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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 09:37

Valeri Legassov était un physicien et académicien russe né en 1936. Après la catastrophe de Tchernobyl, il est nommé à la tête de la commission d’enquête. Ses observations ne rencontrent aucun écho. Il se pend le 27 avril 1988.

 

Quelques jours avant de mourir, il avait écrit un rapport extrêmement critique dont j’extrais ceci :

 

« On notait le plus grand désarroi pour les moindres bagatelles. Je me rappelle que les premiers jours, alors que la commission se trouvait à Pripyat, il manquait un certain nombre de respirateurs de protection et il n'y avait pas de dosimètres individuels pour tous. La centrale ne disposait pas de dosimètres extérieurs automatiques, qui fournissent en permanence des données télémétriques sur le niveau des radiations dans un rayon de quelques kilomètres ; c'est la raison pour laquelle il fallut mobiliser un grand nombre de personnes pour des opérations de reconnaissance. Il n'y avait pas non plus d'avions télécommandés munis d'appareils dosimétriques ; d'où la nécessité d'engager un nombre considérable de pilotes d'avion et d'hélicoptère pour s'occuper des mesures. Faisaient aussi défaut les équipements élémentaires en matière d'hygiène, du moins pendant les premiers jours. Ainsi, alors que les édifices de Pripyat étaient déjà passablement contaminés les 27, 28 et 29 avril, on continuait d'y acheminer des vivres - saucissons, concombres, bouteilles de Pepsi-Cola et jus de fruits - en posant le tout dans des locaux où les gens se servaient les mains nues. Ce n'est qu'après quelques jours, lorsque la situation se fut plus ou moins stabilisée, que l'on vit apparaître des cantines, des tentes et des conditions sanitaires ad hoc qui, quoique rudimentaires, permirent toutefois un contrôle des mains et de la qualité des vivres sur le plan de la contamination. »

 

(Jactatio)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 18 janvier 1990, quatorze mois après sa sortie du gouffre de Valat-Nègre en Aveyron près de Millau en France, la spéléologue Véronique Le Guen succombait à une surdose de barbituriques. Elle avait laissé à son époux Francis un message l'encourageant à «continuer » ses expéditions. Cette jeune spéléologue de trente-trois ans avait séjourné cent onze jours « hors du temps » à quatre-vingt deux mètres sous terre pour une expérience en chronobiologie dirigée par Michel Siffre avec le concours du CNES et d'autres organismes médicaux.

 

Elle écrivit à son mari : « Sous terre, j’ai rencontré des démons. J’ai peur de la mort, mais encore plus de la vie. »

 

Extrait de son livre Seule au fond du gouffre :

 

« ... mais je dois avouer qu'il m'arrive de vivre des périodes en "complet déphasage psychologique" où je ne sais plus quelles sont mes valeurs, le but de ma vie, etc,. Des moments de "creux" (après 4 mois de trou c'est un peu normal !) qui ne durent guère longtemps, et que l'action efface très vite. Toutefois, je ne peux-moi même rien écrire de définitif sur les suites de l'Expérience car je sais que je vais encore la vivre, sous diverses formes, dans les années à venir. Mais ceci est une autre histoire. »

 

(Impatienta doloris)

 

 

 

Primo Levi a écrit un des dix livres que j’emporterais sur une île déserte (ou pas déserte, d’ailleurs) : Si c’est un homme, un des rares ouvrages qui a pu dire l’indicible d’Auschwitz. Levi mourut le 11 avril 1987, suite à une chute qu’il fit dans l’escalier intérieur de son immeuble. Le légiste conclut au suicide. Cela dit, il n’a pas laissé de lettre d’adieu et il avait de nombreux projets. Sont-ce les thèses révisionnistes qui ont poussé cet homme, où la puissance de la vie est affirmée à chaque page de ses livres, à commettre l’irréparable ?

 

Si c’est un homme parut en Italie en 1947 mais ne fut traduit que quarante ans plus tard en français.

 

En exergue de son livre, figure ce poème :

 

Vous qui vivez en toute quiétude

Bien au chaud dans vos maisons,

Vous qui trouvez le soir en rentrant

La table mise et des visages amis,

Considérez si c' est un homme

Que celui qui peine dans la boue,

Qui ne connaît pas de repos,

Qui se bat pour un quignon de pain,

Qui meurt pour un oui pour un non.

Considérez si c'est une femme

Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux

Et jusqu'à la force de se souvenir,

Les yeux vides et le sein froid

Comme une grenouille en hiver.

N'oubliez pas que cela fut,

Non, ne l'oubliez pas :

Gravez ces mots dans votre cœur.

Pensez-y chez vous, dans la rue,

En vous couchant, en vous levant ;

Répétez-les à vos enfants.3

Ou que votre maison s'écroule,

Que la maladie vous accable,

Que vos enfants se détournent de vous.

 

(Impatienta doloris)

 

 

 

 

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commentaires

I
Je viens de terminer &quot;the humbling &quot; de Philip Roth (traduit bien entendu ). <br /> Ainsi dans le monde des apparences et du faux -semblant , le suicide serait-il l'un des seuls actes authentiques , capable nous révéler enfin ?
Répondre
G
C'est ce que disait Camus, non ?
A
Peut-être hors sujet, quoique...<br /> Pour en finir avec l'Allemagne et Anguuuuela - dont les ancêtres n'ont pas pu le faire militairement -qui est en train de mettre l'Europe à genoux, à SES genoux : <br /> <br /> http://www.filpac-cgt.fr/spip.php?article3649 <br /> <br /> Mais à part ça, &quot;tout va très bien, tout va très bien !&quot;
Répondre
G
Merci beaucoup pour cet article.