Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 11:34

 

Un article fort intéressant de Chokri Ben Fradj sur les Solfériniens et la guerre en Syrie.

 

L’agression franco-américaine contre la Syrie se prépare ouvertement et en plein jour.

 

Qu’elle ait lieu finalement ou pas, elle nous permet, déjà, de constater que les socialistes français ont achevé leur mutation idéologique entamée, sous Mitterrand, en 1983.

 

Tournant le dos, dans la pratique, aux valeurs essentielles exposées par Jean Jaurès, au moment de la fondation de la SFIO en 1905, puis à la veille de la Grande Guerre, réaffirmées ensuite (du moins sur le papier) par Mitterrand et ses collaborateurs, lors de la refondation du parti au congrès d’Epinay de 1971, les socialistes français d’aujourd’hui n’ont pas hésité à jeter à la poubelle toute perspective transformatrice menant à l’édification d’une société socialiste démocratique (le terme de « socialisme » n’apparaissant même plus, à ma connaissance, dans leur discours politique), la troquant contre un sentimentalisme moralisateur et béat. Pire encore : les directions présidant actuellement (et ayant déjà présidé) aux destinées du PS (mais aussi à celles de l’État) ont, progressivement ramené (à travers leurs renoncements successifs) le concept même de gauche à une coquille vide. La chose est déjà flagrante avec leur alignement, ancien, mais de plus en plus amplifié, sur le néo-libéralisme, ayant réduit le débat politique (entre droite et « gauche ») à des joutes stériles et dénuées de tout véritable enjeu. Le reniement est toutefois encore plus « explosif » sur le terrain de la politique étrangère, le drame syrien étant là pour en démontrer l’ampleur.

 

 

Certes, faire la guerre ou menacer de la faire (surtout quand le prétexte parait si grossièrement fabriqué de toute pièce) a toujours été un bon moyen de détourner l’attention des citoyens de l’incapacité de leurs dirigeants à s’attaquer effacement à leurs vrais problèmes, mais nos chers dirigeants semblent, bel et bien, ici, avoir poussé le bouchon un peu trop loin. Sur le dossier syrien, nos socialistes se sont, en effet, rendus coupables ni plus ni moins d’une sorte désertion idéologique et politique en rase campagne. Poignardant dans le dos des forces progressistes arabes dont ils sont pourtant censés être les alliés naturels1, ils se sont engagés sur une voie tellement indéfendable et absurde qu’il leur fallait toute la connivence coupable des médias français (qui ont épousé aveuglément leur approche, renonçant ainsi à leur rôle essentiel de contre-pouvoir) pour échapper à une très énergique et plus que justifiée dénonciation de la part des citoyens.

 

Voyons cela de plus près. Faisons, tout d’abord, deux remarques introductives.

 

La première est que les relations franco-syriennes sont relativement anciennes et pas du tout neutres : la France fût, en effet, l’ancienne puissance coloniale ayant exercé « son mandat » sur la Syrie (et sur le Liban) entre les deux guerres. L’armée française s’adonna, à cette époque, à une répression féroce et sanglante contre les résistants syriens (notamment lors de la prise de Damas, par le général Gouraud, en 1920 puis au moment de la révolte des Druzes en 1925-27, sous la conduite de Soltane al Atrache) dont les descendants entretiennent toujours la tragique mémoire. L’attitude de la France officielle d’aujourd’hui risque, donc, fortement, par son agressivité et son incroyable partialité, de réveiller de vieux démons à peine assoupis.

 

Du fait de cette histoire sanglante, la période du mandat français sur la Syrie fonda, en tout cas, les relations entre les deux pays de manière assez passionnelle qui eût son rôle dans la formulation du discours nationaliste syrien moderne dont l’une des composantes principales est le courant baasiste.. Théorisé, dans les années 40, par deux intellectuels syriens, formés à la Sorbonne (le chrétien orthodoxe Michel Aflak et le musulman sunnite Salah eddine al Baytar) ce courant se revendique, officiellement, du nationalisme arabe (qu’il entend faire prévaloir sur les nationalismes locaux ou régionaux), du socialisme (dans une version, il faut le reconnaître, assez floue) et de la laïcité (perçue comme vecteur d’une démarche permettant le dépassement des appartenances ethniques et religieuses) ayant réussi à essaimer dans l’espace arabe, dans les années 50 à 70, le baathisme ne parvint, toutefois, à prendre le pouvoir qu’en Syrie (dès 1963) puis en Irak (en 1968 et jusqu’à l’invasion américaine de 2003). Dans ces deux pays,, il se distingua par un autoritarisme extrême et une très grande intolérance à l’égard de ses adversaires ou concurrents politiques, y compris vis-à-vis des autres courants de la gauche arabe, avec lesquels les rapports oscilleront entre alliances momentanées et ruptures brutales suivies, parfois, de « purges » sanglantes.

 

La seconde remarque est que la Syrie, d’avant la crise actuelle, était loin d’être un pays arriéré.

 

La suite sur le site les-crises.fr

Partager cet article
Repost0

commentaires

B
Merci pour cette analyse très enrichissante, qui nous change de l'hystérie va-t-en-guerre des médias français. Le Monde en particulier s'est transformé en torchon atlantiste de bas étage, Hubert Beuve-Méry n'en finit pas de se retourner dans sa tombe, ses successeurs ont renoncé à se servir de leur cerveau pour pouvoir hurler des slogans néo-conservateurs.<br /> <br /> Maintenant, &quot;suicide moral&quot;... Faut pas exagérer, il n'y avait pas grand chose à tuer pour commencer... D'ailleurs, l'article le reconnaît en mentionnant le tropisme colonialiste ancestral de la gauche française. A la fin du 19ème siècle, seul Déroulède (oui, Déroulède) s'opposait au colonialisme français, sous le prétexte qu'il détournait les énergies nationales de la reconquête de l'Alsace-Lorraine, &quot;J'ai perdu deux sœurs et vous me proposez vingt domestiques&quot;. Jean Jaurès à ma connaissance n'a jamais remis en cause le principe même de la conquête coloniale.<br /> <br /> Et une autre analyse intéressante : http://www.counterpunch.org/2013/09/13/the-people-against-the-800-pound-gorilla/
Répondre