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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 15:00

Je livre ci-dessous le contenu d'une lettre ouverte envoyée par Sophie Rostain à Nicolas Sarkozy, publiée précédemment par Mediapart. Je me permets de renvoyer à cette note précédente, car tout se tient (link)

http://static.nacional.hr/img/487f3f6a3e17ad69730c06c23713d3b8_large.jpg

 

Monsieur le Président,

 

 

Au détour de la Toile, j'ai vu une photographie de votre épouse, future maman de votre enfant. « Elle est belle, hein, ma femme ? » La phrase m'est revenue en tête. Je ne sais pas si, comme le buzz le prétend, vous apostrophez toujours ainsi vos interlocuteurs. En France, c'est bien connu, on ne prête qu'aux riches....

 

 

Ce que j'ai vu sur cette photographie me plaît : une femme enceinte, un ventre bien rond, des seins que l'on imagine généreux de cette vie nouvelle qu'ils nourriront bientôt.

 

 

J'ai regardé cette photo. Je me suis regardée. Un cancer du sein, un second m'ont donné cette silhouette nouvelle, plate. « Maintenant, tu es comme un petit garçon » m'avait dit une sotte, un matin, quelques jours après la troisième et ultime opération. Non, je suis une femme sans sein, c'est tout.

 

 

Dans votre œil, je sais bien ce que je suis, Monsieur le Président : l'une de ces « victimes d'un accident de la vie » dont vous aimez tant parler. Un de ces « héros » qu'une campagne de l'Institut national du Cancer met en scène jusqu'à l'écœurement depuis des années. En apparence, je suis de ces héroïques qui traversent l'épreuve du cancer et en sortent renforcés, raffermis dans leur amour de la vie...

 

 

Comme vous les aimez, ces victimes. Vous en avez plein la bouche. Vous promettez, la main sur le cœur, de leur faire une place honnête, de les extraire de ce bas-côté de la vie où la maladie et plus encore la peur des autres, cet entourage qui ne peut masquer ses angoisses et les déverse à chaque phrase, les ont jetées. La rumeur dit que vous ne buvez pas. À vous entendre, on comprend pourquoi. Vos discours vous enivrent plus que ne le ferait un whisky de 25 ans d'âge. Vous êtes votre propre drogue.

 

 

L'alcool fort de la pitié, la drogue de l'empathie...

 

 

Je ne connais rien de pis. Même le coquetèle chimiothérapeutique qui coula dans mes veines en 2006 et 2007 fut moins toxique.

 

 

Jusqu'aujourd'hui, je me contentais de maugréer dans mon coin contre votre manière mortifère de couper la société en deux, les victimes d'un côté, les coupables de l'autre.
Mais, en juin dernier, il y a eu un énième affront fait aux femmes. À ces milliers de femmes qui ont subi, subissent et subiront une mastectomie, simple ou double et qui, - elles sont la majorité-, refuseront de se faire "reconstruire" : un projet de loi vise à ne plus rembourser les prothèses externes que tous les deux ans, et encore, à hauteur de 120 euros.

 

 

Une prothèse externe, c'est un machin que l'on achète, quelques mois après son opération...

 

... Il pleuvait sur Brest, ce jour-là. Rue de Siam, j'entrais dans une pharmacie et, pour la première fois depuis le commencement de cette aventure cancérologique, je tremblais. Une première opération m'avait enlevé le sein gauche. J'allais choisir une prothèse dont la forme, la tenue modifieraient ma silhouette. La jeune femme qui m'accueillit dans une petite pièce, à l'écart, me détailla les unes, les autres, pour finalement s'arrêter sur la meilleure d'entre elles, fabriquée par une entreprise pour qui le confort des femmes, le respect de leur intégrité physique ne sont pas un vain mot. L'Amoena Contact© est une prothèse parfaite, qui adhère bien au corps, respecte la cicatrice. Elle est reconnue par les professionnels comme par les femmes. Elle coûte 160 euros qui sont intégralement remboursés par la sécurité sociale, signe de sa qualité. Les autres prothèses ne sont remboursées qu'à concurrence de 69,75 euros.

 

 

J'ai soupesé ce faux sein. Il était lourd. Le poids de la maladie ? D'une couleur rosâtre censée s'harmoniser à toutes les peaux, donc à aucune. J'ai demandé à la jeune femme s'il existait en d'autres couleurs. Tant qu'à faire du faux, allons z'y gaiement. Elle m'a regardée, incrédule. Euh, il en existe en noir, bien sûr... Le noir du deuil de mon sein ? Non merci. Moi, j'en voudrais un bleu. D'un beau bleu Klein. Oui, je jouais avec cette idée de sein, oui, j'avais envie de le peindre, de me l'approprier...

 

 

J'ai posé le faux sein sur mon torse d'amazone. J'ai enfilé mon chemisier. C'était étrange, trois mois après mon opération, de retrouver une silhouette en apparence normale. Je sentais sur ma peau le poids de ce faux sein dont un petit morceau dépassait du soutien-gorge. Décidément, ce rose... J'ai demandé si je pourrais nager avec ce sein. Non. Il ne collerait plus à la peau, glisserait. Je me suis vue à la piscine, nageant et soudain, voyant flotter à côté de moi mon faux sein... Je me suis promis de m'offrir une prothèe de nageuse pour Noël, et j'ai acheté ce sein, mon premier faux sein, ainsi que le soutien-gorge qui permet de le porter, celui-ci entièrement à ma charge puisque la sécurité sociale ne rembourse que la prothèse.

 

N'en remboursait... Le projet de loi que votre ministre a osé présenter devant l'Assemblée nationale prévoit de ne plus rembourser les prothèses que tous les deux ans, à concurrence de 120 euros.

 

 

Les femmes victimes du cancer n'auront qu'à se débrouiller si la prothèse s'avachit, si l'évolution de leur corps, de la cicatrice exigent une nouvelle prothèse. Elles n'auront qu'à se débrouiller pour trouver les 160 euros d'une dignité retrouvée, d'une silhouette « normalisée ».

 

Le mépris qu'affiche publiquement ce projet de loi, peu de journaux l'ont relevé. Ils étaient occupés par d'autres seins, d'autres corps. Ceux d'une femme de ménage et d'un homme politique, plus appêtissants, certes, que le corps mutilé d'une « héroïne ordinaire ».

 

 

Moi-même, j'ai été alertée par une blogueuse hors-pair, Hélène Bernardeau, qui crabahute depuis des années. Certains députés, alertés par les femmes concernées, ont posé des questions à la Ministre. Pour l'instant, elles sont restées sans réponse.

 

 

Monsieur le Président, cet été, je suis partie en vacances. Mon corps réclamait une pause. Dans mes bagages, je n'ai pas emporté de prothèse. J'ai choisi, au lendemain de la troisième opération, en septembre 2007, de garder cette silhouette. Une maladie articulaire rend tout contact appuyé sur mon sternum douloureux. Je ne suis donc pas concernée par ce projet de loi, penserez-vous. Oh que si ! Malgré moi, j'appartiens désormais à la cohorte des femmes dont les seins sont malades, atrophiés, mutilés, disparus. Je vis très bien avec ma nouvelle silhouette, pas du tout en victime, pas plus en héroïne. Sur la plage, je ne fais plus attention aux regards qui, peut-être, se posent sur mon torse étrangement plat. Je suis une femme sans sein, parmi d'autres femmes, grosses, maigres, belles, moches, enceintes... Comme votre femme qui un jour, a eu cette phrase si juste que je cite de mémoire : « Une femme n'est jamais belle pour un homme mais contre une autre femme. »

 

 

Cette décision que je n'ai eu aucun mal à prendre, votre projet de loi va l'imposer à des dizaines de milliers de femmes qui ne pourront assumer financièrement l'achat annuel de leur(s)prothèse(s). Combien ne sont pas prêtes ? Combien de mari, d'amant, ne sont pas prêts à voir leur femme changer de silhouette ? Combien de fils, de fille ne sont pas prêts à voir leur maman perdre cette tendresse, fût-elle d'artifice.

 

La courte période où j'ai vécu avec une prothèse, mon fils aimait nicher sa tête au creux de mon épaule. Il ne retrouvait certes pas la chaleur d'avant, mais c'était doux, tendre. Il a eu du mal à se faire à la dureté de mon torse...

 

 

- C'est trop dur, là, maman...

 

- Ne t'inquiètes pas, on va inventer, on sait faire... Tu trouveras ta place...

 

Il a trouvé sa place, lentement, parce que mon torse plat ne m'a pas été imposé. J'ai décidé de ne jamais plus porter de prothèse, en toute conscience.

 

 

Vous avez, monsieur le Président, le mot victime plein la bouche. Vous vous roulez avec une complaisance que je laisse le soin aux psychanalystes d'interpréter, dans une conception terrifiante du monde : on naît cancéreux, suicidaire, pédophile, avez-vous dit un jour, rejouant devant un philosophe ébahi la thèse d'un Alexis Carel...

 

 

Naguère, vos discours me faisaient bondir.

 

 

Aujourd'hui que ce projet de loi a passé devant l'Assemblée nationale, ils me font vomir. Vous et vos séides n'avez que mépris pour les pauvres, les faibles. Que les femmes se débrouillent pour trouver les 160 euros de leur dignité. Si elles le veulent vraiment, elles trouveront, pensez-vous certainement, fidèle à ce qui vous tient lieu de pensée, on peut si l'on veut. Sinon, elles ne sont que des assistées... Je ne vous ferai pas l'affront de vous rappeler le montant de l'allocation adulte handicapé (A.A.H.) qui est parfois le seul revenu des femmes après leur cancer. Les 160 € de la prothèse n'entrent pas dans le budget qu'elle impose, tout juste au-dessus du seuil de pauvreté. Et malheur aux femmes à qui la caisse d'allocations familiales retiendra, sans explication, comme elle l'a fait pour moi le mois passé, 535,35 euros sur les 727,61 euros de l'allocation. Il faut faire la chasse aux allocataires fraudeurs, a dit un de vos fidèles... On le fait déjà, sans explication.

 

 

Que les femmes se débrouillent !

 

 

Moi, j'imagine une femme, à peine sortie de son cancer, fatiguée, si fatiguée, demander à un ami, un oncle, un cousin, de lui prêter les 160 euros de sa prothèse...Non ! je n'imagine pas ! Parce que cette misère sur laquelle ouvre votre projet de loi est proprement inhumaine.

 

 

Nos voisins anglais distribuent gratuitement la prothèse externe dans leurs hôpitaux. Les Allemands, Espagnols, Italiens appliquent une fourchette de remboursement annuelle comprise entre 130 et 220 euros.

 

 

La France, elle, qui se targue pourtant bien souvent d'être LE modèle à suivre, assassine lentement des femmes que la maladie a déjà atteintes et qui tentent, jour après jour, de ne pas crever.

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

NOTE DU 13 AOÛT : Je viens de relire l'article de Rue89, seul site à ma connaissance à avoir relayé l'information : et, au temps pour moi, j'ai commis une erreur dans le résumé que j'ai fait du projet de loi. En fait, les 120 euros seront le PRIX LIMITE DE VENTE imposé aux fabricants. En clair, Amoena et Anita, les deux seules firmes à bosser sérieusement sur les prothèses, devront baisser de 40 euros (pour Amoena) leur prix de vente... Or, ces entreprises consacrent du temps, de l'argent à la mise au point des prothèses. Les 160 euros de l'Amoena Contact ne sont pas volés aux patientes ; ils sont le prix de leur dignité, de leur confort quotidien. À terme, continueront-elles à travailler ? Ne vont-elles pas être tentées d'arrêter leurs recherches ? Les femmes en seraient les premières victimes.

 

 

Ce projet de loi a été pondu par le Ministère de la Santé après lecture d'un rapport d'Évaluation sur les implants mammaires, prothèses d'expansion tissulaire et prothèses externes(mai 2009) de la Haute autorité de Santé (H.A.S.), celle-là même qui avait naguère analysé les dépenses des affections longue durée (A.L.D.) en concluant que les affections sévères et lourdes et longues coûtaient plus cher à la Sécu que les petites maladies... Et préconisé la suppression de la prise en charge à 100% des ALD, l'instauration d'un bouclier sanitaire de 500 à 800 euros à la charge de tous les assurés.

 

 

 

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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 13:19
Merci au Grand Soir de reproduire cet article d'Il Manifesto sur Cameron le petit voyou aux riches parents.
Marco D’ERAMO


Dans une ville anglaise une bande de jeunes défonce une vitrine, s’enfuit dans la nuit, et se dirige en courant vers le jardin botanique. La police les suit, en embarque quelques uns dans leurs fourgonnettes et les met au trou.

Le problème c’est que nous ne parlons pas d’un épisode survenu ces jours-ci. Et que les jeunes arrêtés ne sont pas des casseurs sous-prolétaires. Non, l’épisode a lieu il y a 24 ans à Oxford et les 10 jeunes gens étaient tous membres du Bullingdon Club, une association étudiante oxfordienne de 150 ans d’âge, fameuse pour ses frasques estudiantines, ses cuites et pour considérer la vandalisation de boutiques et restaurants comme le fin du fin de la distraction. Restaurateurs, commerçants et dénonciations à la police, tout est remis en ordre avec quelques généreuses indemnisations qu’on va puiser dans les grassouillets portefeuilles paternels. Quelques heures plus tôt, les dix jeunes gaillards s’étaient fait tirer le portrait sur les marches d’un grand escalier, tous en uniforme du club, habit de soirée à 1.000 livres sterling (1.150 euros) pièce. Emergent du groupe un jeune David Cameron et un, tout aussi imberbe, Boris Johnson.

Il se trouve qu’aujourd’hui Cameron est premier ministre conservateur (britannique NdT) et Johnson maire conservateur du Grand Londres. Et que l’un comme l’autre tonnent contre les vandales qui détruisent les propriétés privées. Que l’un et l’autre invoquent la ligne dure, la main de fer. Cameron veut avoir recours à l’armée et censurer les réseaux sociaux ; Johnson veut augmenter les effectifs de police. Sans même la moindre compréhension pour qui ne fait rien d’autre, dans le fond, qu’émuler leur geste d’autrefois.

Mais évidemment, c’est justement le propre de la mentalité d’un fils à papa de considérer que les autres ne peuvent pas -et ne doivent pas- se permettre ce qu’on lui a permis, à lui, par droit de naissance et d’extraction sociale.

JPEG - 64.7 ko
(1) Sebastian Grigg, (2) David Cameron, (3) Ralph Perry-Robinson, (4) Ewen Fergusson, (5) Matthew Benson, (6) Sebastian James, (7) Jonathan Ford, (8) Boris Johnson, (9) Harry Eastwood
 

David Cameron est né en 1966 d’un père agent en bourse et d’une mère fille d’un baronet : l’actuel premier ministre tient à faire savoir qu’il est le descendant illégitime du roi Guillaume IV et de sa maîtresse Dorothée, et qu’il est donc un lointain parent de la reine Elisabeth II. Snob typique, Cameron fut envoyé à sept ans à Heatherdown, école élémentaire fréquentée aussi par les princes Andrew et Edward, école dont l’attitude de classe était sans équivoque : les jours d’excursion, les toilettes portables étaient désignées par « Ladies », « Gentlemen » et « Chauffeurs ». Et quand Margaret Thatcher fut élue premier ministre, l’école célébra ça par une partie de cricket improvisée entre élèves contre enseignants. Au lycée, Cameron fut envoyé dans la plus prestigieuse école privée d’Angleterre, Eton (frais annuels de scolarité : 27.000 livres sterling, environ 31.000 euros), le creuset de la classe dominante (Boris Johnson fut aussi son camarade de classe à Eton) : c’est drôle comme en Grande-Bretagne les écoles privées s’appellent public schools. Là le vilain garçon Cameron fut surpris en train de se rouler un joint et, en punition, dut recopier 500 lignes de latin. Après Eton, ce fut naturellement l’université à Oxford, et son club, le Bullington. En snob parfait, Cameron a ensuite épousé Samantha Gwendoline Sheffield, dont le père est un baronnet propriétaire terrien, et dont le parrain est vicomte. Samantha Gwendoline travaille dans la célèbre maison de produits de luxe Smyrne de Bond Street et a reçu le prix de Meilleure désigner d’accessoires par le British Glamour Magazine.

Quand ils se sont rangés de leurs bombes estudiantines, les fils à papa font d’habitude une belle carrière : Boris Johnson devient directeur du Spectator (même si sa carrière trébuche dans ses aventures d’homme à femmes invétéré, bien que marié). Cameron devient directeur des Corporate Affairs chez Carlton Communication, une société de media ensuite absorbée par Granada plc pour former ITV plc.

Quand, en 2006, Cameron emporte le congrès Tory et devient leader du parti conservateur, il n’a que 38 ans. Et c’est tout naturellement que, dans le gouvernement ombre qu’il forme (le premier ministre à l’époque était Tony Blair), trois des membres sont d’anciens élèves de Eton (Old Etonians). Mais dans le groupe de ses collaborateurs les plus proches, 15 au moins sont des Old Etonians. Et il en va de même quand, en mai 2010, Cameron gagne (à moitié) les élections et devient premier ministre à la tête d’une coalition avec les néo-libéraux conduits par Nick Clegg : ici aussi le noyau dur du gouvernement est constitué d’aristocrates, d’etonians ou oxfordians, comme l’actuel Chancelier de l’Echiquier (c’est-à-dire ministre de l’économie) George Gideon Osborne, lui aussi noble, héritier de la baronnie Osborne, lui aussi diplômé d’Oxford, et lui aussi, ça alors, ancien membre du Club Bullingdon.

Comme on disait avant : bon sang ne saurait mentir. La classe (sociale, NdT) non plus.

Marco D’Eramo

Edition de vendredi 12 août 2011 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/...

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 15:06

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/ressources/images/normales/d/do/041105douane-usa-can_n.jpgRue 89 a récemment publié ce témoignage d'Eva Roelens, refoulée (ainsi que sa fille) aux États-Unis alors que ses papiers semblaient parfaitement en règle. Sans savoir ce qu'on lui reprochait. Ce qui m'a le plus intéressé dans ce témoignage, c'est la réaction du ministère des Affaires étrangères français : on veut rien savoir, c'est pas notre problème. L'attitude de nos diplomates est confondante de lâcheté. C'est fou, ce que ça se ramollit du côté du Quai d'Orsay ! En diplomatie, il n'y a qu'une seule règle : la réciprocité. Si, dans les aéroports européens, aux rendait la pareille à deux ou trois touristes étatsuniens, leur gouvernement y réfléchirait à deux fois avant de se comporter de manière aussi arrogante et totalitaire. Pourquoi ce pays, qui se place le plus souvent en dehors des règles du droit international, peut-il s'arroger la possibilité de fliquer le monde entier de manière unilatérale ?

 

Rappelons également que, depuis 2008, les douaniers étatsuniens peuvent saisir le contenu des ordinateurs ou téléphones portables, des CD et de tout support informatique des voyageurs contrôlés, sans avoir à se justifier, et même si ces personnes n'ont commis aucune infraction selon les lois du pays. 

 

Bonnes vacances en Floride !

 
Kafka à Miami : refoulés sans explication des Etats-Unis, par Eva Roelens, pour Rue 89.

 


Mardi dernier 2 août, mon mari, ma fille de 21 ans et moi sommes partis en vacances au Etats-Unis avec cinq amis, pour un voyage que nous préparions depuis un an (non seulement le voyage en lui-même mais également les papiers, nouveaux passeports biométriques, ESTA [le système électronique de visa américain, ndlr] payé et accordé… le tout bien en règle).Arrivés à Miami en escale, après avoir passé normalement le contrôle des passeports (tampon « admitted » faisant foi), nous avions déjà récupéré les valises pour prendre la correspondance pour San Francisco, quand nous avons été appelés par haut-parleurs. Deux agents du Service de l'immigration nous ont expliqué alors qu'il y avait un contrôle d'identité de routine à faire.Après avoir essayé de le résoudre par téléphone pendant que nous étions déjà en train d'attendre tous ensemble la correspondance, les agents nous ont finalement demandé de les suivre. Et nous nous sommes retrouvés dans les locaux de l'immigration avec une centaine d'autres personnes.Nous avons atterri à Miami vers 14h00, nous devions prendre le vol pour San Francisco à 16h10. En fait, nous avons passé tout l'après-midi du mardi 2, toute la nuit - sans dormir ou à peine, avec un lit pliant pour trois - et toute la journée du lendemain dans les locaux de l'immigration avant d'être conduits par des policiers au pied d'un avion pour prendre un vol de retour à Paris le mercredi 3 à 18h00.

« Nous ne pouvons pas vous en dire plus »

Tout cela sans aucune explication au-delà de « vous n'êtes pas éligibles pour le programme ESTA, nous ne pouvons pas vous en dire plus », l'ESTA étant l'autorisation d'entrée qui remplace le visa.Nous n'avons pas été maltraités, même si l'attitude de certains policiers était bien plus sèche, voire autoritaire, que d'autres, et que des allusions à des menottes et une menace d'isolement nous ont été faites à deux occasions au nom de leur protocole. Je n'ose même pas dire que nous avons été interrogés tellement les questions qui nous ont été posées, séparément d'ailleurs, étaient anodines.Nous avons eu droit à des prises d'empreintes des dix doigts, à l'encre et de manière électronique, ainsi qu'à des photos.A plusieurs reprises, des chefs et des policiers nous ont assuré qu'ils regrettaient mais qu'ils ne pouvaient pas nous dire quoi que ce soit, et ce manque d'explications à propos de ce qui nous arrivait a même surpris la police de l'air et des frontières française, qui nous attendait à Roissy et qui nous a tout de suite rendu nos téléphones portables ainsi que nos passeports, désormais marqués de codes écrits à la main.A leur grande surprise, les policiers français n'ont trouvé dans les enveloppes aucune note de la part de leurs collègues de Miami.

Au ministère des Affaires Etrangères, « ce n'est pas leur problème »

Pendant notre enfermement à l'aéroport, mon mari (espagnol, journaliste à l'AFP) a quand même réussi à contacter l'AFP qui a informé tout de suite le ministère des Affaires Etrangères espagnol. Le consulat d'Espagne à Miami a pu contacter les services de l'immigration où ils ont eu la même réponse : « pas éligibles pour l'ESTA pour des raisons que nous ne pouvons pas vous dévoiler ».Arrivée à Paris, entre larmes, humiliation, sentiments d'injustice et de colère, j'ai appelé le ministère des Affaires Etrangères pour tenter de parler à quelqu'un qui pourrait m'aiguiller sur une quelconque explication, je me suis entendue répondre que ce n'était pas leur problème et me suis vue raccrocher au nez.Nous avons maintenant des passeports biométriques tout neufs, faits pour l'occasion, mais marqués avec des codes dont nous ignorons la signification et la portée. Drôle de situation qui a des conséquences immédiates bien réelles. Notre fille doit aller travailler en octobre dans un festival de cinéma à Morelia, au Mexique. Elle s'était trouvée un billet pas cher avec escale… à Miami.Bien entendu, nous allons annuler ce billet et lui en acheter un autre, malgré les frais que cela entraîne. Nous ne pouvons même pas imaginer la laisser faire escale seule aux Etats-Unis.Si je me permets de vous informer, encore sous le choc de ces vacances de rêve brisées, c'est parce que nous nous sentons démunis, nous ne savons vraiment pas vers qui nous tourner. Nous avons été humiliés, traités comme des délinquants. Nous trouvons insupportable de ne pas avoir droit à la moindre explication. Et ce n'est pas faute de l'avoir demandée tout au long de cet épisode kafkaïen.Je n'ai pas envie de laisser passer cette histoire. Au nom de quelle impunité avons-nous été traités de la sorte ?
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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 06:20

http://www.notrefamille.com/cartes-postales-photos/cartes-postales-photos-Allees-d-Etigny-AUCH-32000-5710-20071002-s5d3i3j1y1r9x2h3e6z8.jpg-1-maxi.jpgJ'ai déjà dit tout le mal que je pensais de certaines initiatives prises par la municipalité d'Auch (link). Lorsque le nouveau maire est entré en fonction, j'ai demandé à quelques vieux auscitains – qui avaient voté pour lui – quel type d'homme il était. "C'est un technocrate", me fut-il répondu. "C'est donc un homme de droite", ai-je rétorqué.

 

Je rappelle que les nouveaux édiles ont consacré un budget considérable pour rénover la place de l'Hôtel de ville en remplaçant la charmante fontaine d'antan par des jets d'eau prétentieux. Les seules bénéficiaires de cette rénovation inutile étant les bistrotiers qui disposent de beaucoup plus d'espace pour s'étaler. Daguin, l'empereur de la TVA à 5,5% pour les restaurateurs, est d'Auch.   (J'ai vu Daguin ce matin au marché d'Auch. Il s'empiffrait de tomates en compagnie de sa femme. Pardon : il goûtait. Pardon : il faisait un test comparatif. Comme d'hab'). Malheureusement, l'organisation de la misère étant aujourd'hui ce qu'elle est, les terrasses ne sont pas surpeuplées.

 

Pendant ce temps, des dizaines de rues sont défoncées, au point que certains riverains sont contraints de remblayer devant chez eux avec les moyens du bord pour ne pas être inondés.

 

J'ai été sidéré par la dernière initiative du maire. Entre le Palais de Justice et l'Hôtel de ville, se trouve un des plus agréables parkings de France, délicieusement ombragé l'été. Depuis toujours, ce parking est gratuit. Tout comme un parking souterrain voisin dont l'ancienne municipalité socialiste n'a pa confié les clés à Vinci. Le maire a décidé de rendre payantes une cinquantaine de places (sur 3 ou 400). Places situées près de l'Hôtel de ville, donc près du centre.

 

Il faut avoir un cerveau de technocrate de droite, il faut être atteint de sarkozyte aigüe, il faut avoir une conscience de classe louis-philipparde pour concevoir une telle mesquinerie. A Auch, le stationnement n'est quasiment jamais saturé. Ces places payantes rapporteront trois sous, ce qui servira peut-être à couvrir les frais des jets d'eau prétentieux de la place. On notera également que les personnes âgées pour qui la marche est pénible seront amenées, par la force des choses, à utiliser les places payantes.

 

 

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11 août 2011 4 11 /08 /août /2011 15:02

http://www.mon-diplome.fr/Diplome/700-6954-Dipl%C3%B4me%20de%20distribution%20de%20gouttes%20au%20grabataires.jpgIl n'y a pas que nos provinces profondes que le kleiner Mann et son gang du Fouquet's ont transformé en désert médical. Les grandes villes pâtissent également d'une politique de la santé qui fait la part belle aux actionnaires privés et aux médecins libéraux.

 

Bernard est un grand malade. Il souffre d'un myélome avancé. Est-ce parce que, agriculteur intensif, il a ingéré, quarante ans durant des produits toxiques que nous retrouvons ensuite dans nos assiettes ? Je ne sais, mais le mal est là. Compliqué d'un oedème aux poumons qui implique une assistance respiratoire permanente et nécessite des ponctions nécessaires et épuisantes.

 

A 75 ans, Jean-Pierre n'a plus du tout le moral. Il "préfère crever", dit-il. Et ce n'est pas la manière dont les établissements hospitaliers toulousains s'occupent de son cas qui incitent à lui redonner le moral. En début de semaine, il a dû subir une ponction lombaire dans un grand hôpital de Toulouse. Le lendemain était prévu sa ponction pulmonaire quinzomadaire. Dans un autre hôpital.

 

On aurait pu penser que le premier établissement l'aurait gardé une nuit puis l'aurait fait transporter dans le second par ambulance. Que nenni ! Dans la France du kleiner Mann et de ses amis, on ne s'encombre pas de vieilles personnes au seuil du grand voyage. On ne les achève pas encore mais mais on accélère le passage vers l'au-delà. Après sa ponction lombaire,  Bernard fut contraint de rentrer chez lui, par ses propres moyens (dans sa voiture conduite par son épouse, elle-même malade), puis de repartir le lendemain pour la capitale de Midi-Pyrénées.

 

Petit détail : Bernard habite à 90 kilomètres de Toulouse.

 

Pour couronner le tout, Bernard subira dans 48 heures un scanner à Agen. Dans une clinique privée.

 

PS : au quotidien, heure après heure, Bernard souffre beaucoup. Aucun des établissements hospitaliers qu'il fréquente ne lui a proposé un puissant analgésique. Bernard se soigne à l'aspirine.

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9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 15:29
Les Français sont fortement sollicités pour envoyer des dons aux populations frappées par la famine dans la cornehttp://a35.idata.over-blog.com/389x322/3/60/72/23/Images-articles-2/Charite.gif de l’Afrique.

 

Bonne nouvelle : Mamie Zinzin vient de leur faire parvenir un chèque. Un très gros chèque.

 

Un chèque équivalent à tout l’argent que son obligé le Président lui a fait gagner ces cinq dernières années en ristournes fiscales.

 

Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le Président a, de son côté, décidé d’aller passer une semaine dans un centre du SAMU social.

 

Sans talonnettes, pour se mettre bien au niveau des réalités.

 

(Paru en première exclusivité sur le site du Grand Soir).

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8 août 2011 1 08 /08 /août /2011 15:01

http://www.alternelec.com/web_images/compteur-electrique.jpgDepuis qu'EDF a été virtuellement privatisée, elle est atteinte de la maladie du libéralisme pourrissant et nécrosant. Ses employés souffrent de maux mystérieux et inguérissables. Je voudrais en donner ici deux exemples vécus.

 

Un de mes voisins constate que sa consommation a considérablement baissé d'une année sur l'autre, selon le compteur EDF (- 80%). Il est très surpris car il n'a pas changé ses habitudes de consommation. Puisque l'erreur lui est favorable, il demande à l'entreprise de moins en moins nationale (elle vient de vendre une partie de ses avoirs stratégiques à un fonds d'investissements chinois) de lui ristourner la différence puisqu'il est mensualisé et qu'EDF lui applique plus ou moins le même forfait d'année en année. Au téléphone, l'employée aquiesce. Honnête citoyen, mon voisin lui fait observer qu'il doit y avoir un problème quelque part, vraisemblablement au niveau du compteur. Il suggère donc à EDF de venir enquêter chez lui. Comme il ne sent pas l'employée très réceptive à cette proposition, il lui fait observer qu'EDF perd beaucoup d'argent. Réponse de la dame :

 

 - Si vous le voulez, on peut venir, mais je vous préviens, si le compteur fonctionne normalement, nous vous facturerons le déplacement et l'intervention.

 

Réponse de mon voisin : "Je n'ai pas envie de payer, ne vous dérangez pas".

 

Merveilleuse pratique d'une entreprise en voie de privatisation qui essaie de taxer ses clients de quelques dizaines d'euros tout en en perdant des centaines !

 

Un de mes amis est technicien à EDF. Technicien ancienne manière : travailleur conscientisé, syndiqué, soucieux du service public. Dernièrement, son chef lui demande de se rendre chez un boulanger dont le four est électrique. Son installation disjoncte très régulièrement et il demande à son fournisseur d'électricité de lui augmenter son ampérage. Mon ami se rend chez le boulanger et il ne lui faut pas trois minutes pour se rendre compte que l'ampérage est suffisant mais qu'une prise du magasin est défectueuse. A l'époque d'EDF ancienne manière, le technicien aurait suggéré le remplacement de la prise (trois euros), et puis basta !

 

Avec EDF nouvelle manière, l'employé a ordre de traiter ce qui lui est demandé, et rien d'autre.

 

En fin de compte, le boulanger s'est retrouvé avec un ampérage plus fort, donc une facture plus élevée, et une prise qui va continuer à faire disjoncter l'installation.

 

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Sarkozite (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.

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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 15:25

par Ignacio Ramonet, pour Mémoire des Luttes

http://3.bp.blogspot.com/_T2cGWxY2PlU/TLxatPfxUXI/AAAAAAAAApg/RYd4YlV_oPo/s1600/loi+de+finance+projet+2011+2010+fiscalité+entreprises+particuliers+nouveautes+nouvelles+recettes+fiscales+etat+assemblee+gouvernement.jpg

 

Les europhiles les plus béats le répètent à l’envi : si nous ne disposions pas de l’euro, disent-ils, les conséquences de la crise seraient bien pires. Ils divinisent un euro "fort et protecteur". C’est leur doctrine. Ils la défendent fanatiquement. Mais il faudrait expliquer aux Grecs (et aux Irlandais, aux Portugais, aux Espagnols, aux Italiens et à tant d’autres citoyens européens frappés par les politiques d’austérité) ce que seraient des "conséquences bien pires"... Socialement, la situation n’est-elle pas déjà insupportable ? Ne sent-on pas monter, au sein de l’eurozone, une hostilité de plus en plus radicale à l’égard de la monnaie unique et de l’Union européenne (UE) elle-même ?

Les citoyens indignés contre la situation actuelle ne manquent pas d’arguments. Car l’euro, monnaie de 17 États et de leurs 330 millions d’habitants, est en effet un instrument au service d’un objectif précis : la consolidation des dogmes [1] sur lesquels est fondée l’UE. Ces dogmes - que le Pacte de stabilité (1997) ratifie et que la Banque centrale européenne (BCE) sanctionne - sont au nombre de trois : stabilité des prix, équilibre budgétaire et renforcement de la concurrence. Nulle préoccupation sociale, aucun engagement à réduire le chômage, zéro volonté de garantir la croissance et, bien entendu, pas le moindre désir de défendre l’Etat providence. Bien au contraire.

A l’occasion de la crise actuelle, les gens commencent à comprendre que les normes de l’UE ainsi que celles de l’euro ont été deux attrapoires pour les faire entrer dans un piège néolibéral dont l’issue n’est guère aisée. Ils se retrouvent désormais prisonniers des marchés, comme l’ont explicitement voulu les dirigeants politiques (de droite et de gauche) qui, depuis trois décennies, bâtissent l’UE. Ces politiques ont systématiquement organisé l’impuissance des Etats dans le dessein d’accorder davantage d’espace et de marge de manœuvre aux marchés et aux spéculateurs.

C’est d’ailleurs dans cet esprit (et sous la pression de l’Allemagne) que la BCE a été déclarée "totalement indépendante" des gouvernements [2]. Ce qui signifie que, contrairement à ce que son nom indique, la BCE n’est pas une Banque centrale, et qu’elle se retrouve en dehors du périmètre de la démocratie. Afin que ni les citoyens, ni les gouvernements élus ne puissent modifier ses options libérales.

Ces caractéristiques (impuissance des dirigeants politiques, indépendance de la BCE) sont en partie responsables de l’incapacité européenne à résoudre le drame de la dette grecque. L’autre raison est que, sous son apparente unité, l’UE (et dans ce cas précis la zone euro) se trouve profondément divisée en deux camps presque irréconciliables. D’un côté : l’Allemagne et son aire d’influence (Benelux, Autriche et Finlande) ; de l’autre : la France, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et la Grèce.

L’origine de la dette grecque (comme celle de la dette des autres pays "périphériques") est bien connue. Lorsque la Grèce fut admise au sein de la zone euro [3], les institutions financières et les investisseurs internationaux considérèrent immédiatement que ce petit Etat présentait, malgré son évidente fragilité et ses ressources limitées, toutes les garanties pour recevoir des crédits massifs et bon marché. Une pluie de propositions de financement à des taux ridicules s’abattit sur Athènes. Formulées, en particulier, par des banques allemandes et françaises qui poussèrent les gouvernements grecs à s’endetter à faible coût et à long terme pour acheter notamment du matériel militaire allemand et français... [4]

Lorsque la crise financière (dite "des subprimes") éclate en 2008, elle s’étend rapidement à l’ensemble du secteur bancaire européen. Les établissements financiers manquent très vite de liquidités et réduisent drastiquement le crédit. Ce qui menace d’asphyxier l’ensemble de l’économie. Pour éviter cela, les Etats décident d’aider massivement les banques. Et parviennent à les sauver. Mais pour ce faire, ils ont dû emprunter auprès des marchés internationaux (puisque la BCE leur refuse tout prêt). C’est alors qu’interviennent les agences de notation ; elles sanctionnent l’endettement excessif des Etats (réalisé pour sauver les banques !)... Immédiatement, les taux d’intérêt des crédits aux Etats les plus endettés explosent... Commence alors la phase actuelle de la crise.

La dette grecque est insignifiante en elle même si l’on se souvient que le PIB de la Grèce représente moins de 3% de celui de la zone euro. Techniquement, le problème aurait pu être réglé il y a plus d’un an sans difficulté. Mais le gouvernement conservateur allemand, qui faisait face alors à des élections locales difficiles (et finalement perdues), estima qu’il ne serait pas moralement juste que les Grecs, accusés de "corruption" et de "laxisme", s’en tirent si facilement. Il fallait donc les punir afin que leur mauvais exemple ne soit pas imité.

Une aide trop rapide à Athènes, déclara Angela Merkel, "aurait un effet négatif, d’autres pays en difficulté pourraient cesser de faire des efforts" [5]. Cette attitude explique pourquoi, avec l’aide de ses alliés, Berlin ne cessa de tergiverser à propos de l’aide à Athènes. Laissant filer les mois. Délai dont profitèrent les marchés, alléchés par le désaccord européen, pour attaquer la Grèce. Finalement, Berlin finit par accepter un premier (et incomplet) plan d’aide, à une condition : que le Fonds monétaire international (FMI) y soit associé. Pourquoi ? Pour deux raisons. D’abord, parce que les institutions européennes ne disposent pas d’un bourreau suffisamment sévère pour intimider les Etats. Et ensuite parce que, depuis quarante ans, la spécialité du FMI consiste à exiger des pays endettés la mise en place de politiques antisociales. Ses recettes (appliquées sans pitié en Amérique latine dans les années 1970 et 1980) sont toujours les mêmes : hausse des taxes à la consommation, réductions brutales des budgets publics, strict contrôle des salaires, privatisations massives... [6]

Le gouvernement Papandreu fut donc contraint d’accepter un féroce plan d’ajustement, refusé par les citoyens révoltés. Mais, aux yeux des marchés, le mal était fait. Car cette affaire démontrait, une fois encore, une évidence : le rythme de la politique européenne est trop lent, alors que celui des marchés est immédiat. Les spéculateurs comprirent que l’Union européenne restait un géant sans cerveau politique, et que l’euro n’était qu’une "monnaie forte" à structure faible (il n’y a pas d’exemple dans l’histoire, d’une monnaie qui ne soit pas encadrée par une autorité politique). Les marchés attaquèrent alors l’Irlande, et devant une réaction européenne derechef lente et maladroite, ils raflèrent à nouveau la mise. Puis ils attaquèrent le Portugal, et idem. Ils attaquèrent ensuite l’Espagne et l’Italie, et les gouvernements de ces pays s’empressèrent eux-mêmes de s’auto-infliger les impopulaires recettes du FMI...

Dans toute l’Europe se répand ainsi la "doctrine de l’austérité expansive", que ses propagandistes présentent comme une sorte d’élixir économique universel, alors qu’il provoque partout de terribles désastres sociaux. Pis, ces politiques de rigueur aggravent la crise, elles étouffent les entreprises de toutes tailles en renchérissant le crédit, et enterrent toute perspective de récupération rapide de l’économie. Elles entrainent les Etats dans une spirale d’autodestruction, leurs recettes se réduisent, la croissance stagne, le chômage augmente, les nocives agences de notation baissent la note de confiance, les intérêts de la dette souveraine s’élèvent, la situation générale empire et les pays redemandent de l’aide... [7] Aussi bien la Grèce que l’Irlande et le Portugal - les trois seuls Etats aidés par l’UE (par le biais notamment du Fonds européen de stabilisation financière) et par le FMI - ont été précipités dans ce tragique toboggan par ceux que Paul Krugman appelle les "fanatiques de la douleur" [8].

Le Pacte de l’euro, proposé en mars dernier, aggrave les choses. Car il s’agit, en réalité, d’un tour de vis supplémentaire pour renforcer la rigueur. Il prévoit plus de "compétitivité", encore des réductions des dépenses publiques, de nouvelles mesures de "discipline fiscale", et pénalise surtout - et encore une fois - les salariés. Il menace aussi de sanctionner les Etats qui ne respecteraient pas le Pacte de stabilité [9]. Et propose même la mise sous tutelle de la dette publique, c’est-à-dire une limitation de la souveraineté. "Les pays européens doivent être moins libres d’émettre de la dette", a affirmé, par exemple, Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE. Certains eurocrates vont plus loin, ils proposent que tout gouvernement n’ayant pas respecté le Pacte de stabilité se voit retirer la responsabilité de diriger ses propres finances publiques...

Tout ceci est absurde et néfaste. Il en résulte une société européenne appauvrie au profit des banques, des grandes entreprises et de la spéculation internationale. Pour l’instant, les protestations légitimes des citoyens européens visent leurs propres gouvernants, marionnettes dociles des marchés. Quand se décideront-ils à concentrer leur colère contre le vrai responsable, c’est-à-dire le système qui n’est autre que l’Union européenne elle-même ?

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 15:30

http://www.motifake.com/image/demotivational-poster/0811/opulence-demotivational-poster-1225987301.jpgAvant de partir en congé – mais prennent-ils jamais des vacances ? – les collaborateurs du Monde Diplomatique nous ont concocté un superbe numéro.

On vient de voir que Barack Obama avait été contraint d'accepter les mesures imposées par les Républicains pour combler les déficits. Serge Halimi l’avait prévu (« Chantage à Washington ») : « Relative à la réduction de la dette américaine, la querelle qui oppose le président Barack Obama et la majorité républicaine au Congrès dissimule l’essentiel : cédant au chantage de ses adversaires, M. Obama a concédé d’emblée que plus des trois quarts de l’effort budgétaire des dix prochaines années, soit 3 000 milliards de dollars, proviendraient de coupes dans les budgets sociaux. La droite américaine aurait pu se satisfaire de ce triomphe, mais elle veut toujours plus. Y compris quand son intransigeance risque d’entamer sa popularité.

En décembre 2010, cédant une première fois à sa pression, le président des Etats-Unis avait prolongé de deux ans les baisses d’impôts très inégalitaires décidées par son prédécesseur George W. Bush. Quatre mois plus tard, parlant cette fois comme Ronald Reagan, M. Obama s’est réjoui de « la réduction annuelle des dépenses la plus importante de notre histoire ». Il a ensuite enchaîné les cycles de négociations avec les parlementaires républicains, annonçant : « Je suis prêt à me faire taper sur les doigts par mon parti pour arriver à un résultat. » Résultat : de nouveaux reculs de la Maison Blanche… »

 

Robert W. McChesney et John Nichols expliquent comment, aux États-Unis, médias, pouvoir et argent achèvent leur fusion : « Au Royaume-Uni, le scandale créé par les agissements du groupe de M. Rupert Murdoch a révélé les liens délétères entre journalisme, police et politique. Aux Etats-Unis, où le milliardaire possède de nombreuses chaînes de télévision, le rôle du complexe médiatico-financier dans la vie institutionnelle s’est encore accru récemment… ». Pendant ce temps, Greg Grandin revient sur le rêve amazonien de Henry Ford : « Au début du XXe siècle, l’industriel américain Henry Ford impose sa vision du monde à la construction automobile, avec l’ambition d’étendre « rationalisation » et « standardisation » à toutes les activités humaines. En créant Fordlandia, au cœur de l’Amazonie, il met son rêve en pratique. »

Magnifique article de Frédéric Lordon sur la nécessaire démondialisation (par parenthèse, un concept inventé dans les années 90 par Bernard Cassen, alors directeur du Diplo : « Perchées sur le fil de la dette, les économies occidentales flageolent de crise en crise. Réunions et sommets « exceptionnels » où se joue le sort d’un pays, d’un continent, constituent désormais l’ordinaire des responsables politiques. Depuis trois ans, ces derniers ont endossé le rôle de voiture-balai de la finance. Mais une autre piste s’ouvre, suscitant déjà craintes et controverses : qui a peur de la démondialisation ? Au commencement, les choses étaient simples : il y avait la raison – qui procédait par cercles (avec M. Alain Minc au milieu) –, et puis il y avait la maladie mentale. Les raisonnables avaient établi que la mondialisation était la réalisation du bonheur ; tous ceux qui n’avaient pas le bon goût d’y croire étaient à enfermer. « Raison » cependant confrontée à un léger problème de cohérence interne puisque, se voulant l’idéal de la discussion conduite selon les normes de la vérité et du meilleur argument, elle n’en aura pas moins interdit le débat pendant deux décennies et n’aura consenti à le laisser s’ouvrir qu’au spectacle de la plus grande crise du capitalisme. »

 

Alain Gresh raconte l’horreur en Syrie où les balles ont tué la peur : « De récents affrontements entre sunnites et alaouites à Homs ont illustré les tensions confessionnelles et les risques de guerre civile. Pourtant, la majorité des manifestants rejette ces dérives et réclame la démocratie. Le pouvoir syrien affirme vouloir de profondes réformes, mais sa crédibilité est minée par la violence de la répression. »

On se divertit avec Allan Popelard et Paul Vannier qui nous expliquent pourquoi Marrakech est plus high society que la Gascogne (j’avais personnellement des doutes !) : « Le référendum du 1er juillet dernier sur la Constitution marocaine a permis au roi Mohammed VI de donner au moins, dans le contexte des révoltes arabes, l’illusion d’une démocratisation. Mais le sort de Marrakech, transformée en « nouveau Saint-Tropez » de la jet-set parisienne, illustre le creusement des inégalités sociales.

Jean-Arnault Dérens nous parle de la “ Yougonostalgie ” : « Vingt ans après le tragique éclatement de la Yougoslavie, la nostalgie de l’ancien Etat commun se ravive dans les républiques héritières. Que représente ce sentiment, où se mêlent le regret d’un Etat puissant, respecté sur la scène internationale, et les souvenirs idéalisés d’un socialisme « à visage humain. »

Tony Wood nous emmène au pays du capitalisme réel : la Russie, bien sûr : « À l’approche des élections russes de mars 2012, les grandes manœuvres politiques ont commencé au Kremlin. Moribonde au début des années 1990, la Russie a opéré depuis une décennie un spectaculaire redressement économique et diplomatique sur fond d’autoritarisme et de corruption. A l’heure du bilan, deux visions de la transition postsoviétique s’affrontent. » Pendant ce temps-là, selon Cédric Gouverneur, calcutta est bien « délaissée » : « Entourée de Bidonvilles en expansion continue, la capitale bengalie a moins profité de la croissance économique que New Delhi ou Bombay. La mégapole conforte une certaine image de dénuement, au risque de se caricaturer elle-même. »

Laurent Bonelli nous brosse un historique des luttes armées depuis une quarantaine d’années : « Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les puissances occidentales ont érigé la guerre contre le terrorisme en priorité stratégique sans que l’on sache vraiment ce que recouvre le terme. Quoi de commun en effet entre les groupes révolutionnaires nés dans les années 1970, les réseaux d’Al-Qaida et les luttes armées pour l’indépendance ? Les témoignages de militants éclairent les logiques de la violence politique. »

Même l’École Normale Supérieure de la Rue d’Ulm est contaminée par le capitalisme financier, pour lequel sa directrice à les yeux de Chimène (Mathias Roux) : « Créée après guerre, l’ENA devait former des grands commis de l’Etat ; bicentenaire, l’Ecole normale supérieure avait pour mission de produire un corps enseignant d’élite baigné de valeurs humanistes. Devenues des instruments de reproduction de la classe dirigeante française, ces deux institutions prestigieuses tentent de s’imposer comme un sas vers le monde des affaires. »

Qu’est-ce qu’un réactionnaire, s’interroge Évelyne Pieillier ? « Longtemps, on put le définir comme celui qui préfère l’ordre ancien au progrès, et le classer à droite. Mais les réfractaires aux réformes libérales sont eux aussi taxés d’immobilisme, alors même que les anime un idéal de progrès... Confusions, équivoques, que les propos des antimodernes et autres conservateurs énervés peuvent éclairer à leur manière. »

Grand (aux deux sens du terme) reportage d’Olivier Cyran. Écologie de droite, cave canem ! Voir l’exemple des grands écolos allemands (Joschka Fischer en tête) qui ont vendu leur âme aux financiers : « Longtemps, le parti des Verts allemands a semblé vouloir faire de la politique autrement, loin des Parlements. Héritiers de la contestation des années 1960, les Grünen ont lutté contre le nucléaire, expérimenté de nouvelles formes de vie collective. Forts de résultats électoraux encourageants, leurs dirigeants tentent de concilier écologie, économie et jeu institutionnel. A Hambourg, le compromis donne des résultats surprenants. »

Un article inattendu mais très édifiant de benoît Duteurtre sur ce « Charming Paris » qui devient un parc à thème : « À la boulangerie du quartier, la plupart des touristes s’expriment en « globish ». Sitôt entrés dans la boutique, ils bredouillent quelques mots d’anglais pour commander leur sandwich. Plus loquaces, certains Américains se lancent dans de longues phrases, avec toute l’assurance de représentants de la culture dominante. Quand je me trouve dans la file d’attente, j’ose parfois leur signaler qu’en France on utilise généralement le français - la politesse consistant à demander : « Parlez-vous anglais ? » Certains me regardent, l’air ahuri, et je comprends leur étonnement. Car tout semble fait aux alentours pour leur éviter semblables préoccupations. Les cafés déguisés en bistrots typiques affichent sur des ardoises les prix de leurs appetizers et de leur French merlot. Quant aux autobus qui passent toutes les cinq minutes, pour déplacer les visiteurs d’un monument à l’autre, ils ont également opté pour l’affichage en anglais. Bref, le voyageur venu découvrir la double destination « Paris-Eurodisney » peut avoir l’impression d’évoluer, à deux pas de Notre-Dame, dans une annexe du parc de loisirs mondialisé. »

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 06:00

par Bernard Cassen pour Mémoire des luttes

http://eco.rue89.com/files/20081027Dettes.jpg

Dans la sphère financière comme dans les autres, ce sont les dirigeants politiques et les médias qui, par un tri sélectif des données factuelles disponibles, les font accéder au statut de « problèmes ». Dans le même temps, ils en délimitent unilatéralement par avance les « solutions ». La question de la dette publique constitue un cas d’école de cette manière de trancher un débat sans qu’il ait eu lieu.

Premier volet de la manipulation : dans une atmosphère confinant à la panique, cette question est érigée en sujet de préoccupation quasi obsessionnel. C’est le cas depuis mai 2010 dans l’Union européenne (UE) avec la mise en place du Fonds européen de stabilité financière ; c’est aussi le cas depuis peu aux Etats-Unis. Deuxième volet : dans la zone euro, une solution d’une simplicité biblique est mise en avant. Elle consiste à affirmer que, pour résorber les déficits, il faut tailler massivement dans les dépenses publiques et privatiser tout ce qui peut l’être. Et cela quelles que soient par ailleurs les divergences entre gouvernements de l’UE, et entre certains d’entre eux (Allemagne, Pays-Bas) et la Banque centrale européenne (BCE) sur la nécessité ou non d’une « restructuration » - c’est-à-dire d’une annulation au moins partielle - des dettes souveraines ou d’une mise à contribution des banques qui ont réalisé des bénéfices colossaux grâce à la spéculation sur ces dettes.

Le simple bon sens enseigne pourtant qu’un déficit représente seulement la différence entre des recettes et des dépenses. Cette différence peut certes être comblée par la diminution des dépenses, mais elle peut l’être tout autant par un accroissement des recettes fiscales. Or cette solution n’est jamais évoquée qu’à la marge car elle remettrait en question les politiques néolibérales menées depuis trois décennies par les gouvernements, qu’ils se réclament de la droite ou de la gauche. Ces politiques ont abouti à diminuer la part des revenus du travail dans la richesse produite et à augmenter d’autant les revenus du capital. En d’autres termes, à creuser les inégalités partout dans le monde.

De 1982 à 2005, la part des 1 % les plus riches dans l’ensemble des revenus est passée de 8, 4 % à 18, 3 % aux Etats-Unis, et de 6,9 % à 14, 3 % au Royaume-Uni. Dans la zone euro, les chiffres sont moins spectaculaires, mais néanmoins significatifs : de 9,4 % à 11, 1 % en Allemagne ; de 7, 1 % à 8, 2 % en France [1]. Ce formidable transfert de la richesse au profit de ceux qui étaient déjà des privilégiés s’est opéré par la baisse constante de l’imposition des hauts revenus et des bénéfices des entreprises, d’ailleurs souvent camouflés dans des paradis fiscaux. Les déficits budgétaires entraînés par l’insuffisance délibérée de ces recettes fiscales permettent aux plus riches de gagner sur les deux tableaux : d’un côté, ils paient moins d’impôts, et, de l’autre, grâce aux économies qu’ils réalisent ainsi, ils peuvent acquérir des titres de la dette publique dont les intérêts sont payés par le contribuable.

Les déficits publics pourraient facilement être comblés par une série de mesures simples : taxation des revenus du capital à la même hauteur que celle des revenus du travail ; lutte sérieuse contre la fraude fiscale ; taxation de toutes les transactions financières ; interdiction des flux financiers avec les paradis fiscaux, taxation des produits et services en provenance des pays ne respectant pas des normes sociales et environnementales minimales. On peut toujours rêver d’un Sommet européen qui prendrait ces décisions…

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