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16 avril 2023 7 16 /04 /avril /2023 03:01

Repris de Reporterre

 

La grenade GM2L était censée être moins dangereuse que ses prédécesseuses. Son usage intensif à Sainte-Soline contre des manifestants prouve l’inverse et révèle le cynisme des autorités.

Après la répression massive de la manifestation à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre les mégabassines, la polémique enfle sur les armes des forces de police. Les grenades tirées au cours de la journée du 25 mars ont gravement mutilé des dizaines de personnes. Les organisateurs estiment à 200 le nombre total de blessés.

Huit ans après la mort de Rémi Fraisse à Sivens par la grenade d’un gendarme, et malgré l’interdiction de certains types de projectiles, l’histoire se répète. Sans que les autorités ne se remettent en cause.

La Sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie (que j’aime cet intitulé orwellien !) a légitimé l’usage de ce type d’arme en ces termes : « les black blocs sont seulement sensibles (sic) aux grenades GM2L ». Les manifestants ont été « psychologiquement éprouvés » par l’usage de ces.

La remplaçante de l’ancienne grenade GLI-F4 

Les grenades GM2L ont causé de très graves blessures. Selon un premier bilan des équipes médicales en lien avec les Soulèvements de la Terre, une personne aurait perdu l’usage de son pied.

On compte aussi parmi les manifestants de nombreuses plaies délabrantes sur les visages, des hématomes aux yeux qui pourraient entraîner une cécité, des éclats de grenades dans les mollets, les cuisses ou les bras avec la perte de morceaux de chair, des brûlures aux jambes, des nécroses au niveau des fesses, des plaies aux testicules, des douleurs gastriques et des lésions auditives. La détonation d’une grenade GM2L dépasse les 165 décibels. À 5 mètres, elle surpasse le bruit d’un avion au décollage, bien au-dessus du seuil de douleur sonore.

Plusieurs témoins ont raconté aussi les explosions au milieu de la foule à 200 mètres de la première ligne et les tirs sans aucune visibilité dans l’épaisseur des nuages de gaz lacrymogène.

La GM2L était censée remplacer les précédentes grenades GLI-F4 et OF F1, vivement critiquées pour leur dangerosité. En 2014, c’est une grenade OF F1 qui avait causé la mort de Rémi Fraisse. Son utilisation a été stoppée juste après le décès du militant écologiste de 21 ans.

La GLI-F4, elle, a acquis sa triste réputation lors de la révolte des Gilets jaunes. À l’époque, cinq manifestants avaient perdu leur main à cause d’elle. En 2018, lors de l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, un étudiant  avait également été amputé de la main, et un an auparavant, à Bure, un autre militant avait vu son pied déchiqueté par cette grenade.

« Une puissance quasiment similaire »

Devant l’indignation publique, Christophe Castaner, avait annoncé en 2020 son retrait au profit des nouvelles grenades GM2L. Les autorités avaient pris soin auparavant d’écouler les stocks. Selon Mediapert, les raisons réelles de l’abandon de la GLI-F4 auraient été avant tout techniques. « De graves défauts non résolus » ainsi qu’un accident mortel dans une usine a conduit son fabricant – l’industriel Alsetex – à interrompre sa production dès 2014 pour la remplacer par la GM2L (l'entreprise a été mise en examen pour homicide involontaire.

 

Comme le reconnaissait à l’époque le général de gendarmerie à la retraite Bertrand Cavallier, cette absence de produit explosif n’était pas tant un signe de diminution de sa dangerosité qu’un impératif commercial si l’on voulait exporter la grenade. « [Cela] permet de lever des restrictions pour le conditionnement, le stockage, ainsi que pour le transport maritime, aérien et transfrontalier, ce qui présente un avantage certain », remarquait-il dans L'Essor.

Dès les débuts de son utilisation, les mêmes blessures se sont répétées pour les manifestants. Rien n’a véritablement changé. Devant le Conseil d'État, le ministère de l’Intérieur reconnaissait lui-même que « la puissance [de la grenade GM2L], (et donc sa dangerosité pour quiconque voudrait ramasser un tel projectile) est quasiment similaire à celle de la GLI-F4 ».

Comme le rappelle le collectif Désarmons-les, l’hexocire (ou RDX) qui remplace le TNT dans la GM2L a une charge explosive 1,6 fois plus forte que le TNT, sa vitesse de détonation et la chaleur de l’explosion sont plus importantes aussi. « Les autoritésont joué sur la méconnaissance technique du public et des politiques pour faire passer la GM2L pour une grenade moins dangereuse que la GLI-F4 alors que c’est fondamentalement l’inverse », insiste Ian B., un des animateurs du collectif.

Sur le terrain, les observateurs ont pu le constater. Plusieurs drames se sont produits avant Sainte-Soline. En juin 2021, à Redon (Ille-et-Vilaine), lors de l’expulsion d’un teknival, un jeune homme a eu la main arrachée par une GM2L. Dans une manifestation à Nancy, le 21 novembre 2020, un homme de 24 ans, voyait aussi son bras gravement perforé de 10 cm par un éclat. Contre la loi Sécurité globale, un autre manifestant perdait cinq doigts et une partie de la paume lors d’un rassemblement à Paris, place de la République, le 5 décembre 2020.

Contrairement à ce qu’avancent les autorités, la GM2L est donc bien « une arme de guerre » qui déchire et mutile les corps. D’un point de vue légal, elle est d’ailleurs classée dans la catégorie A2 des armes, celle des « matériels de guerre ».

Aujourd’hui, l’interrogation quant à son usage se renforce. Dans leur compte-rendu final des opérations à Sainte-Soline, les forces de police ont d’ailleurs omis son utilisation. Le général d’armée Christian Rodriguez évoque simplement « 5 015 grenades lacrymogènes tirées, 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR et 81 tirs de LBD », mais ne parle aucunement des GM2L.

Un chiffre loin d’être anecdotique. Cela représente tout de même un tiers des grenades GLI-F4 ou GM2L lancées au cours de la révolte des Gilets jaunes (de 2018 à 2019). En seulement deux heures. « Ces 260 grenades GM2L [équivalent à] 11 kilogrammes d’hexocire (explosif 1,6 fois plus puissant que le TNT) projetés sur les têtes de manifestants dépourvus de casques et d’armures susceptibles de résister à des impacts de cette puissance », ajoute le collectif Désarmons-les.

La situation est d’autant plus problématique que Mediapart avait révélé que cette grenade comportait de graves « défaillances techniques ». Le 1er juillet 2021, Gérald Darmanin avait restreint son usage et interdit le lancer à la main à cause notamment d’un dysfonctionnement du bouchon allumeur. Malgré les risques, le ministère continue néanmoins d’autoriser son emploi avec un lance-grenades. Le 10 novembre 2022, les autorités ont même passé un appel d’offres pour acheter 840 000 grenades GM2Lsupplémentaires et équiper massivement les forces de police dans les quatre années qui viennent.

 

Sainte-Soline : la grenade GM2L, l’arme de guerre qui déchire les corps
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commentaires

A
Il est dans les bilans de ces manifestations des données qui sont ni détaillées ni justifiées. Ainsi on nous dit X policiers ont été blessés. Les chiffres sont répétés sans qu'il vienne aux journalistes l'idée d'en vérifier le décompte et encore moins d'en faire le détail. Ainsi le 27/3 Gérald Darmanin annonce à Sainte Soline 24 gendarmes et 7 manifestants blessés. Pourtant dans nos sociétés nous avons les moyens de faire des bilans détaillés d'un événement finalement circonscrit. On comprend très bien l'utilité pour un pouvoir de rester dans le vague mais c'est regrettable qu'il en soit de même pour les journalistes. Le contrepouvoir de la presse se délite au fil du temps. Par paresse et par complicité. Alors il en devient légitime de douter de ces décomptes surtout du côté force de l'ordre car au vu des armures modernes qui les protègent et des moyens dont ils disposent il est certain que ces bilans ne sont pas sincères. Si cette affirmation est fausse on peut leur dire : prouvez le !
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G
https://youtube.com/shorts/7jHX9wXsLjs?feature=share