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21 octobre 2019 1 21 /10 /octobre /2019 05:20

 

 

J'ai publié hier dans ce blog une pétition d'artistes et de gens de culture hostiles à toute interdiction des corridas. Je l'ai également publié sur le site du Grand Soir. Á ma grande surprise, je fus pris de haut par de nombreux lecteurs avec des réactions du style : ce site n'est pas fait pour cela, ne sombrons pas dans la morale ou la chochotitude.

 

Antonio, lecteur, du GS, écrivait – et j'étais plutôt d’accord avec lui – « Je ne suis pas pour l’ouverture d’un débat sur les corridas ». Pour moi, le débat est clos depuis ce jour de mon adolescence où j’ai été traîné de force à une corrida où officiait El Cordobés, fou et génial en tant que torero, happé par le franquisme, contrairement à Manolete ou Luis Miguel Dominguin. El Cordobés venait d’un milieu très modeste (son père était un ouvrier républicain), les deux autres de familles relativement aisées. Le front renversé dont je reparlerai plus bas.

 

Par cette démarche nullement « morale » mais politique, je souhaitais interroger une liste de signataires dans les colonnes du Grand Soir qui est, rappelons-le, un “ Site d'Information ”. Contrairement à ce que dit un lecteur, nous ne sommes pas en présence d’un « attelage de “ célébrités ” hétérogènes et inconnues ». Ces personnalités sont connues, au minimum dans leur chapelle. Á commencer par Dupont-Moretti, cet avocat qui sauve plus volontiers des humains coupables que des animaux innocents.

 

J’ai été également interpellé par le fait qu’une bonne minorité de ces esthètes étaient de gauche, comme par exemple Ernest Pignon-Ernest, ancien membre du parti communiste, cégétiste, mélenchoniste ayant appelé à voter pour la liste Brossat lors des dernières élections européennes. Mais, après tout, Picasso assista à de nombreux massacres de taureaux avant de les sublimer sur la toile ou en des sculptures.

 

Lorsque j’avais une douzaine d’années, je ne m’intéressais guère aux langues. En revanche, je connaissais bien l’abattoir d’Hénin-Liétard où m’emmenait de temps en temps le père d’un copain, boucher de son état. J’y ai assisté, il y a une soixantaine d’années donc, à des scènes insoutenables. Quand je parvenais à demander pourquoi une telle sauvagerie existait, on me répondait – sans tout de même aller jusqu’à évoquer une démarche artistique – qu’on ne pouvait pas faire autrement. De fait, l’horreur était dans le mot : dans un abattoir, on « abat ». L’anglais va encore plus loin avec slaughterhouse : le verbe to slaughter charrie des notions de massacre, de tuerie, de carnage. L’allemand est bien aussi, avec Schlachthof (même origine anglo-saxonne que slaughter), qui évoque des concepts de combat, de bataille, de guerre. Le simple fait de prononcer correctement schlacht vous arrache la gueule, alors que slaughter est presque doux. Quant à la langue espagnole, elle dit tout avec matadero.

 

Les combats sont parfois menés à front renversé. Je me souviens comme si c’était hier des premières prises de parole, vers 1960, de Brigitte Bardot, alors au faîte de sa gloire, contre la violence infligée aux animaux. D’être déjà bien à droite ne l’empêchait pas de prêcher dans le désert, tout en laissant entendre au public complètement incrédule que ce combat était plus important que sa carrière d’actrice. Je me souviens également très bien des réactions du bon peuple du genre « occupe-toi de tes fesses », « Brigitte, sois belle et tais-toi ». Dans sa lutte, Bardot fut toujours soutenue par Delon et Belmondo. Comme quoi…

 

Cette lutte sera longue. Le 18 septembre 2019, saisi par l'Œuvre assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA), le Conseil d'État s'est prononcé dans un premier temps, par le biais de son rapporteur Laurent Cytermann, en faveur de l'égorgement rituel halal et kacher (sans endormissement) des bovins et des ovins au motif que “ même si l'abattage rituel est la cause d'un plus grand degré de souffrance, la minimisation de la souffrance animale ne justifie pas une telle atteinte à la liberté religieuse. ” Ce contre une loi de 1964. Cet abattage concerne actuellement  14% des bovins et 22% des ovins, des chiffres en constante augmentation. Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'État recule devant les religions. D'autant que, dans un deuxième temps, le Conseil a, suivant son rapporteur, validé le 8 octobre l'abattage sans étourdissement. Pour la haute juridiction française, il faut simplement prévoir “ un étourdissement complémentaire si l’animal reste conscient au-delà de quatre-vingt-dix secondes après la jugulation. ” Mais elle estime que l’OABA n’est pas fondée à soutenir que la règlementation existante méconnaîtrait le droit de l’Union dont l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui impose aux Etats membres de tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles.

 

Cela dit, Anne Clergue (la fille de Lucien), Charles Berling, Bartabas (qui préfère ses chevaux aux taureaux et aux intermittents du spectacle), François Marthouret, Philippe Caubère, ça fait tout de même mal aux seins, comme on disait quand j’étais gosse.

 

 

Esthétisme, corrida et boucherie

PS : on pourrait parler un peu aussi des cochons. Un groupe contre l'esclavagisme animal a publié ce texte :

 

“ Un projet d’exploitation d’un élevage intensif de cochons est en préparation à Durmignat (Puy-de-Dôme).

Si ce projet voit le jour, 1 008 cochons seront enfermés dans un hangar de 961 m² sans accès à l’extérieur. Chaque animal disposera donc de moins de 1 m². Plusieurs cycles d’élevage sont prévus, plusieurs milliers de cochons seront donc exploités chaque année.

 

Ce projet soulève des questions quant aux conditions d’élevage des cochons

Ces animaux, destinés à l’engraissement puis à l’abattoir, auront subi à un jeune âge de nombreuses mutilations telles que le meulage des dents, la coupe des queues ou la castration. Ces opérations, réalisées le plus souvent sans anesthésie, causent des douleurs avérées aux cochons. Cela n’empêche pas des agressions parfois violentes entre les animaux au sein même de l’élevage tant les animaux sont stressés par leurs conditions de vie.

Les cochons seront élevés sur caillebotis, au-dessus de leurs excréments, dans des bâtiments nus et saturés d’ammoniac. Les dimensions des enclos les condamnent à l’enfermement dans des espaces extrêmement restreints. Leurs besoins fondamentaux, comme l’exploration, la recherche de nourriture, la pratique d’activités variées ne sont en aucune façon respectés. Dans les élevages intensifs, il est impossible pour les cochons d’exprimer pleinement leurs comportements sociaux.

Ces animaux ne sortiront que pour partir à l’abattoir.

 

Ce projet soulève également des problèmes sanitaires et environnementaux

Les maladies qui se développent dans les élevages intensifs engendrent une surconsommation de médicaments : 499 tonnes d’antibiotiques ont été vendues en France en 2017 pour un usage vétérinaire, dont 181 tonnes utilisées par les élevages porcins. Aucune estimation de l’utilisation d’antibiotiques n’a été présentée au dossier soumis à la consultation du public par cette exploitation. L’antibiorésistance qu’engendre l’utilisation massive d’antibiotiques dans les élevages est pourtant une réalité qui pourrait tuer une personne humaine toutes les 3 secondes d’ici à 2050 (2).

Les rejets d’ammoniac, les odeurs dues notamment aux épandages, les nuisances sonores ont aussi des conséquences directes sur la qualité de vie des riverains. 

L’impact environnemental des élevages intensifs est également conséquent et aujourd’hui bien documenté : pollution de la terre, de l’eau, de l’air… Ce modèle d’élevage contribue aux émissions de gaz à effet de serre, d’ammoniac, de nitrates, à la pollution des nappes phréatiques, à la déforestation (causée majoritairement par la culture d’aliments à destination des animaux d’élevage).

 

L’implantation de nouveaux élevages intensifs est en total décalage avec les attentes sociétales. En effet, 88 % des Français se sont déclarés opposés à l’élevage intensif (3). 90 % d’entre eux considèrent que la protection des animaux d’élevage devrait être renforcée et 94 % pensent qu’il est important de les protéger. ”

 

 

 

On finira tout de même par une note optimiste :

 

 

Esthétisme, corrida et boucherie
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commentaires

A
Ce qui me gène dans cet article ce n’est pas tant les arguments avancés que je partage que le glissement du sujet de départ, la corrida, vers le sort réservé en général aux animaux. Il me semble que c’est noyer un fait précis dans un grand tout et par conséquent rendre encore plus improbable le succès de son abolition. <br /> C’est d’ailleurs la stratégie utilisée constamment, je ne dis pas que c’est le cas ici, par ceux qui s’opposent à toute demande ou revendication qui contreviennent à l’ordre des choses. Ainsi on dira qu’il serait souhaitable d’appliquer telle mesure en France mais que ça ne peut se faire qu’au niveau européen ou mondial. Et voilà comment la continuité est assurée.<br /> Quant au sort réservé aux animaux par l’industrie de la viande Fabrice Nicolino dans son livre ‘’Bidoche ‘’ en fait une description si infernale qu’il faut parfois interrompre sa lecture pour reprendre son souffle. <br /> Francis Cabrel, la corrida. Dans sa chanson, Cabrel se demande justement : ‘ est-ce que ce monde est sérieux ? ‘. C’est une question que je me pose souvent à propos de nombreux sujets.
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A
Il y a quelques années (7-8 ans je crois), j'avais déjà signé une pétition contre la corrida. Mon dégoût date d'un voyage en Espagne, il y a bien des années, organisé par le lycée dans les années 1960, période où un certain dictateur régnait. J'avais 17 ans et nous étions, bien sûr, allés à une corrida. Nous avions derrière nous des mecs totalement excités qui hurlaient : "Basta ! Este torero es mantequilla"... <br /> <br /> Certainement se défoulaient-ils, faute de pouvoir le faire contre le régime, sur le toréador qui, apparemment, était trop timide, mollasson et, pour eux, timoré !<br /> <br /> Nous avons été, petits Français ignorants, profondément écoeurés par un spectacle qui ne laisse aucune chance à la victime, le taureau. Depuis, cycliquement, je signe contre la corrida en pensant à cette chanson de Brel qui était alors, lui, une de nos idoles : <br /> <br /> "Les toros s'ennuient le dimanche<br /> Quand il s'agit de courir pour nous,<br /> Un peu de sable, de soleil et des planches<br /> Un peu de sang pour faire un peu de boue..."<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=J_hIRS0Wnxo <br /> <br /> Selon Béart et son "Bal chez Temporel" : mes 17 carats depuis (longtemps) se sont fait la paire, mais la corrida existe toujours et le fanatisme qu'elle engendre aussi. Triste !
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