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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 06:45

On lui décerna le superlatif de plus grand torero français de tous les temps (en l’occurrence, ça commençait quand, tous les temps ?). Nimeño II (Christian Montcouquiol) était né en Allemagne en 1954. Il tua 800 taureaux. Le 801ème, Panoler de Miura, qui pesait 550 kilos, l’envoya vers le ciel et le laissa retomber sur le sable, les vertèbres cervicales brisées. Cela se passait à Arles en 1989.

 

Malgré l’amour de sa femme, de ses enfants, de son frère, Nimeño perdit l’envie de vivre. Il vécut complètement isolé du monde extérieur et se pendit  dans son garage le 25 novembre 1991.

 

(Impatienta doloris)

 

 

 

Né en 1909 au Japon, Herbert Norman fut ambassadeur du Canada en Égypte. La commission d’enquête du Sénat étasunien l’accusa de communisme. Norman subit une invraisemblable campagne de calomnies. Il se jeta du toit de l’ambassade de Suède le 2 avril 1947. À ses collègues, il écrivit : « Je n’ai pas le choix. Je dois me tuer car je vis sans espoir. » À sa femme : « Je te baise les pieds et te prie de me pardonner pour ce que je t’ai fait. »

 

Qu’est-ce qui l’avait poussé à se suicider? Avait-il vraiment été communiste dans sa jeunesse ? Est-ce que le fait d’être communiste se traduisait automatiquement par une allégeance à l'Union soviétique ? S’est-il tué parce qu’il croyait qu’il ne pourrait jamais laver sa réputation ?

 

Les Canadiens furent horrifiés par cette mort. Norman fut enterré à Rome. Un destin pour le moins international.

 

(Pudor)

 

 

 

 

Fils d’un quincaillier devenu premier ténor de l’Opéra de Paris, Adolphe Nourrit (né en 1802 à Montpellier) entre dans la vie active comme commis dans une compagnie d’assurances. Contre la volonté de son père, il prend des leçons de musique et de chant. Il débute dans Iphigénie en Tauride de Gluck. Deux mois après, il succède à son père comme premier ténor à l’opéra de Paris et devient immensément populaire.

 

Rossini écrit sur mesure pour lui (Moïse, Guillaume Tell). Adolphe épouse la fille du régisseur de l’Opéra-Comique, dont il aura sept enfants. Pendant dix ans, il ne connaît que des triomphes. Il écrit des livrets (Rossini l’appelle son « poète adjoint »), il est l’ami de Liszt et traduit des lieder de Schubert. Toute l’Europe le célèbre.

 

En 1836, il se voit doublonné à l’Opéra par le ténor Gilbert Duprez, au prétexte de soulager sa fatigue. Il ne s’en remettra jamais. Humilié, il démissionne et écrit à un ami : « Je ne suis pas fait pour la lutte. L'hostilité serait inévitable et me serait insupportable, je serais malheureux et vaincu. Duprez a sur moi un avantage immense, il est nouveau. Moi, le public de Paris me sait par cœur. Si je ne pars pas aujourd'hui, on m'évincerait demain. Rien que d'y penser, j'en rougis. Je m'en vais ! ».

 

Il entreprend une tournée en France, mais sa voix le trahit régulièrement. Il rencontre Donizetti qui le convainc de s’installer à Naples. Il devient paranoïaque. Le 7 mars 1839, alors que sa femme et ses six enfants dorment, il se jette du cinquième étage de son immeuble. Il est enterré au cimetière de la Madone del Pianto. Exhumée un mois après, sa dépouille est ramenée en France. Il arrive le 24 avril à Marseille. Il est enterré au cimetière de Montmartre. Chopin joue une transcription pour orgue du Lied de Schubert “ Die Gestirne ” (L’astre). L’Église lui refuse les honneurs funèbres mais le cortège est suivi par des milliers de personnes.

 

La femme de Nourrit mourra quelques mois plus tard, juste après avoir donné naissance à leur septième enfant.

 

(Furor)

 

 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 06:00

Mardi 28 janvier, Pierre Lemaitre est venu à la librairie Ombres Blanches à Toulouse pour faire une lecture d'extraits de son roman Au revoir là-haut, pour le dédicacer, et pour débattre avec l'historien Nicolas Offenstadt (Paris I) des rapports contigus, et parfois élastiques, entre le roman et l'histoire. Ce fut un débat d'une très haute tenue, malheureusement pas enregistré.

 

Pierre Lemaitre a tenu à embrasser une de ses plus jeunes admiratrices.

 

 

 

Pierre Lemaitre à Ombres Blanches
Pierre Lemaitre à Ombres Blanches
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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 11:41

Il s'est battu avec un grand courage contre la maladie qui a finalement eu raison de lui. Il souhaitait se retirer dans la plus stricte intimité, sans fleurs, sans couronnes, sans discours, sans hommages.

 

Je dirai simplement de lui qu'il fut l'un des anglicistes le plus marquants de ma génération et que personne n'eut son talent, son intuition, son génie, pour analyser et expliquer un texte littéraire. 

André Topia
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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 18:11

Non, une révolution scientifique, selon Le Monde !

Hiroshima : une catastrophe ?
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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 11:35

Comme moi il est un vieux père, et comme moi il est athée. Je vais peut-être me mettre à écrire des romans géniaux.

 

Hé, non ! Je préfère les Alpes, même si les Pyrénées sous le soleil sont sublimes.

 

(Envoyé par mon amie Germaine, grande lectrice – 80 ans, on lui pardonne – de Télé 7 Jours)

7 mots de Pierre Lemaitre
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21 janvier 2014 2 21 /01 /janvier /2014 06:47

 

Peut-on, cela dit, réduire l’opposition jardin à l’anglaise/jardin à la française au combat de l’empirisme contre la raison ? Ce serait trop simple. Comme les hommes de la Renaissance, les préromantiques – avec leur réhabilitation des passions et du moi, le culte exacerbé de la sensibilité et l’exaltation du sentiment de la nature – ont éprouvé la nostalgie de ces temps anciens où les anciens, croyaient-ils, vivaient plus proches de la nature, sentaient parmi eux la présence fraternelle des dieux, n’avaient point de maîtres ou de modèles et créaient spontanément des mythes familiers. On se souvient que, dans le Dictionnaire philosophique, Voltaire avait contesté la conception platonicienne du Beau : « Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté, le grand beau, le to kalon. Il vous répondra que c’est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un nègre de Guinée; le beau est pour lui une peau noire, huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté. Interrogez le diable; il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre griffes, et une queue. Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par du galimatias; il leur faut quelque chose de conforme à l’archétype du beau en essence, au to kalon. »

 

 

D’où une conception relativiste de la création et de la perception artistiques donnant raison à la sagesse populaire : « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Rien n’était absolument beau selon des critères objectifs, scientifiques, canoniques comme la symétrie. Un jardin à l’anglaise ne sera pas qualifié de beau après une démonstration argumentée. C’est la relation intime, l’émotion qui nous feront aimer « 100 000 milliards » de jardins.

 

 

 

 

Rien n’est simple car l’épistémé de la science elle-même déroge à ses propres enjeux. Newton, le plus grand scientifique de son époque, était un alchimiste hors-pair qui tenta plus de trente ans durant de changer du plomb en or. Ce qui fit dire à l’économiste Keynes qu’il n’avait pas inauguré l’ère de la raison mais qu’il fut le dernier des magiciens. Dans l’univers esthétique classique français, la noble ordonnance du langage et des discours cache souvent un profond chaos intérieur qui obscurcit et déchire les âmes. La lumière ne peut surgir que des ténèbres, l’esprit de raison de la déraison. D’ailleurs l’œuvre de Descartes s’imposera à l’Europe du nord protestante et empirique avant d’être reconnue par la France “ catholique ” et rationnelle.

 

L’ordonnance “ classique ” des jardins à la française ne résulte pas du filtrage d’une matière déjà épurée et qui n’offrirait qu’une résistance de pure forme mais bien d’un effort gigantesque d’anéantissement de ce qui est posé comme touffu, , embrouillé pour atteindre à un concept de clarté. Inversement, le jardin à l’anglaise n’est pas le produit d’une pensée empirique jouissant d’une liberté d’improvisation totale. Il est l’expression d’un nouveau rapport au monde, une autre manière d’appréhender le réel, l’affirmation d’un nouvel individualisme au service de classes sociales qui affirment leur pouvoir économique et politique.

 

FIN

 

 

Quelques lectures :

 

Baridon, M. : “ Idéologie et images de la nature ”, Revue Française de Civilisation Britannique, Vol I, n° 4.

 

Barthes, R. : “ Les planches de L’encyclopédie dans  Le Degré zéro de l’écriture, Paris : Le Seuil, 1972.

 

Burke, E. : A Philosophical Enquiry into the Origins of our Ideas of the Sublime and Beautiful. Londres : Rouledge and Kegan Paul, 1978.

 

Lapouge, G. : Utopie et civilisation. Paris : Flammarion, 1978.

 

Locke, J. : An Essay Concerning Human Understanding, Cambridge (Ma.) : Harvard University Press, 1931.

 

Shaftesbury, A. : Characteristics of Men, Manners, Opinions and Times. Londres, 1711.

 

 

Ici, la série d'articles en un seul fichier :

 

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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 06:57

 

Le jardin à l’anglaise permet de concrétiser le processus de l’association des idées en esthétique. Tel le Rousseau de La Nouvelle Héloïse (l’archétype du roman sensible, préromantique), on laisse vagabonder ses pensées d’une allée à un parterre, d’un parterre à un jet d’eau, d’un jet d’eau à un bosquet caché. À Clarens, les maîtres des lieux ont dessiné un jardin anglais dénommé l’Élysée, comme le bout du monde, mais juste à côté du château. La découverte progressive des beautés permet à l’individu d’accéder à la sérénité, l’esprit de finesse ayant vaincu l’esprit de géométrie. Le jardin à la française s’adressait en priorité à la vue et à la raison ; le jardin à l’anglaise sollicite tous les sens. Burke refuse d’ailleurs de réserver l’accès au beau et au sublime à une élite, les aptitudes sensorielles étant les mêmes pour tous, y compris les incultes. Il condamne le jardin à la française parce que la géométrie y est artificielle et prescriptrice, parce que la nature y est subvertie et le paysage effacé et, accessoirement, parce qu’ils sont voraces en terres cultivables. Le gardening n’est pas du jardinage mais un art total, l’art de former les jardins. Le jardin anglais donne l’impression de n’obéir qu’à ses propres lois pour se développer. La nature n’est-elle pas un jardin ? La mathématique ne saurait gouverner la beauté. Il peut y avoir plaisir esthétique sans la maîtrise d’un code.

 

Peut-on considérer le jardin à l’anglaise comme une nouvelle construction utopique ? Non dans la mesure où, quand il réagit contre la ligne droite et les angles, il participe d’une symbolique religieuse contre une philosophie dont la mission était d’imposer l’ordre de la rationalité à la demeure des hommes. L’aire du jardin à la française était soustraite à l’espace réel. Elle se pliait aux désirs de l’intelligence au lieu de se couler dans les méandres et les vallonnements des paysages. Ce jardin était un pur artefact, un ajout, un supplément. Le jardin à l’anglaise pouvait être considéré, dans cette optique, comme une anti-utopie. Car lorsque les utopistes invoquent la nature, ils pensent d’abord aux mathématiques. Ils ne découvrent la liberté que pour la mettre à mort. Ils modifient la création, ruinent la nature et rectifie l’histoire. Ils normalisent l’anomalie, selon Gilles Lapouge. Ils paralysent le devenir, ils haïssent le mouvement qui déplace les lignes. Ils choisissent l’intemporel contre le futur, un faux éternel contre l’évolution naturelle, l’immuable contre le passage, l’essentiel contre l’accidentel, le reconnu contre l’imaginable, la pétrification contre l’expression des contradictions.

Du jardin à la française au jardin à l’anglaise (13)
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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 06:48

Dans une optique puritaine, la clarté et l’obscurité des jardins reflètent le combat mené par l’individu face au bien et au mal. Au XVIIe siècle, les comédies de la Restauration traduisent ce combat, ce dérèglement. En 1664, George Etheredge, dans la Vengeance comique, ou l’amour dans un tonneau, introduit le personnage de la dame de qualité qui a de forts appétits sexuels et qui prend l’initiative. Il s’agit bien sûr d’une farce mais le jardin permet l’inversion des rôles. Une riche veuve, qui s’appelle Rich, entraîne le timoré Frollick (to frolic = batifoler) dans le jardin des délices :

 

Sir Frederick – Où ? Où voulez-vous me conduire, madame ? Quelle est votre intention ?


Veuve Rich – Faire un tour dans le jardin et nous arrêter dans un endroit frais.

Sir Frederick  – Madame, je n'ose m'aventurer sous ces ombrages propices au badinage.

Je devine que vous avez l'esprit à parler d'amour, mais mon cœur est trop tendre pour qu’on puisse

lui faire confiance dans ce genre de conversation.

Veuve Rich — Je ne peux imaginer que vous soyez aussi sottement vaniteux. Est-ce votre esprit,

monsieur,  ou votre personne qui me parle ?

 

 

La belle époque !

 

 

Rien n’est donc simple, rien n’est manichéen, mais tout tremble d’une manière incertaine, comme Daniel Defoe l’a si bien suggéré avec Lady Roxane ou l'Heureuse Catin, ou encore Moll Flanders qui décrit la chute et la rédemption d’une prostituée bigame, voleuse et incestueuse, toujours du point de vue du personnage. Pour les protestants, ce qu’est Defoe, le chaos n’est pas dans la nature mais dans l’homme. L’esthétique gothique convient parfaitement pour traduire ce chaos. La peinture, quant à elle exprimera désormais davantage une vision tourmentée, contrastée de la réalité, plutôt qu’une vision claire, ordonnée et harmonieuse. Turner aura fait oublier Poussin et sa vision de l’Antiquité.

 

 

 

 

 

 

 

En 1756, Edmund Burke publie son traité d’esthétique Enquête philosophique sur l’origine de conceptions du sublime et du beau. Pour Burke (le libéral qui, plus tard, réagira de manière très conservatrice à la Révolution française), le beau est ce qui est bien constitué, plaisant à l’œil, tandis que le sublime peut nous contraindre, voire nous détruire. Nous craignons le sublime car nous voyons en lui l’infini et notre propre mort. Burke postule qu’il faut chercher à établir la relation entre le monde extérieur au sujet et le monde qui emplit l’esprit du sujet. Il faut dépasser le cartésianisme– Burke fut toujours hostile à la philosophie française, à l’« esprit du siècle » –  car il sépare artificiellement ces deux mondes.

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 06:13

Le grand bâtisseur de l’époque est Sir John Vanbrugh. Architecte, mais aussi dramaturge. On lui doit principalement deux palais magnifiques : le château de Bleinheim, qui appartenait à la famille Malborough (le Malbrouk qui s’en va-t-en guerre), où naquit Winston Churchill, pas un enfant de prolo, donc, et Castle Howard, dans le Yorkshire, le premier palais réellement baroque d’Angleterre. Vanbrugh fut également l’architecte du Queen’s Theatre à Londres. Maître absolu de la perspective, Vanbrugh exprima particulièrement son génie lors de la construction de Castle Howard. Dans cette création s’exprimaient au plus haut point les préférences esthétiques de l’époque : dans une sublime mise en valeur de la nature, Vanbrugh avait trouvé l’équilibre entre l’obscurité et la lumière et, en refusant un ordre préexistant à la nature, il avait recherché l’esprit gouvernant cette dernière.

 

 

Comme toute l’œuvre de Vanbrugh, Castle Howard marqua le triomphe d’un certain empirisme dans la mesure où l’homme ne devait plus concevoir le monde comme un système mais aller patiemment à la découverte de la nature qui n’était pas chaos mais ordre. Nous étions donc aux antipodes de l’esprit de L’Encyclopédie où l’homme, selon Roland Barthes « min[ait] la nature entière de signes humains. Dans le paysage encyclopédique, on n'est jamais seul; au plus fort des éléments, il y a toujours un produit fraternel de l'homme : l'objet est la signature humaine du monde. » Avec Vanbrugh, un espace n’était connu, n’existait que s’il avait été parcouru, « perambulated », et pas simplement visualisé d’une manière rationnelle. Le gentilhomme anglais apprenait à connaître son jardin avant de faire le tour du monde en bien plus de 80 jours. Le jardin était une réduction de la nature, de l’univers. Les labyrinthes, les rivières serpentantes symbolisait le cheminement d’une pensée qui prenait son temps dans ses détours et qui affirmait le primat de l’individu dans ses émotions. Et ce n’est pas un hasard si la psychologie en tant que science fut adoptée à ce moment-là par les Britanniques. Un siècle auparavant, Francis Bacon avait abandonné la pensée déductive au profit de l’« interprétation de la nature », de l’expérience et de son lot de connaissances nouvelles. Bacon avait en effet proposé de soumettre la nature à l’expérience – scientifique, mais aussi mystique ou religieuse – par une investigation « au ras du sol » et de tirer de cette expérience une induction non pas simplement « totalisante » mais « amplifiante », passant des faits connus à ceux que l’on pouvait raisonnablement leur assimiler.

 

Que nous dit John Locke à l’époque de Vanbrugh sur l’« entendement humain » ? Le philosophe postule que l’homme n’est marqué par aucune idée innée et que son psychisme se forme progressivement grâce à un contact sensuel avec le monde. L’esprit humain ressent, accumule, associe. Il accède ainsi aux concepts abstraits sans passer par la raison après que son cerveau, tel une plaque sensible, a été impressionné par des particules de force inégales. Il faut donc en permanence soumettre sa vie mentale aux contextes, aux réalités transmises par les sens. Cette démarche est aux antipodes de la spéculation cartésienne. L’examen porte uniquement sur les facultés de l’individu et sur les objets qui se présentent à son esprit. L’entendement élabore des idées des choses. Notre esprit – au départ une tabula rasa, est constitué par les objets extérieurs ou par la perception produite par les opérations de la pensée.

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 06:17

 

Une autre idée-force traverse les consciences en frôlant le mythe : celle d’une renaissance gothique, c’est-à-dire d’un esprit, d’une tradition inspirés de la forêt des Goths, antérieure à l’invasion normande, donc anti-française. Alors que dans la France du XVIIe siècle l’art gothique était l’art barbare par opposition à l’art de l’Antiquité, au début du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, un courant gothique romantique, généralement germanophile, réhabilite le Moyen Âge et son art ogival. On s’intéresse désormais, on s’inspire de l’architecture, de la peinture, de la sculpture gothiques.

 

Être gothique comme Walter Scott, l’auteur d’Ivanhoe, c’est s’affirmer patriote contre une certaine France. Scott, qui parlait la langue des Lowlands, obtiendra un fort succès en France en inspirant Balzac et Victor Hugo. Son Quentin Durward, vendu chez nous à 30 000 exemplaires, ce qui était considérable, évoque la France du XVe siècle, la lutte entre Louis XI et Charles le Téméraire, par le prisme de l’histoire d’un garde écossais au service du roi.

 

Bref, les choses bougent, et dans les jardins, des créations “ gothiques ” (comme les temples, les bosquets sombres) vont cohabiter avec des motifs d’inspiration antique (colonnes, statues) avant de les supplanter.

 

 

 

En outre, posséder un jardin est un acte d’affirmation. La propriété foncière gagne en effet en importance politique. Pour être membre du Parlement, il faut justifier d’un “ estate ”, un domaine, une propriété. Aujourd’hui, l’équivalent de “ bien immobiliers ” est “ real estate ”. Du bon, du vrai, du réel. Il est bon que le domaine comporte des fermes, des bois, sources de revenus. Les parcs, les résidences, les manoirs deviennent le symbole du dynamisme d’une classe dirigeante en plein état de grâce et le conservatoire du génie anglais.

 

Politiquement parlant, abandonner la géométrie à la française, c’est, après la Glorieuse Révolution de 1688 (encore appelée “ bloodless ”, sans effusion de sang), refuser l’absolutisme, le centralisme à la Colbert, et préférer un plus juste équilibre des pouvoirs entre les Chambres et le roi.

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