Il fait trop chaud, alors nous allons faire un peu dans la fraîcheur et la légèreté.
IL y a quelques jours, France Info proposait dans une émission d’été un bobino sur la chanson Qué será será. Un énorme succès des années cinquante créé par Doris Day. Cette chanson avait été commanditée à Ray Evans et Jay Livingston par Alfred Hitchcock pour son film L’Homme qui en savait trop, avec James Stewart et la même Doris Day. Elle intervenait deux fois dans le cours du film : d’abord au début, de manière tranquille mais terriblement indicielle, dans un hôtel de Marrakech, en présence de l’espion français Louis Bernard et du docteur McKenna, Doris et son fils répétaient le début de la chanson. Puis à la toute fin du film. Après la tentative ratée d’assassinat contre un Premier ministre étranger lors d’un concert de musique classique au Royal Albert Hall (les cymbales, quel moment de cinéma !), Doris et son mari étaient invités à une soirée à l’ambassade d’un pays de l’Est où l’enfant était retenu prisonnier secrètement. Le Premier ministre britannique demandait alors à la chanteuse d’interpréter son succès favori. Dans un étage de l’ambassade, la geôlière de l’enfant, prise de remords, lui demandait de siffler quelques notes de la chanson, ce qui allait accélérer les retrouvailles.
Les paroles de la chanson originale sont anxiogènes à souhait. Une gamine demande à sa mère de lui décrire comment elle sera plus tard « Qui serai-je, serai-je jolie, serai-je riche ? » Réponse fataliste de la mère : « Ce qui sera sera, nous ne pouvons appréhender notre avenir. » La petite grandit, rencontre son chéri et lui demande si leur avenir ensemble sera fait d’arcs en ciel. La réponse du chéri reprend mot pour mot celle de la mère. Pour clore la circularité, la jeune femme a maintenant des enfants qui lui posent les questions qu’elle posait à sa propre mère. Toujours la même réponse.
When I was just a little girl
I asked my mother, what will I be
Will I be pretty, will I be rich
Here's what she said to me.
Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.
When I was young, I fell in love
I asked my sweetheart what lies ahead
Will we have rainbows, day after day
Here's what my sweetheart said.
Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.
Now I have children of my own
They ask their mother, what will I be
Will I be handsome, will I be rich
I tell them tenderly.
Que Sera, Sera,
Whatever will be, will be
The future's not ours, to see
Que Sera, Sera
What will be, will be.
La chanson sera adaptée (je crois pour Jacqueline François, puis par environ 90 autres chanteurs !) par Eddy Marnay. Pendant quarante ans, Marnay fut l’un des plus prolifiques et talentueux paroliers français. Parmi d’innombrables succès : « Les Amants de Paris », « Java, qu’est-ce que tu fais là ? », « Chiens perdus sans collier », « Planter café », « Les Moulins de mon cœur » (on se souvient peut-être davantage de la chanson de Marnay et Legrand que du film L’Affaire Thomas Crown), « La Ballade irlandaise », « Un Jour un enfant », « Coucouroucoucou Paloma ».
Eddy Marnay ne traduisit pas la chanson « Qué será será » : il l’adapta. Il la sortit du film et en atténua l’inexorable circularité. Il en fit un comte de fée dans lequel le destin est, certes, plus fort que les individus, mais où tout est ouvert. « Qui vivra, verra » est tout de même moins implacable que « Qué será será », « Laissons l'avenir, venir » moins circonscrit que « The future's not ours, to see ».
Dans le berceau d'un vieux château
Une promesse vient d'arriver
Une princesse toute étonnée
A qui l'on vient chanter :
Qué será será
Demain n'est jamais bien loin
Laissons l'avenir, venir
Qué será será
Qui vivra, verra
On vit grandir et puis rêver
La jeune fille qui demandait :
"Dis-moi ma mie si j'aimerai"
Et sa maman disait :
Qué será será
Demain n'est jamais bien loin
Laissons l'avenir, venir
Qué será será
Qui vivra, verra
Quand vint l'amant de ses amours
La demoiselle lui demanda :
"M'es-tu fidèle jusqu'à toujours ?"
Et le garçon chanta :
Qué será será
Demain n'est jamais bien loin
Laissons l'avenir, venir
Qué será será
Qui vivra, verra
Quand elle chante à son enfant
Dans un sourire, cet air charmant
C'est pour lui dire que dans la vie
Rien n'est jamais fini
Qué será será
Demain n'est jamais bien loin
Laissons l'avenir, venir
Qué será será
Qui vivra, verra