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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 06:16

http://ecolaujardin.pagesperso-orange.fr/img/Pluviometre.jpgJ’entendais tout récemment à la radio un fermier (cultivateur, agriculteur, exploitant agricole, artisan paysager – voire paysagiste ?) craindre pour la sécheresse qui sévit actuellement dans plusieurs régions de France. Il disait que « le niveau de la pluviométrie » était trop bas.


Quand j’étais enfant, j’imagine que cette même personne aurait dit : « il ne pleut pas assez », ou encore « il nous faudrait de la pluie ».

Le problème est que nous sommes à une époque où, pour des raisons très complexes que je ne me sens pas capable d’analyser, mais qui ont sûrement un rapport avec la peur du réel, le brouillage des codes, un certain snobisme, un vrai relâchement intellectuel, nous avons tendance à ne pas nommer les choses telles qu’elles sont dans leur simplicité et leur vérité, ce qui fait que nous les mettons à distance.

Quoi qu’en ait notre exploitant agricole, la pluviométrie n’est pas de l’eau bienfaitrice qui tombe du ciel : c’est une mesure de quantité, une étude de répartition. C’est donc un terme très abstrait qui ne mouille pas le moins du monde, ce qu'il signifie non plus.

Je voudrais donner trois ou quatre autres exemples du même acabit de cette dérive.

Dans le même ordre d'idée, on use et abuse du terme "météo" : quelle météo aurons-nous demain ? Si vous demandez à quelqu'un s'il a eu beau temps en vacances, vous passez pour un plouc. La météorologie est la sciences du temps et, par extension, les services qui s'occupent de … météorologie.

Autrefois, on avait des problèmes. Aujourd’hui, on a des soucis. Mais quand on juge l’affaire sérieuse ou quand on est interrogé par une radio ou une télé, on évoque une problématique. Vous pouvez ainsi faire face à la problématique de la sortie des enfants des écoles à 16 heures au lieu de 16 heures trente (grâce à Sarkozy qui a fait perdre aux gosses en enseignement primaire un mois de scolarité en cinq ans). Le … problème, c’est que la problématique, c’est la sciences de poser les problèmes.

Toujours en ique, vous avez également la thématique, utilisée à la place de thème. Or une thématique est un système de thèmes. Ainsi, la thématique d’une œuvre littéraire est plus vaste et complexe que le thème de cette œuvre.

On ne saurait oublier la technologie. Vous inventez le fil à couper le beurre : c’est une nouvelle technologie. Pourtant, la technologie n’est pas une technique, c’est un discours (logos), c’est l’étude des techniques, des outils, des machines. Dans un lycée technique, on peut recevoir des cours de technologie. Dans un institut de technologie, on peut s’adonner à la technique.

Dans mon blog censuré par nouvelobs.com, j’avais abordé un problème similaire d’aliénation langagière en évoquant le verbe porter, utilisé jusqu’à plus soif par le personnel politique.

Parler avec les mots de l’autre, c’est lui être soumis. Raison pour laquelle des groupes humains, pour des raisons politiques ou non, se sont créées leur propre langage pour se distinguer de la “ distinction ” (Bourdieu) : taulards, truands, marchandes des Halles, mineurs de fonds, cyclistes professionnels.

Comme disait Hugo, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Je dirai dans cette optique que les pratiques militantes ont commencé à avoir du mou lorsque – il y a dix, quinze ans, environ – les responsables politiques de gauche ont mis le verbe “ porter ” à toutes les sauces. D’abord les socialistes, puis les communistes, la CGT, même le NPA. Ainsi, on « porte une revendication », on « porte un programme », ce qui ne veut rien dire, mais ce qui fait très « partenaire social ». Comme si on portait des fleurs ou des escarpins. Aubry, Buffet, Thibault utilisent ce verbe dix fois par discours. On a donc cessé de « défendre » une revendication (ou de la « soutenir »), on a cessé de vouloir « imposer » un programme.

Quand on fait passer des mots à la trappe, ce sont les idées que ces mots incarnent (et non pas « portent ») qui disparaissent.

 

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commentaires

T
<br /> Le problème avec 'temps', c’est son ambiguïté. La plupart des autres langues distinguent les différents sens: time/weather, Zeit/Wetter, tiempo/temporada etc. C’est peut-être ce qui explique le<br /> succès du mot 'météo', lequel, au demeurant, n’a rien de ronflant.<br /> <br /> <br />
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