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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 06:48

Thierry Frémont (Libération 18 janvier 1995) : “ Quand ça viendra, tant mieux: je serai «bankable», j'aurai plus de scénarios. Je ne manque pas d'ambition: au contraire, je fais ce métier pour grimper jusqu'au sommet. Mais je ne suis pas prêt à faire n'importe quoi pour ça. ”

 

A l’origine, en anglais, « bankable » appartient au jargon financier (« bankable securities » : titres recouvrables par les banques). Le terme est passé, vers 1990, dans le jargon cinématographique : un acteur qui rapporte de l’argent ou sur qui on peut financer un film. Le mot est alors prononcé à l’anglaise. Il a remplacé le mot « rentable », exprimant trop crument pour des oreilles francophones l’idée que le cinéma est, certes, un art, mais surtout un commerce. Il faut dire bankaibeul et non bancable. Or le mot « bancable » (ou banquable ») existe en français depuis 1877, avec le sens qu’il a, à l’origine, en anglais. Il se dit « des effets de commerce remplissant les conditions voulues pour être escomptés ou réescomptés par la Banque de France » (Le Grand Robert). Rien à voir, donc, avec un être humain ou un art populaire.

 

On trouve désormais « bankable » dans des écrits sur la musique, la peinture la littérature (« Stéphane Hessel, n°1 des ventes de livres en 2011, a de quoi s'indigner. Même avec une avance de plus d'un million d'exemplaires vendus sur son poursuivant direct, cinq auteurs ont été plus « bankable » que lui en 2011. », La Tribune, 16 mars 2012). Le terme fait également florès dans le sport : peu importe qu’un sportif en fin de carrière ne soit plus le meilleur s’il est le plus « bankable » : « Le plus bankable des rugbymen français n’a pas l’intention de raccrocher. Il réfléchit à sa « dernière étape ». Où qu’il atterrisse – le Japon, l’hémisphère Sud, Lyon, Toulon ? – il fera sans doute vendre des billets et des maillots. » ‎ Libération, 4 février 2012.

 

Ce glissement sémantique est idéologique : après l’art, l’artiste devient lui-même un produit commercial. Il suscite l’intégration des valeurs de la finance par le plus grand nombre.

 

Mieux vaut dire : rentable, sur quoi on peut miser, qui constitue une valeur sûre.

 

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commentaires

E
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