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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 06:53

http://perlbal.hi-pi.com/blog-images/199691/gd/131934988492/Incivilites.jpgDepuis une dizaine d’années, on emploie ce terme d’incivilité. C’est du politiquement correct, de la démission, un refus du réel. Un élève frappe violemment son professeur, c’est de l’incivilité. Un individu vandalise la voiture de son voisin : idem. Dans les faits, l’incivilité étant le contraire de la civilité, elle est le contraire de la courtoisie, de la bienséance, de la politesse. Quand les mots ont un sens, ne pas offrir sa place de métro à une femme enceinte est une marque d’incivilité. Hurler « crève, salope ! » à son professeur, c’est autre chose.

 

La liste électronique de la Société des anglicistes de l’enseignement supérieur (SAES), dont je suis destinataire, est agitée depuis quelques jours par la relation d’un grave incident dont a été victime une de nos collègues. Au beau milieu d’un de ses cours, un étudiant se met à hurler. L'enseignante demande à l’étudiant de quitter la salle de classe, espérant le soutien des autres étudiants. Rien ne se passe. Un des étudiants braille alors : « Finis ton cours de merde ! ». L’enseignant quitte la classe. Cette collègue nous écrit pour nous informer et nous demander conseil.

 

Donner un ou des conseils après coup est toujours facile quand on n’a pas été soi-même dans le feu de l’action. J’en donnerai néanmoins deux.

-       Ne jamais quitter la classe (sauf s’il y a danger, bien sûr). D’abord c’est interdit : l’enseignant est responsable de sa classe. Ensuite, c’est une démission, donc une défaite.

-       L’administration française a ses lourdeurs qui ont leur intérêt. Il faut laisser une trace écrite de ce qui s’est passé en alertant la hiérarchie, officiellement et de manière très circonstanciée. C’est le seul moyen de briser la solitude, de rendre l’affaire publique en espérant que le nœud sera tranché.

 

Ces « incivilités » dans l’enseignement supérieur ne datent pas d’hier mais eussent été inconcevables quand j’étais moi-même étudiant ou jeune enseignant. J’en donne un seul exemple. Il y a une bonne dizaine d’années, dans l’université de Tours, une collègue (non angliciste) demande à une étudiante qui, pour la nième fois, entrait en cours de TD avec un quart d’heure de retard et en claquant la porte, de ressortir. L’étudiante refuse et hurle : « Vous nous faites chier ! ».

 

L’enseignante décide de porter l’affaire devant le conseil de discipline. Elle écrit au président de cette instance, par la voie hiérarchique, évidemment. La directrice de l’UFR bloque la lettre et signifie à la collègue son refus de la transmettre. Très étonnée, la collègue proteste. Réponse orale de la directrice : « Elle ne t’a pas frappée, tout de même. »

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commentaires

F
L’enseignante décide de porter l’affaire devant le conseil de discipline. Elle écrit au président de cette instance, par la voie hiérarchique, évidemment. La directrice de l’UFR bloque la lettre et signifie à la collègue son refus de la transmettre. Très étonnée, la collègue proteste. Réponse orale de la directrice : « Elle ne t’a pas frappée, tout de même. »
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T
J’ai bien lu tout votre billet. Mais la frontière est parfois ténue entre harcèlement systématique d’un professeur, comme cela s’est vu en mai ’68, et franche grossièreté. On lira avec intérêt le<br /> témoignage d’Albert Memmi, qui relate les traumatismes subis par certains professeurs, ce qui n’est rien, bien sûr, en regard des nobles buts poursuivis par les soixante-huitards. Le jugement de<br /> Memmi sur mai ’68 est du reste très sévère, et m’amène à m’étonner que vous vous gargarisiez aussi volontiers d’avoir pris part à cette grande épopée intellectuelle. Pour ma part, je me félicité<br /> d’avoir été à la fac à un moment où toute cette affaire était révolue depuis de longues années.
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B
<br /> <br /> Je ne me gargarise pas. Ce fut un fort moment d'éducation politique. Pour les gens qui m'avaient précédé en âge, l'Algérie avait joué ce rôle. Mai 68 a accéléré l'arrivée de certaines choses :<br /> droit de vote à 18 ans, droit à l'avortement, reconnaissance de la réalité homosexuelle, droits des travailleurs dans l'entreprise, désacralisation d'une certaine manière de faire de la<br /> politique. Il y eut des bavures, mais peu quand on pense que 9 étudiants sur 10 étaient dans le mouvement, et près de 10 millions de travailleurs vers la fin mai.<br /> <br /> <br /> "Noble but", "grande épopée". Ne soyez pas ironique. Pensez au noble but et à la grande épopée des Peyrefitte et autre Marcellin ou Fouché qui voulaient nous écraser.<br /> <br /> <br /> Vous avez été à la fac à un un autre moment : la belle affaire ! Vous n'imaginez pas une seconde ce qu'était la fac avant 68 : mandarinat (politique, mais aussi pédagogique), aucune démocratie<br /> (les doyens étaient nommés par les recteurs dans l'opacité la plus totale), nominations et promotions des enseignants on ne peut plus mystérieuses, méthodes complètement surannées datant de la<br /> Sorbonne d'avant-guerre. Dans ma fac, il y avait 1 prof de phonétique, en anglais, mais pas en allemand, pas en espagnol. Dans les cours, jamais on n'aurait pu étudier Barthes ou Lévi-Strauss.<br /> <br /> <br /> la seule figure de proue du mouvement qui a remis en cause ce mouvement est Cohn-Bendit. Normal. Libéral-libertaire, pote politique de Madelin.<br /> <br /> <br /> <br />
F
Bonjour, je partage votre point de vue. On confond trop souvent violence et incivilités. Malheureusement, pas assez d'initiatives pédagogiques pour tenter d'enrayer cette "tendance". Quant à moi,<br /> j'ai écrit "les petites incivilités quotidiennes dans les transports en commun" et je publie dans un mois, "les petites incivilités quotidiennes sur la route". Nous devons aussi donner l'exemple<br /> aux jeunes du savoir-vivre ensemble !<br /> Cordialement
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T
« Ces "incivilités" dans l’enseignement supérieur ne datent pas d’hier mais eussent été inconcevables quand j’étais moi-même étudiant »<br /> <br /> Euh, vous avez bien dû chahuter un peu en mai 68 ?
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B
<br /> <br /> Non, pas du tout. On était avec eux (ou contre eux) dans les AG. Ça discutait ferme. Mais il ne nous serait pas venu à l'idée de les insulter. Avez-vous lu mon tout récent hommage à André Crépin<br /> à ce sujet ?<br /> <br /> <br /> <br />