Extraits d’un article de Jean Matouk pour Rue 89 :
Lundi 11 avril, France Inter reçoit Christine Lagarde. Il s'agit d'un entretien suivi de questions d'auditeurs. Une retraitée
expose : elle essaie de vivre avec 800 euros par mois et en réalité, sans les fortes privations qu'elle s'inflige, cette somme ne lui permettrait de vivre que quinze jours. Réponse du
ministre :
« Le gouvernement a tout a fait conscience de votre problème et c'est pour cela qu'il a décidé d'augmenter de 2% les pensions de minimum
vieillesse. »
En fait, le gouvernement a augmenté le
minimum vieillesse de 4,7% et les pensions, effectivement, de 2%. Notre retraitée va donc percevoir 16 euros de plus par mois. De quoi se plaindrait-elle ?
Un autre auditeur s'inquiète de la capacité de l'Europe à continuer de venir en aide aux pays débiteurs en difficulté :
Grèce, Irlande, demain Portugal. Réponse du ministre : pas d'inquiétude ! L'Union européenne dispose d'un fonds de soutien de 500 milliards d'euros.
Les 800 euros contre les milliards des Etats
Quels discours a, en effet, entendu cette brave dame à 800 euros depuis trois ans ?
En 2008 puis 2009, notre chef de l'Etat lui a exposé que, pour éviter la récession, il injectait des dizaines de milliards
dans notre économie ; vers la même époque, il lui a aussi expliqué qu'il était contraint d'avancer aux banques des dizaines d'autres milliards, pour éviter leurs faillites, tout en critiquant vivement, par ailleurs, leur gestion déplorable
qui avait conduit à cette situation.
Les profits des banques plus élevés que jamais
Quand arrivent les résultats 2010, la même dame entend énumérer les résultats faramineux des banques, dont certaines étaient
proches de l'agonie deux ans plus tôt
7,8 milliards pour BNP-Paribas ;
3,6 milliards pour le Crédit Agricole ;
3,2 milliards d'euros pour la Société Générale presque « ruinée » deux ans plus tôt par l'horrible Kerviel.
Elle entend aussi annoncer que les revenus des dirigeants des banques ont retrouvé à peu près leur niveau antérieur :
1,5 million pour l'un, 2,5 millions pour l'autre… Et aux États-Unis, de 10 ou 15 millions par an !
Il n'y a d'ailleurs pas que les banquiers. Les chefs des grandes entreprises aussi participent à la fiesta 2010 des
millions :
0.Franck Riboud (Danone) : 4,4 millions ;
0.Bernard Arnault (LVMH) : 3,8 millions ;
0.Jean-Paul Agon (L'Oréal) 3,3 millions ;
0.Henri de Castries (Axa) : 3,2 millions ;
0.Larf Olofsson (Carrefour) : 3,1 millions, comme Gérard Mestrallet (GDF-Suez) ;
0.Martin Bouygues : 2,5 millions, à peu près comme Christophe de Margerie (Total) ;
0.Denis Kessler (Scor) : 2,3 millions, comme Henri Proglio, à l'époque à Veolia…
0.
Les banques étranglent les Etats les plus faibles
Et voici que notre même petite dame à 800 euros apprend, en mai 2010, que la Grèce est étranglée par sa dette, et que
l'Europe et le FMI doivent voler à son secours, pour 45 milliards d'euros. Elle apprend, il y a un mois, qu'il faut d'urgence 24 milliards d'euros à l'Irlande pour racheter ses banques, et
qu'aujourd'hui c'est le Portugal qui tend la sébile pour 75 milliards.