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24 décembre 2019 2 24 /12 /décembre /2019 06:06
Par Jacques Littauer. Analyse inspirée par Les Économistes atterrés.
Réforme des retraites : un avenir radieux

Aujourd'hui : non seulement il n'y a pas de déficit du régime des retraites mais en plus, il y a de l'excédent. Avec le partage du travail et des richesses, la société aurait de quoi vivre des années dans la félicité. Qu'est-ce qu'on attend pour se mettre ça dans le crâne ?

 

Le gouvernement essaie de nous terrifier avec le déficit – futur, hein – du système des retraites. Or ce déficit, inexistant actuellement pour le régime général, découle du fait que les emplois des fonctionnaires, et leurs salaires, sont gelés depuis des années. De plus, le gouvernement ne veut plus affecter les excédents des autres caisses de protection sociale aux retraites, contrairement à ce qui s’est toujours fait.

Car saviez-vous que la « branche famille », cette partie de la Sécu qui verse les allocations familiales, est en excédent ? Et que l’Unedic, qui verse les allocations aux chômeurs… aussi ?

Pendant ce temps-là, on laisse des millions de personnes au chômage, alors que leur situation, en plus de tout le reste, coûte cher aux finances publiques, beaucoup plus cher même, que si elles travaillaient.

Et on nous serine la nécessité de la croissance alors que l’observation des 40 dernières années arrive à ce résultat stupéfiant : la croissance économique ne crée pas d’emplois. Aucun ? Aucun.

 

Pas d’embauches d’infirmières, pas de retraite pour Mémé

 

Un : vous n’embauchez plus de fonctionnaires. Vous ne remplacez pas ceux qui partent à la retraite. Il n’y a plus d’infirmières aux urgences, plus de profs de collège, pas assez de flics, les pompiers sont épuisés ? Pas grave. 

De plus, les salaires des fonctionnaires sont gelés depuis Charlemagne. Moins de fonctionnaires, et des salaires plus bas, c’est doublement moins de cotisations. Rien qu’avec une gestion à peu près normale de la fonction publique, il n’y aurait aucun déficit des retraites. 

 

Et les excédents des caisses de Sécu, on en parle ?

 

Saviez-vous que, même avant les atroces réformes du gouvernement, l’assurance-chômage était en excédent d’un milliard d’euros ? Eh oui : les cotisations chômage des salariés sont plus importantes que les allocations touchées par les chômeurs. Le « déficit » de l’assurance-chômage vient du fait que l’État demande à l’Unedic de financer le coût du fonctionnement de Pôle Emploi, qui coûte 3 milliards par an. Or ce n’est pas le rôle de l’assurance-chômage de financer le service public de placement des chômeurs : c’est à l’État de le faire.

Deuxième point relevé par Henri Sterdyniak : il se trouve que la Caisse d’allocations familiales est en excédent. Amusant, non, comme on ne nous parle que des caisses en déficit, même quand elles ne le sont pas, et jamais des caisses en excédent ? 

Eh bien, traditionnellement, l’excédent de la caisse d’allocations familiales était reversé aux retraites. Mais le Conseil d’Orientation des retraites (COR), sans expliquer pourquoi, « oublie » cela dans ses projections apocalyptiques.

Selon Henri Sterdyniak, si on reprend l’hypothèse du COR d’un taux de chômage à 7%, la situation sera la suivante en 2025 :

– branche famille (allocations familiales) : excédent de 3 milliards ;

– l’Unedic (assurance chômage) : excédent de 12 milliards ;

Et donc la Sécu dans son ensemble aurait donc un excédent, de 14 à 23 milliards. 

Or, le déficit des retraites serait compris entre 8 et 17 milliards, d’après le COR. 

On voit donc qu’il n’y a aucun problème. 

 

5 millions de chômeurs, et moi, et moi

 

Et ce, avec un chômage de 7 %. Or, comme l’explique Jean Gadrey, une personne au chômage coûte, au minimum, 20 000 euros par an à la collectivité. 

En effet, les chômeurs – pour la moitié d’entre eux – touchent des allocations chômage ; ou le RSA ; ils touchent moins, et donc paient moins d’impôt sur le revenu ; ils consomment moins, et donc paient moins de TVA. Et il faut, bien entendu, financer Pôle Emploi, ainsi que des aides au logement, les municipalités paient la cantine des enfants de chômeurs, etc.

 

Par ailleurs, la santé des chômeurs se dégrade. Ils se séparent plus souvent de leurs conjoints, ce qui a des coûts judiciaires, et est néfaste aux conditions de vie des enfants, qui se retrouvent dans des logements plus petits, et/ou plus éloignés de leur école, ce qui est néfaste à leur scolarité.

Alors que tant de besoins ne sont pas satisfaits – et que des millions de personnes sont au chômage, ou contraintes d’occuper des boulots dangereux, ou qui n’ont aucun sens, la réalité est celle-ci : une personne au chômage coûte plus cher à la collectivité que si elle était embauchée, à temps plein, au Smic, tant les bénéfices physiques et psychologiques d’un travail intéressant sont nombreux.

 

Baisser les charges ?

 

Le gouvernement actuel, comme tous ceux qui l’ont précédé depuis le début des années 1980, est obsédé par « la baisse des charges », c’est-à-dire la baisse des cotisations sociales versées à la Sécu par les entreprises. Lorsque vous entendez « baisse des charges », cela signifie « baisse des pensions de retraite, des allocations chômage, des allocations familiales, des bourses pour les étudiants, des aides au logement, des remboursement de santé ».

« Baisser les charges » est donc une lourde décision. Lorsque vous le faites, il faut, au minimum, que cela crée des emplois, beaucoup d’emplois, pour compenser les pertes subies par l’ensemble de la population.

 

La honte du CICE

 

La pire décision économique de François Hollande fut de créer le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi, ou CICE. 

Le CICE est la plus gigantesque baisse de « charges » qui ait jamais été accordée aux entreprises, sans aucune contrepartie : ni sur l’emploi (on se rappelle peut-être de la triste farce du pin’s de Pierre Gattaz sur le « million d’emplois » qu’il allait créer), ni sur les salaires, les conditions de travail, l’écologie, l’égalité entre hommes et femmes, rien de rien.

Selon France Stratégie, un organisme officiel très favorable à cette mesure, le CICE est une catastrophe absolue. En effet, seuls 100 000 emplois ont été créés, au mieux, alors que le CICE, depuis qu’il existe, a fait perdre à l’Etat plus de 100 milliards d’euros.

Ce qui nous fait quand même 1 million d’euros par emploi ! 

Jamais aucune politique de création d’emplois n’a été aussi mauvaise. A titre de comparaison, rappelons que les 35 heures, ont, elles, créé au moins 400 000 emplois. Et ce pour un coût net total pour les finances publiques de… 3 milliards.

Comme le dit Michel Husson : 

« On n’a jamais créé autant d’emplois en France que lors du passage aux 35 heures, entre 1997 et 2001. Ce sont deux millions d’emplois – dont 1,8 dans le secteur privé – qui ont été créés au cours de ces quatre années : un véritable record historique. »

 

 

Il ne faut pas réformer les retraites (V)
Il est où, le travail, il est où  ?

 

Or il se trouve que le travail est de plus en plus rare dans notre pays. 

En France, la production, et la population, ont énormément augmenté ces dernières décennies. En 1970, il y avait 51 millions d’habitants en France. Nous sommes désormais 67 millions. Et la production a, au moins, été multipliée par 2 depuis cette époque.

A votre avis, de combien a augmenté, durant cette même période, le nombre total d’heures travaillées, dans le public et le privé, dans notre pays ?

Eh bien, il a diminué. Nous sommes nettement plus riches, et nettement plus nombreux qu’en 1970. Et pourtant, nous travaillons moins.

Ce résultat est le plus dingue qui soit. Pierre Larrouturou et Dominique Méda le montrent, dans leur livre intitulé Einstein avait raison. Il faut réduire le temps de travail (Editions de l’Atelier, p. 81) :

 

Et si la croissance ne créait pas d’emplois  ?

 

Michel Husson, dans un texte dément, de deux pages, démontre que, contrairement à ce que j’ai enseigné pendant 15 ans… la croissance ne crée pas d’emplois.

Pourquoi ? Parce que deux forces, contraires, sont à l’œuvre :

– d’un côté, la croissance de la production alimente l’emploi, car il faut plus de bras et de cerveaux pour faire plus de pots de yaourts ;

– à l’inverse, les machines suppriment des postes de travail. C’est ce que l’on appelle les « gains de productivité ».

Or il existe une loi économique, implacable :

– si la production (le PIB) augmente plus vite que les gains de productivité, alors le nombre d’heures de travail augmente ;

– à l’inverse, si les gains de productivité sont plus élevés, plus rapides, que la hausse du PIB, alors le nombre d’heures de travail diminue.

Or Michel Husson nous montre que, la plupart du temps, la productivité horaire augmente plus vite que le PIB. 

Le PIB augmente moins que la productivité : l’emploi devrait donc diminuer. Or on constate que, au contraire, il a, durant cette période, augmenté de 0,5 % par an. Comment est-ce possible ? 

La solution est donnée par la ligne « Durée du travail », qui se réduit de 0,8 % par an (ce qui est considérable, puisque cela représente un jour de travaillé en moins, chaque semaine, entre 1949 et 1974).

En effet, la troisième semaine de congés payés est introduite en 1956, et la quatrième en 1969. Entre 1949 et 1973, le nombre total d’heures travaillées en France a bien diminué (durant la plus forte croissance de l’histoire qui, fort heureusement, ne se reproduira plus jamais). Mais, magie de la réduction du temps de travail, l’emploi s’est accru. Car, c’est simple : si chaque personne travaille moins d’heures, il faut embaucher plus de monde pour produire la même chose.

Rendez-vous compte : sans ce progrès social, même durant la folle période de croissance des années 1950 et 1960, les fameuses Trente glorieuses, en France, le chômage aurait augmenté.

 

Un avenir radieux

 

Ces auteurs nous indiquent la voie évidente à suivre : partager le travail, partager les richesses, moins produire, moins consommer, mieux vivre. Et oublier, les doigts de pied en éventail, le prétendu « déficit des retraites ».

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