Ma fille de douze ans ne peut faire une phrase sans utiliser l’onomatopée “ blablabla ”, aujourd’hui très tendance chez les tout djeuns : « Alors la prof nous a dit qu’il fallait réviser la première leçon, et aussi la seconde, blablabla. »
Je me trouvais il y a quelques jours en Autriche dans une grande fête familiale réunissant des Allemands et des Autrichiens. Tout allait bien jusqu’au moment où j’entendis un djeuns allemand d’une quinzaine d’années terminer une phrase par « blablabla ». Fuck la mondialisation libérale, me dis-je ! Non seulement, les mômes du monde entier se pâment devant Violetta mais en plus ils sont affectés par la même paresse langagière. Sans ce concerter.
Le Grand Robert n’est pas tendre avec ce vocable : il a repéré dans Céline en 1937 (dans Bagatelles pour un massacre) ce qu’il qualifie de « verbiage sans intérêt, destiné à endormir la méfiance. » Il propose bratin ou boniment comme synonymes. Il cite Jacques Prévert : « … et pendant ce temps-là, ce temps sans temps comme la guerre du même nom, ce temps mort séquestrant les vivants, qu’est-ce qu’on entend, le blablabla, le bleu blanc rouge, le glas glas glas des trafiquants d’armes, trafiquants d’âmes […]. » Par parenthèse, qui oserait écrire en ces termes aujourd’hui sur les guerres menées par Hollande ? Il cite aussi Sollers : « On fait une œuvre littéraire ou on n’en fait pas une. Tout le reste est bla-bla. » (Femmes).
Avant ces occurrences, Le Grand Robert cite Claudel dans un emploi interjectif plus ancien : « Blah ! Blah ! Blah ! » (1929). Claudel est peut-être allé chercher cette orthographe dans l’anglais. Puisque « Blah », dans le sens de paroles sans intérêt, est apparu en 1918. Ce « blah » pouvant être une apocope du mot français “ blasé ”, que les Britanniques ont repris comme tel et qu’ils utilisent plus souvent que nous, un peu par snobisme.
Une autre possibilité serait d’aller chercher l’origine de ce mot plus loin dans le temps, dans l’Écosse du XVIe siècle, avec “ blather ” (d’origine scandinave), fréquentatif du verbe “ blabben ”, signifiant bavarder. Ou encore dans l’anglais “ blab ”, également du XVIe siècle, signifiant manger le morceau, laisser échapper un secret ou jaser. “ A blabbermouth ” (XXe siécle) est une grande gueule.
Les djeuns nous poussent vers la tombe tout en nous instruisant. Et nous avons la confirmation que les langues française et anglaise sont intimement entremêlées (intertwined, pour reprendre un mot que j’adore prononcer et entendre).