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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 05:16

Ce site décrit ainsi ses services : «Quel que soit le genre de devoir dont vous avez besoin, il est facile d'embaucher un rédacteur d'essais en tout sécurité et à un prix abordable. Ayez plus de temps pour vous-même.»

Sur le site Academized, une page de devoirs de première année de fac coûte 15 dollars (13,5 euros) si la copie est à rendre dans deux semaines, et 42 dollars le feuillet pour des dissertations de dernière minute (à finir en trois heures). Des entreprises étasuniennes fournissent aussi ce type de services mais les prix sont plus élevés.
Vide juridique

Selon le New York Times, ce marché représente plusieurs millions d'essais et de dissertations. Officiellement, ces sociétés disent que ces copies ne sont à utiliser que de façon consultative. Il n'existe actuellement aucun cadre légal qui interdise ces transactions.

 

Une jeune Kényane interviewée par le New York Times raconte avoir rédigé des dissertations sur une grande variété de sujets, de la colonisation de l'espace à l'euthanasie. Les personnes les plus prolifiques peuvent gagner jusqu'à 2.000 dollars par mois – un gros salaire pour le pays. Cette forme de triche est plus difficile à détecter que le plagiat, mais comme il s'agit d'une pratique qui devient plus courante, une société vient de créer un logiciel nommé Authorship Investigator, qui utilise plusieurs indices – tels que le style des phrases – pour déterminer si un devoir a bien été écrit par la personne indiquée.

Un sentiment de frustration point du côté des personnes qui rédigent les copies au Kenya : celui d'avoir un diplôme mais de ne pas trouver d'autre travail que celui-ci, ainsi que l'envie d'étudier elles-mêmes sur un campus aux États-Unis plutôt que de faire les devoirs des autres.

Autrefois, on aurait parlé de “ détérioration des termes de l'échange ”...

Des étudiants étasuniens sous-traitent leurs devoirs au Kenya !
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6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 05:35

J'ai eu le bonheur de passer une demi-heure en compagnie d'Henri Alleg lors d'une manifestation littéraire à Toulouse il y a sept ou huit ans. J'étais accompagné de mes filles à qui j'ai expliqué, après cette demi-heure, ce qu'était la torture. Il leur était difficile d'imaginer que ce petit homme chétif, à la voix très douce, avait subi les actes barbares de soldats français. Il nous avait raconté le sens de son combat, sa détermination. Un très grand petit homme.

 

L'avocat Roland Rappaport raconte comment le manuscrit, écrit sur du papier toilette, fut sorti en 1957 de la prison de Barberousse à Alger, feuille par feuille. 

Publié le 24 juillet 2013.

 

"La Question" d'Henri Alleg, histoire d'un manuscrit

Henri Alleg en 1962. AFP/STF

 

Comment se fait-il qu'Henri Alleg ait été celui qui a produit La Question (Minuit, 1958), "un témoignage sobre ayant le ton neutre de l'Histoire" comme l'a écrit François Mauriac ? Ils se comptaient pourtant par milliers, ceux qui ont eu à subir le supplice de l'électricité et de la baignoire pendant la guerre d'Algérie. Beaucoup y ont succombé et, pour d'autres, les tortures infligées ne restèrent pas sans effet. Les victimes qui n'avaient pas pleinement résisté demeurèrent marquées pour toujours, moralement atteintes, porteuses d'un sentiment de culpabilité.

 

Dès lors, comment écrire avec l'énergie nécessaire ? Certes, comme je l'ai lu ces derniers jours, Henri Alleg, journaliste militant, était accoutumé à l'usage de la plume, mais je pense qu'il n'a pas été suffisamment souligné que, s'il a pu s'exprimer comme il l'a fait, c'est que ses tortionnaires n'ont rien, absolument rien, pu obtenir de lui. Si Alleg a pu écrire La Question, c'est donc parce qu'il n'avait pas parlé.

 

Je l'ai compris lors de notre première rencontre à la prison Barberousse à Alger en septembre 1957. Membre, à cette époque, du Parti communiste français, j'étais auprès de lui, comme l'envoyé du collectif d'avocats communistes, assurant la défense de militants emprisonnés pour leur participation aux combats pour l'indépendance de l'Algérie. Je me suis alors trouvé en présence d'un homme exprimant hautement sa fierté d'avoir résisté à ses tortionnaires. Il m'a fait, non sans exaltation, le récit de ce qu'il avait subi et comment il avait fait front. J'ai été particulièrement impressionné par ce qu'il m'a raconté de l'épreuve du penthotal, utilisé comme sérum de vérité, à laquelle il avait été soumis.

 

Ceux qui le détenaient étaient à la recherche d'André Moine, l'un des dirigeants du Parti communiste algérien, devenu clandestin. Ils voulaient lui arracher des informations, et Henri Alleg a trompé leur attente en faisant mine de croire qu'il se trouvait avec des amis. Non il ne savait vraiment pas comment entrer en contact avec André Moine, et puis il les trouvait bien imprudents, les dits amis, "attention, ne parlez pas si fort, on pourrait nous entendre ", leur recommandait-il.

 

A la fin du mois de juin 1957, il a été expédié au camp de Lodi. Il s'agissait d'un camp d'internement placé sous contrôle des autorités militaires. L'interné était privé de tout droit de communication, que ce soit avec sa famille ou avec des avocats. L'internement était d'une durée indéterminée et les militaires pouvaient soumettre leurs prisonniers à de nouveaux interrogatoires. Ce n'est donc pas, comme il a été écrit ces derniers jours, pendant qu'il se trouvait au camp de Lodi qu'Henri Alleg a pu remettre à un avocat les feuillets de La Question. Il fallait absolument le soustraire au régime d'internement. Pour y parvenir une décision judiciaire était indispensable. Les efforts entrepris par son épouse, Gilberte, et ses avocats aboutirent fin août 1957 à son transfert à la prison Barberousse.

 

C'est à ce moment là, alors que plus de deux mois et demi s'étaient écoulés depuis son arrestation, le 12 juin 1957, que Henri a pu connaître les raisons judiciairement exprimées de son emprisonnement, s'entretenir avec son épouse et recevoir la visite de Léo Matarasso, membre du collectif des avocats communistes. C'est au cours de cette rencontre qu'a vu le jour le projet de La Question. Mais le détenu Henri Alleg ne disposait que de brefs moments pour s'y consacrer, plusieurs mois lui furent donc nécessaires. Il importait aussi que ces écrits parviennent à l'extérieur. Les membres du collectif des avocats communistes furent chargés de cette mission. Je fus de ceux qui, entre les mois de septembre et décembre 1957, se succédèrent auprès d'Henri Alleg, recueillirent les précieuses feuilles du manuscrit et les emportèrent, au dehors, dans leur serviette.

MANUSCRIT SUR PAPIER TOILETTE

La publication de La Question a été considérée au printemps 1958 comme une "participation à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la Défense Nationale". Un juge d'instruction du Tribunal permanent des forces armées de Paris, le commandant Giraud, a délivré, au mois de mars 1958, un ordre de saisie des exemplaires du livre au commissaire de Police Mathieu, qui s'en est acquitté avec zèle. Les avocats qui avaient œuvré à cette publication en emportant à l'extérieur de Barberousse, feuille après feuille, le manuscrit étaient passibles de poursuite comme ayant participé à une entreprise de démoralisation de l'armée, ce qui n'a pas manqué de se produire.

 

En effet, au printemps 1958, un juge d'instruction d'Alger a été chargé de l'identification des coupables. Henri Alleg a été convoqué et le magistrat l'a sommé de lui faire connaître l'identité de ceux qui lui avaient donné assistance. Il se trouve que j'étais l'avocat assurant sa défense lors de cet interrogatoire. La situation était singulière, pour ne pas dire cocasse. A la question posée, Henri a simplement répondu "Je ne vous le dirai pas, monsieur le juge" et celui-ci a très vite compris que ses efforts resteraient vains. Ce que je relate ici, je l'ai rappelé l'année dernière lors d'une réunion, à la Bibliothèque de France de l'association Maurice Audin, qui poursuit sans relâche ses efforts pour que la République reconnaisse que le mathématicien Maurice Audin est mort au mois de juin 1957, victime des sévices subis à la villa Sésiny. J'étais avec Henri Alleg à la tribune de la réunion, présidée par Henri Tronel. Henri Alleg a confirmé mes souvenirs qu'il a cependant tenu à rectifier sur un point. J'avais dit au public que son manuscrit avait été écrit sur "un genre de papier de toilette""Pas un genre, Roland, c'était bien du papier de toilette !" 

 

 

La saisie de La Question, en mars 1958, avait provoqué une vive campagne de protestations. Une adresse solennelle avait été envoyée au président de la République, René Coty, pour demander que "la lumière soit faite dans des conditions d'impartialité et de publicité absolue sur les faits rapportés par Henri Alleg" et aussi que " les pouvoirs publics au nom de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen condamnent sans équivoque l'usage de la torture"…Cette déclaration portait les signatures de François Mauriac, Roger Martin du Gard, Jean-Paul Sartre. Au rang des signataires figurait aussi André Malraux. Si j'insiste, c'est que j'ai lu avec beaucoup de surprise, dans le journal Libération, la déclaration d'une historienne soutenant que Malraux était demeuré silencieux au moment de la saisie des exemplaires de La Question.

SAISIES D'EXEMPLAIRES

Ces prises de position ne sont pas restées, à l'époque, sans conséquence. Les Editions de Minuit ont certes été victime de la saisie de milliers d'exemplaires de La Question, mais les poursuites engagées contre l'éditeur Jérôme Lindon sont demeurées sans suite. Henri Alleg, lui, est resté en prison et a été condamné le 15 juin 1960, par le TPFA d'Alger, à dix ans de travaux forcés "pour atteinte à la sécurité de l'Etat ". S'il a retrouvé la liberté au printemps 1961, c'est parce qu'il est parvenu à s'évader de la prison de Rennes, où il continuait à exécuter sa peine. Aussitôt libre, il a repris sa vie de militant journaliste politique. Il est retourné en Algérie au lendemain de l'Indépendance, en 1962, pour faire reparaître Alger républicain, dont la publication a été, à nouveau, interdite en 1965, au lendemain de la chute de Ben Bella.

Il est alors revenu en France, où il a poursuivi une vie de journaliste et d'écrivain bien connue. Il importe aussi de savoir qu'Henri Alleg, ce militant de l'indépendance de l'Algérie, s'est exprimé publiquement au sujet du traitement subi en France par ceux des Algériens qui avaient combattu dans les rangs de l'armée française. C'est ainsi qu'il a tenu à figurer parmi les signataires d'une lettre adressée, le 21 septembre 2005, au président Chirac, à l'initiative du président de la Ligue des Droits de l'Homme, Jean-Pierre Dubois. On y lit qu'il est temps de mettre fin au comportement indigne de la France à l'égard des harkis, caractérisé par des discriminations inouïes, parcage dans des camps, maintien "en marge de la société", tandis que leurs enfants subissent une scolarité amputée. 

Il est précisé dans cette lettre que, parmi les signataires, "certains ont approuvé la lutte du peuple algérien pour son indépendance, d'autres non, mais quelle qu'ait été notre opinion, nous ne pouvons admettre que la République ne reconnaisse pas, au regard des droits de l'Homme, ses torts vis-à-vis des harkis et de leurs familles". Aujourd'hui encore, La Question demeure une référence. C'est ainsi, qu'en 2007, aux Etats-Unis, lors des débats sur l'usage en Irak de ce qui était désigné comme " des interrogatoires musclés ", en réalité de véritables tortures, l'Université du Nebraska a publié, en anglais, La Question. Dans la préface, signée du professeur James D. Le Sueur, on lit La Question est et demeure, aujourd'hui une question pour nous tous. "

 

PS : une illustration pour nous souvenir que L'Express servit autrefois des causes justes sans imaginer qu'il serait un jour au service des banques.

 

"La Question" d'Henri Alleg, histoire d'un manuscrit
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18 septembre 2019 3 18 /09 /septembre /2019 05:06

 

Imaginez que je dise ceci : « Je suis un homme blanc, né d’une femme blanche et je vais donner naissance à un fils blanc. C’est l’essence même de ce que je suis. »

 

Vous diriez à bon droit que je suis raciste, ou cinglé car je me détermine et détermine les autres – prioritairement pour ne pas dire exclusivement – par la couleur de la peau.

 

C’est exactement ce que vient de déclarer Rihanna (la chanteuse la plus riche au monde – la richesse ça aide pour proférer des insanités) qui a remplacé « homme blanc » par « femme noire » et « fils blanc » par « fille noire ».

 

Le lieu d’où parle Rihanna est donc le même que celui d’où s’exprime la très toxique Rokhaya Diallo : celui de la race. Celle-ci a expliqué il y a peu que les juifs n’avaient pas été exterminés en tant que groupe. Ce n’est donc pas par racisme qu’Hitler a tenté de les éliminer jusqu’au dernier.

 

Rihanna est originaire de la Barbade. Comme beaucoup d’Antillais, elle est de sang mêlé. Elle est, pour un quart, d’origine irlandaise. Elle n’est donc pas « noire comme charbon », comme on dit en Afrique. Là est son problème, qu’elle tente de masquer en surdéterminant sa noirceur.

 

Imaginez qu’elle ait dit : « Je suis une milliardaire mulâtre, née d’une femme plutôt noire pauvre et je vais donner naissance à une fille mulâtre qui sera pétée de tunes à la naissance. » C’eût été beaucoup moins prestigieux et tellement plus vulgaire.

 

On est toujours le Blanc, le Noir, le Juif, le con, le salaud d'un autre. Rihanna a fait l'objet d'une campagne contre sa venue au Sénégal. Une trentaine d'organisations religieuses réunies au sein d'un collectif “ Non à la franc-maçonnerie et à l'homosexualité ” étaient hostile à sa venue sur le sol africain. Par parenthèse, l'Afrique elle aussi régresse de manière imbécile car ce genre de collectif n'existait pas il y a trente ans. En la matière, ce qui est reproché à la chanteuse  est son appartenance supposée à la franc-maçonnerie. Ce qui me fait doucement rigoler quand on sait que nombre de chefs d'État et de ministres africains sont, plus ou moins discrètement, des “ frères ”. Quand ils ne sont pas rosicruciens.

 

 

La noirceur de Rihanna
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13 septembre 2019 5 13 /09 /septembre /2019 05:28

 

En lisant la presse régionale, je découvre que 

- j'ai des grands-parents immigrés espagnols,
- Orwell a écrit un roman intitulé "84"
- je suis né dans le département du Nord
- le milieu ouvrier anglais était un univers de crasse
- le vrai nom d'Orwell était Blain.

 

Mais l'important est que mes chéries et leur cousine soient sur la photo...

Quand je serai vraiment vieux, je ferai journaliste, un métier de liberté !
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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:15

Nous les Gensane, on n'est pas du genre à se vanter. Mais enfin, tout de même...

Mon père fut un très grand instituteur. Lorsque je fus son élève en CP dans les années 50, la classe comptait une soixantaine d'éléments, dont une bonne vingtaine de fils d'immigrés polonais. Ils ne devaient pas entendre – et encore moins lire – beaucoup de français à la maison. Dans la cour de l'école, nous parlions chti, les Polonais nous insultaient dans leur langue. Dans la classe, le français était de rigueur.

La rentrée se faisait le 1er octobre (nous sortions le 13 juillet). Il fallait bien que les gosses aident au ramassage des patates dans le nord et aux vendanges dans le sud. Au bout de six semaines, après la Toussaint, le meilleur tiers de la classe lisait couramment. Au premier janvier, tous les élèves de mon père savaient lire. Encore une fois, mon père était un instit' exceptionnel, auteur d'une méthode de lecture dont il n'était pas peu fier. Tous les enfants de France ne carburaient pas au même régime mais rares étaient ceux, y compris dans le pays minier, qui avaient des difficultés en entrant au CM1.

Mon père aurait pu faire mieux encore. Il m'avait appris à lire en moins d'un mois, alors que je n'avais que 3 ans et demi, mais il avait renoncé car cela m'occasionnait des cauchemars. J'avais donc désappris, ne souhaitant qu'une chose, m'a-t-on dit : me remettre dans le bain.

Alors quand je vois qu'aujourd'hui la situation de la lecture en France est catastrophique, ça me fout les boules. Selon les classements internationaux (Progress in International Reading Literacy Study), notre pays se retrouve très loin derrière un peloton de tête mené par la Russie, Singapour et Hong-Kong. Et il est le seul pays avec les Pays-Bas à avoir régressé en 15 ans. La France est 34ème sur 50 pays étudiés, ne devançant que la Belgique au sein du monde francophone. La Finlande est devant nous, mais aussi la Pologne. Á noter que, chez nous, les filles font moins mal que les garçons, comme presque partout ailleurs dans le monde.

La lecture est un marqueur social de premier ordre. Qui ne sait pas lire ou qui ne comprend pas spontanément ce qu'il lit ne progresse pas. Il décroche, d'abord à l'école puis au travail.

On assiste enfin, en France comme dans le reste du monde, à un décrochage des parents.17% des parents des élèves interrogés n'aiment pas lire. 

 

Pour ce qui est du Camembert, un séjour récent dans la belle Normandie que j'ai redécouverte, me permet de dire que nous nous maintenons à un fort bon niveau.

 

 

an

an

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17 août 2019 6 17 /08 /août /2019 05:34

 

Brassens découvre ce poème en 1942. L'auteur, Antoine Pol, est un ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris qui a fréquenté comme moi, mais une demi-siècle plus tôt, le lycée de Douai. Il faudra à Brassens plus de 25 ans pour donner à ces paroles une musique qui le satisfasse pleinement.

 

En 1970, Brassens obtient de Pol l'autorisation d'enregistrer la chanson. Les deux hommes conviennent de se rencontrer mais Pol décèdera juste avant le rendez-vous.

 

Deux guitares, une contre-basse. Pas d'électronique, pas de danseuses en short, pas de savants mouvements de caméras ou d'éclairages "artistiques". Un texte, une musique, une interprétation. 

 

A-t-on déjà fait mieux, plus beau ?

 

YOUTUBE.COM
 
Abonnez-vous http://bit.ly/inachansons 19 novembre 1977 Georges BRASSENS chante "Les Passantes" en s'accompagnant à le guitare. séquence filmé en studio : Ge...
 
 
 
 

 

 

Une très bonne analyse de la musique de Brassens :

 

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10 août 2019 6 10 /08 /août /2019 05:20

C'était il y a cinquante ans, plus exactement le 8 août 1969. J'avais 21 ans, tout était possible, la prétendue crise ne s'était pas encore installée. Chaque semaine, la pop music anglaise et étasunienne nous offrait un chef d'œuvre.

 

Pour illustrer leur dernier album, Abbey Road, les Beatles avaient choisi cette photo de couverture. Aujourd'hui, tout être humain découvrant cette photo sait de quoi il s'agit. Le photographe Iain Macmillan prit six clichés (on ne mitraillait pas du numérique en ce temps-là) et suggéra aux Beatles de garder le 5ème car ils étaient parfaitement synchro.

 

On a immédiatement glosé sur cette photo car le bruit courait à l'époque que Paul était mort en 1966. Alors John le gourou, Ringo le prêtre, Paul le mort pieds nus et George le fossoyeur. Jusqu'à la plaque d'immatriculation de la Volkswagen : 28 IF (Paul aurait eu 28 ans si...). On n'a jamais trop su qui avait lancé cette rumeur imbécile.

 

Après les couvertures de Rubber Soul, de Revolver et de Sgt Pepper, les Beatles avaient encore magnifiquement frappé. J'ai alors décidé d'écrire sur eux, leurs chansons. En fait, je n'ai pas "décidé", ça s'est fait tout seul. De manière intermittente, cela a duré une trentaine d'années.

 

Abbey Road : nostalgie
Abbey Road : nostalgie
Abbey Road : nostalgie
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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 05:16

Mon ami et ancien étudiant Serge Landy Grah est un formidable agitateur culturel en Côte d'Ivoire. C'est grâce à des personnalités comme la sienne que les pays d'Afrique peuvent progresser.

 

Il m'a lancé un défi à la fois facile et impossible à relever : afficher pendant 10 jours les couvertures de mes 10 livres préférés. Facile car, spontanément, deux grosses poignées d'ouvrages ont traversé ma mémoire fatiguée. Impossible, car une bonne centaine d'œuvres qui ont marqué ma vie d'homme et de lecteur auraient pu s'imposer.

 

Sans ordre hiérarchique, je commencerai par Homage to Catalonia (La Catalogne libre) de George Orwell. C'est pour moi ce qu'il a fait de mieux. Œuvre d'un observateur d'exception, d'un formidable journaliste, d'un homme réellement engagé au niveau de l'humanité souffrante et combattante. En Catalogne, qu'il avait rejoint quelques jours après son mariage, Orwell reçut une balle en pleine gorge qui le laissa avec une diction chevrotante. Et c'est aussi dans les tranchées de cette province résistant au franquisme avec l'énergie du désespoir, qu'Orwell comprit – avant quantité d'autres – la nature du mensonge stalinien.

 

Mes dix livres préférés (I)

Les Buddenbrook. Thomas Mann. En 1901, Thomas Mann a 26 ans. Il rédige ce pavé très fortement inspiré par l’histoire des siens. Le livre est sous-titré “ Le déclin d’une famille ”.

 

Et quelle famille ! De riches négociants qui viennent de s’installer dans une superbe demeure de Lübeck. Une extraordinaire concentration d’intelligence et de névroses. De l’inceste, de l’homosexualité à tous les étages. Et au bout, une œuvre littéraire fabuleuse. Outre Les Buddenbrook, Tonio Kröger, La Mort à Venise, La montagne magique, probablement son meilleur livre, contemporain de La recherche du temps perdu et d’Ulysse de Joyce.

 

D’abord conservateur très bon teint, longtemps antisémite et xénophobe, Mann deviendra libéral au bon sens du terme. Refusant de rallier Hitler, il sera contraint à l’exil.

 

Dans la famille Mann, il y a aussi le frère Heinrich, nettement plus de gauche, qui choisira la RDA contre l’Allemagne fédérale. On se souvient du Professeur Unrat (L’ange bleu).

 

Et puis, il y a les enfants de Thomas. Entre autres :

 

– Erika, chanteuse et écrivaine. Homosexuelle, elle épousera le poète anglais (homosexuel) Wystan H. Auden.
– Klaus, antinazi de la première heure, écrivain (Méphisto, histoire d’une carrière). Se suicide à Cannes en 1949.
– Gottfried Golo Mann. Lui aussi exilé, lecteur à l’ENS de Saint-Cloud. Lui aussi homosexuel. Auteur de De Weimar à Bonn.

 

Dans la descendance de Thomas Mann, des musiciens, des directeurs de banque, des savants.

 

Mes dix livres préférés (I)

 

The French Lieutenant's Woman. John Fowles. Le romancier anglais John Fowles est mort à 79 ans en 2005. Il nous a laissé trois ou quatre romans exceptionnels, qu’on peut rattacher au courant post-moderniste : The Collector (L’obsédé), The Magus (Le Mage) et, mon préféré, The French Lieutenant’s Woman (La Maîtresse du lieutenant français), fort bien adapté au cinéma – car c’était un défi – par Harold Pinter et Karel Reisz, avec Meryl Streep et Jeremy Irons. Le roman, qui offre trois fins différentes, permet à Fowles une réflexion profonde sur l’époque victorienne, sur Darwin et sur les personnages qui ont tendance à échapper à leurs créateurs…

 

 

Mes dix livres préférés (I)

 

Les Mots. Jean-Paul Sartre. Un ouvrage formidablement novateur que j'ai lu, parfois avec difficulté, au moment de sa parution en 1964.

 

Deux parties : “ Lire ” et “ Écrire ” dans lesquelles Sartre évoque sa vie d'enfant de 4 à 11 ans.

 

5 “ Actes ” :

Le premier acte présente les origines familiales.
Le deuxième acte évoque les comédies qu'a jouées Sartre en s'enfermant dans un monde imaginaire.
Le troisième acte est la prise de conscience de son imposture, de sa peur de la mort et de sa laideur.
Le quatrième acte présente le développement de ses diverses postures d'écrivain.
Le cinquième acte évoque sa folie, base de la dynamique de son œuvre.

 

La même année, il refuse le prix Nobel.

 

Mes dix livres préférés (I)

 

Tintin au Tibet. Hergé. Pour moi, son album le plus réussi, esthétiquement parlant, et le plus abouti parce qu’il a osé aller au plus profond de sa névrose.

 

J’avais 12 ans quand l’album est paru. Pour l’enfant du plat pays, en termes d’imaginaire et de fantasmagorie, la montagne, que je ne connaissais pas, ce fut celle de Tintin au Tibet. Il y a aussi cette très émouvante création d’un double, Tchang qui, on le sait, a existé dans la vie d’Hergé, et que Tintin doit sauver pour se sauver.

 

Je recommande la page 59, un travail fabuleux sur le mouvement, la couleur et les sentiments.

 

 

 

Mes dix livres préférés (I)
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4 juillet 2019 4 04 /07 /juillet /2019 05:15

 

Ainsi donc, je viens de passer trois jours sur les gradins surchauffés de la piscine de Pierrelatte pour apprécier les très bonnes performances de ma fille Rébecca et de ses collègues de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. J’avais choisi un hébergement dans la petite ville voisine de Bourg-Saint-Andéol, de l’autre côté du Rhône, en Ardèche. J’ai passé deux nuits très reposantes dans l’hôtel Le Brin d’Olivier (publicité gratuite).

 

Entrer en voiture dans Bourg-Saint-Andéol ne m’a pas vraiment posé de problème. En sortir, la première fois, m’a pris trois quarts-d’heure et m’a occasionné une légère panique car je risquais de rater une prestation de Rébecca.

 

Á Bourg-Saint-Andéol, rien à voir avec les pharaons ou Hausmann. Beaucoup plus modestement, la municipalité a décidé d’aménager une route passante sur environ 100 mètres et d’instituer deux ou trois sens uniques. Ah, le sens unique ! L'apanage des vraies grandes cités. Tout comme les ralentisseurs dont les deux tiers dans cette ville ne servent à rien. Seulement, dans une bourgade de 7 000 habitants coincée entre le Rhône majestueux et une grosse colline très pittoresque, le moindre changement dans le système de la voirie est redoutable. Il peut vous falloir accomplir trois kilomètres pour franchir une distance de 200 mètres. Mais dans un gros village où certaines rues ont été conçues au moyen âge pour le passage de brouettes, où de charmantes placettes sont interdites aux voitures et où il fait 40° à l’ombre, on a vite fait de ressentir que Kafka jouait petit bras. Surtout dans la mesure où, nulle part, la municipalité n’a installé le moindre panneau provisoire du style “ Déviation Pierrelatte ”. Mon GPS connut l’affolement et faillit rendre l’âme car il n’avait pas été conçu pour suppléer les carences de la municipalité bourguesane.

 

Je connus heureusement un instant de grâce. Après avoir marché une bonne demi heure dans un cagnard historique à la recherche du seul restaurant ouvert (le dimanche est sacré à Bourg-Saint-Andéol), je m’affalais épuisé à la terrasse ombragée d’un petit resto tenue par des dames (en Ardèche, les hommes sont plutôt chasseurs). Á la table voisine, trois jeunes femmes et un jeune homme parlaient de musique classique. Il me fallut moins d’une minute pour comprendre qu’ils étaient de la partie et qu’ils avaient été les élèves d’Alfred Brendel chez qui ils avaient suivi une classe du maître quelques semaines auparavant. Ils avaient quitté un Brendel de 88 ans encore vaillant dans un très grand moment d’émotion.

 

Des élèves d’Alfred Brendel à Pétaouchnoque-sur-Rhône (non, vous ne me ferez pas écrire « au milieu de nulle part » – in the middle of nowhere) ! Par parenthèse, l’expression anglaise est une pure horreur : comment peut-on être au milieu de nulle part ? Comment peut-on être des personnes précaires dans un hors-lieu indéfinissable ? Je m’immisçai dans leur conversation en leur disant qu’une chose m’énervait autrefois chez Brendel, l’un des plus grands pianistes de la deuxième moitié du XXe siècle (ses lieder de Schubert avec Dietrich Fischer-Diskau ou son Concerto Jeunehomme sont des sommets) : quand il sortait un disque, on pouvait lire “ BRENDEL ” en Times 72 et, en dessous, Chopin, Beethoven, Mozart en Times 10. L’une des quatre jeunes artistes corrobora mes dires en se souvenant des couvertures des 33-tours de ses parents. Elles me confirmèrent – mais je n’avais pas besoin d’être rassuré – que Brendel comme maître était un homme généreux, au service de la musique et non de sa personne et un pédagogue hors pair. Ce, malgré une surdité gallopante.

 

Bref, j’avais bien fait d’avoir tourné dans Bourg Saint-Andéol comme un cochon d’Inde dans une boîte à chaussures et je me promis de revenir plus tard, quand les services de la voirie se seraient calmés, dans ce très charmant lieu de notre belle France.

 

Les Bourguesans sont facétieux
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27 juin 2019 4 27 /06 /juin /2019 05:28

 

Après avoir écouté “ Tutto va bene quando facciamo l'amore ” de mon ami et vieux camarade Alex Rossi, des esprits chagrins m'ont dit : “ il ne s'est pas trop fatigué au niveau des paroles. ” Je leur ai répondu qu'Alex, musicien professionnel ayant travaillé avec Dick Rivers ou Jean-Jacques Goldman, avait derrière lui une œuvre importante, même si elle n'était pas très connue. Comme ce récit inspiré par Bukowski et publié par le magazine Gonzaï.

Le 9 mars 1994 décédait le plus bukowskien des Charles. Pour fêter les 24 ans de ce retour à la poussière, Alex Rossi vous offre une nouvelle initialement publiée dans le recueil collectif "Demande à Bukowski", en 2008. Où il est question des souvenirs de l'auteur le jour de la mort de Hank, mais aussi de poing américain et d'errances à Paris. Ou dans le corps des étudiantes en fac de lettres.

Quand les flics m’ont invité à vider mes poches, je n’avais presque rien, plus un rond, juste une cassette audio de mes chansons que je gardais en permanence sur moi, au cas où, et Women de Bukowski c’est tout.

Avant qu’ils ne me flanquent tout comateux en cellule de dégrisement, j’avais passé la journée à pleurer et à boire, à pleurer un peu et à boire beaucoup. Le matin même, je venais de prendre de plein fouet la mort de Bukowski via France Info (oui, je me réveille ou me couche tous les matins avec France Info), ce qui me laissa pour une fois sans érection. J’en avais mal au bide et tout ce qu’elle a trouvé à dire c’était : «Oui bon c’était quand même pas Dostoïevski!». Petite conne, me suis-je dit, mais je n’avais pas envie de la ramener.

Bukowski est un des mecs qui m’a sorti de mon adolescence merdique, d’un avenir tracé par des adultes qui n’en avaient plus, de la colle à rustine mais aussi des petites bourgeoises provinciales auxquelles nous roulions des pelles et mettions des doigts le mercredi après-midi. Ce qui, je reconnais n’était pas franchement le pire.

 


La première fois que j’ai lu ses poèmes, je m’en souviens très bien, c’est Pierre qui me les a tendus ou Philippe peut-être. Pierre et Philippe de 10 ans mes aînés, j’avais 15 ou 16 ans. Ils étaient tous les deux issus de cette génération qui avait pris la vague Punk en pleine gueule. Les grands frères spirituels et spiritueux que je n’avais jamais eus puisque j’étais unique comme fils: «Tiens petit écoute ça et tu verras… tiens petit lis ça, si tu veux…». En un temps record, le Velvet Underground, Hemingway, Lou Reed, Georges Bataille, (désolé la liste n’est pas exhaustive), Bowie, Henri Miller, The Clash, Walt Whitman, Patti Smith, Louis Calaferte, Mickey Rourke, Carver, The Buzzcocks, Marquis De Sade, John Fante, Gainsbourg, T-Rex, Bukowski et j’en passe, squattaient ma tête en pension complète, elle était prête à exploser, ne demandait que ça. «S’il te plaît, dessine-moi la panthère des Stranglers». Mais je n’étais pas le Petit Prince.

 

« On ne choisit pas sa famille » me direz-vous, « surtout la mienne » me répétais-je. Famille fan de Dallas et d’exploits sportifs en tous genres (je déteste Gérard Holtz depuis). Et donc, pour fuir ce mortel ennui, je m’enfermais des heures dans ma chambre avec Journal d’un vieux dégueulasse plutôt que de tondre le gazon de la maison, quand je n’arrachais pas les fleurs exotiques fraîchement plantées par mon beau-père, tellement j’avais la tête ailleurs. Et tant pis si je me prenais des baffes de ses mains de rugbyman, à force je ne sentais plus rien. J’étais comme une herbe folle dont le mari de ma mère voulait se débarrasser, couper ras pour que rien ne dépasse, c’était ça ou une tête au carré:

«Ma mère me frappait, le soleil me frappait, la lune me frappait, les flics me frappaient, le monde entier me frappait, je frappais ma mobylette.»

Jusqu’au jour où je fis le mur en sautant par la fenêtre pour ne plus jamais revenir. Le risotto de ma grand-mère m’accueillit à bras ouverts.

 

 

Parfois en pleine nuit, on prenait la caisse de Pierre ou de Philippe, on la remplissait de bières, de livres, de leur fiancée du moment, de compilations de cassettes pour s’arrêter dans un champ sur les hauteurs de la ville. L’autoradio recrachait Love is lies des Buzzcocks à plein volume tandis que je déclamais haut et fort des passages de L’amour est un chien de l’enfer. J’étais ivre de tant de liberté. C’était le pied, le paradis Au sud de nulle part, même si à vol d’oiseau on était assez loin des palmiers de San Pedro.

 

C’était juste une époque où on parlait sans complexe de losers, de losers magnifiques, une époque où le mot winner n’était pour moi qu’une sous-marque de sweat-shirt ou de paire de baskets à la con. Mais stop la nostalgie! Comme disait mon grand-père qui venait de Campomolino : «La nostalgie c’est pour les fascistes!»

Quand j’ai commencé à écrire des poèmes de jeune homme avant de passer à la chanson pour plaire aux filles, Hank me suivait partout, ou plutôt c’est moi qui essayait de le suivre, jusqu’à Montpellier où je partis à la fac de cinéma pour Faye Dunaway et De Niro mais surtout pour ne rien foutre. J’épiais chaque sortie ou réédition en poche de Charles, j’attendais ça avec la même impatience que la bourse universitaire dont je bénéficiais tous les trimestres grâce au divorce de mes parents. Je la claquais en disques, verres, verres pour filles et livres. Oui j’attendais Charles comme un type au bord d’une falaise qui avait envie de vivre et dieu sait que j’en avais envie.

Bukowski toujours sur ma table de chevet quand je faisais l’amour avec une étudiante en lettres modernes, toujours dans une main quand mon colocataire le faisait dans la pièce d’à côté, tandis que de l’autre je me masturbais.

Bukowski m’a poussé à écrire, n’importe quoi, n’importe qui, mais toujours écrire :

«La cloison tremblait/La maison chantait/Des p’tits cris montaient/Partout résonnaient/C’étaient tous les soirs/Moi seul dans le noir/J’caressais l’espoir l’idée de les voir/Lui était sur elle/Elle était sous lui/Elle elle s’appelait Annabelle et lui s’appelait Henri…»

 

 

Des textes de chansons dérisoires où je fais mourir des types, baiser des couples, de bons prétextes pour raconter des histoires. Et qu’importe si c’est rock ou pas, si je flirte avec la variét’ ou pas : «l’important c’est la chanson » me glissa Patrick Eudeline.

 

Un répertoire de femmes fatales, de messalines, où le désir, la passion et l’instinct jouent un rôle décisif sur des mélodies en boucle dans la bouche :

«J’ai roulé des hommes dans la farine/J’ai payé la somme que l’on devine/Eraflé des corps jusqu’à l’échine/En posant le pied sur quelques mines/J’ai planté un homme pour une fille/Vous pensiez que je partais en vrille/Caché dans Sodome tapi sous les ruines/En attendant que dorme la concubine/Comme une fleur du mal couchée dans le val sur l’épine dorsale/Et quand elle se taille perd dans la bataille deux ou trois pétales comme une fleur du mal…»

Tous les gens que je connais qui écoutent du rock en long et en large ont lu Bukowski. Ses histoires collent à la peau comme les médiators aux doigts du rock’n roll, ses phrases sont des gimmicks, des riffs ravageurs, ses nouvelles sont 3 minutes 30 de chansons parfaites qui vous traversent  la tête, vous bottent le cul  pour remonter jusqu’au coeur! Vous ne trouverez aucune issue de secours si votre cerveau est en flamme, juste une envie folle de sombrer corps et biens dans le sexe de votre femme! Imparable.

Cela faisait à peine un an que je vivais à Paris, j’étais monté pour elle qui habitait un charmant 2 pièces à Ménilmontant. Ses parents payaient le loyer et je sortais beaucoup. Les bars kabyles saturaient de mecs comme moi jusqu’à 2 heures du matin, des artistes en devenir avec des milliers de projets à rêver debout. Une vraie marée noire qui noyait son QI et les cacahuètes dans la bière bon marché. Je partais 36 fois aux chiottes en écrasant une fois sur deux un cafard en travers de mon chemin. Un an déjà et une centaine de fêtes plus loin où nous étions rarement invités mais on y rentrait quand même, où l’on se faisait virer avec pertes (pour nos hôtes) et fracas (pour nous).

Le jour ou plutôt en fin de journée, j’envoyais des cassettes de chansons aux directeurs artistiques de la place de Paris. Je rêvais de signer chez Virgin, le label le plus classe des années 80 qui abritait ce qui se faisait de mieux en pop française: Daho, Louise Féron, Les Rita Mitsouko, Taxi Girl, Graziella De Michele ou le Cheyenne Autumn de Murat… On me renvoyait en personne des lettres de refus très polies le mois suivant: «Ce n’est pas ce que nous cherchons en ce moment bla bla bla…». Ça tombait bien, moi aussi je me cherchais, alors j’écrivais deux fois plus :

«Lucioles et pâquerettes sous la lune éveillée/carrioles que je guette au bord de la chaussée/ça roule comme des bêtes ça frôle le bas côté/et la roue de la charrette est venue me chercher/sous un semi-remorque je suis passé près de chez toi/sous un semi-remorque j’vais y passer ça va de soi/à demi-mort dans le décor/à demi-mort dans le décor si près de toi…».

Je me rappelle très flou, la nuit où je me suis fait exploser les dents du haut. Une virée parmi tant d’autres, je crois que nous étions 4 ou 5, à la sortie d’un bar à putes de Pigalle, on partait sans payer. Dix gars nous attendaient sans un mot. J’ai pris un coup de poing américain en pleine face en guise de présentation, KO couché trou noir direction hosto avec 2 dents en moins cisaillées de haut en bas.

 

 

J’avais dormi comme un bébé, je me sentais chez moi, mais c’était juste avant d’ouvrir les yeux car cette chambre n’était pas la mienne. Quand elle est arrivée elle n’a rien dit, juste un air écoeuré puis désolé à la vue de ma tête, j’en menais pas large quand elle m’a tendu son paquet cadeau: HANK : La vie de Charles BUKOWSKI par Neeli Cherkovski. Pas pu lui dire merci ni lui sourire à cause des points de suture cousus sur ma lèvre supérieure. J’engloutis cette vie en quelques heures, cette preuve d’amour (du moins je croyais) qui m’aidait à panser mes plaies. En écrivant ces lignes me revient comme un boomerang le poème de Linda, sa femme, page 268 (j’ai vérifié), tout est dit. Allez-y sur le champ chers lecteurs, c’est un ordre !

 

J’essayais de bosser dans le cinéma mais sans grande conviction, j’engrangeais les places de stagiaire, grouillât, chauffeur, larbin sur des films courts dont la carrière des réalisateurs le fut tout autant, mais aussi gardien de nuit, serveur, bref j’avais du temps pour lire écrire, chanter et écrire :

«Les boxeurs sont des chiens fous/Frappent leur visage d’enfants doux/Les boxeurs sont des amants saouls qui s’étreignent sur un lit chaud/Les boxeurs s’enroulent pour nous dans la nuit s’offrent en cadeau/Ils s’enfoncent des clous dans leur corps et saigne saigne la peau...».

Le vendredi soir après 2 heures, je traînais généralement au Globo (l’ancien Eldorado), un lieu bourré de filles avec ses lampions de baloche et sa musique aussi variée qu’une disco mobile de campagne. Ce soir-là, je buvais des verres à l’oeil avec Jean-Henri, réalisateur et prof de cinéma de son état (le meilleur). On sirote on sirote et je le branche sur la mort de Bukowski survenue la veille en comptant le décalage horaire : « Bukowski ? C’est ce que je vis tous les jours! Partons bouffer j’ai faim viens on en reparle après! » qu’il me répond. J’avais deux verres dans les mains.

Il zigzaguait sévère au volant de sa caisse les yeux comme des jumelles qui n’y voyaient pas à deux mètres et moi, à la place du mort. Il lui restait ce qu’il faut de lucidité pour s’arrêter aux feux rouges enfin, je croyais. Quand les flics nous ont embarqué dans le panier à salade je gueulais comme un veau qu’ils étaient en train de faire une grave erreur mais ils ne m’ont pas cru. Après la prise de sang l’affaire était dans le sac et nous au grisou, chacun dans deux commissariats différents.

Combien de temps j’y suis resté? Je n’en sais foutre rien! Huit heures peut-être mais très longues alors. J’étais sec des pieds à la tête surtout ma bouche, bordel que j’avais soif, d’eau et d’oasis sans dormir une seule seconde, tendus les nerfs. J’aurai bien voulu prendre un avion, décollé pour Los Angeles, assisté aux obsèques, soutenir sa femme Linda dans cette épreuve, boire des bières sur son canapé mais j’étais au trou et je n’avais jamais pris l’avion de ma vie.

Finalement je ramassais 500 francs d’amende pour ivresse manifeste sur la voie publique.

Je suis sorti, la pluie sur le visage et le crâne à l’envers sans un rond, avec mes lacets à moitié dans les trous, ma cassette de chansons dans une poche et dans l’autre…putain, les flics avaient gardé mon Women de Bukowski.

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