Surprise, surprise, nous citons Capital sous la plume de Jean-Victor Semeraro : « L’État consacrerait au moins 160 milliards d’euros par an pour régler les factures liées à la sous-traitance de ses missions.
Pour mener à bien ses missions, l’État doit recourir massivement à l’appui d’entreprises privées. Un quart de son budget annuel, entre 160 et 190 milliards d’euros, serait consacré à rémunérer des opérateurs privés. Concrètement, la sous-traitance aussi appelée “externalisation” consiste à “confier à un acteur privé la réalisation de tout ou partie de l’action publique, en autonomie ou en soutien des collectivités publiques”. Elle peut prendre deux formes distinctes : s’opérer sous le régime de la concession ou de la délégation de service public (par exemple pour la gestion des transports publics) ou via des prestations de services privées qui sont des missions plus ponctuelles (à l’hôpital, à l’école…).
La facture coûte très cher à l’État : 120 milliards d’euros de délégation de service public et 43 milliards d’euros par an de marchés de prestations. Ce qui représenterait, au total, environ 7% du produit intérieur brut (PIB). Cette sous-traitance s’est accrue de manière contrainte. Elle constitue une réponse obligée à un certain nombre de normes budgétaires et juridiques imposées à l’administration. La sous-traitance est souvent présentée comme un “ outil de modernisation ” ou encore comme un moyen de “ réduction des coûts de fonctionnement et d’amélioration de leur qualité ”.
Cette politique a été dictée par un raisonnement financier, et symbolisée notamment à l’époque du président Sarkozy par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui conduit pourtant à un paradoxe. Faute de trouver les compétences en son sein, l’État est obligé d’embaucher à l’extérieur, à l’instar de consultants spécialisés dont le coût peut s’élever à 1.500 euros hors taxe par jour. Financièrement, le recours à la sous-traitance contredit alors l’objectif initial de réduction des coûts. Au-delà de ce paradoxe financier, la puissance publique s’est progressivement retrouvée dépossédée d’une connaissance fine de certains métiers. C’est donc tout un capital immatériel, tout un savoir-faire que l’État a perdu au fil des ans. Et l’exemple récent du contrat passé avec le cabinet de conseils McKinsey pour le pilotage de la stratégie de vaccination contre le Covid-19 en est une bonne illustration. Le recours aux prestataires privés fonctionne en outre comme un ‘cliquet’ à la fois technique et budgétaire, qui limite tout retour en arrière. C’est la souveraineté de l’État qui est en jeu. »
L’Obs décrit les palinodies de Macron face aux brevets sur les vaccins en faisant du suivisme par rapport aux États-Unis : « En juin 2020, Emmanuel Macron avait assuré que le vaccin devait être « un bien public mondial ». Si un texte signé entre les 164 Etats membre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) protège les brevets, les règles sur la propriété intellectuelle peuvent toutefois être contournées grâce un outil juridique permettant d’imposer à l’industrie pharmaceutique de mettre entre parenthèses des droits de propriété en cas de situation d’urgence, comme une pandémie. Mais depuis juin 2020, la France a voté à deux reprises contre une résolution pour lever des brevets, en s’opposant en octobre et en mars à des propositions déposées à l’OMC. Macron avait estimé en février que la levée des brevets devait être une solution de dernier recours, en cas de manque de coopération de la part des fabricants. Tout récemment, il s’est finalement dit « favorable à la levée de la propriété intellectuelle ». « Nous devons faire de ce vaccin un bien public mondial mais la priorité aujourd’hui est sur deux choses : le don de la production de doses à court terme. La deuxième chose c’est de produire en partenariat, pour et avec les pays les plus pauvres pour qu’il y ait ce transfert de technologie. »
Enfin dans Le Monde Diplomatique, Évelyne Pieiller expose les dangers de la résilience : « la résilience est partout et la résistance nulle part : « Jusqu’où aller dans la mise en œuvre de nouvelles contraintes, et comment y aller ? Comment faire pour qu’elles apparaissent justifiées, voire bénéfiques, pour s’assurer de leur acceptabilité sociale ? Le recours aux sciences cognitives permet d’armer dans ce but les politiques publiques et de contribuer à un modelage de nos comportements ; ce qu’illustre la valorisation de la « résilience ».