On lui décerna le superlatif de plus grand torero français de tous les temps (en l’occurrence, ça commençait quand, tous les temps ?). Nimeño II (Christian Montcouquiol) était né en Allemagne en 1954. Il tua 800 taureaux. Le 801ème, Panoler de Miura, qui pesait 550 kilos, l’envoya vers le ciel et le laissa retomber sur le sable, les vertèbres cervicales brisées. Cela se passait à Arles en 1989.
Malgré l’amour de sa femme, de ses enfants, de son frère, Nimeño perdit l’envie de vivre. Il vécut complètement isolé du monde extérieur et se pendit dans son garage le 25 novembre 1991.
(Impatienta doloris)
Né en 1909 au Japon, Herbert Norman fut ambassadeur du Canada en Égypte. La commission d’enquête du Sénat étasunien l’accusa de communisme. Norman subit une invraisemblable campagne de calomnies. Il se jeta du toit de l’ambassade de Suède le 2 avril 1947. À ses collègues, il écrivit : « Je n’ai pas le choix. Je dois me tuer car je vis sans espoir. » À sa femme : « Je te baise les pieds et te prie de me pardonner pour ce que je t’ai fait. »
Qu’est-ce qui l’avait poussé à se suicider? Avait-il vraiment été communiste dans sa jeunesse ? Est-ce que le fait d’être communiste se traduisait automatiquement par une allégeance à l'Union soviétique ? S’est-il tué parce qu’il croyait qu’il ne pourrait jamais laver sa réputation ?
Les Canadiens furent horrifiés par cette mort. Norman fut enterré à Rome. Un destin pour le moins international.
(Pudor)
Fils d’un quincaillier devenu premier ténor de l’Opéra de Paris, Adolphe Nourrit (né en 1802 à Montpellier) entre dans la vie active comme commis dans une compagnie d’assurances. Contre la volonté de son père, il prend des leçons de musique et de chant. Il débute dans Iphigénie en Tauride de Gluck. Deux mois après, il succède à son père comme premier ténor à l’opéra de Paris et devient immensément populaire.
Rossini écrit sur mesure pour lui (Moïse, Guillaume Tell). Adolphe épouse la fille du régisseur de l’Opéra-Comique, dont il aura sept enfants. Pendant dix ans, il ne connaît que des triomphes. Il écrit des livrets (Rossini l’appelle son « poète adjoint »), il est l’ami de Liszt et traduit des lieder de Schubert. Toute l’Europe le célèbre.
En 1836, il se voit doublonné à l’Opéra par le ténor Gilbert Duprez, au prétexte de soulager sa fatigue. Il ne s’en remettra jamais. Humilié, il démissionne et écrit à un ami : « Je ne suis pas fait pour la lutte. L'hostilité serait inévitable et me serait insupportable, je serais malheureux et vaincu. Duprez a sur moi un avantage immense, il est nouveau. Moi, le public de Paris me sait par cœur. Si je ne pars pas aujourd'hui, on m'évincerait demain. Rien que d'y penser, j'en rougis. Je m'en vais ! ».
Il entreprend une tournée en France, mais sa voix le trahit régulièrement. Il rencontre Donizetti qui le convainc de s’installer à Naples. Il devient paranoïaque. Le 7 mars 1839, alors que sa femme et ses six enfants dorment, il se jette du cinquième étage de son immeuble. Il est enterré au cimetière de la Madone del Pianto. Exhumée un mois après, sa dépouille est ramenée en France. Il arrive le 24 avril à Marseille. Il est enterré au cimetière de Montmartre. Chopin joue une transcription pour orgue du Lied de Schubert “ Die Gestirne ” (L’astre). L’Église lui refuse les honneurs funèbres mais le cortège est suivi par des milliers de personnes.
La femme de Nourrit mourra quelques mois plus tard, juste après avoir donné naissance à leur septième enfant.
(Furor)