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17 juillet 2020 5 17 /07 /juillet /2020 05:08

Je reprends ici une analyse de Descartes sur les merveilleux résultats du Baccalauréat cuvée 2020 (larges extraits) :

 

 

En 2020, le taux de succès au bac (avant rattrapage) fait un bond de 7,6% par rapport à 2019, passant de 88,1% à 95,7%. Même chose pour le brevet des collèges (94% d’admis contre 88%, soit 6% de mieux). Et aux partiels des universités, c’est encore mieux : on gagne une dizaine de points par rapport à l’année dernière.

 

Résultat d’autant plus remarquable, diront certains cyniques, que collégiens, lycéens et étudiants ont subi trois mois de confinement qui ont obligé de fermer les salles de classe et de remplacer l’enseignement normal par des cours en vidéo et des devoirs transmis par messagerie. Etonnant, n’est-ce pas ? Moins on apprend, et mieux on réussit.

 

Le système fonctionne comme si chaque étudiant avait le droit d’être diplômé. Et si les circonstances l’empêchent d’atteindre le niveau exigé, c’est à l’Etat de baisser le niveau d’exigence de façon à lui octroyer quand même le diplôme tant convoité. Toute autre solution reviendrait à « pénaliser les élèves ». Le fait qu’on donne le diplôme à ceux qui n’ont pas les connaissances que le diplôme est censé certifier ne semble préoccuper personne : parents, élèves, enseignants et ministres communient dans l’idéologie de la « bienveillance ».

 

Le bac 2020 ne certifiera qu’une chose : que vous avez usé vos fonds de culotte un certain nombre d’années dans l’enseignement secondaire.  C’est la logique du diplôme à l’ancienneté. Le système éducatif devient ainsi une sorte « d’école des fans », où l’on offre le diplôme à tout le monde de peur que les élèves – et leurs parents – pleurnichent.

 

Il faudrait revenir aux fondamentaux : le diplôme n’est pas un droit, pas plus qu’il n’est une récompense. Et le fait de ne pas l’avoir n’est pas une punition. Le diplôme ne fait que certifier que l’étudiant ou l’élève ont acquis un certain niveau de connaissances. S’ils n’ont pas ce niveau, ils ne doivent pas l’avoir. C’est pourquoi parler de « bienveillance » est une absurdité : un système éducatif est par essence « bienveillant » puisqu’il veut le bien de l’élève. Mais la « bienveillance » n’implique pas de mentir aux gens sur leur propre niveau et faire des « bacheliers » qui ignorent ce qu’un bachelier devrait savoir.

 

Confieriez-vous votre santé à un médecin diplômé malgré le fait qu’il ne connaît pas l’anatomie parce qu’il n’a pas pu assister aux cours du fait d’une grève ? Confieriez-vous la construction d’un pont à un ingénieur diplômé qui ne connaît pas le calcul différentiel parce qu’une maladie l’a empêché d’en acquérir les bases ? Confieriez-vous votre défense dans un procès à un avocat diplômé qui ne connait pas le droit pénal parce qu’il a dû travailler au McDo pour payer ses études ? Moi pas. 

 

En délivrant des diplômes à ceux qui ne les méritent pas, on fabrique en fait des faux diplômes. Et lorsque beaucoup de faux documents circulent, les gens finissent par perdre confiance dans les vrais. L’exercice du bac 2020 montre combien on cherche à vider les diplômes en général et le bac en particulier de leur valeur certifiante. Normal : quand on veut casser l’ascenseur social, on s’attaque d’abord aux procédures parmi les plus égalitaires : celle de l’examen et du concours anonyme. Pour les classes intermédiaires, il est bien plus intéressant que la sélection à l’emploi se fasse sur les réseaux et le « savoir être » dont leurs rejetons bénéficient par défaut, que sur une évaluation objective des savoirs et compétences intellectuelles qui nécessitent un vrai travail.

 

Réforme après réforme, on a tué le bac. Un diplôme qu’on accorde à 95% des candidats sert-il encore à quelque chose ?

 

Réhabiliter la rigueur, le mérite et le travail implique de réhabiliter aussi l’idée d’exigence. Les bonnes âmes veulent nous convaincre qu’un haut niveau d’exigence humilie les étudiants, qu’il leur fait perdre leur confiance en eux. Je suis en total désaccord avec cette vision : c’est au contraire le manque d’exigence – qu’on déguise en « bienveillance » – qui est dégradant, parce qu’elle présume que l’individu n’est pas capable de gérer un échec, de rebondir, de se mettre à niveau. Donner le diplôme à tout le monde c’est insulter ceux qui ont fait l’effort pour répondre à l’exigence. A quoi bon étudier, puisque avec un peu de « bienveillance » le diplôme vous tombera tout rôti dans le bec ?

 

 

 

Le diplôme n'est ni un droit ni une récompense
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commentaires

A
Zut ! mille z'excuses, Bernard Gensane, me rends compte que réponse un peu longue !!
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A
@Erwan : "Yves ?" votre prénom ne détermine-t-il pas votre génération et votre génération... peut-être, insistons sur peut-être, votre réponse ?<br /> <br /> On ne peut qu'être d'accord avec votre diatribe au sujet du Bac. Mais la forme et le fond en sont malgré tout discutables : que vous le vouliez ou pas certains baccalauréats ont été, dans l'Histoire, sujets à des craintes face aux critiques qu'ils ont engendrées : pour mémoire, citons 1940, 1968 entre autres. Je me rappelle un ami de mon père, gynécologue-obstréticien à la réputation extraordinaire, qui "avait eu (plus exactement obtenu)" son Bac en 1940 et qui toute sa vie, malgré son incontestable expérience, a pensé qu'il avait eu un bac "au rabais" et qu'il ne méritait pas les études poursuivies ensuite ! Alors que faut-il faire ?<br /> <br /> Le contrôle continu ? Soit, mais là aussi que d'injustices et, reconnaissons-le, de "bachotage" pour ceux qui ont capacité de travail rapide et bonne mémoire ! <br /> <br /> Une fois de plus, il n'y a pas de "vérité", tout au plus des constats... non résolus et qui ne sont pas, apparemment, sur le point de l'être ! Aujourd'hui comme hier, le milieu social permet la réussite et vous le dites, "un élève qui va au théâtre à l'opéra, au sport, fait du piano ne part pas sur le même pied d'égalité qu'un jeune qui n'a que la télévision ou internet pour s'évader". Dès le départ donc, les enfants de prolétaires ont eu l'habitude d'entendre Johny et d'apprécier le cassoulet et les fils de notables d'entendre Vivaldi et de manger du foie gras et, surtout, ne vont pas dans les mêmes établissements, ce qui est effectivement "une catastrophe pour les classes populaires". Les chances de réussite ne sont-elles pas déjà quelque peu compromises ? Pas besoin de se revendiquer de "gôôche" pour prendre conscience que, en réalité, rien n'a guère évolué ! Et je ne pense pas pas que ce soit avec le Président que nous avons, qui n'est pas de gôôche mais bien en place grâce au pouvoir d'argent, qu'elles évolueront. <br /> <br /> Quant à Bourdieu ! Ah ! le Bourdieu des années 1980 écouté, répété, encensé comme un "oracle" ! Son "habitus" (conditionnements qui déterminent l'individu et influent sur sa vie professionnelle et privée) nous en mettait plein la vue. Il était de bon ton de ne pas montrer son incapacité à comprendre son jargon jargonnant, il fallait avant tout avoir l'air d'approuver. Exemple : <br /> <br /> "L'effet de pré-vision ou de théorie (entendu comme l'effet d'imposition de principes de di-vision que réalise toute explicitation) joue dans la marge d'incertitude qui résulte de la discontinuité entre les évidences silencieuses de l'ethos et les manifestations publiques du logos : à la faveur de l'allodoxia que rend possible la distance entre l'ordre de la pratique et l'ordre du discours, les mêmes dispositions peuvent se reconnaître dans des prises de position très différentes, parfois opposées." (Ce que parler veut dire, Fayard 1982, pp. 156-157).<br /> <br /> Quant à "l'exemple sur les médecins", il va sans dire que les études, même avec les aides, sont longues et... coûteuses à plus forte raison lorsque l'étudiant(e) se spécialise. Et combien d'étudiants en médecine qui terminent leurs études sortent des "classes populaires" ? Bof ! bof ! bof ! Pas d'accord avec Lavoisier : "Rien ne se perd, rien ne se crée, RIEN ne se transforme" ! (propos personnel discutable bien sûr).
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E
Je vous croyais de notre bord (à gauche) au fond, je me rends compte que vous êtes surtout un sacré conservateur.<br /> <br /> La critique visant sans cesse à humilier ceux qui ont eu leur bac est historiquement issu de la bourgeoisie qui ne supporte pas que les classes populaires puissent s'élever à leur niveau. <br /> <br /> Vous dites que le bac ne vaut plus rien mais vous voulez quoi? Qu'on retourne au bon vieux temps du petit lycée où les petits fils de bourgeois avaient leur destin tout tracé et les travailleurs allaient à l'usine ou aux champs dès la fin de la cinquième?<br /> <br /> La méritocratie? Parlons-en justement: lisez les analyses de Bourdieu. Vous pensez réellement qu'un élève qui va au théâtre à l'opéra, au sport, fait du piano part sur le même pied d'égalité qu'un jeune qui n'a que la télévision ou internet pour s'évader?<br /> <br /> Et vos exemples sur les médecins non mais stop l'argument ridicule! On parle du bac là, qui doit être un diplôme exigeant certes, mais gardons la mesure! On ne va pas donner des diplômes d'anesthésiste dans des paquets à lessives. Votre image sur 68 d'ailleurs est cocasse puisque on n'a pas assisté à un écroulement de la France parce qu'on a donné le bac. <br /> <br /> Pour cette année, que vouliez-vous faire? Faire le bac comme d'hab, avoir un taux d'échec énorme et des élèves traumatisés et victimes d'injustice?<br /> <br /> La seule chose sur laquelle je serai d'accord avec vous c'est le fait qu'il est devenu un contrôle continu et non plus un diplôme national dont les résultats les ne pouvaient être contestés. <br /> <br /> Aujourd'hui, les grandes écoles et prépa pourront sélectionner selon les réputations des lycées et c'est une catastrophe pour les classes populaires.
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G
Ce texte n'est pas de moi mais je l'approuve globalement. Trois de mes très proches viennent d'avoir CE bac (et brillamment). Elles ont été très contentes que cela passe comme une lettre à la poste mais, dans le même temps, un goût de cendre leur est resté dans la bouche car elles ont été frustrées de ne pas passer l'épreuve et car elles savent que ce bac est marqué au fer rouge.<br /> Je suis de la génération de Bourdieu et même, mieux, de Baudelot et Establet qui ont démontré il y a 50 ans que les examens, les concours républicains étaient inégalitaires car non seulement ils masquaient les inégalités culturelles et sociales mais, en plus, ils renforçaient celles qui existaient déjà.<br /> En effet, la bourgeoisie financière est contre tous les diplômes nationaux. Son travail de sape a commencé il y a fort longtemps. Après avoir passé 10 ans en Afrique, je suis rentré en France à la fin des années 80 et, en tant qu'universitaire, j'ai présidé des jurys de Bac. J'ai été sidéré de voir à quel point, vers 1980, on délibérait dans la décontraction la plus totale, au rattrapage en particulier. Je n'avais pas présidé mon jury depuis 5 minutes que je recevais un coup de téléphone du cabinet du recteur me disant : ce serait bien que vous arriviez à 87% de reçus. En Côte d'Ivoire, je n'avais jamais subi ce type de pression. Je répondis à ce fonctionnaire servile : "le jury est souverain, on verra".
C
Nice blog! Bonne continuité :)
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G
Merci beaucoup.