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8 décembre 2022 4 08 /12 /décembre /2022 06:01

Lors de ma dernière année passée en Côte d’Ivoire vers la fin des années 80, j’eus la grande chance d’assister à une fête à laquelle les étrangers ne pouvaient guère assister, la réunion annuelle des Abidji, une ethnie vivant à une centaine de kilomètres d’Abidjan, très versée dans le vaudou. Je passai environ vingt-quatre heures dans le village d’un de mes étudiants et je fus le témoin de phénomènes incroyables, inexplicables et inexpliqués (par un esprit cartésien, en tout cas).

 

Il y eut bien sûr, pendant des heures, des danses, des transes, des hommes marchant sur des braises, des femmes se transperçant la langue. Vers minuit, la fête s’arrêta pour un repos bien mérité. On m’offrit un lit de bois dans une case de passage, agrémenté d’un oreiller très moelleux. Je demandai ce que cet oreiller contenait, on me répondit qu’on y avait cousu un jeune boa et qu’il n’y avait rien de plus doux et de plus frais sous la tête. Moi qui, enfant, avais été mordu par une vipère, et qui en avais gardé un souvenir piquant, je fis mine d’accepter, puis je jetai l’oreiller à l’autre bout de la case, avant de poser ma tête sur mon pantalon plié en boule. Naturellement, je ne fermai pas l’œil de la nuit.

 

Le lendemain, je partageai un solide petit-déjeuner (riz arrosé de koutoukou, de l’alcool de palme, tu en bois cinq verres et tu es mort), et puis les danses et les transes reprirent de plus belle. C’est alors qu’eut lieu l’événement le plus spectaculaire. Des types en transe totale s’ouvrirent le ventre avec de grandes lames bien tranchantes, se sortirent vingt centimètres de boyau, puis se refermèrent le ventre. Je n’y croyais pas, pensant que le koutoukou m’avait déglingué le cerveau. D’autres s’enfoncèrent des machettes sur au moins trente centimètres. Mais là où je fus le plus estomaqué ­ – très vite on s’habitue à tout, même à des éventrations ­ – c’est quand un habitant du village nous dit : « dans trente minutes, il va pleuvoir. » Il était quatre heures de l’après-midi, le ciel était uniformément bleu, il n’y avait pas un souffle de vent et nous étions en pleine saison sèche, une période de l’année où il ne pleut pas pendant trois mois. Une demi-heure plus tard, il plut.

 

J’eus beaucoup de mal à faire en voiture les cent kilomètres qui me séparaient d’Abidjan.

Souvenir de vaudou
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