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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 05:00

Par Rob Grams, pour le site Frustration

 

Le capitalisme a contaminé tous les aspects de notre vie : « le capitalisme a transformé toute la société en un gigantesque marché ». Au début du capitalisme industriel il y avait quelques produits de consommation courante (grains, nourriture pour animaux, poisson, viande, produits laitiers, alcools, pain, tabac, charbon, bougies, savon, papier, imprimés, bottes, chaussures…) mais cela n’avait rien avoir avec aujourd’hui. Concrètement cela signifie que la famille était encore au « au centre des processus de production de la société » : dans les fermes on construisait par exemple, le plus souvent, sans recourir au marché, de même pour le mobilier. La famille paysanne s’occupait de la production de nourriture (cultures, élevage…) et souvent de la fabrication des vêtements. Les fermiers et leurs enfants participaient à « la fabrication des balais, du matelas, du savon, les travaux de menuiserie ou de forge (…) la fabrication des fromages (…), taillaient le bois pour les clôtures, faisant la cuisine, les conserves (…). ».

 

Mais le capitalisme industriel a entraîné l’urbanisation massive et le marché s’est approprié une très grande partie de ces activités. En retirant ces travailleuses et travailleurs des campagnes vers les villes, en les confinant dans de petits espaces, en industrialisant la production alimentaire et les produits élémentaires, le capitalisme a créé les conditions d’une dépendance totale vis-à-vis du marché pour tous les aspects de la vie courante : c’est ce qui rend débile l’accusation courante contre les anticapitalistes de contribuer aussi, par leurs achats (téléphone, chaussures, fast food…) à la “société de consommation” – un terme pas si intéressant, comme s’ils avaient le choix. Le capitalisme a d’abord transformé en marchandise (une chose produite, vendue et achetée) toute la production de biens, puis des services, avant d’inventer de nouveaux produits et nouveaux services qui ont fini par devenir indispensables détruisant nos possibilités de choix (on peut penser à la voiture, au téléphone portable…).

Pour satisfaire nos besoins (nourriture, vêtements, maison, loisirs, sécurité, prendre soin des enfants, des vieux, des malades et des handicapés) nous ne pouvons souvent plus faire appel aux « organisations sociales telles que la famille, les amis, les voisins, la communauté, les vieux, les enfants » mais devons-nous tourner vers le marché. Le marché tente de s’immiscer dans tous les rapports entre individus et groupes sociaux. C’est ce que nous expliquions par exemple dans notre article sur la start-up qui tente de transformer le tricot des grand-mères en production marchande sur laquelle prélever de la plus-value. « En fin de compte, chacun se retrouve, bon gré mal gré, incapable de faire quoi que ce soit par lui-même aussi facilement qu’en ayant recours aux services du marché. »

 

Le capitalisme a envahi tous les aspects de notre vie

 

Comme dans notre société, on vend son travail à une entreprise, il ne nous appartient pas, il est donc nécessairement opposé au « temps de non-travail », c’est pourquoi on attache généralement « une valeur extraordinaire à ce temps « libre » alors que le temps passé au travail est considéré comme perdu et gâché ». On touche à l’absurdité des personnalités « de gauche » façon Roussel qui vantent le travail comme une valeur en soi : pourquoi, fondamentalement, quelqu’un serait heureux et fier de travailler à l’accroissement du capital de la classe dominante ? Le temps libre, de loisir, devient donc absolument précieux, mais la séparation d’avec l’environnement naturel a laissé un gros vide sur savoir comment occuper ce temps. De nouveau le marché intervient en développant « à un degré énorme les amusements passifs, les distractions et les spectacles, qui conviennent à l’espace étroit disponible dans les villes et que l’on propose comme substitut à la vie elle-même ».

 

 Harry Braverman semble ici rejoindre les analyses de Guy Debord sur la société du spectacle. Il poursuit : « Puisque ce sont là les moyens de remplir toutes les heures « libres » , ils sont offerts à profusion par des institutions de type industrielles, qui ont transformé tous les moyens de distraction et les « sports » en un processus de reproduction élargie du capital. A cause de leur surabondance, ils ne peuvent que tendre à la médiocrité et à la vulgarité, dégradant le goût populaire, résultat garanti de plus par le fait que le marché de masse a un puissant effet de réduction au plus bas dénominateur comme du fait de la recherche du profit maximum. Le capitalisme est si entreprenant que, même quand des efforts sont faits par tel ou tel groupe pour trouver un chemin vers la vraie nature, le vrai sport, ou l’art, au travers d’une activité personnelle ou par une invention « underground » ou d’amateur, ces activités sont rapidement récupérées, autant que faire se peut, par le marché ».

 


Et Braverman écrit tout ça avant l’invention des smartphones, de Netflix, Tinder, et de tout un ensemble de technologies cherchant à créer de la valeur en captant notre attention passive…

 


À partir du moment où toute notre consommation devient dépendante du marché, cela signifie aussi que tout notre travail « est fait sous l’égide du capital et est soumis au prélèvement d’une part de profit qui augmente encore le capital ». Cela n’a rien à voir avec la nature de l’activité, du travail : le travail, les biens ou services que vous faites chez vous pour vous ou votre famille ne sont pas considérés comme du travail car ils n’enrichissent pas les capitalistes. C’est pourquoi ils ne sont pas comptés dans le produit national. Si vous faites exactement la même activité dans un hôtel, dans un restaurant, dans une entreprise, vous devenez un travailleur productif car votre travail enrichit le capital. D’où l’intérêt pour le marché de conquérir chacun des aspects de notre vie.

 

  

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