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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 14:50

http://madjyc.com/images/ane.jpgJ'ai plaisir à publier ci-dessous ce texte de mon camarade et ami Xavier Lambert (Université du Mirail) :

 

Construire l’économie de la connaissance en faisant l’économie des connaissances ?

 

Concrétisé par le processus de Bologne, notamment, cela fait plusieurs années que l’enseignement en général et l’enseignement supérieur en particulier a vocation à rejoindre le secteur marchand autour du fameux concept de « l’économie de la connaissance ». Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire accroire parfois ici et là, n’est pas seulement l’organisation économique de la connaissance, mais bien son intégration à terme dans le système marchand.


Les différentes réformes entreprises ces dernières années, en Europe notamment, ont pour objectif de mettre en place les conditions de cette marchandisation et, là comme dans d’autres domaines, la crise financière sert de prétexte à une accélération du processus par la diminution drastique des dépenses publiques, et l’affaiblissement des secteurs publics qui en découle dans chaque pays.


La France n’est bien sûr pas à l’abri, cette logique procède de la même logique que celle des choix résolument ultralibéraux de Sarkozy.


C’est la raison pour laquelle, aussi bien dans le primaire, dans le secondaire que dans le supérieur, le gouvernement Sarkozy a mis en place des réformes structurelles profondes qui visent fondamentalement à instaurer une culture d’entreprise dans les différents niveaux du système éducatif. Le modèle initial en est celui de la loi LRU qui a été imposé aux universités en 2009. Pour l’essentiel, il s’agit de créer des établissements autonomes dans leur gestion financière (y compris pour la masse salariale en ce qui concerne les universités), avec des chefs d’établissement aux pouvoirs considérablement renforcés (avec la possibilité de recruter leur personnel, enseignant inclus) dont la mission tient davantage du management que de la pédagogie, et dont le recrutement pourra se faire de plus en plus hors du sérail.


Pareillement, de plus en plus nombreux sont les coups portés au statut de fonctionnaire. D’une part, notamment pour les universités, sous prétexte de « recentrer sur le cœur du métier », de plus en plus d’emplois de BIATOSS sont externalisés et cela va probablement s’accentuer avec le développement des PPP (Partenariat Public/Privé) qui dévoloiront la gestion et l’entretien des locaux ainsi construits au privé.


Mais c’est ce qui est en train de se dessiner aussi pour les personnels enseignants du premier et du second degré. La réforme de la formation des enseignants laisse envisager la disparition des concours, ce qui est somme toute dans la même logique que l’abandon du cadre national qu’on retrouve à différents niveaux. La diminution drastique du nombre d’enseignants titulaires n’est pas dictée que par des raisons d’économie, on le voit bien cette année par exemple où le ministère recrute autant de vacataires via Pôle Emploi qu’il supprime de postes. Et, corollairement, des centaines d’étudiants vont sortir chaque année de l’université avec des masters enseignement qui leur reconnaîtront la compétence pour enseigner sans en avoir la qualification parce qu’ils ne seront pas reçus aux concours du fait du faible nombre de postes ouverts.


Les suppressions de postes s’inscrivent aussi dans un projet de recentrage des disciplines enseignées défini par le fameux « socle commun de connaissances et de compétences ». Exit, donc, à plus ou moins court terme, les petites disciplines, jugées non essentielles aux acquis attendus par rapport aux besoins de l’entreprise. Et l’intitulé même de ce « socle » montre que la mission première de l’enseignement n’est plus l’éducation, mais la formation à l’acquisition de connaissances et de compétences.


Il y a là un glissement qui me paraît très important quant aux enjeux qu’il recouvre. On le voit clairement à l’université dans le cadre, notamment de la nouvelle licence définie par l’arrêté de juillet dernier. Ce qui se dessine clairement, c’est que la licence n’est plus tant le lieu de l’acquisition d’un savoir scientifique cohérent que celui d’un parcours individualisé qui articule acquisition de connaissances, sans référentiel national, et construction de compétences qui, elles, n’ont rien à voir avec un quelconque contenu scientifique. Significativement, le diplôme n’est plus un objectif en tant que tel puisque l’objectif annoncé est celui du niveau licence pour 50% d’une classe d’âge.


Si le principe d’une approche épistémologique de l’acquisition des connaissances est une bonne chose en soi, le dispositif annoncé relève davantage du supermarché que d’un parcours structuré, accentué encore par l’extension des mesures de compensation. En fait, la structure de la nouvelle licence consiste essentiellement à sectoriser les modules de formation, entre enseignement, stages, et dispositifs d’acquisition de compétences, dans la perspective d’une adaptabilité directe à l’emploi.  Il s’agira donc davantage de vendre des compétences que d’assurer la transmission de savoirs.


L’objectif à terme me semble être celui de placer l’université compétitivement sur le marché de la formation au même titre que les organismes de formation privée de type CFA par exemple.


Ce n’est probablement pas un hasard si un certain nombre d’outils ont été ou vont être mis en place et qui font cohérence à partir de cette grille de lecture :


- Le fait que la loi LRU ait rajouté la professionnalisation aux missions fondamentales de l’université.


- La création des BAIP (Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle) où on a parfois la surprise de voir siéger des représentants de Pôle Emploi.


- L’attribution du label d’excellence aux formations en fonction du taux d’insertion professionnelle de leurs étudiants dans les 3 mois qui suivent leur sortie.


- L’évaluation des enseignements en fonction de leur performance.


Il nous faut plus que jamais réaffirmer la nécessité d’un service public d’enseignement et exiger qu’il soit maintenu hors AGCS.

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