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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 06:04

 

À faire étudier dans les bonnes écoles de journalisme (s’il en reste)

 

http://www.passioncompassion1418.com/bibliotheque/imagesBiblio/Site%20romans%20et%20temoins/SiteContreBourrageCrane.jpgEn quatre jours, les médias ont mis en scène [au sens propre du mot]  trois événements différents, dont je souhaite établir les liens : le  mariage du petit-fils de la reine d'Angleterre, la béatification du pape  Jean-Paul II et la mort d'Oussama Ben Laden.

 

Ces trois événements n'ont rien à voir les uns avec les autres. Ils se  déroulent dans des pays différents (Angleterre, Italie, Pakistan), deux d'entre eux étaient prévus, le troisième était inopiné. L'un était mondain, l'autre religieux, le troisième politique. Les deux premiers étaient pacifiques, le troisième violent. Les deux premiers ont donné lieu à une foule d'images, tournées sous tous les angles, le troisième a été (par nécessité, par nature) dépourvu d'images.

Qu'ont-ils néanmoins en commun ?

 

1. D'abord leur absence totale de conséquences.

 

- Le mariage du prince William (au fait, pourquoi ne dit-on pas Guillaume, alors que l'historiographie française nomme ainsi les trois rois d'Angleterre qui ont porté  ce nom ?) est celui d'un individu qui, vraisemblablement (vu la longévité de son arrière-grand-mère, la robustesse - au moins apparente - de l'actuelle reine et les 90 ans encore verts du duc d'Edimbourg) ne sera roi, au mieux, que d'ici 30 ou 40 ans, et juste pour une fonction honorifique.

 

- La béatification du pape ne concerne que les catholiques pratiquants (et encore que ceux qui sont attachés au culte de dulie) et la béatification n'est que la deuxième des étapes qui conduisent à la canonisation, la première étant l'élévation au niveau de vénérable. [Il y a trois niveaux menant au sommet de la vénération, comme il y a trois niveaux menant au sommet de la hiérarchie militaire : officiers subalternes, officiers supérieurs, officiers généraux. Les saints sont des vénérables à cinq étoiles].

 

- La liquidation de Ben Laden, enfin, risque de ne pas changer grand chose ni aux contestations islamistes (qui ne se limitent pas à Al-Qaida), ni à l'opposition résolue et parfois violente d'une partie du monde musulman (opposition qui ne se réduit pas aux islamistes) aux Occidentaux.

 

2. En contrepoint, ce que ces trois événements ont en commun est leur portée symbolique.

 

- Le symbole du mariage princier est celui de la majesté du pouvoir, qui ne prend pleinement ses effets que dans une monarchie, où se mêlent lignée, tradition, hiérarchie et (la reine étant chef de l'Eglise anglicane), religion. [Ce qui est rappelé, entre les lignes, c'est que le pouvoir, ce n'est pas seulement, ici un président de la République inculte et mal éduqué, là un président du conseil qui entretient une prostituée mineure, ailleurs un souverain sanguinaire ou corrompu, ou même, dans le pays concerné, un membre de la famille royale (le frère du marié) en tenue nazie.]

 

- Le symbole de la béatification du pape est aussi celui de la majesté de la religion, du pouvoir (l'Eglise catholique étant hiérarchisée et également reconnue comme Etat en son chef), de la tradition, de l'ancienneté et, si j'ose dire, de la lignée, la suite des papes étant (en dépit des schismes) ininterrompue depuis saint Pierre.

 

- Le symbole de l'exécution de Ben Laden, c'est celui de la toute-puissance américaine, dontle bras vengeur frappe au-delà des lustres, au-delà des murs et au-delà des mers [A la manière dont le supplice de Jacques de Molay, grand maître des Templiers, était censé être vengé sur la personne de Louis XVI, descendant de son bourreau Philippe le Bel]. C'est une manifestation de toute-puissance, destinée à conférer aux exécuteurs un statut quasi-divin... et une sainte frousse à ceux qui osent défier l'Empire !

 

3. Outre cette portée symbolique, ces événements ont une portée idéologique à plusieurs dimensions :

 

- Alors que l'actualité récente extra-européenne, c'est le malheur (séisme, tsunami, désastre nucléaire au Japon), le désordre et la violence (révolte et répression des pays arabes, attentats à Marrakech), l'actualité européenne s'impose par la pérennité de rites pacifiques, lents - le mariage princier et la béatification résultent d'une préparation de plusieurs années - et qui répètent des cérémonies déjà connues. Il ne peut donc rien se passer de malheureux : la béatification, comme le mariage royal (à l'instar du couronnement du roi ou de l'élection du pape) sont des événements qui reviennent comme la floraison des cerisiers ou les hirondelles du printemps. La paix, la joie sont associées aux notions de hiérarchie, de tradition et de religion.

 

- La béatification de Jean-Paul II et l'exécution de Ben Laden sont là, en soutien de ce qui précède, pour rappeler que l'Occident (blanc, capitaliste, chrétien et propre sur lui), pour défendre cette "tranquillité" [qui fait l'impasse sur les ravages de l'ultralibéralisme] sait se défendre contre ses "ennemis". Et ses "ennemis", qui sont-ils ? Le communisme et l'islamisme. Or, bien que cela soit délibérément minimisé, le "mérite" principal de Jean-Paul II n'est pas religieux, il est politique et idéologique ! Il est d'avoir fait "chuter le communisme" par le soutien puissant que son pontificat est censé avoir apporté à la dissidence dans les pays de l'Est. ["Censé avoir" car peu importe que cela soit vrai et que le pontificat de Jean Paul II n'entretienne, avec la chute du communisme, que des rapports de corrélation et non de cause à effet, l'essentiel est que c'est la croyance qui a cours et que propagent les médias dominants].

 

- L'exécution de Ben Laden s'insère dans une tradition, dont l'histoire, la littérature, le cinéma, les actualités, nous ont appris à regarder le déroulement à travers une perspective cinématographique, voire hollywoodienne : "l'ennemi public n° 1" éliminé au bout d'une longue traque : Cartouche, Mandrin, Jules Bonnot, Jacques Mesrine. Pour les États-Unis, Bonnie et Clyde, Dillinger et, sur le plan politique, des personnages aussi divers qu'Adolf Eichmann, Che Guevara, Carlos, Klaus Barbie, Abimaël Guzman (le chef du Sentier Lumineux), Milosevic, Karadzic et Saddam Hussein. Cette exécution s'insère aussi dans toutes les fictions (littéraires ou cinématographiques) où sont opposés à la fois le caractère foncièrement mauvais de l'individu poursuivi et le professionnalisme et le prestige des services secrets (CIA, Mossad, Shin Beth, MI5, DGSE...), proposés à l'admiration des foules. Cette mort illustre la morale simpliste des bandes dessinées, romans, et films américains : les bons ("nous") l'emportent toujours sur les méchants ("eux"), de préférence si ces "méchants" sont pauvres, basanés, communistes ou - pour changer - islamistes...

 

4. Il ne manque même pas, dans les trois cas, les vivats et les

acclamations (à l'apparition des époux princiers, à l'annonce de la

béatification, à l'annonce de la mort de Ben Laden). Ces acclamations

ont la même fonction de renforcement d'adhésion à l'événement (comme les

téléspectateurs d'un match de football et de rugby se sentent confortés

par les acclamations des spectateurs du stade).

 

5. Dernier point : la présence "d'experts" ou de commentateurs qui, en fait, commentent pour enjoliver : dans le cas du mariage princier, la coupe de la robe de la mariée, la robe des chevaux, le composition des bonnets à poil, le menu servi pour la noce ; dans le cas de la béatification, la liste des cardinaux, les dimensions du portrait de Jean Paul II ; dans le cas de l'exécution de Ben Laden, les détails d'une opération dont ils ne savent strictement rien, ainsi que ses conséquences, dont ils disent les mêmes banalités que les astrologues à l'orée d'une nouvelle année.

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