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20 décembre 2023 3 20 /12 /décembre /2023 06:01

Une attaque d'une violence rare contre le statut des universités et des universitaires par le boy de Rothschild est en cours. Je reprends ici un argumentaire du SNESUP. Le boy a d'autant plus de chance de réussir son très mauvais coup que la résistance des universitaires est très faible, en particulier dans la jeune génération.

 

Le 7 décembre dernier à l’occasion de l'installation du « Conseil présidentiel de la Science », puis le 11 décembre à Toulouse, le chef de l’État a décidé de précipiter « un changement total et irréversible » de la recherche française en donnant 18 mois pour opérer une « révolution » de la recherche au service presque exclusif de l’innovation et de l’économie. Un projet qui fait peser sur l’ESR des menaces d’une violence extrême : présidentialisation de la recherche, pseudo-autonomie, vrai dirigisme, démantèlement des statuts du l’ESR, modulation des services, etc.

 

L’auto-satisfecit d’Emmanuel Macron et la réalité du budget de l’ESR

 

E. Macron se satisfait des politiques menées depuis 2017 en matière de recherche. Pourtant, l’augmentation progressive de 5 Mds€ du budget de la recherche publique d’ici à 2030 prévue par la loi de programmation de la recherche (LPR) est déjà un échec patent : en 2024, c’est à une baisse en euros constants, à laquelle les équipes sont confrontées. Le budget de l’ESR reste le plus faible depuis 20 ans rapporté au produit intérieur brut.

 

Il se garde bien de faire des annonces de moyens supplémentaires, ni dans le cadre de la LPR, ni pour les investissements d’avenir ; pourtant, un consensus se dégage pour chiffrer à 3 % du PIB les besoins en la matière dont 1 % pour la recherche publique. À l’issue de ce discours, la France demeure donc un pays sous financé en matière de Recherche, l’effort se limitant à 2,2 % du PIB – inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, et même des pays de l’union européenne en raison en particulier du détournement des financements publics au bénéfice des entreprises privées.

 

Quant aux 54 Mds€ de « France 2030 », ils profiteront essentiellement à certaines grandes entreprises. L'attribution de cette manne par appels à projet creuse encore davantage les inégalités entre établissements de l’ESR et entre les territoires.
 

Centralisation du pilotage, dérégulation et évaluation sanction 
 

Dans une logique de « différenciation assumée » des financements en fonction des thématiques et de la soi-disant « excellence », E. Macron se propose d’accélérer le processus de dérégulation amorcé avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et renforcé par la LPR et la mise en place des établissements expérimentaux. 

 

Partant du principe que « tous les organismes et les sites n’iront pas à la même vitesse », il décide « d’amorcer à marche forcée le travail de différenciation » sur la base de l’expérimentation , pour les organismes nationaux de recherche (ONR) comme pour les universités. Ces dernières pourront construire ainsi « une autonomie renforcée », afin de « gagner en flexibilité » et en « liberté ». 

 

Les Contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) seraient le moyen pour que les « universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer les ressources humaines, qui sont sur leur site avec une vraie logique de délégation de cette fonction (sic) ». La LRU créait déjà les responsabilités et compétences élargies (RCE), « l’acte 2 de l’autonomie » fixe comme objectif « d’aller vers la vraie autonomie » et donc le transfert des compétences de l’État aux établissements. L’État se délesterait encore davantage de la question des emplois, des carrières et des salaires. Tous les personnels de l’ESR en subiraient les conséquences, notamment par le renforcement du localisme et la gestion de l’austérité budgétaire, à l’image de la gestion locale des primes au mérite, des promotions et des rémunérations et services des personnels contractuels. 

 

Les établissements seraient en outre fortement contraints puisque l’essentiel des financements dépendrait des appels à projets des Agences de programmes ainsi que des priorités scientifiques décidées par le chef de l’État (voir ici pour le détail). En étendant encore davantage son domaine réservé, Emmanuel Macron s’attribue la définition des « thématiques de recherche prioritaire », et concède au MESR « les fonctions de pilotage et de stratégie ». Les COMP deviendraient le bras armé de l’évaluation des nouveaux dispositifs en couplant injonction, financement et évaluation : davantage d’accompagnement pour les unités de recherche bien notées, fermeture pour celles ayant eu une « mauvaise évaluation ». La « performance » serait attendue sur des temps courts – 3 à 5 ans – faute de quoi, la sanction tomberait : par exemple suppression de l’unité de recherche (UR) et affectation éventuelle de ses membres dans une autre UR, services à la hausse, etc.

 

Attaque tous azimuts contre les statuts et les libertés académiques

 

Les “structures et les statuts” seraient responsables d’une « trop grande complexité » et un frein à « l’efficacité de fonctionnement ». Pour Emmanuel Macron, « les statuts ne sont pas des protections, aujourd’hui, ils sont devenus des éléments de complexité » ;  s’adressant aux responsables de l’enseignement supérieur et de la recherche il ajoute : « je vous invite très sincèrement,[…], à les changer vous-mêmes ».

 

Il fixe l’objectif d’une remise en cause des statuts de tous les personnels de l’ESR : chercheur·es, enseignant·es-chercheur·es, enseignant·es et BIATSS ; mêlant arrogance et ironie déplacée (y compris à l’égard de la Ministre), c’est aux chef·fes d’établissement qu’il assigne cette tâche de « laisser toute la liberté académique aux meilleurs », oubliant qu’il n’appartient ni au Président de la République, ni aux Présidents d’universités, de modifier le droit de la fonction publique. Par cet appel à contourner le droit, E. Macron participe à affaiblir les institutions et la parole de l’État dont il est constitutionnellement le garant.
 

Concernant les objectifs précis, il qualifie de « stupidité absolue de notre système » le fait que l’on puisse être chercheur·e à temps complet tout au long de la vie : c’est donc la fin des statuts des chercheur·es des ONR qu’il décide. On retrouve ici les idées avancées dans le rapport Gillet reprises par le Président qui débouchent sur la proposition d’imposer aux chercheur·es d’effectuer des heures d’enseignement et aux EC une modulation des services comme une sanction alourdissant le service d’enseignement, les éloignant durablement de la recherche.

 

Le SNESUP-FSU appelle à préparer une mobilisation d’ampleur, dans l’unité syndicale, pour éviter que le projet annoncé aboutisse

 

Face à ces propos qui portent en germe la fin du service public de l’ESR mais également la poursuite du déclassement de la recherche en France, le SNESUP-FSU demande que la Ministre de l’ESR apporte rapidement des clarifications. Une intersyndicale se réunira prochainement pour discuter des modalités d’action pour mettre en échec ce projet. 

 

Le SNESUP-FSU appelle à multiplier les assemblées générales pour informer de ce projet délétère le personnel de l’ESR dans toute sa diversité. Il appelle l’ensemble des élu·es des conseils d'administration et conseils académiques des établissements à débattre de ce projet et adopter des motions pour y faire barrage.

 

PS : les 7 mercenaires de Macron dans l'Université 

Dérégulation de l'Université. C'est parti !

PS : Il y a 28 ans mourait René Maheu. Il était né à Saint-Gaudens en 1905. Professeur de philo, il fut l'ami de Sartre et Beauvoir, dont il trouva le surnom : “ le castor ”.

 

Il fut le 6ème directeur général de l'UNESCO de 1961 à 1974. Un éminent universitaire anglais que j'ai bien connu, Richard Hoggart, fut son adjoint au début des années soixante-dix. Il ne tarissait pas d'éloges sur Maheu.

 

Dérégulation de l'Université. C'est parti !
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19 décembre 2023 2 19 /12 /décembre /2023 06:01
Il y a quelque temps, j'ai été invité par une collègue angliciste à donner une conférence sur George Orwell à des élèves de terminale dans un lycée lyonnais. Ci-dessous, le texte de cette conférence.
 
Quand je dis « je » ; je ne peux pas ne pas parler de moi (Oswald Ducrot). En même temps, « je » est un autre (Rimbaud).
L'écriture, selon Robbe-Grillet, ce n'est pas quelqu'un qui vous explique quelque chose qu'il a compris, c'est quelqu'un qui est à la recherche de quelque chose qu'il ne comprend pas encore.
Orwell est, à mes yeux, le plus grand écrivain politique du XXe siècle. Pas le plus grand romancier ni le plus grand penseur politique, mais c’est bien parce qu’il a parfaitement situé son œuvre à la croisée de deux démarches, à savoir fondre le politique et l’artistique en un (« to fuse politics into an art » ; Godard disait : « je ne fais pas de cinéma politique, je fais politiquement du cinéma ») qu’il n’a pas connu, contrairement à Camus, Sartre ou Malraux, une seule journée de purgatoire.
Dans mes travaux sur Orwell, j’ai essayé de déterminer pourquoi Orwell écrivait – voir “ Why I Write ”, 1945), comment il a laissé en lui se forger un destin parce qu'il se voulait avant tout le défenseur d'un univers moral, sain, amical et sans peur. En tentant de déterminer pourquoi Eric Blair voulut écrire, c'est-à-dire mettre une plume dans la main d'Eric, et écrire quelque chose, c'est à dire devenir Orwell grâce à l'écriture. Orwell n'a jamais consciemment cessé de se narrer en tant qu'acteur et de s'énoncer en tant que narrateur.
Pour Orwell, la littérature était avant tout affaire d'écriture, que l'écriture était création, à partir de matériaux fournis par la mémoire, choisis et travaillés par elle, d'une image du réel dont elle dégage la figure et le sens. En nous tirant vers son monde, Orwell s'est révélé, et plus il est entré en fiction plus il a exprimé son vrai.
S’il fallait donner d’Orwell une seule image, ce serait peut-être celle du jeune policier colonial de “ Shooting an Elephant ”, en Birmanie, à qui une foule excitée demande d’abattre un éléphant enragé pour cause de rut. En tirant, il comprend que c’est une partie de lui-même et de l’Empire qu’il détruit, et que tout système injuste s’aliène à force d’aliéner celui qu’il opprime. Quelques années plus tard, Orwell ne tirera pas sur un franquiste à portée de fusil mais qui était gêné dans sa course par un pantalon sans ceinture : il était allé en Espagne pour tuer des fascistes mais un homme qui perd son pantalon n’est pas un fasciste. Il n’est pas certain que ces deux épisodes aient été vécus tels quels par leur auteur. Moraliste et créateur avant tout, Orwell ne craignait pas de manipuler les faits lorsqu’il poursuivait un but artistique.
Comme de nombreux jeunes de ma génération, j’ai lu 1984 et La Ferme des animaux au lycée. Mais ce n’est pas ainsi que je découvris et que je suis allé vers Orwell. Je me trouvais un jour de 1969 dans une famille de la banlieue résidentielle du sud de Londres, dominée par une grand-mère à la très forte personnalité, membre de l’Independent Labour Party, un petit parti d’extrême gauche dont Orwell avait pris quelque temps la carte, le seul parti où il ait adhéré (ce, pour les conservateurs de tout poil et gens de gauche irréprochables qui veulent le tirer vers la réaction et l'impérialisme étasunien). Elle avait d’ailleurs rencontré l’écrivain à plusieurs reprises. Ayant découvert que j’étais originaire du pays minier du nord de la France, elle me tendit un livre (dans l’édition originale) d’Orwell dont je n’avais jamais entendu parler, The Road to Wigan Pier, en français Le quai de Wigan. Cet ouvrage, qui décrivait par le menu les conditions de vie, de travail et de chômage des ouvriers dans le nord de l’Angleterre dans les années trente, me bouleversa. Ou plutôt, c’est la démarche de l’auteur qui m’enchanta.
J’appréciais énormément qu’un bourgeois anglais aille vivre dans les corons, qu’il descende au fond de la mine, qu’il décrive le travail des mineurs, le corps des mineurs avec la force et la précision d’un Zola. Je savais que tout ce qui était rapporté correspondait parfaitement à la réalité, ayant moi-même vécu au contact des mineurs de charbon français dans les années cinquante, et ayant eu la possibilité de descendre une fois au fond de la mine. En lisant Le Quai de Wigan, je me remémorais ces samedis après-midi de mon enfance, lorsque je voyais des mineurs revenir du travail, noirs de charbon, avant de se laver méthodiquement, méticuleusement, avec une seule bassine d’eau. Il me revint en particulier comment ils se débarrassaient de la crasse sous les ongles, dans l’interstice situé entre l’œil et l’arcade sourcilière. Et puis, sachant que je connaissais (dans le Lot-et-Garonne) des réfugiés républicains espagnols, la vieille dame me tendit Homage to Catalonia, en français Hommage à la Catalogne. Je fus subjugué. Non seulement cet Orwell était descendu au fond de la mine, mais en plus il s’était enrôlé dans des milices anti-franquistes, avait combattu comme simple soldat du rang (et non comme André Malraux en pseudo-officier, ou comme Hemingway, brancardier porté sur le whisky). Il avait même été gravement blessé dans un conflit où il n’avait rien à gagner, avant de dénoncer quelques mois plus tard, ce que personne n’avait osé évoquer avant lui en Grande-Bretagne, la trahison de Staline dans cette guerre civile effroyable où le peuple espagnol s’était retrouvé seul face à la barbarie fasciste.
L’auteur de 1984, l’un des romans politiques les plus sombres du XXème siècle, était un grand optimiste, amoureux de son pays, à l’aise dans son époque, même si, dans ses fantasmes, il aurait préféré vivre au XVIIIème siècle en « joyeux pasteur ». Il conçut son existence comme une œuvre, et son œuvre, d’abord comme la quête d’une écriture (raison pour laquelle j’ai sous-titré mon livre sur Orwell “ vie et écriture ” : (George Orwell, vie et écriture ; une vie pour l’écriture, une écriture pour la vie). Son inclinaison profonde en tant que personnage public ne fut pas la politique mais la morale. Lorsqu’on étudie l’un des aspects de sa pensée, il faut constamment avoir à l’esprit ces paramètres. Nous sommes en présence d’un homme heureux, d’un écrivain poursuivant, à sa manière, un objectif de modernité, d’un citoyen qui attribuait au peuple anglais des vertus cardinales : gentillesse, loyauté, amour de la tradition, decency (décence, politesse, bonne mœurs), et ce don de ne pas se laisser impressionner par les grands hommes, comme Napoléon, Churchill ou Staline.
L’attitude d’Orwell vis-à-vis de sa patrie a évolué au gré des circonstances personnelles et historiques. Ainsi, à l’automne 1940, au début de la guerre, Orwell se demande si le conflit sera purement impérialiste et s’il faudra faire front commun avec la bourgeoisie : « La nuit qui a précédé le Pacte germano-soviétique, j’ai rêvé que la guerre avait commencé. Ce rêve m’a appris que j’étais de tout cœur patriote, que je soutiendrai la guerre et que je combattrai si possible. Tout cela est enfantin, bien sûr, mais je préfère avoir reçu ce type d’éducation que de ressembler aux intellectuels de gauche qui sont tellement ‘ éclairés ’ qu’ils ne peuvent comprendre les émotions les plus ordinaires. »
L’enfance d’Orwell fut marquée par la catastrophe du Titanic. Dans un texte de résistance consensuel, très “ union nationale ” de 1940 (“My Country Right and Left ”, “ Mon pays, “ de droite et de gauche ” ou “ qu’il ait raison ou tort ”), Orwell évoque ce traumatisme. Il laisse entendre que l’attachement à une nation découle plus d’un ressenti charnel à des événements isolés mais marquants qu’à de grandes causes ou à une Histoire qui se fait mais qui n’est pas toujours lisible.
En primaire, Orwell eut beau détester la discipline sadique des écoles primaires privées, les preparatory schools, il n’en admit pas moins, par la suite, que les grandes victoires anglaises (au diable les régiments écossais ou gallois !) furent préparées sur les terrains de cricket des écoles privées, la guerre n’étant qu’une forme suprême du sport où il est impossible de tricher (Orwell fut cependant l’un des premiers à dénoncer la concomitance entre sport et nationalisme dans un article visionnaire de 1945, “ The Sporting Spirit ”). Á Eton, il reçut sa part d'enseignement, de culture militariste. Il sut prendre du recul par rapport à cette vision du monde, ce qui ne l'empêcha pas de s'enrôler au sortir de l'enseignement secondaire, alors que rien ni personne ne l'y contraignait, dans la police impériale en Birmanie. Or c'est bel et bien durant sa plus tendre enfance que le futur écrivain avait été imprégné d'idéologie belliciste, d'une philosophie portant au plus haut niveau les valeurs de défense sacrée de la patrie, avec comme corollaire une dépréciation de l'ennemi.
Orwell va se forger une conscience politique dans les années trente, non sans hésitations et revirements. Contre sa classe d’origine, la bourgeoisie impérialiste, et contre lui-même. Pour ce faire, il lui faudra passer par la France et l’immersion dans des franges défavorisées de la classe ouvrière, le Kent des travailleurs agricoles exploités et le Londres des clochards (voir son premier ouvrage, une biofiction : Down and Out in Paris and London, 1933. En français, Dans la dèche à Paris et à Londres). C’est qu’Orwell est de ces écrivains qui sont allés au-delà de leur monde et qui, de retour, ont adopté le regard du Persan : « Quand vous rentrez en Angleterre après un voyage à l’étranger, vous avez immédiatement la sensation de respirer un air différent […]. La bière est plus amère, les pièces de monnaie sont plus lourdes, l’herbe est plus verte, les publicités sont plus criardes. […] » Orwell avait su observer l'Angleterre à partir de la connaissance qu'il avait de son empire : c'est parce qu'il avait vécu au contact des masses exploitées d’Extrême-Orient qu'il pourrait sympathiser avec le lumpen-proletariat anglais puis avec la classe ouvrière proprement dite, « les victimes symboliques de l’injustice qui jouaient le même rôle en Angleterre que les Birmans en Birmanie » (1936).
 
Orwell, des lycéens et moi
Après la découverte de la condition prolétarienne dans son pays, Orwell part se battre en Espagne, tout simplement parce qu’il faut se dresser contre le fascisme pour laisser une chance au socialisme. Il combat avec courage au sein de la milice internationale du P.O.U.M. (Partido Obrero de Unificación Marxista), d’inspiration trotskiste, et rencontrera des hommes et femmes conscients, fraternels, tendus vers un objectif, bref l’image inversée des futurs proles de 1984. Il perçoit ces citoyens en armes comme un maillon dans l’immense chaîne fraternelle du genre humain, succédant aux soldats de Verdun, de Waterloo, des Thermopyles, souffrant de la même vermine, vivant et mourant sur des champs de bataille où l’on n’entend jamais chanter les oiseaux (Homage to Catalonia, 1938. Version française : La Catalogne libre).
Traumatisé par la défaite des Républicains, par la trahison des staliniens, Orwell va alors traverser une phase de doutes personnels durant laquelle les sentiments pacifistes et internationalistes vont prendre le dessus. D'avoir versé son sang, d'avoir été ainsi “ baptisé ”, autorise un Orwell dégoûté par la guerre à envisager, de 1937 à 1939, un certain cynisme dans la démission face à la menace hitlérienne. Il ne fait aucun doute que les événements d'Espagne contribuèrent puissamment à le pousser dans cette direction qui se voulait à la fois révolutionnaire et pacifique , et il n'est pas étonnant de l'entendre proclamer dans ses écrits son opposition à toute guerre avec l'Allemagne et à la formation d'un Front populaire en Angleterre.
Ainsi, après les années 1936-37 où, choqué par la brutalité de la classe dirigeante, par l’irréalisme des élites de la gauche libérale, il a adopté des comportements extrêmes (vivre dans la crasse chez des logeurs exploiteurs du Lancashire, descendre au fond de la mine, partager le lot des combattants de base en Catalogne), il pressent, vers 1938-1939, que le conflit qui s’annonce sera terrible et il recherche des valeurs modérées. Dans les très nombreuses pages qu'il consacre à l'Angleterre et à son peuple, il offre des images et des concepts de paix, de raison, de stabilité, de juste milieu. Mais pas de médiocrité. Orwell n'aimait pas les comportements petits. Il raille Napoléon se rendant aux Anglais par peur des Prussiens, Ludendorff, le chef des armées allemandes pendant la Première Guerre mondiale, se cachant derrière des lunettes de soleil, ou encore cet empereur romain qui s'était barricadé dans des toilettes (Hassan II, l'ancien roi du Maroc, fit de même). L'idéal d'Orwell à l'époque, c'est un Sancho Pança qui n'aurait pas peur des bombes mais qui ne se planterait pas poitrail nu face à la mitraille : « Une part de nous veut être un héros ou un saint, mais l’autre moitié c’est ce petit homme gras qui voit très clairement l’avantage qu’il y a à rester en vie. C’est notre moi privé, la voix de notre ventre qui proteste contre notre âme. » The belly against the soul.
Progressivement, et cela le mènera jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, il rejette ce qui, au niveau socio-politique, n'est pas, à ses yeux, anglais : le stalinisme, l'internationalisme prolétarien, le fascisme évidemment, mais aussi l'Église Catholique Romaine et tout ce qui s'apparente aux intellectuels de gauche européens. Il moque avec férocité l'îlot de pensée dissidente de ceux qui « vont chercher leurs recettes de cuisine à Paris et leurs idées à Moscou. » Face aux dangers – Hitler, la guerre, le capitalisme sauvage, l'industrialisation débridée – Orwell va donc partir dans une quête de l'anglicité. Sa patrie ne trouvera le salut que dans la réaffirmation de ses valeurs fondamentales. Une transformation de la société anglaise – qu'il appelle de ses vœux – ne se fera que dans le respect des traditions. De 1937 à 1940, le projet d'Orwell est d'établir une continuité entre l'Angleterre du présent et celle du passé.
Plus tard, on verra que le seul moment de vrai bonheur que connaît Winston Smith dans 1984 sont les heures passées avec Julia dans le magasin d'antiquités – lieu ô combien symbolique – qui lui rappelle l'Angleterre d'avant la dictature. Pour Orwell, la lutte de l'homme contre le pouvoir est la lutte de la mémoire contre l'oubli.
Mais contre la plupart des écrivains de son époque, Orwell avait prévu – et cela le chagrinait et le terrorisait même – le retour du référent. Il savait bien que les réalités dont parle la fiction ont un analogon dans la réalité extra-linguistique et donc qu'une création ne peut être purement fictive : une horloge qui sonne treize heures renvoie, quoi qu'on en dise, à une horloge, à toutes les horloges, c'est à dire à une domestication – démocratique ou totalitaire – du temps.
Pour faire politiquement de la littérature, Orwell fut aidé par l'époque fracassante et fracassée qui le vit débuter, les années trente, cette époque de tous les dangers qui vit le triomphe des pulsions sur la raison, la dérive des émotions vers le délire collectif, et durant laquelle la vérité était plus étrange que la fiction, peut-être parce que les consciences étaient, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, saccagées méthodiquement de l'intérieur. Orwell était un moraliste, un créateur dont le souci était plus de restituer les sensations dans leur force que de reconstituer les faits en simple observateur, un satiriste qui ne répugnait pas aux ressources du phantasmagorique ou de la translucidité, mais dont le matériau était avant tout ici et maintenant. Ses préoccupations ne furent pas celles d'un prophète ou d'un théoricien mais celles d'un humaniste, un ami des hommes rencontrés quotidiennement et donc concrètement connus de lui, plus qu'un ami d'une humanité plus ou moins abstraite. S’il fit passer les exigences de l'esthétisme avant ceux de la politique, le souci de justice eut presque toujours le primat sur celui de l'art. « Les scrupules en matière artistique ne suffisent pas », disait-il, mais « la rectitude en matière politique ne suffit pas non plus ». Á l’opposé, totalement irresponsable, un Cocteau osera écrire que « les dictateurs contribuent à promouvoir la protestation dans l'art, sans laquelle celui-ci meurt ».
Il était parfaitement conscient du problème que pose à un écrivain politique la tension entre motivations et exigences politiques, d’une part, et motivations et exigences littéraires, de l’autre. Dans “ Pourquoi j’écris ” (1946), il aborde explicitement cette question dans les termes suivants :
« Cela pose des problèmes de construction et de langage, et cela pose aussi sous un jour nouveau le problème de la vérité. Un simple exemple, assez grossier, vous donnera une idée de la difficulté qui se présente. Mon livre sur la guerre civile espagnole, Hommage à la Catalogne, est, cela va de soi, un livre ouvertement politique. J’ai vraiment fait de mon mieux pour dire la vérité pleine et entière sans rien abdiquer de mes instincts littéraires. Mais l’ouvrage contient notamment un long chapitre truffé d’extraits de presse et autres documents du même ordre, écrit pour défendre les trotskistes accusés de collusion avec Franco. De toute évidence, un tel chapitre qui, au bout d’un an ou deux, perd nécessairement tout intérêt pour le lecteur moyen, est de nature à compromettre la qualité du livre. Un critique, que par ailleurs je respecte, m’a dûment sermonné à ce sujet : Pourquoi, m’a-t-il dit, avoir rajouté tout ce fatras ? Vous avez transformé ce qui aurait pu être un bon livre en banal travail journalistique. Il avait raison, mais je ne pouvais pas faire autrement. Je me trouvais savoir ce que fort peu de gens en Angleterre avaient eu la possibilité de savoir : je savais que des innocents étaient accusés à tort. Si je n’avais pas été indigné par une telle injustice, je n’aurais pas écrit ce livre. »
En tant qu'individu et homme de lettres Orwell il chérissait par-dessus tout ce qu'il appelait l'honnêteté intellectuelle, dont était dépourvus, à ses yeux, bien des membres de l'intelligentsia londonienne. Il fut très conscient de ses préjugés culturels et de classe, n'hésita pas à les projeter en pleine lumière, à en jouer dans ses textes car il pensait que plus on était soucieux de ces manquements intellectuels et moraux plus on pouvait avoir une audience politique sans sacrifier son intégrité esthétique.
Ce créateur connaissait les limites de son intelligence, celle d'un esprit supérieur mais non exceptionnel, ce qui fait que ses textes inspirent au lecteur le sentiment rassurant quoique trompeur que ce qu'Orwell a fait, il aurait pu le faire.
Un magistrat qui arrive le matin dans son cabinet ne doit pas – fort heureusement – réinventer la justice. Ni un professeur la pédagogie. L'écrivain, quant à lui, doit à tout instant inventer la littérature au sens où il doit faire surgir une pratique, une structure, un ordre.
Pour le grand public, les chefs-d’œuvre d’Orwell sont Animal Farm et Nineteen Eighty-Four. Pour moi, le chef d'œuvre d'Orwell c'est Orwell.
Orwell survint à une époque, où l'individu – pour reprendre une image qu'Orwell affectionnait – ressemblait à une guêpe sectionnée en deux dans la mesure ou une bonne part de son moi pensant lui avait échappé. C'est sûrement pourquoi il surmonta ses contradictions politiques et esthétiques en brouillant les cartes, en arpégeant son “ je ”, mentionnant, ou pas, par exemple, ses origines de classe selon les besoins de la démonstration ou de la logique de l'économie du texte, et en jouant très habilement de toutes les strates de la communication entre l'émetteur et le récepteur du discours. Comme l'avoua un peu trivialement Flaubert à propos de Madame Bovary, il « combina ». Derrière son masque d’écriture, en notant cependant que cette technique n'avait rien d'original, puisque tous les écrivains ont un masque, ou ce que Roland Barthes appelait les différentes pelures d'oignon.
Le sentiment de culpabilité d’Orwell, dû à son appartenance à la moyenne bourgeoisie impériale, a entraîné une boulimie de l'écriture. Il a d’abord voulu régler la relation qu’il entretenait avec son propre passé, ce que signifiait, par exemple, le fait d’être élève à Eton, la plus prestigieuse des écoles privées, tout en étant boursier. Être dans un entre-deux social fut, pour de nombreux écrivains, un promontoire idéal pour observer la société d’une manière un peu décalée : Aragon, bâtard mais fils de préfet, Sartre, fils d’une mère issue d’une famille très bourgeoise mais orphelin de père à l’âge de trois ans, Orwell, dont le père était un fonctionnaire de l’administration des Indes, très conservateur et dont le grand-père avait possédé des esclaves dans la Jamaïque, et la mère, d’origine française et internationaliste.
Avec Animal Farm et Nineteen Eighty-Four, Orwell a transformé la vision que nous avons du monde. Et quoi qu'aient pu feindre de penser Madame Thatcher, Monsieur Reagan et quelques théoriciens de la nouvelle droite, son combat fut celui d'un homme très solidement ancré à gauche. Il ne critiqua pas l'univers stalinien pour que tout fût permis aux “ golden boys ”, à Google et à Amazon.
Il faut conclure et, pour cela, comme disait le peintre Delacroix, il faut se faire un cœur d'acier. Mais la bêtise, prévenait Flaubert, c'est justement de conclure. La singularité fondamentale d’Orwell, c'est qu'il a écrit pour son pays, pour les siens, mais contre son époque. Il aimait se faire l'avocat du diable, mais on ne l'aurait jamais vu rejoindre le parti des forces maléfiques. Orwell s'est toujours occupé de la foule, de ce que pensait le “common people ”, mais il n'aurait jamais couru avec la foule parce que la foule courait.
En son hommage, je citerai une réflexion de Schopenhauer, un moraliste chez qui le vouloir-vivre avait fini par l'emporter sur le pessimisme, le tragique et le sentiment de l'absurde, et qu'Orwell aurait pu lui-même signer : « En tout temps la plante verdit et fleurit, l'insecte bourdonne, l'animal et l'homme subsistent dans leur indestructible jeunesse et nous retrouvons chaque été à nouveau les cerises déjà mille fois dégustées ».
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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 06:01

J’ai plaisir à écouter le journaliste Nicolas Teillard sur les antennes de France Info, en fin d’après-midi. Sa prestation est vivante, intéressante. Et, en plus, il a une bonne tête.

 

Mais deux choses m’horripilent chez lui : des « heuuu… » longs comme le bras et la manière dont il prononce un mot tout simple et tout bête qu’on utilise tous les jours : « aujourd’hui ».

 

Je n’insiste pas sur ses « heuuu » car ce n’est pas très intéressant, phonétiquement parlant. Et puis, cela renvoie à quelque chose de profond, d'intime chez lui.

 

Mais quand je l’entends prononcer « aujourd’hui » « oujordui », c’est toute ma (longue) vie qui défile.

 

Quand j’étais enfant dans les années 1950, peu de gens prononçaient ce mot correctement. Pour des raisons phonologiques assez banales d’assimilation ou de contamination. Il y a assimilation quand absent devient apsent, anecdote anegdote, Place du Général De Gaulle Plazdu Général De Gaulle. Il y a contamination quand deux choses, deux individus ou deux groupes s’interpénètrent. Un souvenir peut en contaminer un autre. Une des contaminations les plus courantes en langue française est « se rappeler de quelque chose », contamination de « se souvenir de quelque chose » et de « se rappeler quelque chose ».

 

Mes parents, instituteurs, étaient très attentifs – sans être puristes – à la production langagière de leurs enfants. Ils prenaient donc un malin plaisir à corriger nos fautes à l’oral. Seulement quand, à longueur de journées, les gosses de ma génération entendaient « oujordui » ou, pire encore, « oujourdui », il n'était pas facile de prononcer « aujourd’hui » correctement. Mais l’école primaire veillait au grain et nos maîtres, eux aussi, nous reprenaient quand c'était nécessaire. Si bien qu’au fil des années soixante la prononciation correcte l’emporta. Mais comme tout à tendance, aujourd'hui, à se relâcher – et pour une fois l'angloricain n'est pas responsable – nos oreilles sont de nouveau agressées, contaminées, donc, par des déformations incongrues qu'il serait facile d'éviter.

 

Il n’y a pas à tortiller : aujourd’hui se prononce /oʒuʀdɥi/. Et pi ché tout’, comme on dit en Picardie. Alors pourquoi tant de haine avec ce bel aujourd’hui qui a cessé d’être vierge et n’est guère plus vivace ? Peut-être parce que ce mot totalement usuel est légèrement plus complexe que « demain » ou qu’« hier » (un enfant dira « ayer » à quatre ans mais plus à huit ans)

 

 

Que Nicolas Teillard, qui peut encore corriger ce mauvais pli car il a moins de quarante ans, reprenne les quatre premiers mots de L’étranger : « Aujourd’hui, maman est morte ». S’il nous gratifie d’un oujordui, il n’aura plus qu’à se flanquer deux claques.

Sur deux tics de langage de Nicolas Teillard

Un petit coup de décivilisation :

 

Selon Lyon Mag, une intrusion s’est déroulée dimanche soir au sein d’une structure médico-sociale pour enfants handicapés, du côté de la rue du Château de la Duchère.

Peu après 21h, trois individus encapuchonnés ont pénétré les lieux afin de visiter toutes les pièces pour réaliser d’importants dégâts, malgré une alarme qui s’était déclenchée. Du mobilier a notamment été brisé par les malfaiteurs. Pire, les intrus ont tenté d'incendier les lieux. Plusieurs portes de placard ont été cassées et les bureaux mis en désordre par ces trois personnes, qui portaient des capuches et des masques chirurgicaux au moment des faits. Des ordinateurs ont aussi été volés. Des analyses d'objets saisis sur place sont en cours. 

Alertée, la police s’est immédiatement rendue sur place mais il était trop tard. Les suspects avaient déjà pris la fuite. Une enquête est ouverte pour tenter de les retrouver.

Conséquence, les enfants en situation de handicap n’ont pas pu être pris en charge ce lundi dans les locaux. On ne sait pas encore si le site va pouvoir rouvrir ce mardi.

 

PS : quelques heures plus tard, dans le même quartier, une intervention policière d’ampleur a eu lieu, obligeant les TCL (transports en commun) à interrompre et à dévier la circulation des bus dans le secteur pendant environ deux heures. Il s’agissait d’une opération du Raid visant à interpeller un Tchétchène. 

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10 décembre 2023 7 10 /12 /décembre /2023 06:01
Un phénomène. Je reprends ici un extrait de la page que Wikipedia lui a consacré : « Accumulant près de 500 récompenses en quelques années (dont onze Grammy et trente-deux American Music Awards), elle a vendu plus de 50 millions d'albums dont 37 millions d'albums aux États-Unis en 2019, ce qui fait d'elle l'une des artistes ayant vendu le plus de disques de l'histoire. En mai 2015, elle devient la plus jeune à faire son entrée dans la liste des femmes les plus puissantes du monde réalisée par Forbes Forbes. Au total, elle détient plus de 35 records absolus dans le monde de la musique. »
Et elle n’a que 33 ans. Imaginez dans dix ou quinze ans !
Elle écrit, elle compose, elle s’accompagne à la guitare, au piano, au banjo et autre ukulélé.
Elle couvre et maîtrise parfaitement divers genres : country, pop rock, country pop, synthpop, Indie folk.
Son premier succès fut “ Our Song ”. Le clip sur YouTube offre d’elle l’image d’une petite bourgeoise blanche et blonde comme c’est pas permis, un produit totalement fabriqué, ce qu’elle n’est pas. Tout de suite, elle figura au sommet des sommets : elle fut à 17 ans la plus jeune artiste à écrire et à chanter une chanson numéro 1 du Hot Country Songs. La chanson fut quadruple album de platine pour la Recording Industry Association of America (États-Unis et Canada).
Même si l’on n’est pas un admirateur éperdu de cet artiste très populaire – ce qui est mon cas – il faut s’intéresser à Taylor Swift. Il y a quelques jours, Bertrand Dicale, chroniqueur, spécialiste de la chanson, à France Info, après avoir observé qu’elle avait été désignée par Time personnalité de l’année 2023 (c’était la première fois qu’une chanteuse décrochait cette récompense), a conclu qu'« elle est une artiste pop qui remplit exactement ce à quoi sert la pop, c'est-à-dire en bonne partie consoler les gens. »
Parfaitement d’accord : globalement l’art à une vertu consolatrice. Mais j’ai surtout aimé cette partie de l’analyse de Dicale : « Taylor Swift est peut-être la première des immenses stars de la pop de l'Amérique, et du monde entier, à ne pas changer la musique ». En effet, même Sinatra, qui n’a jamais écrit une chanson, a changé la musique. Sans parler de Ray Charles, Jacques Brel, les Beatles, Bob Dylan et des dizaines d’autres.
Taylor Swift plait à des centaines de millions de gens dans le monde parce que, par instinct et par intelligence artistique, elle sait mélanger les genres et trouver le timbre de voix adéquat pour chaque chanson.
Et puis politiquement, ce qui ne gâche rien, elle est la bru idéale. Elle fait savoir qu’elle vote démocrate, comme la majorité des artistes étasuniens, qu'elle soutient le mouvement “ Black Lives Matter ”, la lutte contre les discriminations faites aux femmes et aux homosexuelles. Bref, sur l’abscisse de la vie politique zunienne, elle fleure bon le consensus de centre gauche (plus de centre que de gauche).
L’air du temps, à fond la caisse.
Deux mots sur Taylor Swift
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2 décembre 2023 6 02 /12 /décembre /2023 06:01

Il y a dix ou vingt ans, cette publicité aurait été légendée « Ma tête quand j’arrive chez ma nounou ».

 

Oui mais, aujourd’hui, on se veut inclusif, particulièrement dans les municipalités bobo-écolo-woke. Alors on pense aux gens des cités, les jeunes femmes en particulier.

 

Laïla est un prénom arabe, dérivé de Leila. Un prénom magnifique qui signifie “ La belle aux yeux couleur de nuit ”.

 

Un petit Blanc sera donc gardé par une assistante maternelle de la “ diversité ”.

 

Le problème est qu’on ne peut s’empêcher de pousser le raisonnement jusqu’au bout. Si les jeunes filles arabes veulent être incluses, si elles veulent exercer « un métier plein de sens et d’avenir », il faudra qu’elles restent à leur place et passent, plus ou moins longtemps, par la case “ essuyage de fesses pleines de caca des petits Blancs ”.

Quand la métropole Grand Lyon fait du racisme à l’envers, à l’insu de son plein gré, j’espère.

PS qui n'a rien à voir : un amendement parlementaire macronien permet de financer l'armement grâce au Livret A (réservé au logement social).

 

 

 

PPS qui n'a rien à voir : flicage aux JO de Paris !

Quand la métropole Grand Lyon fait du racisme à l’envers, à l’insu de son plein gré, j’espère.
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30 novembre 2023 4 30 /11 /novembre /2023 06:01

 

 

II - La relativisation des problèmes engendrés par l’intervention des juridictions suprêmes grâce à la prédominance du Conseil constitutionnel dans la procédure de QPC

 

 

La partialité du Conseil d’État et de la Cour de cassation peut entraver le bon déroulement de la QPC (A). Toutefois, la soumission des deux juges suprêmes au juge constitutionnel dans la procédure de QPC permet de compenser, en partie, les problèmes dûs à leur partialité.

 

 

A - L’intervention partiale du Conseil d’État et de la Cour de cassation dans le mécanisme de QPC empêchant pour les justiciables le plein accès au juge constitutionnel

 

 

L’argument de conventionnalité, qui peut être avancé par les juridictions suprêmes pour ne pas renvoyer la question, pose problème lorsque la conventionnalité n’est pas établie par un juge européen mais par la juridiction suprême elle-même. Un exemple notoire s’illustre dans le refus de la chambre criminelle de la Cour de cassation de renvoyer les dispositions de la loi Gayssot, portant sur le délit de contestation de crimes contre l’humanité, car elle l’avait jugée, par une décision antérieure (6 décembre 1993, n° 93-80. 267), compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme. Il y a donc un risque « d’instrumentalisation du droit européen ».

 

De plus, la nature du Conseil d’État, à la fois juridiction et conseiller du pouvoir politique, peut entraver son devoir d’impartialité. Il avait, à cet égard, refusé de transmettre une QPC mettant en cause sa propre partialité structurelle au regard de sa double fonction (16 avril 2010, Association Alcaly).

 

On peut arguer que les cours suprêmes ne sont pas considérées comme des juridictions pleinement impartiales au sens de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’il s’agit de renvoyer une question portant sur leur propre interprétation jurisprudentielle. D’aucuns préconiseraient, si la QPC porte sur leur interprétation, qu’elle soit directement envoyée au Conseil constitutionnel. Toutefois, les deux juridictions suprêmes ont défendu leur place au sein de la QPC : la Cour de cassation, en se fondant sur le Code de l’organisation judiciaire, a rappelé qu’il n’y a qu’une Cour de cassation pour toute la République et donc que les questions posées aux cours « inférieures » de l’ordre judiciaire doivent obligatoirement passer par elle. Le Conseil d’État a rappelé, simplement, les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution qui impose le filtrage des juridictions suprêmes, pour affirmer la compatibilité avec le fait de statuer sur le bien-fondé du renvoi d’une question portant sur leur interprétation jurisprudentielle. La Cour européenne des droits de l’homme a elle-même pris parti pour le Conseil d’État et la Cour de cassation dans son arrêt Renard c. France du 25 août 2015 en considérant que le refus d’une Cour suprême de renvoyer au juge constitutionnel une QPC portant sur sa propre jurisprudence fait partie du mécanisme du filtrage des QPC. En effet, l’exigence de motivation que les deux juridictions remplissent empêche selon la Cour européenne la décision d’être arbitraire. Pour la Cour, le contrôle de sa propre jurisprudence est inhérent à la fonction du juge. Toutefois, alors qu’une disposition pourrait potentiellement être censurée par le Conseil constitutionnel, il n’y a aucun moyen pour le justiciable de faire appel du refus, de la part des cours suprêmes, de renvoyer la question. La seule manière pour un justiciable de voir sa question arriver devant le Conseil constitutionnel est qu’un autre justiciable soulève la même question, portant sur la même interprétation jurisprudentielle, dans un autre litige. Les décisions de non-renvoi n’ayant qu’une autorité relative de la chose jugée, la question à nouveau posée pourrait donc être envoyée, cette fois-ci, au Conseil constitutionnel. Par conséquent  l’accès au juge constitutionnel pour les justiciables, qui était l’un des objectifs de la réforme de 2008, n’est pas garanti.

 

La partialité des cours suprêmes quant à leur propre jurisprudence est une conséquence de la doctrine du droit vivant. Cette doctrine, développée par la Cour de cassation italienne à partir des années 1950, a été adoptée par le Conseil d’État dans un arrêt du 15 juillet 2010 Compagnie agricole de la Crau et par la Cour de cassation dans un arrêt rendu par sa troisième chambre civile le 30 novembre 2010 M. Jean-Louis L. Les deux juridictions ont admis à cette occasion, pour la première fois, la transmission d’une QPC portant sur leur propre interprétation d’une disposition législative. Le Conseil constitutionnel a fait application de cette doctrine dans sa décision du 6 octobre 2010 Mmes Isabelle D. et Isabelle B, où il jugeait de la constitutionnalité de l’article 365 du Code civil. Il a estimé « que posant une QPC, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ».

 

Le Conseil constitutionnel, bien qu’ayant accepté la doctrine du droit vivant, doit néanmoins veiller à ce que la juridiction suprême n’établisse pas sa propre jurisprudence constitutionnelle. Par exemple, dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 27 février 2013 (n° 12-23213), celle-ci avait jugé que le « respect des droits de la défense n’impose pas que le salarié ait accès au dossier avant l’entretien préalable », alors que le Conseil constitutionnel n’avait jamais émis d’avis sur ce point. La jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation prend d’autant plus d’importance qu’il arrive au Conseil constitutionnel de s'appuyer sur leur interprétation pour fonder la norme constitutionnelle. Un exemple notable est celui de l’arrêt Compagnie agricole de la Crau concernant la qualification juridique d’un prélèvement obligatoire, où le Conseil constitutionnel retient, pour déclarer une disposition législative non conforme à la Constitution, la qualification juridique du Conseil d’État, qui se confrontait à l’interprétation du gouvernement. Ainsi, l’interprétation jurisprudentielle a, en l’espèce, été au service du contrôle de constitutionnalité.

 

 

L’importance des problèmes engendrés par l’intervention du Conseil d’État et de la Cour de cassation doit être nuancée par le fait que les deux juges n’ont pas le dernier mot dans la procédure, et ce, contrairement au Conseil constitutionnel.

 

 

 

Le rôle du Conseil d’État et de la Cour de cassation dans la procédure de QPC, par Raphaëlle Gensane (II)

B - La soumission forcée du Conseil d’État et de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel dans la procédure de QPC

 

 

Alors que l’on pourrait assister à une véritable « guerre des cours » si le Conseil constitutionnel ne retenait pas l’interprétation des juridictions suprêmes et en donnait une autre, il faut toutefois relativiser la potentialité de ce conflit. En effet, bien que le Conseil constitutionnel accorde de l’importance aux interprétations jurisprudentielles des juridictions judiciaire et administrative, il possède les moyens de désavouer leur interprétation.

 

Tout d’abord, il peut émettre des réserves d’interprétation sur une disposition législative en cause, allant à l’encontre de l’interprétation de la juridiction suprême, ce qui se produisit dans la décision M. Alain G du 20 septembre 2013 (n° 2013-340), où il mit fin à une jurisprudentielle traditionnelle du Conseil d’État. Ceci constitue une différence avec l’étranger : alors que, par exemple, en Italie, la Cour constitutionnelle garde l’interprétation des juridictions constitutionnelles, le juge constitutionnel français ne verra aucun mal à substituer son interprétation dans le contrôle a posteriori.

 

En outre, le Conseil constitutionnel, « en faisant un usage plus offensif » de la notion de « question nouvelle », pourrait imposer l’obligation aux Cours suprêmes de lui renvoyer la question, et donc les empêcher de « constitutionnaliser » (ce que, dans tous les cas, elles ne peuvent faire que de manière relative) des dispositions.

 

La prédominance du Conseil constitutionnel dans la procédure de QPC s’illustre dans le fait qu’il a le « monopole du rejet des lois ». C’est la grande limite dans le rôle des juridictions suprêmes : elles ne peuvent juger de la constitutionnalité de la loi que dans un sens positif, lorsqu’elles lui décernent un brevet de constitutionnalité en admettant que la question ne présente pas de caractère sérieux, mais elles ne peuvent pas déclarer inconstitutionnelle la disposition en question. A fortiori, ce brevet de constitutionnalité peut être remis en cause car, comme il a été mentionné auparavant, leurs décisions n’ont qu’une autorité relative de la chose jugée et leurs interprétations pourraient être désavouées si jamais une question similaire finissait par arriver aux Sages. Malgré l’instauration de la QPC et le filtrage, le Conseil constitutionnel perd son rôle principal d’interprète de la loi, mais conserve le monopole de la censure, ses seules décisions étant dotées d’un caractère absolu.

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26 novembre 2023 7 26 /11 /novembre /2023 06:01

En relisant un article que j'avais publié dans ce blog en octobre 2014 sur l'affaire Profumo -Keeler, je suis tombé sur une photo du docteur Ward qui venait de mourir. L'affaire en question eut pour protagonistes principaux Jon Profumo, sous-secrétaire d'État à la Guerre issu, d'une très bonne famille comme on dit, Christine Keeler mannequin, mais surtout une pauvre fille qui se trouvera vite dépassée par le plus grand scandale de l'après-guerre (ah, ce jeu de mot qui lui colla injustement à la peau : « Christine the killer ») et enfin le docteur Stephen Ward, personnage flamboyant, ambigü, dont la mort fut brutale, après qu’il eut avalé des barbituriques.

 

Ward était né en 1912 et, après de brillantes études de médecine, devint ostéopathe. Il s'installa à Londres et eut dans sa clientèle de nombreuses célébrités telles que David Mountbatten, le cousin du prince Philip, Winston Churchill, Elizabeth Taylor. C'était aussi un peintre de talent, principalement portraitiste, un galeriste agréé par la reine. Il compta parmi ses modèles le leader du parti travailliste Hugh Gaitskell, le Premier ministre Macmillan, Douglas Fairbanks, Sophia Loren, le duc de Kent, la princesse Margaret et son mari, le prince Philip et j'en passe.

 

Il fut accusé de proxénétisme ayant tiré des revenus de la prostitution de Christine Keeler et de trois autres call girls. De toutes ces relations, aucune ne prit sa défense. Il avala une dose de barbituriques juste avant que le jury rende son verdict et ne prit pas connaissance ni n'entendra la sentence qui le condamnait à 14 ans de prison ferme.

 

 Je voudrais m'intéresser à cette photo ou Ward qui vient à l'instant de mourir a été posé – sans aucune majesté ou considération, c'est le moins qu'on puisse dire – sur une sorte de chaise à roulettes. Il est recouvert d'une couverture. Ses yeux sont clos. Des policiers le transportent hors de la maison où ils se trouvaient. Son visage est parfaitement apparent. Aujourd'hui ce type de cliché serait totalement impossible. La personne décédée – de la haute société ou pas – serait posée sur une civière on ne verrait pas ses jambes pendouiller dans le vide. Surtout on ne verrait pas son visage car celui-ci serait caché. Nous sommes au début des années 60. Est-ce que, à l'époque, une quinzaine d’années seulement après la guerre on avait moins de considération pour les morts et pour les blessés ? Je ne sais pas. Ce que je sais, parce que j'avais 14-15 ans à l'époque, c'est que le scandale fut énorme, que nous les jeunes qui découvrions l'Angleterre, nous nous sommes régalés de ce drame politico-érotique et que dans l'Angleterre qui ne connaissait pas encore la Beatlemania, les swinging Sixties, tout était possible, y compris des choses extrêmement dérangeantes comme des collusions au sommet de l'État entre de pauvres filles qui se prostituaient et des nobles, des ministres, alors que, pendant ce temps-là la France était gouvernée par le général De Gaulle et que la présence tutélaire de tante Yvonne ne poussait pas à la rigolade.

 

Sur la photo d’un mort
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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 06:01

 

Le Robert est tout fiérot de nous informer que des nouveaux mots anglais tirés de la presse et des usages “ modernes ” (sic) font leur entrée dans l’édition Abonnés.

 

Déroulons en nous aidant… du Petit Robert et du Collins-Robert.

 

Bushbuck : il s’agit d’une antilope africaine non répertoriée dans le Collins-Robert.

 

Calisthenics (et non calisthenic) : nom d’une gymnastique suédoise. Le mot « calisthénie » existe en français.

 

Catastrophize : n’existe pas dans le Collins-Robert. On le trouve dans le Cambridge. Quand on estime une situation plus catastrophique qu’elle n’est. Le français de tous les jours connaît « dramatiser ».

 

Compostable : « compostable » ne figure pas dans Le Petit Robert mais est accepté par l’usage.

 

Concealer : vient du verbe « to conceal » qui signifie cacher. Le français connait « anti-cernes ».

 

Crewmate : le français dispose d’« équipier », « membre d’équipage ».

 

Datebook : le français, langue d’origine latine, connait « agenda ». Mais « attends quej’consulte mon datebook », ça en impose.

 

Deglobalize : le français dispose de « déglobaliser » ou « démondialiser ».

 

Diasporic : le français connait « diasporique ».

 

Dysphoric : « disphorique » fait tellement plouc, même s’il n’est que le contraire d’« euphorique ».

 

Earbud : 70 millions de Français utilisent les mots « écouteurs » ou « oreillettes ».

 

Eco-anxious : « éco-anxieux », ça être très bien !

 

Eco-volunteer : « éco-volontaire », ça être aussi très bien !

 

Essentialization : « le pays de Sartre ne connaîtrait pas l’« essentialisation » ?

 

Gatekeep : « portique » est très bien. Il existe aussi le mot « porterie », quoique légèrement largued (vlatipa quej’mimets !).

 

Gemsbok : une gazelle africaine. On a « oryx » en français.

 

Glottophobia : on a « glottophobie » en français.

 

Juvie : abréviation de « juvenile ». « maison, de correction », « prison pour jeunes ».

 

Kayaking : « kayak ». Á quand : « Tiens, je vais faire un peu de cycling ce matin » ?

 

Longwise : « longitudinalement ». Pour ceux qui ont un dentier ou des problèmes d'articulation : « dans le sens de la longueur ».

 

Multiplet : « multiplet ». Terme d’informatique, prononcé à l’américaine, ça l’fait.

 

Negationist : « négationniste » (ohé Faurisson, bien de chez nous !).

 

Neuroscientist : « neuroscientifique ».

 

Nonprofit, nonprofitmaking : « à but non lucratif ». Avec ce que connote le mot “ lucre ”, en plus.

 

Noughties : « années 2000 ».

 

Overdramatic : « trop dramatique » ou « mélodramatique ».

 

Revenant : « revenant ».

 

RFID : « radio-identification ».

 

Sonify : « sonoriser ».

 

Uchronic : « uchronique ».

 

Unbox : « déballer ».

 

Victimology : « victimologie ».

 

Virtualization : « virtualisation ».

 

 

Moralité : Le Robert se fout de nous. 999 fois sur 1 000, il existe un terme français correspondant pile-poil au terme anglais, et en étant parfois plus précis. Mais quand on décidé de ne plus défendre la langue française parce qu’on a fait le choix de l’à-peu-près, et surtout de l’anglicanerie, on fonce dans le n’importe quoi. Ce qu'avait dénoncé, il y a maintenant 47 ans, mon ami et maître Henri Gobard dans L'Aliénation linguistique. Grâce au Robert, et à quelques autres, l'anglais, langue de l'Empire, devient langue universelle.

 

Words, words, words…, by Le Robert

PS qui n'a rien à voir : 

ANTISÉMITISME À LYON : ÇA DEVIENT DÉLIRANT.
Vénissieux : un agent municipal urine dans la gourde de sa collègue juive pour "soutenir Gaza".
Selon une source syndicale, un agent de la médiathèque Lucie-Aubrac de Vénissieux a été mis à pied. Il est accusé par une collègue d'avoir uriné dans sa gourde en fin de semaine dernière dans le bâtiment situé à deux pas de la mairie.
Un geste bête et même dangereux car pouvant être considéré comme une tentative d'empoisonnement, mais qui entre dans une autre dimension lorsqu'on apprend les raisons qui auraient poussé l'individu à agir. Ce dernier, étant persuadé que sa collègue est de confession juive, a uriné dans sa gourde pour "soutenir Gaza".
Selon nos informations, l'agent municipal a déjà fait l'objet de plusieurs signalements par le passé mais n'a jamais été renvoyé.
Proche d'un adjoint de la maire Michèle Picard, il se trouve cette fois dans une situation qui pourrait paraître inextricable. Mais Vénissieux a de la ressource en matière de retournements de situations inédits en France...
Source : Lyon Mag
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22 octobre 2023 7 22 /10 /octobre /2023 05:01

Celle-ci, tout le monde la commet : « Je pars à Paris ». « Partir » implique le mouvement », « à » signifie qu’on y est. Dire « partir pour Paris ». En tout cas, partir à temps.

 

« Une rue passagère » est délicat, mais pas « un oiseau passager ». Une rue sera passante. On y verra sûrement « ces belles passantes qu’on n’a pas su retenir » (Antoine Pol/Georges Brassens).

 

Au fait, ça ne vous « gratte » pas, ça vous « démange ».

 

Attention à l’expression « péril en la demeure » car le péril n’est pas dans une demeure, même pas la dernière. Demeure vient de demore (retard). L’expression signifie donc qu’il y a danger à rester sans rien faire.

 

Une des confusions les plus courantes, et dont on peut se rendre coupable vingt fois par jour : « prêt de, près à ». Près est un adverbe qui est le contraire de loin : « Il habite loin ? Non, tout près ». Nous sommes dans une proximité dans le temps et l’espace. Quand il n’est pas d’honneur, prêt est un adjectif synonyme de décidé, préparé : « Á vos marques, prêts, partez ! », « Je suis prêt à toute éventualité », « je suis fin prêt pour le recevoir ».

 

Si nous avons les oreilles rebattues et non rabattues, c’est tout simplement parce que nous ne sommes pas des cockers.

 

Á écrire au fronton de toutes les salles de classe en lettres d’or : « Je m’en souviens », « je me le rappelle ». « Rappeler » est transitif direct, « se souvenir » est exclusivement pronominal.

 

« Ressortir » : un verbe plutôt pervers (sauf quand il s’agit de sortir de nouveau). Il y a le ressortir du troisième groupe qui signifie apparaître par contraste (tous les détails ressortaient nettement) et celui du deuxième groupe, qui n’est pas de la compétence (ce crime ne ressortit pas de cette juridiction, à l’imparfait : ne ressortissait pas).

 

Bien faire la différence entre des chemises rouges et bleues (certaines sont rouges, certaines sont bleues) et des chemises rouge et bleu (toutes les chemises sont rouge et bleu) . Donc « des drapeaux bleu, blanc, rouge.

 

« Un crime soit-disant sans pareil » est impossible. Le crime n’étant pas une personne, il ne dit rien. Donc : « un crime prétendument sans pareil.

 

« Cela m’a stupéfait » : non car il n’y a pas de verbe stupéfaire. Dire « cela m’a stupéfié », qui, à l’origine, était très fort (stupefacere = paralyser). D’où « les stups ».

 

Ne pas dire « Je l’ai lu sur le journal » à moins que, assis, vous l’ayez lu d’un derrière distrait, mais « dans le journal ». Sinon, on ne s’arrête plus : « Je l’ai rencontré sur le train », « J’habite sur Lyon ».

 

Ne pas oublier que dans « HLM » « H » signifie « habitation ». Donc « une HLM ». Et avoir à l'esprit qu'un CRS, ça n'existe pas, même SS. Le C de CRS signifie "compagnie".

Le français, langue des gourances (VI)
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21 octobre 2023 6 21 /10 /octobre /2023 05:01

« Lui, il n’a pas fait long feu ». Si, justement. Lorsqu’une cartouche fait long feu, c’est que sa combustion est lente, ce qui retarde le tir et ôte toute précision. Théoriquement, ne pas faire long feu devrait être synonyme d’efficacité.

 

Le mot “ faste ” vient du latin fastus, orgueil (fastus dies, les jours où l’on pouvait rendre la justice). En principe, faste ne devrait pas avoir de pluriel : un jour faste, le faste des cérémonies. En revanche, fastes au pluriel, qui vient du latin fas, la justice divine, n’a pas de singulier (les fastes de la cour de Louis XIV).

 

Est-ce que ceux qui utilisent l’expression « le doigt sur la gâchette » ont bien regardé où ils mettaient le doigt ? L’expression est absurde, la gâchette se trouvant à l’intérieur de l’arme. La gâchette immobilise le percuteur et le libère lorsqu’on appuie sur la détente.

 

Dieu est-il responsable que l’on utilise de plus en plus « grâce à » à la place de « à cause de » ?

 

Normalement, on ne met pas de haricots dans un haricot de mouton. Plutôt des pommes de terre ou des navets. L’expression vient du vieux français « héricot de mouton », qui vient lui-même du verbe harigoter (ou haligoter), qui signifie « mettre en lambeaux ».

 

Dans « hiéroglyphe », l’h est muet, comme dans hiatus. Donc : l’hiéroglyphe, l’hiatus, et aussi l’hyène. Á propos d’hyène, Léon Daudet – auprès de qui Le Pen aurait pu passer pour un gauchiste – avait dit de Clémenceau : « Le Tigre jouait avec ce putois hyéniforme de Malvy, lui assénant des précisions qui, sans rétrécir le débat, donnaient plus de mordant. »

 

Un glissement de l’anglais qui m’irrite au plus haut point : initier – dans le sens de lancer – un projet. Construction qui vient de l’anglais to initiate. S’il n’a pas du tout ce sens, le verbe initier en a bien d’autres mais qui sont désormais renvoyés dans les cordes à cause de la mode anglaise. Le premier sens d’initier est religieux : on initie une personne à des mystères. De manière profane, il s’agit de révéler à quelqu’un des connaissances, pus ou moins cachées ou ésotériques : il fut initié à la sagesse. Puis, plus généralement, on initie à des techniques. On s’initie également : « je m’initiais à la langue sénoufo ».

 

Ne pas confondre : on jouit d’une bonne santé mais on est affecté par une mauvaise santé. Écoutons le sybarite Flaubert : « Le secret pour être heureux c’est de savoir jouir à table, au lit, d’être debout, d’être assis, jouir du plus proche rayon de soleil, du plus mince paysage, c’est-à-dire aimer tout : de sorte que pour être heureux, il faut déjà l’être… »

 

Préférer « Il y avait quantité de spectateurs » à « quantités de spectateurs ».

 

Une jolie expression qu’on emploie presque tous à contresens : « tirer les marrons du feu ». Comme l’a dit Mérimée, « les révolutions se font toujours de la même manière, par des niais qui s’imaginent travailler pour eux-mêmes et qui tirent les marrons du feu pour les autres. » Celui qui tire les marrons se brûlent. Le malin attend qu’ils refroidissent pour les décortiquer et les croquer.

 

Une confusion encore un peu trop fréquente : mettre à jour/mettre au jour. Mettre au jour c’est sortir de l’obscurité, montrer. On met à jour sa correspondance.

 

Attention à « pallier à », pallier étant transitif.

 

Attention à « par contre », même si tout le monde abuse de l’accouplement de ces deux prépositions. « En revanche » est très bien.

 

Ne pas écrire « par parenthèses » mais « par parenthèse ». Lorsqu’on veut expliquer, ajouter, parenthèse est au singulier. Dans l’expression « entre parenthèses », le pluriel s’impose.

 

Le français, langue des gourances (V)
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