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4 septembre 2017 1 04 /09 /septembre /2017 05:30

Jusqu'au jour où ils seront carrément traînés sur la claie, voués aux gémonies.

Ci-dessous de larges extraits d'un article de Gilles Bridier pour Slate.

 

Il y a, dans la caricature utilisée pour représenter les retraités, une démarche presque malsaine. Ils apparaissent comme des quasi privilégiés avec des niveaux de vie plus élevés que les actifs, passant leur temps dans des croisières ou achetant de grosses berlines en profitant des pensions versées grâce aux cotisations sociales prélevées sur les acteurs du monde du travail.

Des privilégiés... à 1.300 euros par mois en moyenne après plus de quarante années de cotisation. Cette caricature véhiculée par certains médias est entretenue par la communication du gouvernement et sa majorité de La République en marche, justifiant ainsi la ponction bientôt opérée via la CSG sur les revenus de ces retraités.

Des nantis à seulement 200 euros au-dessus du seuil de pauvreté

Laisser supposer qu’ils sont des nantis de la République, et qu’il faut qu’ils soient un peu moins riches pour que les jeunes soient un peu moins pauvres, procède d’une rhétorique bien dangereuse et fort approximative. C’est pourtant celle du chef de l’État Emmanuel Macron lorsque, dans une interview au magazine Le Point relayée par toute la presse, il déclare :

« Les pauvres d’aujourd’hui sont souvent moins les retraités que les jeunes. Je leur demande donc, pour les plus aisés, un effort ». 

 Un effort qui s’appliquera avec l’augmentation de 1,7 point de CSG à partir de 1200 euros de pension mensuelle (ou 1800 euros pour un couple). Au total, 60% des retraités seront concernés. 

L’argument d’une moindre pauvreté n'est pas valable

Certes, des statistiques existent qui montrent que la proportion de pauvres parmi les retraités est moins élevée que dans le reste de la population. Dans son état des lieux établi en décembre 2015, le Conseil d’orientation des retraites (COR) note que  « sur toutes les années de 2006 à 2012, les ménages de 60 ans et plus sont moins exposés à la pauvreté en conditions de vie que le reste de la population : en 2012, par exemple, 9,6 % des ménages de 60 à 74 ans et 7,5 % de ceux de 75 ans et plus sont pauvres en conditions de vie contre 11,9 % pour l’ensemble des ménages. »

Mais la récupération de cette comparaison, à partir de ces chiffres bruts, est tronquée. D’un côté, on considère le niveau de pauvreté de toute une population avec notamment des jeunes encore en étude ou qui démarrent dans la vie professionnelle et n’ont pas encore progressé dans l’échelle des salaires. De l’autre, on isole une catégorie de personnes qui ont accumulé  plus de quarante ans de vie professionnelle et qui ont consenti un effort financier tout au long de leur carrière pour payer les différentes cotisations de leur régime de retraite.

Les retraites sont déjà globalement gelées depuis 2013 (soit une perte de pouvoir d’achat de l’ordre de 6% sur quatre ans)… sans parler de la taxe spécifique acquittée par les seniors pour financer la perte d’autonomie des personnes les plus âgées.

 La moitié des retraités en dessous de 1720 euros par mois

Prenons le niveau de vie médian des retraités calculé par le COR pour 2013 : il était de 1720 euros par mois. Ce qui signifie que la moitié des retraités se situait au-dessous de ce niveau médian (dont 560.000 devaient se contenter des quelque 800 euros de l’Allocation de solidarité pour personnes âgées), et la moitié au-dessus.

En réalité, d’après les statistiques du COR, seulement un retraité sur dix dispose d’un revenu supérieur à 3250 euros par mois, un montant supposé être le début de la fortune. 

Une mesure fiscale sans grande originalité

Cette caricature de l’immense majorité des retraités apparaît d’autant plus indécente que, dans le même temps où on annonce un relèvement de la CSG pour de nombreux retraités, d’autres arbitrages se traduisent par un allègement de l’ISF pour les plus gros patrimoines. 

Si l’objectif du gouvernement consiste à réduire les charges qui pèsent sur le travail en trouvant de nouvelles recettes, il pourrait aussi se tourner vers les revenus du capital, le versement des dividendes particulièrement élevés en France, et les transactions financières, en s’attaquant notamment à la finance parallèle. Il pourrait innover dans la lutte contre l’évasion fiscale, ou faire preuve de la créativité promise pendant la campagne de l’élection présidentielle… Mais il applique en l’occurrence une augmentation fiscale simpliste, en n’épargnant pas des catégories captives de la population qui ne peuvent, comme d’autres, faire de chantage à l’expatriation des revenus et des capitaux.

Le début de la guerre des âges ?   

Les systèmes de retraite posent un problème à l’économie française. On ne compte déjà plus que 1,7 actif par cotisant de droit direct (sans compter les reversions pour les conjoints de retraités décédés), et la proportion doit continuer de baisser pour atteindre 1,4 actif par cotisant à l’horizon 2040, indique le COR dans un rapport de juin 2016 sur l’évolution et les perspectives des retraites en France.

Quant au déficit du système de retraite que l’on observe depuis 2005, il sera résorbé plus ou moins vite en fonction des niveaux de croissance économique : « L’équilibre serait atteint dès le milieu des années 2020 dans les scénarios 1,5%, 1,8% et 2%. À l’inverse, le système de retraite resterait durablement en besoin de financement en cas de croissance des revenus d'activité inférieure à 1,5 % par an à long terme », commente le COR

Pas de panique, donc. Mais dans l’immédiat, le sentiment d’une « guerre des âges » prend forme, conforté par la communication gouvernementale. C’est la solidarité intergénérationnelle qui est alors menacée si le sentiment se répand que les retraités coûtent trop cher et pénalisent les actifs. À force de caricaturer les retraités, on travestit la réalité des pensionnés et on creuse une fracture dans la société. Ce qui ne peut que nuire à la solidarité intergénérationnelle qui soude une nation et qui sert aussi de fondement au système de retraite par répartition, comme en France.

Un comble, alors que chaque actif est appelé un jour à prendre lui-même sa retraite! Et qu’importe si on est en pleine contradiction, au moment où les retraités soutiennent souvent leur descendance au chômage, et offrent par leur nombre des relais de croissance à l’économie et des occasions nouvelles pour créer des emplois.

Des privilégiés, les retraités ? Plutôt des boucs émissaires
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commentaires

A
A un moment donné ou un autre on est l'immigré de service. C'est amusant quand on écoute des ( et non les ) retraités parler de la jeunesse qui est moins vaillante au travail, des immigrés aux familles nombreuses, etc, sans parler du vote majoritaire dans cette classe d'âge. Finalement le coup de la division marche toujours : le public vs privé, les futurs vieux vs les anciens jeunes, etc. Et pendant ce temps..... Oui, je sais ce n'est pas très original.
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