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26 octobre 2012 5 26 /10 /octobre /2012 09:41

 

http://www.slateafrique.com/sites/default/files/afp/photo_1351175929439-1-0.jpgDepuis plusieurs jours, je suis alerté par mon syndicat sur le sort du doyen Habib Kazdaghli. Je reproduis ici des extraits d’un article de Marianne à ce sujet :

 

Le nom de cet universitaire tranquille, tout à ses recherches d’historien et à sa chère faculté des lettres, est désormais célèbre. C’est qu’Habib Kazdaghli, dont le procès, qui devait s’ouvrir ce 25 octobre à Tunis, est reporté au 15 novembre, a fait plus pour l’honneur de son pays que la désolante armada de fanatiques qui trahissent en toute impunité la révolution de jasmin. Comme Mariannes’en est fait souvent l’écho, le doyen de la Faculté des lettres, des arts et des humanités  de la Manouba est poursuivi par une étudiante en niqab. Elle retourne contre cet homme paisible les accusations de violence dont il est en réalité la victime depuis le 28 novembre 2011. 

Rappelons les  faits : un groupe de salafistes, dont certains pourvus d’un brillant CV de djihadistes sont sortis  de prison au lendemain de la révolution, avait décidé de transformer la Faculté des lettres en symbole du nouvel ordre islamiste. L’enjeu ? Imposer la présence des étudiantes intégralement voilées, ces Belphégor de la négation du visage et de l’altérité, en salles de cours et en examens. Habib Kazdaghli s’en est tenu au règlement intérieur de l’université et à la déontologie des enseignants, hommes et femmes. Il a résisté, appuyé par son équipe pédagogique, mais désavoué par les pouvoirs publics, notamment l’inénarrable ministre de l’enseignement supérieur, Moncef Ben  Salem, membre peu diplômé mais  très agité  de la faction ultra-salafiste du parti Ennahda. Rien n’a entamé sa détermination, ni celle de ses collègues : de Habib Mellakh, professeur de littérature française et syndicaliste,  à qui nous devons la chronique quotidienne de ce harcèlement de sabres et de fatwas, à Amel Jaïdi, la directrice du département d’anglais, pourchassée elle aussi par les poignards des assassins en liberté. Amel Jaïdi sera l’invitée d’Amnesty International lors du colloque sur la situation difficile des femmes arabes qui se tiendra le 17 novembre à Paris. Elle nous avait raconté son calvaire, à Tunis, avec une maîtrise dans l’émotion et un courage qui font toute l’élégance et l’héroïsme de celles et de ceux qui affrontent aujourd’hui la haine obscène.

 

Soutenu par ce petit groupe, Habib Kazdaghli est cependant devenu en quelques mois l’une de ces figures nationales dont une résistance a besoin pour se fortifier et se définir. L’embarras de la police, qui ne recevait aucun ordre de protection des universitaires et d’intervention contre les commandos salafistes, a braqué les projecteurs sur l’indulgence du pouvoir pour les provocateurs et leur violence. […].  Les assauts contre le bureau du doyen, les agressions contre Kazdaghli et ses enseignants, le « sit-in » salafiste pour lequel il faudrait inventer un nom moins paisible que cet aimable vocable, les locaux souillés par l’occupation des étudiantes en niqab et leurs mâles défenseurs au rez-de-chaussée, les menaces de mort placardées sur les murs : tout cela a progressivement quitté la rubrique fait-divers pour devenir en Tunisie un fait national, la preuve  de la force des idées contre la faiblesse de la bêtise, fût-elle drapée comme toujours dans sa cape sombre de fureur légale et illégale.

 

Habib Kazdaghli, par sa ténacité, transformait la manipulation intégriste en démonstration humaniste. Sa simple présence, ses mots toujours clairs, son attachement à l’éthique de l’enseignant scandaient le rappel des valeurs profondes du pays. Qui ne veut envoyer son fils, sa fille à l’université en Tunisie ? C’est précisément le statut de chômeur des jeunes diplômés qui a déclenché la révolte contre la dictature de Ben Ali. Les enseignants sont aimés dans ce pays. […] L’électro-choc devint général le 7 mars 2012 quand les salafistes arrachèrent au fronton de la Manouba – en pleine impunité – le drapeau national pour le remplacer par le chiffon noir qui prétend imposer le sabre et la charia. La jeune fille qui se précipita pour défendre l’étendart tunisien, fut jetée à terre et violentée  par les fous d’Allah, ennemis des femmes, des lumières et de la vraie révolution. Désormais héroïne populaire, Khaoula Rachidi, deux jours plus tard, était reçue et décorée par le président tunisien Moncef Marzouki. Il ne pouvait faire moins, le peuple tremblait de colère contre les barbes noires  et d’amour pour Khaoula et son drapeau.

 

[…]

 

Vinrent plus tard l’incendie des œuvres d’art de la Marsa, le procès de la jeune fille violée par les flics, l’attaque contre l’ambassade des États-Unis, les harcèlements de journalistes, l’obsession néo-totalitaire des pseudo-démocrates islamistes au pouvoir, bref la litanie d’une post-révolution qui ne chante pas.

 

Mais, au départ de cette prise de conscience désormais internationale des dangers qui menacent la Tunisie vivante et claire, il y a, comme toujours, quelqu’un qui a dit non.

 

C’est l’honneur d’un homme, Habib Kazdaghli.

 

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