'Arnaud de Moles. Selon la légende, fausse heureusement, on lui aurait crevé les yeux pour qu'il ne puisse pas répéter son tour de force !

 

102 mètres de long sur 35 mètres de large. Commencée en 1489, consacrée en 1548. Complétée au XVIIème siècle par une façade et un porche d'ordre corinthien. Les boiseries du chœur sont l'oeuvre d'auteurs inconnus.

 

Classée au patrimoine mondiale de l'UNESCO en 1998 au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle.

Retour sur la cathédrale d'Auch
Retour sur la cathédrale d'Auch
Retour sur la cathédrale d'Auch
Retour sur la cathédrale d'Auch
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9 août 2024 5 09 /08 /août /2024 05:01

Il a longtemps hésité entre une carrière d’historien de l’art et celle de programmeur/curateur. Finalement il a choisi de créer au plus près des innovations techniques. « J’aime visiter les musées, admirer les oeuvres contemporaines comme les peintures classiques, mais je ne pourrais pas vivre sans technologie », explique-t-il. Artiste multimédia, il n’a cessé d’agrandir sa boîte à outils. Modélisation 3D, programmation (en créant ses propres applications), robotique, réalité virtuelle, IA.

Nourries d’images d’archives et de ses propres photographies (« cela peut être des reflets dans la rue, différents effets de lumière, des textures »), ses compositions tordent la réalité dans tous les sens, sans pour autant trahir la vérité. « Dans mon travail, j’essaie toujours d’être honnête, certes, avec une pointe de sarcasme. Peut-être que cela aide les gens à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons ». Son oeuvre témoigne aussi des dangers guettant notre planète, à l’image de son Trump vêtu d’un pull de Noël à l’effigie de Poutine.

 

Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
Connaissez-vous David Szauder ?
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7 août 2024 3 07 /08 /août /2024 05:01

Il semble que son origine soit la bataille d'Azincourt en 1415. L'armée française était en train de remporter la victoire. Elle entreprit alors de couper les majeurs des prisonniers anglais pour les empêcher à jamais de tirer à l'arc. Les flèches anglaises étaient terminées par de longues plumes. Le majeur était nécessaire pour viser et tirer.

 

Mais les Anglais ont commencé à montrer leurs majeurs aux Français pour leur faire savoir que leurs doigts étaient toujours vaillants et qu'ils pouvaient encore tirer. Ce défi leur réussi car ils remportèrent la bataille de manière inattendue sur une armée française plus nombreuse (10 000 hommes contre 8 000). La défaite écrasante des chevaliers français marqua le début de la suprématie des armes de distance.

 

La première trace écrite d'un doigt d'honneur date du IVème siècle avec J.-C. : Diogène aurait levé son majeur pour exprimer à Démosthène ce qu'il pensait de lui. Dans Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres du poète Diogène Laerce, on peut lire : " Des étrangers souhaitant voir Démosthène, Diogène leur montra son doigt du milieu tendu en disant : " Tel est celui qui gouverne le peuple d'Athènes". Ce doigt levé avait une connotation sexuelle : en Grèce on l'appelait le katapygon, de kata, vers le bas, et puge, fesses.

 

Évaluer le fondement et le bien-fondé des superstitions et autres croyances est toujours délicat. Il ne faut pas prononcer le mot corde dans un théâtre. Cela rappelle les bateaux quand les cordes y servaient à pendre les mutins autres condamnés. Au XIXème siècle, de nombreux machinistes étaient d'anciens marins. Il ne faut pas non plus prononcer le mot lapin sur un bateau : ces animaux embarqués pour améliorer le quotidien des marins avaient tôt fait de grignoter tous les cordages et même les coques. Dire "lapin" était donc annonciateur de naufrage.

 

On peut raisonnablement se demander s'il n'est pas plus dangereux d'être cartésien que superstitieux.

D'où vient le doigt d'honneur ?

Puisqu'on est dans le délicat, restons-y. Ces clichés ont été pris à Brégançon il y a quelques jours, juste avant que le boy de Rothschild se rende aux JO pour soutenir Teddy Riner. Elles n'ont apparemment pas été volées, prises au télé de 2000 millimètres. Un peu comme si le boy et ses copines se "foutaient du monde entier".

 

Tout cela en pleine crise gouvernementale, alors que des tractations très dures ont lieu pour la nomination d'un prochain Premier ministre et d'un gouvernement pour le pays.

 

Il est vrai que cela faisait un bon moment que le boy ne s'était pas entraîné avec ses copines à la lute gréco-romaine. Mais il s'agit de faire croire que rien ne se passe pendant la trève olympique...

D'où vient le doigt d'honneur ?
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18 juillet 2024 4 18 /07 /juillet /2024 05:01

Né à Château-Thierry, Jean de La Fontaine (petit-fils de l’importateur en France de la douche – doccia) était picard. Il n’abusa pas de ses origines dans ses œuvres. De fait, on ne trouve qu’une seule phrase entière en picard, dans “ Le Loup, la Mère et l’Enfant ” : « Biaux chires leups, n’écoutez mie mère tenchent chen fieux qui crie. » (Beaux sires loups, n’écoutez pas mère tançant son fils qui crie).

Depuis deux siècles, la Picardie est célèbre pour ses très nombreux théâtres de marionnettes. La Première Guerre mondiale et l’invention du cinéma ont freiné cette activité qui n’est repartie qu’avec le personnage de Lafleur dans les années 1930. Fondateur de Chés Cabotans d’Amiens, Maurice Domon créa une œuvre orientée vers la critique sociale. Lafleur n’est pas seul sur scène. L’accompagent Sandrine, son pendant féminin, Tchot Blaise, son jeune compagnon, Papa Tchutchu le propriétaire rentier. Et tout une gallerie de gendarme, d’huissiers, de soldats. En 1956, la troupe est municipalisée, le théâtre et les marionnettes étant confiés au musée de Picardie.

 

Autre figure culturelle incontestable du nord : le chansonnier Léopold Simons. Né en 1901 de parents belges à Lille, ville qu’il ne quittera jamais et où il mourra, Simons entre à l’école des beaux-arts de Lille où il est l’élève du peintre Pharaon de Winter. En 1921, il est engagé comme dessinateur à L’Écho du Nord. Puis il écrit des sketchs en picard (que mes parents et moi écoutions le soir en nous branchant sur Radio Lille). Simons réalisa et joua dans une petite dizaine de films, le moins inconnu étant peut-être Le Cantinier de la coloniale, avec Saturnin Fabre et Rellys.

 

Il convient de mentionner également Dany Boone et son succès phénoménal de Bienvenue chez les Ch’tis (plus de 20 millions de spectateurs en 12 semaine en France). Dans ce film, on parle authentiquement ch’ti (même si la ville de Bergues, où se situe l’action, relève plutôt de la zone linguistique flamande), comme dans son spectacle de 2003, entièrement joué en ch’ti : Dany Boon à s’baraque et en ch’ti (Renaud – qui est ch’ti par sa mère – sortira en 1992 un album en ch'ti, Renaud cante el’Nord, après sa participation au film Germinal).

.

J’aurai enfin une pensée pour le chanteur Raoul de Godewarsvelde, de son vrai nom Francis Albert Victor Delbarre. Le patronyme “ Delbarre ”, et sa variante Delabarre, est très répandue dans le nord. Raoul se considérait d’abord comme un photographe : « Mi, j’sus n'in canteux, j’sus photographe ! » (« Moi je ne suis pas chanteur, je suis photographe »). Le douaisien Jean-Claude Darnal lui écrira son succès le plus célèbre : “ Quand la mer monte ”, où il évoque le Cap Gris-Nez et la vie de marin-pêcheur.

 

 

Quelques expressions

Picard

Français

Signification

Frunme èt bouke : tin nez i vo kère / tchère eddins !

Ferme ta bouche ton nez va tomber dedans !

La ferme ! Tais toi!

I n’feut mie qu’chés glinnes is cantte pus fort qu'ech co !

Il ne faut pas que les poules chantent plus fort que le coq !

Le mari ne doit pas se faire mener par son épouse

Tu pus toudis chifler poupoule !

Tu peux toujours siffler après une poule !

Tu peux toujours courir

I mint conme un arracheux d' dints !

Il ment comme un arracheur de dents !

Mentir pour rassurer (comme un dentiste / arracheur de dents)

Muche tin tchul v'lo ch’garde

Cache ton derrière, voilà le garde qui arrive

Se dit aux enfants qui se promènent cul nu

Tu vus m’ l’intitcher pèr éch gros bout !

Tu veux l'introduire par l'extrémité la plus large !

Tu veux me faire croire à des choses invraisemblables !

Tu vus m’foaire gober des eus durs / durs eus !

Tu veux me faire gober des œufs durs !

Tu veux me faire croire à des choses invraisemblables !

Tu vus m’foaire cratcher des alunmètes dins l'ieu !

Tu veux me faire craquer des allumettes dans l'eau !

Tu veux me faire croire à des choses invraisemblables !

 

 

 

Quand je retrouve le picard (III)
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17 juillet 2024 3 17 /07 /juillet /2024 05:01

Phonétiquement parlant, il existe de nombreuses différences entre le picard et le francien, principal ancêtre du français de France, du français standard, parlé à l’époque médiévale en Île-de-France, dans l’Orléanais, en Touraine, dans le Berry et le Bourbonnais. Á propos de la Touraine, un consensus veut qu’elle soit le berceau de la langue française car ses habitants parleraient sans accent. Ce qui est faux, bien sûr. Alfred de Vigny, dans Cinq-Mars ou une conjuration sous Louis XIII, a brossé des Tourangeaux un portrait plus que flatteurs : « les bons Tourangeaux sont simples comme leur vie, doux comme l'air qu'ils respirent, et fort comme le sol puissant qu'ils fertilisent. On ne voit sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord ni la vivacité grimaciaire du Midi. Leur visage a comme leur caractère quelque chose de la grandeur du vrai peuple de Saint-Louis ; leurs cheveux châtains sont encore longs et arrondis autour des oreilles comme les statues de Pierre de nos vieux rois ; leur langage est le plus pur français, sans lenteur sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie. »

 

Le picard se différencie des variantes de la langue d’oïl, en particulier au niveau de la palatalisation, quand un son est produit plus à l’avant du palais que dans le son d’origine. Ce phénomène a été constaté par le philologue allemand Karl Bartsch : ainsi le a devient ie et le K devient ch : cane donne chien. La consonne occlusive vélaire sourde (k), articulée quand le dos de langue rencontre le voile du palais, laisse la place à une consonne fricative palato-alvéolaire sourde (/ʃ/) ; le phonème post-alvéolaire est prononcé contre une partie du palais dur. Gaudia donne joie, keval donne cheval, gambe donne jambe, kief donne chief (chef), cathedra donne chaire par le biais de caïelle. On retrouvera un phénomène identique en allemand : water donne wasser, ezzen donne essen.

 

On va voir apparaître des lignes imaginaires (isoglosses) dessinant des zones linguistiques différenciées par le lexique ou la phonétique. Chez les Picards du nord et du sud, chien vs kien, chez les Allemands maken vs machen. Même chose en Italie (nord contre centre et sud). Le philologue Charles Joret va dessiner la “ ligne Joret ” qui coupera la Normandie en deux du nord au sud et traversera l’Amiénois et le sud-ouest de la Belgique. Un trait distinctif intéressant sera le chuintement normano-picard : plache vs place ; chiel vs ciel. Autre opposition significative : l'ancien picard cachier (prononcé catchyér) – ancien français chacier (prononcé tchatsiér, lequel deviendra plus tard chasser, forme du français moderne). Lors de la catastrophe de Courrières, un mot va tristement faire florès : rescapé. Ce mot venait du picard récapé et du français “ tourangeau ” réchappé (ancien français rescapé), participe passé du verbe réchapper ne s’utilisant pas de manière substantivée.

 

Le picard ne va cesser d’alimenter le français standard. Cambrette (petite chambre) va donner le néerlandais caberet qui va donner le français cabaret. Le néerlandais mare (fantôme qui provoque le cauchemar) va passer en picard, associé à cauchier (presser), ce qui donnera cauchemar. Le picard cailleu va supplanter le français chaillou, ce qui donnera caillou.

 

L’École de la République, qui ne tolérait pas les langues régionales, a fait disparaître les derniers locuteurs picards monolingues. Des dialectolgues (Robert Loriot, Raymond Dubois, Mario Roques) tentèrent de ranimer cette langue en marcescence. Le picard fait l’objet d’études méritantes dans les universités de Lille et d’Amiens. Dans les années 1980, les éditions Omnivox ont édité Eche pikar bél é rade (le picard bien et vite) une sorte de “ Méthode Assimil ”, sous la direction de René Debrie, accompagnée de deux cassettes enregistrées par Jacques Auvet et Françoise Rose de la compagnie du théâtre des marionnettes Chés Cabotans. L’idiome choisi est celui de l’amiénois.

 

Dans la vie de tous les jours, le picard tend à s’uniformiser, il est désormais très rarement une langue maternelle, il est certes compris par bien des gens du nord, mais très peu parlé. Restent des écrits, comme ceux du mineur de fond Jules Mousseron, le créateur de l’immortel Cafougnette (ici et ici). Le ch’ti Jacques Bonaffé a mis en scène de nombreux textes de Mousseron. Tintin a été traduit en Picard vers les années 1980 : (Les pinderleots de l'CastafioreEl' sécrét d’la Licorne et El’ trésor du rouche Rackham, Ch'Cailleu d'étoéle (2007) et El Crape as Pinches d'Or (2013).

 

Le succès de la traduction des pinderleots de l'Castafiore a été si important que pas moins de dix mille exemplaires de cette dernière se sont vendus en à peine trois jours et quinze mille numéros supplémentaires ont dû être commandés pour répondre à une demande particulièrement forte. Alors que les traductions en breton et en basque, seulement tirées à cinq mille exemplaires, n'ont pas connu le même succès, l'engouement en Picardie a été exceptionnel. Les éditions Albert René se sont elles également lancées dans la traduction de bandes dessinées en langues régionales, en publiant certaines des aventures d'Astérix. Trois à ce jour : Astérix i rinte à l'école (2004, plus de cent mille exemplaires), Ch'village copè in II (2007), et Astérix pi Obélix is ont leus ages – Ch'live in dor (2010). On pourra se reporter sur ce site pour retrouver toutes les BD en picard.

 

Depuis le XVIè siècle, l’expression « rouches boyaus » (boyaux rouges) qualifie les habitants du sud de l’Artois, dont les localités principales sont Arras, Bruay, Avesnes et Bapaume. Ayant longtemps vécu à Arras, mes parents se considéraient comme des boyaux rouges. Cette appellation est assez mystérieuse. Et a engendré trois explications : les Artésiens auraient eu le tempérament fougueux ; au XVIe siècle, les soldats artésiens portaient une ceinture de toile rouge. Plus complexe est l’explication selon laquelle, alors qu’elle était sous domination espagnole – jusqu’au XVIIe siècle – l’Artois a conservé ses privilèges et a échappé à la gabelle, l’impôt sur le sel. Les Artésiens auraient ainsi abusé de la consommation du sel, suscitant la jalousie des autres Picards : « « I minjtte tèlmint d'sé qu'is nin ont leus boïaus rouches conme unne crète ed codin » (Ils mangent tellement de sel qu'ils en ont les boyaux rouges comme une crête de dindon).

 

à suivre

Quand je retrouve le picard (II)
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16 juillet 2024 2 16 /07 /juillet /2024 05:01

Ma mère étant 100% picarde, je le suis à 50%. Si j’ajoute, du côté de mon père, une forte ascendance boulonnaise, je suis vraiment un gars du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie au sens large du terme. 

 

Je voudrais évoquer la langue picarde que je ne parle plus depuis longtemps mais que je comprends toujours assez bien.

 

Le mot ch’ti, ou chti, ch'timi ou chtimi, a été inventé durant la Première Guerre mondiale par des soldats qui n’étaient pas du nord de la France pour désigner leurs camarades provenant du Nord Pas-de-Calais et de Picardie. C’est une onomatopée inspirée par le phonème /ʃ/ (ch-) et la séquence très fréquente /ʃti/ (chti) en picard : « chti » signifie celui et s'entend dans des phrases comme « ch'est chti qu'a fait cha » (c’est celui qui a fait cela) ou « ch'est chti qui féjot toudis à s'mote » (c’est celui qui fait tout à sa façon). Chti ne signifie en aucun cas « petit » (tchiot) et n'a rien à voir avec l’ancien français chtif  qui vient du latin captivum.

 

Ch’picard, comme on dit là-haut, est une langue romane parlée dans ce que depuis la malheureuse réforme de François Hollande – mais c’est un autre débat – on appelle les Hauts-de-France, ainsi que dans la province de Hainaut, en Belgique. Le picard appartient à l’ensemble de la langue d’oïl. En Picardie (Aisne, Oise et Somme), on utilise la dénomination picard, tandis que dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, on parle de ch’ti ou ch’timi. Et pour compliquer le tout, dans la région de Valenciennes, on utilise le terme rouchi. Á noter qu’il existe des textes anciens écrits en rouchi, comme la Chronique des Flandres (XIVe siècle) et le Mirouer des simples ames anienties et qui seulement demourent en vouloir et desir d’amour (Miroir des âmes simples et anéanties) de Marguerite Porête (1290). Marguerite fut brûlée en 1310 en place de Grève, son livre à la main, les autorités ecclésiastiques estimant que l’œuvre était « une démarche qui se passe de l’Église comme institution, qui relativise les sacrements et rejette la morale. »

 

Il ne faut pas confondre le dialecte picard tel qu’il est encore parlé avec le picard dans l’histoire de la littérature française. Nous avons ici à faire à un ensemble de variétés utilisées à l’écrit avant l’an 1000. Dès le XIIIe siècle, on a conscience de parler picard à Lille. Vers 1283, Jean Roisin, clerc de ville à Lille, publie le livre Roisin, un serment juridique à prononcer sur les reliques. Il y est précisé : « Et s'il fust aucuns qui devant eschevins plaidast et ne seuist riens dou langage pikart, si doit-il y estre rechus à son sierment faire par le langage que il mius set. »

 

Lorsque j’étais enfant, il y avait, dans les familles, un non-dit autour du picard. Au lieu d’être considéré comme une vraie langue (pour la plupart des linguistes, il y a langue quand il y a grammaire), cet idiome était vécu comme un patois. Dans la cour de mon école primaire, on s’insultait en picard mais quand la fin de la récréation avait été sifflée, on utilisait obligatoirement de nouveau le français. Jamais ma mère – et mon père encore moins – ne m’auraient dit trois mots en picard. Tous deux instituteurs, ils se vivaient comme des missionnaires de l’Instruction publique (dont la devise est depuis 1932 : « L’éducation est une affaire d’intérêt public »), l'un de ses rôles étant de répandre l’usage du français, en particulier dans les villes ouvrières et dans les campagnes. Concernant le patois, j’ai plaisir à citer la sociolinguiste Henriette Walter (qui parlait le français à la maison, l’italien dans son école en Tunisie, et qui comprenait l’arabe et le maltais) : « Le terme de patois en est arrivé progressivement à évoquer dans l'esprit des gens l'idée trop souvent répétée d'un langage rudimentaire […]. Nous voilà loin de la définition des linguistes, pour qui un patois (roman) est au départ l'une des formes prises par le latin parlé dans une région donnée, sans y attacher le moindre jugement de valeur : un patois, c'est une langue. » Bref, qu’il soit d’Hénin-Beaumont, de Boulogne ou de Beauvais, le picard est une langue, dans toutes se variétés, un Héninois n’ayant aucune difficulté à converser avec un Beauvaisien.

 

Mais cette langue est « sérieusement en danger », comme l’a déterminé l’UNESCO, qui a également montré du doigt le gallo, le poitevin, le champenois, le breton ou, à un degré moindre, le catalan (ce dernier demeurant très vivace en Espagne). Á noter que, dans le monde, une langue meurt toutes les deux semaines et que 90% des langues vont probablement disparaître d’ici une centaine d’années.

 

Outre-Quiévrain, on réagit. La Communauté française de Belgique (4,8 millions de francophones) a reconnu officiellement le picard comme langue régionale à part entière, au côté du wallon, du champenois, du francique (la langue de Charlemagne) et du gaumais (variété du lorrain).

 

En 2021, le ministère de l’Éducation nationale a inscrit le picard parmi les langues régionales pouvant être enseignées à l’école, au collège et au lycée dans les Académies d’Amiens et de Lille. Le linguiste Bernard Cerquiglini, directeur de l’Institut national de la langue française, gardien de la langue française, défendant son évolution, voire sa simplification, tirait alors une sonnette d’alarme : « L’écart n’a cessé de se creuser entre le français et les variétés de la langue d’oïl, que l’on ne saurait considérer aujourd’hui comme des « dialectes du français ; franc-comtois, wallon, picard, normand, gallo, poitevin-saintongeais, bourguignon-morvandiau doivent être retenues parmi les langues régionales de la France ; on les qualifiera dès lors de langues d’oïl.

 

D’accord, mais le picard, langue ou dialecte ? On marche sur des œufs car les linguistes ne sont pas unanimes. Je suivrai ici mon vieil ami Louis-Jean Calvet pour qui un dialecte est un sous-ensemble géographique de variétés linguistiques présentant certains traits propres qui le caractérisent parmi les autres éléments de la même langue (lire son séminal Linguistique et colonialisme, Petit traité de glottophagie). Pour Calvet, la langue de l’autre est dénigrée, celle du colonisateur étant valorisée. Et il étend la notion des colonialismes à la constitution de la France métropolitaine selon des mécanismes de nature coloniale, pour ce qui nous concerne ici, l’expansion du royaume de France au détriment des cultures et langues régionales.

 

Comme toutes les langues, le picard sera un combat. Il sera effet être refoulé jusque sur les bords de l’Oise, si bien qu’au XIVe siècle, il sera compris, après divers avatars, à Amiens, dans le Ponthieu, le Boulonnais, le Vimeu, le Marquenterre, le Santerre, le Vermandois, la Thiérache, la région de Calais, celle de Tournais, l’Artois, la région de Thérouanne, celle de Laon, celle de Senlis, celle de Soissons et celle de Crépy-en-Valois.

 

à suivre

Quand je retrouve le picard… (I)
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13 juillet 2024 6 13 /07 /juillet /2024 05:01

En 1956, Howard Hughes se lance dans la production d’un film sur Genghis Khan.

 

Le film est baptisé The Conqueror et sera une œuvre complètement ratée, notamment à cause du recrutement de John Wayne pour le rôle principal. Difficile pour le public d'imaginer son cow-boy préféré dans la peau de l’empereur mongol.

 

Pour recréer les steppes de Mongolie, Hughes choisit l'Utah, près de Yucca Flat, la zone du Nevada où des tirs nucléaires, plus puissants que ceux de la bombe d'Hiroshima, ont régulièrement eu lieu depuis 1951.

 

De la poussière radioactive est présente sur la zone de tournage. Le gouvernement rassure Hughes en lui affirmant qu’il n’y a aucun problème.

 

Il faudra des années pour évaluer la catastrophe médicale. 91 des 220 personnes ayant travaillé sur ce film pendant trois mois vont développer un cancer.

 

46 personnes en mourront, parmi lesquelles les acteurs John Wayne (72 ans, cancer des poumons, de la gorge et de l’estomac), Susan Hayward (56 ans, cancer du sein, de l’utérus et du cerveau), Agnes Moorehead, la mère de la Sorcière bien aimée (74 ans, cancer de l’utérus) et le réalisateur Dick Powell (53 ans, cancer dans le cou et la poitrine). Dans son dernier film, Le Dernier des géants, Wayne joue le rôle d’un vieux cow-boy atteint d’un cancer…

Le taux des cancers ayant touché l’équipe était trois fois plus élevé que la moyenne nationale.

Une loi a été votée en 1990 pour dédommager les victimes de cancers reconnus en rapport les essais nucléaires.

 

Source

Cinéma et cancer
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12 juillet 2024 5 12 /07 /juillet /2024 05:01
Chouette slogan publicitaire d'une entreprise de travaux publics
Ce dont on accuse les joueurs de l'équipe de France de rugby (viol en réunion) est ignoble et immonde.
 
L'équipe de France a fêté la victoire dans une boîte de nuit de la ville, et c'est là que les deux joueurs ont rencontré une jeune femme et lui ont proposé de l'emmener à leur hôtel, là où l'agression a eu lieu, selon la plaignante. Le procureur a ordonné l'arrestation des suspects.
La victime a porté plainte pour abus sexuel dans les heures qui ont suivi.
Si les faits sont avérés, la carrière de ces grands espoirs est terminée.
Je pose tout de même une question : que penser d'une femme qui, à deux heures du matin, rencontre dans une boîte de nuit, deux beaux mecs, sans femme, et accepte de les suivre à leur hôtel ? S'agissait-il, pour elle, de disserter sur les œuvres de Borges ou de Cortazar ? S'agissait-il d'un plan Q ? Mais non, Bernard, tu as l'esprit très mal tourné.
Chouette slogan publicitaire d'une entreprise de travaux publics
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3 juillet 2024 3 03 /07 /juillet /2024 05:01

J’ai bien aimé cette analyse du Verrou  de Fragonard par Edouard Mun.

 

Le Verrou de Fragonard est sans conteste un tableau qui peut être lu deux fois, la deuxième fois prenant un tout autre sens une fois qu'on a compris.

La première lecture du tableau est relativement simple ; on voit un homme et une femme finissant de s'étreindre après s'être rencontré physiquement au lit, pour le dire joliment.

Une deuxième lecture peut être faite. Un homme et une femme viennent manifestement de faire leur affaire, on l'a dit. Toutefois, l'homme ferme le verrou de la pièce. Vient la question que tout spectateur attentif se pose : pourquoi fermer ce verrou maintenant et pas avant ? Puis viennent d'autres questions : quelle est la signification de la position ambiguë de la femme, semblant se donner à l'homme et le repousser ? Pourquoi tend elle aussi la main vers le verrou ? Pourquoi un tel déséquilibre entre des endroits vides et surchargés ? Pourquoi ces fruits posés sur le sol ? Pourquoi cette diagonale formée par le bras de l'homme et la jambe de la femme ? Pourquoi ce drapé formant une cavité triangulaire au centre du tableau ? Pourquoi sont-ils encore habillés alors qu'ils viennent de coucher ensemble ? Pourquoi cette improbable luminosité qui éclaire et cache à la fois ? Toutes ces interrogations font porter un œil nouveau sur le tableau, qui semble être déséquilibré, illogique, voire irréel.

Le spectateur réalise alors une chose. Des éléments corporels sont formés par les objets du décor. Le lit et la jambe de la femme forment des cuisses écartées (regardez bien, le bord du lit semble être un genou humain), et les oreillers forment des seins ! On remarque de plus que l'amant regarde dans cette direction. La cavité centrale est un rappel évident au sexe féminin.

On a donc d'un côté une femme qui vient d'être aimée, et de l'autre une femme virtuelle qui attend sur le lit. Fragonard exprime ici le désir de l'homme, comme allant de sa main droite à sa main gauche. C'est en effet une droite créant une direction allant du verrou à fermer à un autre à faire sauter. Ce dernier verrou est symbolique, le premier étant ancré dans la réalité.

On remarque de plus que le baldaquin, de par sa couleur et sa forme, fait penser à une langue géante s'attardant sur le lit symbolisant le corps féminin. Le lit devient corps de femme irréelle.

Le Verrou, de Fragonard

Fragonard dessine ici deux désirs à l’œuvre. Le premier désir est apparent ; c'est celui de posséder cette femme réelle. Toutefois le regard du personnage est orienté vers la femme symbolique sur le lit. Ce désir plus profond est donc dirigé vers une femme irréelle, symbolique, qui saurait remplir totalement son désir. La femme réelle ne peut satisfaire son désir ; preuve en est qu'ils viennent de coucher ensemble et qu'ils vont recommencer. La femme fantasmée est donc celle qui pourrait le satisfaire en entier. C'est finalement le désir profond de tout être humain.

Le désir caché tend vers le sexe féminin symbolique, créé par le triangle formé par les jambes de la femme réelle du tableau, et non vers le sexe de cette femme réelle qui s'est déjà offerte.

En faisant croire à un désir sexuel facile à voir, Fragonard nous fait découvrir que le désir sexuel était ici exprimé de façon symbolique. Il donne une vraie profondeur de réflexion à son tableau.

Pour lui, la sexualité humaine a été dévoyée. Le seul moyen d'en retirer du bonheur consisterait à lui restituer sa dimension naturelle. C'est exactement ce que conçoit Rousseau dans son état de nature. La sexualité humaine que l'on connaît est culturelle et ne pourrait réellement nous satisfaire.

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2 juillet 2024 2 02 /07 /juillet /2024 05:01
 
Il y a une trentaine d'années, j'ai publié dans une revue universitaire un article intitulé “Shakespeare branlait-il son dard ? ” Cet article fut repris récemment par mes amis suisses du site l'1dex.
Je n'avais aucun mérite car, par un fait exprès, tout est dans le nom et le prénom du barde : William peut se lire “ I am Will ”, c'est-à-dire “ je suis la force, la puissance ” et Shakespeare signifie littéralement “ branle sa lance ”.
Shakespeare et le sexe, c'est sans fin. En 1948, année de ma naissance, l'extraordinaire lexicographe Eric Partridge publia l'ouvrage fondateur du thème : Shakespeare's Bawdy . “ Bawdy ” veut dire paillard, grivois, obscène. Ce livre très savant fut maintes fois réédité.
Á l'heure où on ne peut pas passer plus de dix minutes sans se coltiner avec quelque chose de trans, il faut bien l'admettre : Shakespeare avait tout compris 450 ans avant nous.
Du coup, j'ai relu certains de ses sonnets. Je propose ici le n° 20, avec la traduction François-Victor Hugo, l'un des fils de Totor. De 1859 à 1866, François-Victor traduisit l'œuvre complète de Shakespeare (18 volumes) à une époque où l'Université française n'avait pas encore vraiment compris – et admis – qu'en Europe, tout au moins, le génie de Shakespeare n'avait pas d'égal. François-Victor mourra quelques années plus tard, avant son père, donc, de tuberculose.
Le moins qu'on puisse dire – osons la vulgarité – est que les femmes en prennent ici plein les gencives. Pour s'en convaincre définitivement, on pourra lire la très savante étude de Claude Peltrault “ Les Travestis de Shakespeare ”.
 
A woman's face with nature's own hand painted,
Hast thou, the master mistress of my passion;
A woman's gentle heart, but not acquainted
With shifting change, as is false women's fashion :
An eye more bright than theirs, less false in rolling,
Gilding the object whereupon it gazeth;
A man in hue all hues in his controlling,
Which steals men's eyes and women's souls amazeth.
And for a woman wert thou first created;
Till Nature, as she wrought thee, fell a-doting,
And by addition me of thee defeated,
By adding one thing to my purpose nothing.
But since she prick'd thee out for women's pleasure,
Mine be thy love and thy love's use their treasure.
 
Tu as une figure de femme, peinte de la main même de la nature, Ô toi, maître-maîtresse de ma passion !
Tu as un tendre cœur de femme, mais ne connaissant pas
L’humeur changeante à la mode chez ces trompeuses ;
Tu as des yeux plus brillants que les leurs, et moins faux dans leurs œillades,
Qui dorent l’objet sur lequel ils se fixent :
Homme, tu domines tout éclat de ton éclat suprême,
Ravissant les yeux des hommes, fascinant l’âme des femmes.
Tu fus d’abord créé pour être femme.
Puis, quand la nature t’eut fait, elle raffola,
Et par une addition elle me dérouta de toi,
En t’ajoutant une chose qui ne me sert de rien.
Mais, puisqu’elle t’a armé pour le plaisir des femmes,
Á moi ton amour, à elles les trésors de jouissances de ton amour !
Shakespeare et l'inspiration trans
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