Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:15

Nous les Gensane, on n'est pas du genre à se vanter. Mais enfin, tout de même...

Mon père fut un très grand instituteur. Lorsque je fus son élève en CP dans les années 50, la classe comptait une soixantaine d'éléments, dont une bonne vingtaine de fils d'immigrés polonais. Ils ne devaient pas entendre – et encore moins lire – beaucoup de français à la maison. Dans la cour de l'école, nous parlions chti, les Polonais nous insultaient dans leur langue. Dans la classe, le français était de rigueur.

La rentrée se faisait le 1er octobre (nous sortions le 13 juillet). Il fallait bien que les gosses aident au ramassage des patates dans le nord et aux vendanges dans le sud. Au bout de six semaines, après la Toussaint, le meilleur tiers de la classe lisait couramment. Au premier janvier, tous les élèves de mon père savaient lire. Encore une fois, mon père était un instit' exceptionnel, auteur d'une méthode de lecture dont il n'était pas peu fier. Tous les enfants de France ne carburaient pas au même régime mais rares étaient ceux, y compris dans le pays minier, qui avaient des difficultés en entrant au CM1.

Mon père aurait pu faire mieux encore. Il m'avait appris à lire en moins d'un mois, alors que je n'avais que 3 ans et demi, mais il avait renoncé car cela m'occasionnait des cauchemars. J'avais donc désappris, ne souhaitant qu'une chose, m'a-t-on dit : me remettre dans le bain.

Alors quand je vois qu'aujourd'hui la situation de la lecture en France est catastrophique, ça me fout les boules. Selon les classements internationaux (Progress in International Reading Literacy Study), notre pays se retrouve très loin derrière un peloton de tête mené par la Russie, Singapour et Hong-Kong. Et il est le seul pays avec les Pays-Bas à avoir régressé en 15 ans. La France est 34ème sur 50 pays étudiés, ne devançant que la Belgique au sein du monde francophone. La Finlande est devant nous, mais aussi la Pologne. Á noter que, chez nous, les filles font moins mal que les garçons, comme presque partout ailleurs dans le monde.

La lecture est un marqueur social de premier ordre. Qui ne sait pas lire ou qui ne comprend pas spontanément ce qu'il lit ne progresse pas. Il décroche, d'abord à l'école puis au travail.

On assiste enfin, en France comme dans le reste du monde, à un décrochage des parents.17% des parents des élèves interrogés n'aiment pas lire. 

 

Pour ce qui est du Camembert, un séjour récent dans la belle Normandie que j'ai redécouverte, me permet de dire que nous nous maintenons à un fort bon niveau.

 

 

an

an

Partager cet article
Repost0

commentaires

A
Camembert me fait penser au Sapeur Camember, BD que j'avais trouvée dans des illustrés rangés dans le coin du grenier chez mes parents. Je suis persuadé que, plus d'un siècle après, les aventures du Sapeur auraient encore quelques similitudes avec notre époque actuelle.
Répondre
U
Comme je ne suis pas enseignant, je ne me sens pas trop compétent pour m'épancher sur le sujet. <br /> <br /> Mais je ferai une remarque. Beaucoup d'enseignants de ma jeunesse étaient des gros lecteurs ou des très gros lecteurs. Un libraire me disait naguère que les enseignants auraient suffi pour le faire manger. Aujourd'hui les libraires me disent que les enseignants ne comptent guère dans la clientèle d'une librairie. Un tandem de libraires me disait même qu'ils attendaient la retraite avec inquiétude en se demandant si, au vu de la baisse continue de leur clientèle enseignante, ils pourraient tenir jusqu'à la retraite... Un copain, prof en retraite, me disait que sa fille, prof d'espagnol, n'avait jamais lu ni Don Quichotte ni sans doute aucun classique de la littérature espagnole en dehors des extraits obligatoires pour ses examens.
Répondre
A
Ça me fait penser au petit Marcel de " la gloire de mon père ". Au fond de la classe, en garderie en quelque sorte dans la classe de son père instituteur, il apprit à lire en écoutant les leçons que son paternel. On finit par penser que la complicité est plus grande que le crime car la bienveillance journalistique le protège et pire en prépare d'autres.<br /> Nous avons ainsi une opinion publique molle qui va au fil de l'eau indifférente aux malheurs et qui est inconsciente des logiques régressives en œuvre. <br /> Après tout concernant cet individu, ses mentors et ses complices, leur histoire n'est pas originale mais ce qui est nouveau et qui fait rager c'est l'armée de tous ces courtisans journalistes qui n'évoquent pas ne serait-ce que les faits et laissent passer en souriant complaisamment des assertions mensongères. Et dans cet exercice on peut dire que AS LAPIX tient la tête du peloton. et fierté pour le père , étonnement et horreur pour la mère. <br /> Sur les instituteurs de cette époque des pages émouvantes.<br /> Histoire personnelle : ma fille a vécu la même situation chez sa tante, institutrice en CP qui la gardait, après l'heure de sortie de maternelle, pendant l'étude. <br /> Quant aux catégories sociales des lecteurs, je lisais dernièrement " l'étrange défaite " ( admirable ) dans lequel Marc Bloch signalait déjà en 40 qu'étrangement de nombreux bons élèves, diplômés de haut niveau, lisaient peu ou pas du tout après leurs études et qu'on rencontrait souvent le cas d'anciens cancres qui lisaient énormément. Ce constat est intéressant pour ce qu'on peut déduire
Répondre
A
Précédent à supprimer <br /> Comme il y a eu un sac de noeuds entre 2 commentaires, voici le dernier<br /> Ça me fait penser au petit Marcel de " la gloire de mon père ". Au fond de la classe, en garderie en quelque sorte dans la classe de son père instituteur, il apprit à lire en écoutant les leçons que son paternel. Étonnement et fierté pour le père , étonnement et horreur pour la mère. <br /> Sur les instituteurs de cette époque des pages émouvantes.<br /> Histoire personnelle : ma fille a vécu la même situation chez sa tante, institutrice en CP qui la gardait, après l'heure de sortie de maternelle, pendant l'étude. <br /> Quant aux catégories sociales des lecteurs, je lisais dernièrement " l'étrange défaite " ( admirable ) dans lequel Marc Bloch signalait déjà en 40 qu'étrangement de nombreux bons élèves, diplômés de haut niveau, lisaient peu ou pas du tout après leurs études et qu'on rencontrait souvent le cas d'anciens cancres qui lisaient énormément. Ce constat est intéressant pour ce qu'on peut déduire