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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 13:05

Par Raphaëlle Gensane, étudiante en droit public

Après l’explosion sur le pont de Crimée le 8 octobre 2022 dans le cadre du conflit russo- ukrainien, Vladimir Poutine accuse les services secrets ukrainiens d’avoir commis un « acte terroriste ». À l’inverse, Vladimir Poutine qualifie son attaque en Ukraine d’« opération militaire spéciale ». Il n’emploie pas le mot « guerre », voire les termes de « terrorisme d’État », pour décrire ses actes, ce qui aurait paru pourtant le plus approprié juridiquement quand nous analysons la situation : un conflit entre deux États qui vise également des civils. Le choix des mots qu’utilise Vladimir Poutine est très important. L’expression « opération militaire spéciale » n’engendrera pas le même effet que les termes « guerre » ou « acte terroriste ». Il en est de même pour les termes « partisan » et « terroriste » : le choix d’en employer un au lieu de l’autre créera un sentiment différent chez la personne qui les entend.

 

Julien Freund, dans la postface à Terre et Mer de Carl Schmitt, avait fait une analogie entre le corsaire et le pirate, d’une part, et entre le partisan et le terroriste, d’autre part : « la guerre des partisans et le terrorisme actuel sont en quelque sorte la reproduction terrienne du corsaire et du pirate. [...] La figure actuelle du partisan est pour ainsi dire la réplique terrienne du corsaire, celle du terroriste la réplique du pirate. Sans doute y a-t-il une logique jusque dans l’irrégularité, en ce sens qu’il fut parfois délicat de tracer une limite entre le corsaire et le pirate ; il en est de même pour le cas du partisan et du terroriste ». Comme l’atteste Julien Freund, il existe des points communs indéniables entre la figure du partisan et celle du terroriste. Toutefois, ces deux figures de la guerre irrégulière ne peuvent s’intervertir complètement. Nous comptons de trop nombreuses différences, ne serait-ce que dans leurs objectifs propres, pour penser que nous pourrions employer un terme pour l’autre.

 

Un partisan est défini de la manière suivante : un « combattant n’appartenant pas à une armée régulière et luttant pour un idéal national, politique, religieux... ». Une guerre de partisans peut être décrite par des « actions ponctuelles et répétitives menées parallèlement à celles des armées régulières ».

 

Un terroriste, quant à lui, est généralement un « membre d’une organisation politique qui exécute des actes de terrorisme pour imposer ses conceptions idéologiques ». Le terrorisme se caractérise comme « l’ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages...) commis par une organisation ou un individu pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système ».

 

Julien Freund écrit en 1990 que « les deux figures ont joué un rôle essentiel dans les mouvements révolutionnaires modernes, depuis la fin du XVIIIème siècle, ainsi que dans la plupart des guerres modernes ». Après les attentats du 11 septembre 2001, le mot « terrorisme » et notamment la notion de « guerre au terrorisme » ont pris une place grandissante dans la bouche des Occidentaux. Le « terrorisme » est devenu l’ennemi numéro un à combattre et, in fine, à anéantir. Il peut être constaté une importante prolifération d’articles universitaires sur ce sujet.

 

Toutefois, les deux termes sont anciens. Carl Schmitt a retrouvé des ordonnances françaises de 1595 relatives à la résistance contre une invasion ennemie utilisant le terme de « partisan ». Le terme « terrorisme » a été utilisé pour la première fois en 1794 pour désigner « la doctrine des partisans de la Terreur » pendant la Révolution française, sous le comité de salut public.

 

En étudiant la relation entre le partisan et le terroriste, nous nous demanderons s’ils peuvent nécessairement être distingués l’un de l’autre.

 

Dans une première partie, nous montrerons les traits similaires du partisan et du terroriste à travers leur qualité commune de combattant irrégulier (I). Ensuite, nous nous pencherons sur leurs différences en soulignant particulièrement les moyens d’action et les buts propres à chacun (II). Dans la dernière partie, nous verrons qu’in fine, les termes de « partisan » et de « terroriste » sont politiques et que les qualités respectives de partisan et de terroriste dépendent du point de vue de la personne ou entité qui les qualifie comme tels (III).

 

I. Deux types de combattants irréguliers appartenant à la sphère non institutionnalisée

 

Julien Freund, dans son article « Le partisan et le terroriste », écrivait que « Pour nombre d’esprits les deux figures [celles du partisan et du terroriste] se confondent et n’offriraient d’autre intérêt que celui de marginaux de la véritable politique ».

 

Les deux figures ne jouent pas un rôle dans la guerre régulière, considérée comme la guerre « classique ». La guerre régulière est interétatique : elle oppose deux États avec leur armée professionnelle « après une déclaration de guerre et s’achève par la signature d’un traité de paix ». L’objectif pour l’État est d’étendre ou de préserver son territoire et d’amasser des richesses.

 

Jean-Claude Monod, dans Penser l’ennemi, affronter l’exception, relève les similitudes entre la guerre régulière et le duel. Premièrement, dans le cas du duel, comme dans la guerre régulière, on ne se bat pas contre n’importe qui mais contre un adversaire de son rang. Ensuite, il y a des règles à suivre : « la guerre doit être déclarée et certaines armes ou certaines stratégies sont proscrites ». Troisièmement, le conflit se déroule sous le regard de tiers (d’autres États) qui veillent à ce que les règles soient respectées. Enfin, on se bat pour des litiges précis, avec des buts déterminés. La guerre régulière doit finir par une paix négociée et ne vise pas l’anéantissement de l’adversaire, contrairement à ce que le président George W. Bush avait affirmé devant le Congrès des États-Unis le 11 septembre 2001 : la détermination de son pays à anéantir le terrorisme. La notion d’anéantissement de l’ennemi n’est pas récente : Robespierre, sous le gouvernement de la Terreur, appelait déjà à « anéantir, exterminer, détruire définitivement l’ennemi ».

 

Après la Seconde Guerre mondiale, les guerres régulières se raréfient. À l’automne 2021, David Cumin soulignait que la dernière guerre interétatique symétrique était celle opposant l’Irak à l’Iran de 1980 à 1988.

 

Le partisan et le terroriste jouent un rôle dans la guerre irrégulière. Gérard Chaliand expliquait dans son article « Guérillas et terrorismes » que « la guérilla et le terrorisme [...] sont des techniques fort anciennes, toutes deux utilisées dans le rapport conflictuel du faible au fort ».

 

Le partisan et le terroriste appartiennent à la « sphère non institutionnalisée de la vie politique [...] [qui] peut comporter des relations pacifiques ou bien des relations conflictuelles et belligènes qui sont source de rivalités dans la société. Le partisan et le terroriste [...] sont issus de l’irruption de l’esprit révolutionnaire dans le paysage politique ». Le partisan et le terroriste sont deux civils armés qui agissent dans la clandestinité. Les deux sont volontaires.

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Contrairement aux armées régulières qui ne sont censées avoir pour cible que des victimes militaires, les combattants irréguliers font des victimes civiles : les attentats de l’Irish Republican Army (IRA) avaient pour cibles des civils. Nous pouvons penser au « vendredi sanglant », le 21 juillet 1972, où vingt-deux bombes explosèrent dans le centre de Belfast, causant la mort de onze personnes et faisant cent trente blessés, presque tous civiles. On peut également penser aux attentats du 13 novembre 2015 perpétrés par l’État islamique à Paris, dont les victimes étaient civiles.

 

Au départ, les partisans et les terroristes ne pouvaient pas bénéficier du statut de prisonnier de guerre. Ils ne remplissaient pas les conditions posées par la Convention de la Haye de 1907. La Convention de la Haye ne s’appliquait qu’aux membres des forces armées et des milices et corps de volontaires s’y rattachant. Ainsi, le droit de la guerre (ou droit humanitaire) ne leur était pas appliqué, et notamment le statut de prisonnier de guerre qui confère une certaine protection : « le prisonnier doit être traité avec humanité et protégé contre les actes de violence. Il conserve sa personnalité civile [...] les travaux insalubres, dangereux ou directement liés à l’activité de guerre sont prohibés. Il doit être libéré sans délai après la fin des hostilité actives ». Selon Jean-Claude Monod, « La distinction combattant régulier/irrégulier comportait effectivement un certain dégradé des droits, les mêmes qualités, la même « dignité », en quelque sorte, n’étant pas reconnues à l’irrégulier qu’au régulier ». Toutefois, suite aux mouvements de résistance et à des actions de partisans pendant la Seconde Guerre mondiale, la Convention de Genève de 1949 a étendu la notion de belligérant aux « membres des autres milices et autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance », à conditions de respecter certaines conditions : avoir un chef responsable, porter ouvertement les armes ainsi qu’un signe distinctif et se conformer aux lois de la guerre. Carl Schmitt a tourné en dérision ces critères car ils vont à l’encontre même de la stratégie du partisan. Ainsi, un combattant qui a commis des actes de terrorisme ne perd pas son statut de prisonnier de guerre. La Cour suprême des États-Unis a rejeté l’argumentaire des autorités du pays en jugeant que l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, qui prévoit des garanties fondamentales pour toutes les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, était applicable aux détenus de la « guerre contre le terrorisme » à Guantanamo. Nous assistons donc à une régularisation de l’irrégulier, ce qui, au niveau des droits de l’Homme, est une avancée.

 

Après avoir énuméré leurs points communs (I), nous nous penchons sur les différences que présentent le partisan et le terroriste (II).

 

II. Deux types de combattants ayant des moyens d’action et des buts propres

 

Selon David Cumin, le partisan est un terroriste qui a réussi à faire passer une société de l’état de paix à l’état de guerre. Le terroriste, quant à lui, est un partisan qui n’a pas réussi à faire passer une société de la paix à la guerre, autrement dit « d’une violence isolée et sporadique (de simples attentats commis par des groupuscules) à une violence ample et continue (des combats collectifs entre parties organisées) ». La différence relève donc du succès ou de l’échec stratégique. Le but, pour les deux combattants, est de faire passer la société de la paix à la guerre.

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David Cumin divise les partisans du temps de guerre en quatre catégories : les francs-tireurs luttant contre une invasion étrangère, les résistants luttant contre une occupation étrangère, les guérilleros luttant contre une puissance coloniale et les rebelles, luttant contre le gouvernement.

 

Julien Freund, dans « Le partisan et le terroriste », explique qu’un groupe de partisan, pour exister dans la durée, doit remplir deux conditions. Tout d’abord, il doit avoir le soutien d’une partie importante de la population autochtone. Également, il doit avoir l’appui d’un tiers légitime : une puissance extérieure régulière et internationalement reconnue. Il en déduit que Raoul Salan et l’OAS étaient condamnés à l’échec parce que la majorité de la population algérienne, pendant la guerre d’Algérie, leur était hostile et qu’ils n’avaient pas de soutien sur le plan international. À l’inverse, le Front de libération nationale (FLN) pouvait compter sur les pays arabes et sur les pays socialistes. Julien Freund prend aussi l’exemple de l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro soutenue par le gouvernement des États-Unis en 1959, ou encore les résistants français pendant la Seconde Guerre mondiale aidés par les Britanniques.

 

Pour Carl Schmitt, le partisan se bat sur son terrain. Il défend sa terre au sein de sa population. Il a un caractère « tellurique ». Il veut chasser l’envahisseur. Son comportement est défensif. Il a un ennemi réel et les hostilités s’arrêtent une fois que l’ennemi est repoussé hors des frontières. Jean-Claude Monod illustre le propos de Carl Schmitt avec deux exemples : « le FLN ne voulait pas de la destruction de la France, l’ETA ne veut pas de la destruction de l’Espagne ».

 

À l’inverse du partisan tellurique, Carl Schmitt décrit le partisan déterritorialisé qui vise un ennemi mondial et absolu. Dans Le catéchisme du révolutionnaire écrit en 1869 par Sergueï Netchaïev, l’un des textes fondamentaux du terrorisme selon Julien Freund, l’objectif du terrorisme est de « regrouper le monde en une force invisible qui détruira tout ». Dans « Le partisan et le terroriste », le terroriste est décrit comme l’agent d’une idée abstraite, de nature souvent eschatologique, qu’il applique à l’ensemble du genre humain. Cette idée est générale (libération du genre humain, égalité généralisée...) et irréalisable. Julien Freund ajoute « qu’on peut s’entendre sur un objectif concret, comme la libération d’un territoire, mais non sur une idée purement théorique [...] Du moment que l’idée est irréalisable et qu’elle n’est pas pertinente au regard des possibilités humaines, il ne reste que la terreur pour essayer de la faire triompher ».

 

Jenny Raflik, dans son article « Les expressions du terrorisme dans l’histoire contemporaine », énumère trois « familles » de terrorisme. Tout d’abord, le terrorisme idéologique et révolutionnaire comprend les anarchistes du XIXème siècle, les mouvements d’extrême gauche des années 1970-1980, tel Action directe, qui veulent poursuivre la révolution par d’autres moyens. Ce terrorisme est une stratégie et non une tactique. Le deuxième groupe est celui du terrorisme ethno-nationaliste où les objectifs sont locaux et territoriaux, liés à des frontières et à des populations précises. Jenny Raflik prend l’exemple de l’IRA qui combattait pour l’indépendance irlandaise, et de l’ETA qui revendiquait l’indépendance puis l’autonomie basque. Les inspirations des groupes peuvent être de droite, de gauche, religieuses, ou non religieuses. Ce terrorisme est plus une tactique qu’une stratégie. Enfin, le dernier groupe est le terrorisme identitaire. Pour Jenny Raflik, des mouvements comme le Ku Klux Klan, les Black Panthers ou les groupes islamistes actuels font appel à la fois à un sentiment identitaire et à une idéologie : « Ils peuvent revendiquer des frontières ou un territoire, dont la réalisation apparaît utopique et la base historique fantasmée (l’Amérique blanche, le califat universel), au nom d’une idéologie (raciale et/ou religieuse) ».

 

Outre le but considéré comme irréalisable, Jordan Paust a défini l’objectif de l’acte terroriste comme « utiliser la terreur et l’angoisse ainsi suscitées afin de contraindre la cible principale à adopter une conduite donnée ou à modifier sa politique dans le sens souhaité ». Alain de Benoist, dans « Du partisan au terroriste global », ajoutait que la cible principale n’est jamais celle qui est visée d’emblée, mais celle qu’on veut atteindre par ricochet : « le but recherché n’est pas tant de détruire les Twin Towers que de provoquer dans l’opinion un traumatisme que ne manquera pas de produire le spectacle de leur destruction ».

 

Alain de Benoist relève la corrélation entre l’essor du terrorisme et l’expansion du système médiatique mondial qui, grâce au direct, démultiplie l’impact émotionnel. Paul Virilio souligne que « l’arme de communication massive est stratégiquement supérieure à l’arme de destruction massive ». Les médias deviennent des complices malgré eux : « les uns produisent la terreur dans l’attente que les autres la propagent ». Alain de Benoist signale que le terrorisme constitue ainsi un jeu à quatre : les terroristes, les victimes, la « cible principale » et les médias.

 

Pour atteindre ses cibles, le terroriste est prêt à tout, voire à commettre des attentats-suicides. Les institutions internationales dénoncent les pratiques des kamikazes et, quand celles-ci touchent les populations civiles, ce qui est le but, qualifient ces derniers de « terroristes ».

 

Le terrorisme, afin d’avoir le plus de retentissement possible, va viser des personnalités importantes : des anarchistes italiens à la fin du XIXème siècle avaient assassiné le président français Sadi Carnot et l’impératrice Elisabeth d’Autriche. Le terrorisme suit ainsi le principe de l’adage chinois « mieux vaut tuer un et être vu de mille que tuer mille et n’être vu que d’un ».

 

Après son utilisation par les anarchistes au XIXème siècle, Gérard Chaliand date à 1968 le moment où le terrorisme refait surface. Il était alors secondaire par rapport à la guérilla. En 1968, il s’agit « d’un substitut à la guérilla, utilisé par des organisations qui ne sont pas en mesure de mener cette dernière, soit par manque de base sociale, soit parce que l’adversaire est trop puissant ». Gérard Chaliand en conclut que « si la guérilla est l’arme du faible, le terrorisme, utilisé de façon exclusive, est l’arme du plus faible encore ». L’auteur prend l’exemple des organisations palestiniennes : faute d’arriver à mener une guérilla en Cisjordanie, le Front populaire de libération de Palestine décide de détourner un avion d’une compagnie israélienne le 23 juillet 1968, ce que Gérard Chaliand qualifie de « terrorisme publicitaire ».

 

Enfin, une autre différence entre le partisan et le terroriste a été mise en lumière dans Penser l’ennemi, affronter l’exception : « selon la directrice du Security service anglais, « la nouvelle phase [du terrorisme après les attentats du 11 septembre] est caractérisée par des groupes qui n’ont aucun intérêt à la négociation », à la différence des mouvements nationalistes, indépendantistes ou « révolutionnaires », qui [...] émettent des revendications, négocient ». Ainsi, le partisan se rapproche du combattant régulier en ce qu’il cherche à être en contact avec l’adversaire, à négocier des termes afin d’arriver à son objectif précis. Mao Zedong répétait que « la guerre des partisans obéit aux lois générales de la guerre ». Le terroriste ne cherche pas à négocier avec l’autre (excepté pour libérer des otages en échange de terroristes capturés). Il ne voit pas l’autre comme un adversaire avec lequel négocier. Il en est de même des gouvernements qui qualifient telle personne ou tel groupe de « terroriste » afin de les déligitimer et de ne pas les considérer comme un adversaire mais plutôt comme un ennemi à anéantir.

 

Après nous être penchée sur leurs points communs (I) et leurs différences (II), nous montrerons que les termes de « partisan » et de « terroriste » ne sont pas neutres et que qualifier une personne ou une organisation de partisane ou de terroriste comporte toujours un enjeu (III).

 

III. Le « partisan » et le « terroriste » : deux termes indéniablement subjectifs et politiques

 

Bien que le partisan et le terroriste présentent des points communs et des différences, les notions de « partisan » et de « terroriste » peuvent devenir subjectives selon qui y a recours.

 

Pierre Conesa expliquait lors d’une interview à la radio que, dans les années 1980, une trentaine de groupes terroristes étaient recensés. Autour de 1998, on compte soixante-six groupes terroristes dont une cinquantaine était de type islamiste. Toutefois, ces statistiques proviennent du département d’État des États-Unis. Ce même pays ne considérait pas comme un terroriste Timothy McVeigh, un extrémiste anti-gouvernement et suprémaciste blanc, qui avait perpétré en 1995 un attentat contre un bâtiment fédéral dans le centre d’Oklahoma City causant 168 morts.

 

Pierre Conesa ajoute que c’est le chef de la pensée stratégique mondiale, en l’occurrence, aujourd’hui, les États-Unis, qui décide que tel individu est un radical et que tel autre ne l’est pas. Toutefois, les États ne suivent pas toujours le chef de la pensée stratégique mondiale : Pierre Conesa illustre cette idée avec la ligue de défense juive qui n’est pas considérée en France comme un groupe terroriste alors que c’est le cas aux États-Unis.

 

Un autre exemple célèbre est celui des résistants au régime nazi qui se qualifiaient de « partisans » mais que les nazis présentaient comme des terroristes. Alain de Benoist explique que « les « résistants » des uns sont les « terroristes » des autres. [...] Les mêmes Talibans qu’on qualifiait de « combattants de la liberté » à l’époque de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge sont instantanément devenus des « terroristes » quand ils ont commencé à utiliser les mêmes méthodes contre leurs anciens alliés ».

 

Alain de Benoist souligne que la frontière entre résistant et terroriste est d’autant plus fine que « certains évènements ou changements de régime ont porté d’anciens groupes terroristes au pouvoir [...] : l’Algérie [avec le FLN] et Israël [avec la spoliation des Palestiniens] doivent en partie leur naissance en tant que pays indépendants à un recours systématique au terrorisme ». L’auteur ajoute qu’après 1945, lors des luttes pour la décolonisation, des minorités armées se considéraient comme des organisations de résistance face à des États qui les qualifiaient de groupements « subversifs » et « terroristes ». Cependant, une fois que le combat de ces minorités armées était fini, «les moyens qu’elles avaient employés apparurent rétrospectivement comme justifiés ».

 

Une autre nuance est à apporter, cette fois-ci, entre le combattant régulier et le combattant irrégulier. La lumière est mise, de nos jours, sur les organisations terroristes qui ont un retentissement médiatique très important, comme elles causent parfois la mort de dizaines, voire de centaines, de civils. Toutefois, s’attaquer aux populations civiles n’est pas le monopole du combattant irrégulier. Combien de fois des armées conventionnelles s’en sont-elles prises aux populations civiles ? Cela se produisit lors de la Seconde Guerre mondiale ainsi que l’ont montré des massacres de population en guise de représailles (Oradour-sur-Glane, Lidice), ou encore le bombardement de villes par des armées étatiques en tant que menace (Hiroshima, Nagasaki). Le bombardement de ces villes serait considéré comme un acte terroriste s’il avait été le fait d'un combattant irrégulier et non pas d’une armée étatique.

A suivre...

Peut-on nécessairement distinguer le partisan du terroriste ? (I)
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