Il n’y a évidemment pas de recette pour aborder l’œuvre d’une telle figure littéraire. Je raconterai simplement ici comment, pour reprendre l’expression de Picasso, je suis allé à cette source, à ce compagnon de vingt ans de vie intellectuelle. Orwell est connu pour deux chefs-d’œuvre publiés en 1944 et 1949 (donc vers la fin de sa vie, puisque, né en 1903, il est mort prématurément de la tuberculose en 1950) : Animal Farm et 1984, deux ouvrages qui se sont vendus à plus de vingt millions d’exemplaires.
Très courageuse (pour l’époque) dénonciation du stalinisme, le premier de ces ouvrages a ceci de particulier qu’il peut être lu à la fois par un public d’enfants ou d’adultes – comme Les Fables de La Fontaine ou Les Voyages de Gulliver. Ne faisant pas toujours les choses comme les autres, je suis venu à Orwell à l’inverse de la majorité de ses lecteurs : j’ai lu ces deux textes après plusieurs autres livres de mon auteur fétiche.
Je me trouvais un jour de 1969 dans une famille de la banlieue résidentielle du sud de Londres, un "home" bien sympathique dominé par la très forte personnalité d’une grand-mère, membre de l’Independent Labour Party (des bourgeois peuvent avoir des idées très nettement progressistes, tandis que des ouvriers votent pour l’extrême droite ou pour ceux qui les exploitent), un petit parti d’extrême gauche dont Orwell avait pris quelque temps la carte. Elle avait d’ailleurs rencontré l’écrivain à plusieurs reprises. Ayant découvert que j’étais originaire du pays minier du nord de la France, elle me tendit un livre d’Orwell (dans l’édition originale, que n’ai-je pu le garder…), dont je n’avais jamais entendu parler :The Road to Wigan Pier (en français Le quai de Wigan). Cet ouvrage, qui décrivait par le menu les conditions de vie, de travail et de chômage des ouvriers dans le nord de l’Angleterre des années trente, me bouleversa. Ou plutôt, c’est la démarche de l’auteur qui m’enchanta. J’appréciais énormément qu’un bourgeois anglais aille vivre – ne serait-ce que deux ou trois mois – dans les corons, qu’il descende au fond de la mine, qu’il décrive le travail des mineurs, le corps des mineurs avec la force et la précision d’un Zola. Je savais que tout ce qui était rapporté correspondait parfaitement à la réalité, ayant moi-même vécu au contact des mineurs de charbon français dans les années cinquante, et ayant eu la possibilité de descendre une fois au fond de la mine. En lisant Le Quai de Wigan, je me remémorais ces samedis après-midi de mon enfance, lorsque je voyais des mineurs revenir du travail, noirs de charbon, puis se laver méthodiquement, méticuleusement avec une seule bassine d’eau. Il me revint en particulier comment ils se débarrassaient de la crasse sous les ongles, ou encore dans l’interstice situé entre l’œil et l’arcade sourcilière. Des années plus tard, en rédigeant ma thèse ou des articles sur Le quai de Wigan, j’expliquerais comment Orwell était allé au-delà de la réalité, au-delà du réel pour construire une véritable œuvre littéraire à partir de ces choses vues et fortement ressenties dans le Lancashire et le Yorkshire.
Un peu plus tard, sachant que je connaissais (dans le Lot-et-Garonne) des réfugiés républicains espagnols, la vieille dame me tendit Homage to Catalonia (toujours dans l’édition originale), en français Hommage à la Catalogne. Je fus subjugué. Non seulement cet Orwell était descendu au fond de la mine, mais en plus il s’était enrôlé dans des milices anti-franquistes, avait combattu comme simple soldat du rang (et non comme André Malraux en officier auto-promu, ou comme Hemingway, brancardier porté sur le whisky). Il avait même été gravement blessé dans un conflit où il n’avait rien à gagner, avant de dénoncer quelques mois plus tard ce que personne n’avait osé évoquer avant lui en Grande-Bretagne, la trahison de Staline dans cette guerre civile effroyable où le peuple espagnol s’était retrouvé seul face à la barbarie fasciste. Quand, plus tard, je découvrisAnimal Farm et 1984, je me dis que j’étais en présence d’un écrivain politique extraordinaire, doublé – ce qui m’attirait peut-être encore plus sans que j’en sois vraiment conscient à l’époque – d’un moraliste de grand calibre.
La rédaction de cette thèse me prit sept ou huit ans. Dans le même temps, j’écrivis quelques dizaines d’articles sur Orwell, je fis des communications dans de nombreux colloques, devant divers publics. Je finis par publier un livre, en 1994, synthèse de tous ces travaux. J’eus le grand bonheur de voir ce livre préfacé par un des intellectuels anglais que j’admirais le plus, Richard Hoggart, l’auteur de l’ouvrage ayant fondé les “Cultural Studies” anglaises, The Uses of Literacy (en français La culture du pauvre), une étude de 1957 sur la culture populaire.
Il en alla pour moi d’Orwell comme du vélo : je crois que pendant toutes ces années, je réussis à combiner travail, enrichissement et plaisir.
21/07/2008 à 18:40, par DB
Il n’est certes pas de recette pour aborder une ouvre littéraire, et le débat a souvent eu lieu à propos de céline... Mais le cas de george Orwell est un peu différent, il est l’icone de la dénonciation du totalitarisme avec hannah Arendt (qui fut elle aussi selon les mêmes sources recrutée par la CIA), il est le dénociateur du stalinisme, jusqu’à quel point devait aller cette dénonciation ?
Voici quelques pièces au dossier, ce qui n’enlève rien à ses qualités littéraires bien sûr.
Voici ce qu’écrit entre autres Frances Stonor saunder. Qui mène la danse. La CIA et la guerre froide culturelle, publié chez Denoël.
p.306 à 308
Mais orwell lui-même n’était pas entièrement innocent de ce genre de manipulations de la guerre froide. Il avait, après tout, remis une liste des présumés compagnons de route au département de recherche de renseignements en 1949, liste qui dénonçait trente cinq personnes comme compagnon de route (ou CR en « orwellangue »), hommes de paille présumés ou « sympathisants » - dont Kingsley martin, rédacteur en chef du New Statesman and nation (« libéral pourri. Très malhonnète ») Paul robeson (« très anti-blanc. Partisan de wallace »), J.B.Priestley (« ferme sympathisant a peut-être un lien avec une organisation . Très anti-USA ») et Michael Redgrave (ce qui est ironique, étant donné le rôle qui lui sera confié dans 1984). Soupçonnant pratiquement tout le monde, Orwell avait depuis plusieurs années un registre bleu format in-quarto toujours à portée de la main. En 1949, il contenait 125 noms et était devenu une sorte de « jeu » auquel il aimait jouer avec Koestler(1) et Richard Rees, chacun estimant « jusqu’à quel point nos bêtes noires préférées pourraient pousser à la traîtriseé. Les critères d’inclusion semblent avoir été très larges, comme dans le cas de stephen Spender dont orwell juge « la tendance à l’homosexualité « digne d’être notée (il le dit aussi « très peu fiable » et « influençable »). Le réaliste américain John Seinbeck y figure uniquement parce que c’est « un faux écrivain », alors que Upton Sinclair a droit à « complétement idiot ». George Padmore (pseudonyme de malcom Nurse) est dépeint comme un « Nègre, d’origine (peut-être) africaine ? » qui est « anti-blanc » et probablement l’amant de nancy Cunard. Tm Driberg essuie un feu nourri car il est tout ce qu’orwell abhorre : »homosexuel », « généralement considéré comme faisant partie d’un mouvement clandestin » et « Juif anglais ». Mais cette sorte de jeu (comme il l’appelait) prend une nouvelle dimension sinistre quand Orwell remet de sa propre initiative sa « petite liste au département de recherche de renseignements, bras secret, comme il le savait du Foreign Office. (..) Cinquante ans plus tard le biographe officiel d’orwell, bernard Crick prend vigoureusement la défense de l’écrivain, lequel n’aurait pas agi « différemment des citoyens responsables d’uajourd’hui qui fournissent à la brigade antiterroriste des renseignement sur des personnes de leur connaissance qu’ils croient être des plastiqueurs de l’IRA ». cette ligne de défense est reprise par ceux qui veulent à tout prix perpétuer le mythe d’un groupe d’intellectuels rassemblés par leurs liens avec Moscou, et unis dans une tentative séditieuse pour préparer le terrain au stalinisme en Grande-Bretagne. Il n’existe aucune preuve que les personnes figurant sur la liste de orwell (dans la mesure où celle-ci a été rendue publique) aient pris part à des actions illègales et certainement rien qui puisse justifier la comparaison avec des terroristes de l’ira. »Homosexuel » était alors la seule accusation susceptible d’entraîner des poursuites judiciaires, mais cela ne semble pas avoir dissuadé orwell d’utiliser ce terme. La loi anglaise n’interdisait pas l’appartenance au parti Communiste, ni le fait d’être juif, ou bien sentimental, ou encore stupide."
Cf. également George orwell dans peter Davison (ed.) The Complete Works of George Orwell, Londres, Seckers et Warburg, 1998 Bernard Crick, Evening Standard, 11 juillet 1996
86.***.52.*** #49346
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23/07/2008 à 12:15, vincent présumey
Tout cela est extrémement douteux. Lire à ce sujet l’article de Wikipedia sur Orwell. Il semble que pour certains, un antistalinien ne puisse que difficilement être "innocent" de tout lien avec la CIA. Si Orwell avait voulu être une crapule genre Aragon, il en avait la capacité, mais il a choisi. Les éventuelles erreur d’Orwell -comme d’ailleurs l’évolution de Hannah Arendt- s’expliquent par leurs idées et le rôle de repoussoir que le monstre stalinien a joué envers celles-ci, et pas par leur "recrutement par la CIA" : cela c’est la vision des policiers, mais il y a des gens dont la stature est plus haute que celle des flics et des kapos.
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23/07/2008 à 17:38, Anonyme
"une crapule genre Aragon"
En quoi a consisté la "crapulerie" d’Aragon ?
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23/07/2008 à 18:32, alain girard
Aragon une crapule ?! Il suffit qu’un jugement soit porté sur Orwell pour qu’un boomerang renvoie Aragon, pourquoi Aragon, allez savoir, pour son audace et son courage à rester communiste, à demeurer le poête des gens comme moi, ouvrier, fils d’ouvrier, générations rompues à l’usine avec cette seule lueur Aragon et notre idéal émancipateur.Aragon le méchant stalinien, Orwell le gentil anti et la messe est dite, les raccourcis empruntés, les jugements définitifs, la vérité établie..Diantre Orvell ce brave homme ne pouvait émarger aux compte de la CIA, oh pureté, oh naîveté, oh aveuglement, oh vision partisane, oh mensonges éhontés.
Relisons Wikipédia ensemble en ayant présent à l’esprit que ce qui est trop polémique est filtré voir interdit coupant ainsi toute perspective réelle d’information MAIS LISONS
Le 11 juillet 1996, un article, publié dans le quotidien anglais The Guardian, explique que George Orwell, en 1949, a collaboré avec l’Information Research Department (une section du ministère des Affaires étrangères britannique liée aux services de renseignements)[45] par l’intermédiaire d’une fonctionnaire de celui-ci : Celia Kirwan. Orwell aurait livré à cet agent une liste de noms de journalistes et d’intellectuels « cryptocommunistes », « compagnons de routes » ou « sympathisants » de l’Union soviétique. La réalité de cette collaboration est prouvée par un document déclassifié la veille par le Public Record Office [46].
L’information est relayée en France principalement par les quotidiens Le Monde (12 et 13 juillet 1996) et Libération (15 juillet 1996). Le public français apprend à cette occasion que l’auteur de 1984 « dénonçait au Foreign Office les "cryptocommunistes" » (Le Monde, 13 juillet 1996). Dans son numéro d’octobre 1996, le magazine L’Histoire va plus loin encore, expliquant qu’Orwell aurait « spontanément participé à la chasse aux sorcières » organisée contre les intellectuels communistes par le Foreign Office.
En revanche, ces articles omettent de mentionner qu’Orwell est un ami personnel de Celia Kirwan (belle-sœur de l’écrivain Arthur Kœstler, elle a en 1945 repoussé la demande en mariage d’Orwell, veuf depuis quelques mois). Celle-ci, à l’occasion d’une visite à l’auteur de L’Hommage à la Catalogne, lui confie travailler alors pour un service gouvernemental chargé de recruter des écrivains et des intellectuels susceptibles de produire de la propagande antisoviétique. Orwell, après lui avoir donné les noms de quelques personnes de sa connaissance lui paraissant aptes à être recrutées, propose à Celia Kirwan de lui communiquer, à titre privé, les noms d’autres personnes qu’il est, pour beaucoup de notoriété publique[47], et, en raison de leurs convictions politiques, inutile d’approcher.
La fameuse liste, déclassifiée en 2003 (mais, curieusement, déjà mentionnée dans la biographie de Crick parue en 1980[48]) ne dit pas autre chose, et tout laisse à penser que la « collaboration » d’Orwell s’est réduite à cela. John Newsinger, dans sa « biographie politique » d’Orwell, a par ailleurs rappelé que George Orwell a à plusieurs reprises manifesté, à la fin des années 1940, son hostilité à toute tentative d’instaurer un « maccarthysme anglais[49] ».
Vous y êtes, donc monsieur Présumey invoque le droit à l’erreur, tiens donc acceptables pour les uns pas pour les autres. Cependant j’ai le sentiment d’une confusion bien volontaire entre la notion d’erreur et celle de l’acte délibéré et appeler erreur la dénonciation , non pas de délinquants quoique communistes, cela n’est pas sans rappeler d’autres dénonciations entre autres celles qui aboutirent à l’emprisonnement de démocrates américains et à l’exécution d’un couple des plus célèbres Julius et Ethel Rosenberg, erreurs sans doute que ces deux chaises électriques anéantissant l’amour (je vous invire à regarder la dernière photos des Rosenberg) mais cela il faut l’expliquer à leurs fils. Monsieur Présumey omet de rappeler ce que fut la guerre froide déclenchée par les alliés, cette volonté d’en finir avec le socialisme et les mouvements de libérations nationales naissant. La guerre froide ce fut par exemple la confiscation des stocks de riz en Inde par les américains et la bourgeoisie locale pour casser le mouvement d’indépendance , cela au prix de combien de millions de morts ? Lorsque Orwell commet ses "erreurs" wikipédia nous dit que ce dernier avait refusé une chasse aux sorcières en Grande Bretagne, dont acte mais l’herbe est tellement plus verte ailleurs et la CIA si convaincante mais il est vrai, si l’on en croit la soft version qu’Orwell ne dénonçât qu’en privé, un peu genre lettre anonyme, encore un acte de courage ! Je dénonce et si tu répètes je n’y suis pour rien que cela soit bien entendu ! Notons au passage que le veuf Orwell ne perdit pas de temps pour courir les jupons mais cela n’est sans doute qu’un côté peu ragoûtant du personnage.
Monsieur Présumey dénoncer un démocrate ce n’est pas banal, ce n’est pas démocratique , c’est de la compromission, de la lâcheté et aucun combat fusse t’il contre le stalinisme n’autorise à employer la même méthode que le combattu ou alors nous sombrons dans la barbarie.
Aragon n’a jamais sombré, il a souvent douté,parfois soutenu sans conviction mais jamais il n’ a dénoncé, trahi, en communiste, en démocrate. Mais je laisse les derniers morts à Orwell, ceux-ci me sont éclairants ;
de la pitié ! m’écriai-je.Crois-tu que je sois venu ici pour faire preuve de pitié ? Crois-tu que j’aurais payé mille franc pour ça ? Je vous le jure, messieurs et dames, sans ces maudites lois qui sont autant d’obstacles à la liberté , je l’aurais tuée à ce moment-là. Dans la dèche à Paris et à Londres G Orwell
Ces maudites lois qui punissent meurtres et viols, des erreurs sans doute !
Aragon la femme est l’avenir de l’homme , Orwell non !
n’importe quoi ...
23/07/2008 à 21:36, vincent présumey
Je n’ai jamais dit ni écrit ni pensé que le droit à l’erreur serait acceptable pour les uns et pas pour les autres, mais oui je fais une distinction entre un franc tireur qui cherche à agir pour l’émancipation, Orwell, dans une situation difficile et qui fait des conneries dans ces conditions, et quelqu’un qui participe pleinement à un appareil, à une police, qui est payé pour : Aragon. Qu’on nous épargne ls fadaises sur le gentil Aragon poète des ouvriers. Il a soutenu l’exploitation, la torture et la déportation des ouvriers et des communistes. Ni communistes, ni démocrate. Grand écrivain, oui, comme Céline ...
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23/07/2008 à 18:41, Anonyme
Vincent presumey vous êtes odieux et ce n’est pas la première fois. Deux choses sur le fond du débat :
1) j’ai moi-même subi pas mal de choses du PCF ou plutôt de sa direction actuelle, mais il ne viendrait jamais à l’idée de donner leurs noms aux renseignements généraux en notant qu’ils sont juifs ou homosexuels. Mieux ou pire je considère que mon engagement communiste est au-delà de ce que j’ai subi et continue à subir et il ne dépend de personne sinon de moi même de ne pas me déshonorer. C’est pourquoi je continue à voter communiste. pour cela et aussi parce que je ne confond pas les moeurs regrettables dans tous les partis avec mon engagement. Donc personne n’est excusable d’être devenu un individu méprisable au point d’aller donner une liste...
2) J’ai écrit un jour sous la dictée d’Aragon ces mots être communiste c’est ne pas confondre les petites histoires avec la grande, Aragon dit François la Colère a été d’un grand courage et s’il fut "la plaie et le couteau" comme il l’écrivit, il refleta aussi les grandeurs de cet engagement dans un siècle plein de bruit et de fureur.
3) Il n’y a aucune comparaison entre Aragon qui a été un des trés grands écrivains du XXe siècle, peut-être le plus grand et Orwell dont la taille littéraire a été infiniment, infiniment plus modeste...
Danielle bleitrach
bas les pattes.
23/07/2008 à 21:20, vincent présumey
Mieux vaudraut pouvoir en rire -car d’une certaine façon c’est risible : trois lignes posant au passage une vérité factuelle sur l’homme qui a écrit des poémes à la gloire du Guépéou quand celui-ci torturait et déportait en masse les militants ouvriers et communistes en URSS, et voila les chars qui débarquent et, cerise sur le gateau, Danielle Bleitrach qui s’imagine qu’elle n’a rien de mieux à faire que de venir nous expliquer qu’Orwell était un écrivain mineur : pitoyable. Je suis désolé de lui avoir donné l"occasion d’écrire cette honte, mais on prend ses responsabilités : mes chers camarades, calmez vous et rengainez donc vos chars, la vérité fait mal, je sais bien, et la mémoire vivante de la classe ouvrière, d’une part, Pif le chien d’autre part, ce n’est pas la même chose. Cela vous énerve et vous fait mal quelque part ? vous l’avez cherché, et dites vous bien que c’est pour votre bien ! Venir nous expliquer qu’Orwell c’était la CIA ? Pas ça, pas vous. Nettoyez devant votre porte - je n’ai quand à moi aucune raison d’assumer les erreurs d’Orwell, n’ayant aucune lien d"appareil avec lui. L’engagement, c’est au service de la classe ouvrière, pas au service de la mémoire de ceux qui l’ont trompée et exploitée. C’est nécessaire pour qu’on puisse gagner tous ensemble au XX° siècle.
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23/07/2008 à 22:08, Anonyme
je voudrais encore préciser la dernière idée,il est des auteurs immenses que je n’aime pas sur le plan politique par exemple pour rester avec les anglais, je pense à Dickens. Il a écrit des textes sur la Révolution française que je ne lui ai jamais pardonné, il est aussi judéophobe que Orwell, mais je ne peux pas résumer un tel monument à ces aspects périphériques, comme est périphérique chez Balzac son engagement monarchiste... Ce sont tous les deux des créateurs d’univers, d’immenses écrivains. Orwell y compris dans les deux textes les plus céléèbres 1984 et les animaux de la ferme se limite à sa dénonciation du totalitarisme et en particulier du "stalinisme", alors qu’il est contre l’hitlérisme mais ça lui passe, je crois que son ralliement à la CIA, à une certaine politique des Etats-Unis, son oubli rapide du nazisme pour mieux se retourner contre le stalinisme, est le fondamental... C’est un néo-conservateur avant l’heure... avec des limites assez semblables, y compris par rapport au sionisme... Et y compris dans ses écrits quand on considère les personnages, ceux qui existent réellement ont des nuances, des contradictions, sont semblables à lui, des hommes occidentaux, le reste y compris les femmes ne sont que des types abstraits... Là encore rien à voir avec les créateurs d’univers. Et le vrai problème est je le répète qu’à l’inverse de gens comme Dickens, Balzac, Aragon qui ne se limitent jamais à un engagement toujours présent Orwell n’est rien d’autre... Son projet littéraire ne se réalise que dans l’obsession politique autour de lui-même. Ce n’est vraiment pas le cas en ce qui concerne Aragon, qui quoiqu’il ait affirmé est toujours resté un surrealiste...
Donc l’acte est haissable, dénoncer d’anciens camarades au moment même où comme le dit Alain girard est en train de démarrer la chasse aux sorcières est ignoble, mais il y a plus... Et faire de Orwell une contradiction vivante, ou parler de son style c’est aussi offrir un certain type de marchandise, y compris puisqu’il est question d’eux à des enfants...
Danielle Bleitrach
George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions
23/07/2008 à 22:38, Gilles Questiaux
Orwell, ancien intellectuel de gauche, est devenu anticommuniste en Espagne par sympathie pour les militants du POUM, proches du trotskysme, pourchassés par le NKDV (pour aller vite). Curieusement, il a conservé la réputation d’être un homme de gauche, alors que la leçon de son œuvre est la résignation au conservatisme, à la suite d’un idéal assez superficiel de gentleman anglais, du style "la démocratie est le pire des systèmes, exceptés tous les autres". Mais dans l’ultragauche, en particulier chez les prosituationnistes, Orwell est considéré, de manière ultra parano, comme décrivant la réalité secréte de notre monde démocratique, que l’on juge entièrement manipulé, au sein du "spectacle". Ce sont les mêmes qui croyaient que Russes et Américains étaient de mèche pour dominer le monde à deux.
Orwell peut être associé à H Arendt, dans la mesure où ils ont servi à construire la notion de totalitarisme, notion de guerre idéologique, sans aucune valeur scientifique, pour associer fascisme et communisme dans le même rejet.
En 1945, il y avait un choix à faire, pour les USA ou pour l’URSS, et une bonne partie de l’intelligentsia a fait tout naturellement ce qui était le "bon choix" pour les services américains, et en a été récompensée, sous forme de prestige, de notoriété, etc. Orwell a donné des noms, parce qu’il croyait ainsi défendre la civilisation et sa "decency". Son évolution est la même que celle de Dostoievski cent ans auparavant, mais avec le génie en moins. No one is innocent !
GQ
PS : "Hommage à la Catalogne" est tragique et émouvant sur les contradictions du camp républicain dans le guerre d’Espagne. Animal Farm est une redoutable brochure de propagande, très bien faite. 1984 est surfait, politiquement et artistiquement.
http://reveilcommuniste.over-blog.fr/
George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions
24/07/2008 à 15:55, vincent présumey
Réponses pour tous. Il y plusieurs débats mélangés les uns avec les autres dans cet échange.
1) Une remarque de fond : il m’arrive assez souvent de me facher grave avec des camarades issus de la tradition de ce qu’on appelle, pour aller vite, "le mouvement communiste" (les anciens PC et ce qui était lié au bloc soviétique), étant moi même de la tradition communiste antistalinienne (dont le trotskysme est une pièce importante mais pas la seule), je dis bien tradition, avec autant de racines dans la lutte, de souvenirs de lutte des anciens, etc. Il vaut le coup de se facher dans la mesure et seulement dans la mesure où, dans des luttes de classes contemporaines, en France aujourd’hui -contre Sarkozy, le TCE, la loi Pécresse, le droit du travail ...- nous nous trouvons du même côté de la barricade. Si ce n’était pas le cas ça ne vaudrait pas le coup. Cela suppose une forme de respect : je tiens donc à dire ici que je respecte Danielle Bleitrach et les souvenirs qu’elle évoque. Que trouve-t’elle odieux chez moi ? - à mon avis, deux genres de choses. L’une, que ce soit d’un point de vue marxiste que je puisse dire et écrire, par exemple, que le régime chinois est capitaliste et qu’il y a bel et bien oppression nationale au Tibet (sans cautionner le dalai-lama pour autant) -mais trouver cela "odieux" me semble être une erreur, il ne s’agit pas de morale ni de caractère mais bien d’analyse politique avec des conséquences concrètes. L’autre, le coup d’Aragon : je le confesse le coup est parti tout seul, je me suis dit "tiens pour une fois que le GS nous diffuse un article antistal bien senti, naturellement il faut qu’il y en ait qui nous ramènent la CIA", alors bing, boomerang en effet comme dit l’autre ! Je comprends d’autant mieux que Danielle Bleitrach trouve cela "odieux" que je connais -et respecte- bon nombre de militants communistes qui ont tété Aragon quand ils étaient ados (pas quand ils étaient petits, quand ils étaient petits, c’était Pif le chien). N’empèche qu’il faudrait être capable d’admettre que ce grand écrivain a fait des crapuleries en tant que stalinien, tout en en tirant avantage au sens le plus bourgeois du terme. Ensuite on peut discuter de ce qui s’est passé, des circonstances, etc. On verrait alors qu’il y a eu d’autres écrivains des mêmes origines intellectuelles et littéraires qui n’ont pas tout à fait fait la même chose, je ne pense pas qu’à Breton ou d’autres, mais aussi au surréaliste tchèque Zavis Kalandra, qui a été assassiné par les staliniens au pouvoir avec la complicité explicite d’Eluard, son ancien ami -pour Aragon je ne sais pas, je ne suis pas spécialiste mais ça m’étonnerai tout de même qu’on puisse prouver qu’Aragon se soit opposé à l’assassinat étatique de Kalandra (fin des années 40). J’ai peut-être une manière brusque de rappeler les choses et mettre les pieds dans le plat. Je l’assume. Pourquoi ? parce que moi aussi, je suis fier d’être communiste.
2) Sur le parcours et l’’ensemble des faits et gestes d’Orwell : je ne suis pas spécialiste non plus. Donc moi je n’en sais rien sur ce qu’il a fait à la fin des années quarante. Ce que je sais c’est que la source de ce qu’il dénonce notamment dans 1984 et dans Animal’ farm, ce ne sont pas les émoluements de la CIA (certains aspects de ces oeuvres valent d’ailleurs contre le capitalisme contemporain). Je pense qu’il faut que les spécialistes et historiens d’Orwell examinent sereinement les choses (peut-être l’auteur de l’article à la source de notre débat parmi eux). Cela dit deux remarques encore sur les aspects non littéraires, mais politiques, d’Orwell. Premièrement c’est vrai, notamment dans le monde anglo-saxon où il s’agit d’un phénomène majeur, il y a des gens qui sont passés de l’antistalinisme à l’anticommunisme. Mais la responsabilité première dans cette évolution, le stalinisme doit quand même en avoir une, non ? En outre, soit dit en passant, le nombre de types qui sont passés du stalinisme à l’anticommunisme est sans doute plus important encore ... Deuxièmement, à propos du mail d’Alain Girard, mélanger dans une sorte d’imprécation des données factuelles discutées sur Orwell avec l’action de la CIA sur les stocks de riz en Inde et le procés des Rosenberg, ce n’est pas de la discussion, c’est du tapage.
3) En tant que marxiste, je suis totalement opposé à la vision du monde au XX° siècle que préconise Gilles Questiaux : l’hostilité aux méthodes du NKVD (NB : torturer à mort Andreu Nin, rendre leurs usines aux patrons, recruter les anciens flics pour mettre les syndidats au pas, renvoyer les femmes combattantes au foyer, décollectiviser les terres prises par les paysans d’Aragon, le tout au non de l’antifascisme avec pour résultat concret la victoire des fascistes ! ) envers le POUM conduirait à l’anticommunisme, et en 45 il n’y aurait eu qu’à choisir entre EU et URSS et donc il fallait choisir l’URSS. Justement non. Justement si le capitalisme a gagné le XX° siècle c’est parce qu’on a voulu contraindre la classe ouvrière mondiale à ce choix.
4) Sur le plan littéraire je ne partage pas les appréciations de Danielle Bleitrach sur Orwell. Je pense qu’elle n’arrive pas à le lire à cause du rôle que ses oeuvres ont joué dans la construction de la notion de "totalitarisme" que l’impérialisme a utilisée et que cela gache sa lecture. C’est un peu comme moi avec Aragon, j’ai du mal en effet, parce que je pense aux millions de communistes, je dis bien de communistes, torturés et liquidés par ceux qu’il chantait. Mais je veux bien faire un effort pour le lire comme poète et écrivain. "Toute licence en art", comme disait Lénine ...
Voila pour cette fois, camarades qui quelques parts regrettaient quand même un peu un certain bon vieux temps qui n’a pourtant pas été une réussite ... en espérant que la prochaine fois qu’on se retrouvera ce sera pour tirer ensemble dans la même direction ! VP
George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions
24/07/2008 à 18:26, Anonyme
Honnêtement vincent presumey, je n’ai pas trouvé odieux votre manie au milieu d’un article au demeurant tout à fait intéressant sur les subprimes de voir surgir une attaque contre la Chine, j’ai trouvé ça hors sujet et dommageable pour l’article et son auteur.
je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse de la Chine mais je crois que cela peut donner lieu à des débats importants qu’il faut savoir mener.
Non ce que je trouve "odieux"c’est l’insulte gratuite, en particulier contre Aragon... Qui n’avait rien à voir avec le sujet et qui est un immense écrivain.
Je ne crois pas que ma lecture d’Orwell soit gâchée par ce qu’il est mais comme je l’ai dis parce qu’il n’est que ça...Un conservateur anglais égaré et il l’est resté dans son oeuvre, alors qu’il existe des conservateurs que j’adore, par exemple cette délicieuse peste de Jane Austen.
Je suis tout à fait d’accord pour les combats communs mais encore faudrait-il que vous bloquiez votre hernie hiatale du ressentiment. Une hernie hiatale est à l’entrée de l’oesophage ce qui occasionne de terribles remontées d’acidité, votre trotskysme vindicatif m’y fait songer.J’ai adhéré au PCF alors que je n’avais pas encore 15 ans et Staline était mort depuis quelques années, moi c’était la guerre d’Algérie, les luttes anti-coloniales... Vous aussi sans doute. Je suis en outre convaincue que l’assassinat de Trotsky est une chose indéfendable, je n’ai jamais eu la moindre résistance à militer avec des trotskystes, simplement ils me cassent les pieds souvent à marquer des buts contre leur camp... et quand tout à coup, il y a ces poussées de haine contre ce à quoi je tiens, Aragon mais aussi à la Chine, je pique des colères... A mon tour... Il est vrai que l’on a du mal à s’expliquer qu’il s’agisse d’Aragon, de la Chine ou d’autres questions il est probable que d’autres occasions de débats vifs surgiront. je vous propose que nous fassions tous un effort, par parenthèse je trouve qu’Alain Girard a eu raison de rétablir le contexte, il a oublié la bombe atomique larguée sur hiroshima pour empêcher l’avancée des armées dites de Staline, celles qui ont vaincu "au nom de tous les peuples y compris celui que l’on nomme allemand". Et moi la petite enfant juive j’avais au-dessus de mon lit la photo de Staline et de vorochilov sur les toits de Moscou... Alors je comprends ce que dit gilles Questiaux. Entre nous je crois qu’il est plus compétent que moi en littérature anglaise. sans rancune
Danielle Bleitrach
A suivre
25/07/2008 à 00:50, vincent présumey
Donc : à la prochaine ! Ceci dit quand même, quelques petites précisions. Sur la Chine, sur d’autres choses ... on en reparlera. Mais je trouve tragique -c’est dit sans aucune espèce d’ironie- cette description d’une petite enfant juive ayant les portaits de Staline et de Vorochilov en anges protecteurs au dessus de son lit. Car leur politique n’a protégé ni les prolétaires, ni les Juifs. En ce qui concerne les Juifs, c’est vrai qu’au temps du pacte Hitler-Staline il vallait mieux pour eux se trouver dans la zone de l’Etat polonais annexée par l’URSS que dans celle annexée par l’Allemagne, ils y aurait crevé de faim autant mais sans être plus opprimés dans l’ensemble que les autres. Mais l’antisémitisme a été une composante du stalinisme de bout en bout et le "complot des blouses blanches" préparait une purge de caractère probablement raciste quand la mort de Staline l’a empéchée. Quand aux armées de Staline "avançant pour tous les peuples" allemands compris ? Mais c’’est encore plus tragique de croire à un tel mythe un demi-siècle aprés. "A chacun son boche" titrait l’Huma en 44. Quelle fut la proportion de femmes allemandes violées dans la future RDA en 45 ? certainement pas 5%, mais bien dans les 50% voire au delà. Et l’annéantissement de type génocidaire des Allemands de Prusse orientale, Poméranie et Silésie ? -je m’empresse de préciser qu’évidemment Hiroshima fut un crime, motivé en grande partie par la volonté de faire peur à Moscou. Bref ; ce n’est pas une question de hernie-chez-pas-quoi dans l’oesophage, c’est une question de vérité. Nul plaisir pour moi à faire de la peine avec Aragon- mais il me semble qu’il y a une vraie question pour aujourd’hui : car pourrons nous vaincre le capitalisme au XXI° siècle sans avoir tiré le bilan du XX° ? ... bien entendu cette question n’empèche pas de combattre ici et maintenant. Encore un mot : c’est une erreur de penser qu’en Orwell il n’y avait "que" du conservatisme anglais égaré (ça fait beaucoup : "conservatisme", "anglais", et "égaré" !), outre l’ampleur de l’écrivain il y avait la rencontre avec le mouvement ouvrier, en Angleterre et en Espagne. Je veux bien reconsidérer Aragon sous l’angle d’une telle renconre possible à travers le PCF. Il faut faire l’effort de considérer cela aussi chez Orwell. Le mouvement ouvrier comporte plusieurs cultures -toutes respectables, mais qui pour se parler doivent se libérer de leurs fétiches. Quitte à ce que de bonnes remontées acides fassent peter les vieux bouchons dans les oesophages ...
Bon je voulais écrire juste deux lignes ... donc à bientôt.
George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions
24/07/2008 à 17:39, Bernard Gensane
Décidément, Orwell a suscité et continue de susciter énormément de commentaires et réactions.
Je suis un peu surpris que l’on puisse établir une analogie franco-française avec Aragon, figure institutionnelle du monde littéraire de l’époque. Ca ne sert pas à grand chose, mais si je devais, dans une perspective négative, tirer Orwell vers un écrivain français contemporain, je ferais plutôt appel à Camus.
Mais revenons à la liste, puisque c’est de cela que les lecteurs du Grand Soir ont choisi de parler. Il y aurait eu tellement de choses bien plus intéressantes à évoquer concernant la vie, les textes et les actes d’Orwell.
Pour moi, Orwell a eu tort. Cela s’est passé exactement comme le dit V. Présumey. J’ai suivi, à l’époque, l’affaire dans la presse quotidienne britannique. Il ne s’agissait pas pour Orwell de fournir, de manière mlitante, une liste de procommunistes à dénoncer. Il a cru bon mettre en garde Celia Kirwan et les gens pour qui elle travaillait par des commentaires qu’il a écrits et fournis à titre privé. Dire que ces commentaires étaient subjectifs est un euphémisme, encore que... Kingsley Martin n’a pas toujours fait preuve de probité intellectuelle et il détestait Orwell pour de très mauvaises raisons. Mais je n’ai jamais compris pourquoi Orwell, qui partageait beaucoup des idées de Priestley, n’a jamais pu encadrer ce dernier, qui n’avait "aucun lien avec une organisation" et qui, comme lui, fut écarté de la BBC, vraisemblablement sur ordre personnel de Churchill. Quant à Spender, politiquement peu structuré tout au long de son existence (écrivain important, cela dit), il avait effectivement le grand tort, pour Orwell, d’être homosexuel, et celui-ci a eu, sa vie durant, une aversion psychanalytique profonde pour ceux qu’il appelait les "pansies".
Contrairement à ce que dit l’un des intervenants, Orwell n’a jamais été, et ne s’est jamais considéré comme un intellectuel. Le mot "intellectual" est quasiment une insulte en anglais (ça le devient en français). Ce ne fut pas un idéologue, mais avant tout un écrivain. A ceux qui considèrent Animal Farm et 1984 comme des oeuvres mineures, je dis d’abord : "faites-en autant", et je dis ensuite qu’Amimal Farm est à ce point parfait que si on change une phrase tout s’écroule et que 1984 est un classique, non seulement parce que sa description du monde post conférence de Téhéran n’est pas piquée des vers, parce que sa compréhension du totalitarisme est sidérante (de la part de quelqu’un qui n’avait jamais vécu en pays totalitaire), parce que sa description de l’Angleterre des années 30 et 40 est extrêmement réaliste, mais surtout parce qu’il s’attaque à des problèmes humains, moraux qui ne sont pas près d’être résolus. Une grande partie du livre est effectivement consacrée aux questions fondamentales suivantes : pourquoi peut-on haïr (individuellement et collectivement), pourquoi peut-on trahir ceux qu’on aime, pourquoi peut-on aimer son bourreau, comment un intellectuel peut-il devenir tortionnaire (un assassin de masse serbe pratiquait la médecine douce), peut-on se révolter, dans quelle mesure interriorise-t-on la tyrannie ? C’est pour ces raisons que la lecture de ce livre est toujours vrillante et efficace. Accessoirement, on compte sur les doigts d’une main les créateurs capables d’avoir inventé la novlangue, Big Brother, un espace-temps à nul autre pareil.
Je suis choqué que l’on puisse - même se cela a été fait par Reagan et Thatcher en leur temps - dire qu’Orwell serait devenu un réac atlantiste s’il avait vécu, disons jusqu’en 1984. C’est tellement facile de faire parler les morts. Moi qui l’ai lu, relu et rerelu, je n’ai pas rencontré un seul mot dans sa production qui confirme cette hypothèse. Bien au contraire. Entre 1945 et sa mort en 1949, Orwell a soutenu mordicus le Parti travailliste, faute de mieux. Il a en effet soutenu les nationalisations (les travaillistes ont davantage nationalisé que Jospin n’a privatisé), l’éducation pour tous gratuites, les soins gratuits, la sécurité sociale etc., tout en disant qu’il fallait aller plus loin encore. Dans son livre mentionné par un des correspondants (et que j’ai traduit pour Agone), John Newsinger explique longuement la nature des liens profonds qui ont uni, pendant des années, Orwell à une certaine extrême-gauche américaine, à qui il a consacré des milliers d’heures de travail. Par auto-provocation, il se qualifiait d’anarchiste tory. Il ne fut jamais anarchiste, et encore moins tory. Je renvoie à la lecture du livre de Newsinger ceux qui souhaitent comprendre comment Orwell s’est forgé SON socialisme. Il y avait aussi du communisme chez lui. Et pas de manière abstraite. Pendant la guerre, comme il travailla énormément et avec un certain succès, il gagna confortablement sa vie.Tous les soirs, il régala au restaurant des écrivains et journalistes moins chanceux que lui. Mieux encore, il remit régulièrement dans le pot commun de je ne sais plus quelle administration les tickets d’alimentation, d’habillement, de charbon etc. qui lui étaient alloués.
A la différences de bien des auteurs des années trente et quarante, Orwell a mis ses contradictions sur la table, et il en fait une oeuvre. "Honnêtement", pensait-il, à tort. S’il croyait pouvoir être honnête avec lui-même, c’est parce que, comme je l’ai laissé entendre dans ma note initiale, il a vécu son oeuvre dans sa chair. Quand, à 33 ans, on se retrouve, physiquement, pris entre les balles des franquistes et celles des communistes, on peut, effectivement, estimer être porteur d’une parole honnête. Ken Loach, atlantiste de droite bien connu, a suivi la tendance idéologique d’Hommage à la Catalogne dans son film Land and Freedom. Thatcher et Blair ont beaucoup apprécié.
Deux remarques subalternes pour deux propos subalternes : Orwell coureur de jupons. Comme c’est intéressant ! La citation de Dans la Dèche. Le procédé n’est pas très honnête. La phrase est sortie de son contexte. Mais surtout, ce livre est une autoFICTION, pas une autobiographie, encore moins un reportage journalistique.
Orwell et Camus
25/07/2008 à 00:22, vincent présumey
Merci pour cette mise au point. L’analogie avec Camus me semble assez profonde. Je ne sais pas si par ailleurs nous aurons droit à une théorie sur Camus "écrivain mineur" en regard du petit père des poètes, mais en tous cas Camus avait une sorte d’admiration pour les vieux syndicalistes révolutionnaires de l’équipe de la Révolution Prolétarienne (Pierre Monatte), le sel de la vieille CGT, la moelle du mouvement ouvrier français un peu comme les ILP touchaient à la moelle de la tradition ouvrière brittish. Merci aussi d’avoir rappelé incidemment qu’Orwell est mort en 1949, la CIA ayant été crée en 1948 ...
Orwell et Camus
25/07/2008 à 16:27, Bernard Gensane
Je suis en vacances. J’ai écrit ce texte un peu rapidement dans un café muni d’une connexion internet. Je rectifie : Orwell est mort en 1950, mais depuis 49 il ne faisait plus grand chose, cloué au lit par la tuberculose.
J’en profite pour raconter une anecdote désormais bien connue, qui situe le personnage. Au début des années 30, Orwell était déjà très malade d’un poumon. Un médecin lui recommanda un séjour de quelques mois au Maroc. Orwell n’avait pas un sous vaillant. Un collègue écrivain anglais, ayant du bien comme on dit, lui prêta, par l’entremise d’un ami commun et de manière totalement anonyme, l’équivalent de 15000 euros. L.B. Myers et Orwell ne se connaissaient pas et ne se sont jamais rencontrés. Orwell remboursa des années plus tard, sans savoir qui lui avait prêté cette somme. A l’époque, Orwell était connu des sphères littéraires mais pas du grand public.
Je n’ai pas d’autre exemple d’un individu ayant sucité un acte d’une telle générosité.
Orwell et Camus
25/07/2008 à 17:34, Orwell the saint comes marching in ?
Bon, on frise l’hagiographie là.
Ca commence à ressembler au journal de 13 h de TF1.
Orwell et la Birmanie
07/08/2008 à 00:34, Xavier Lavaud
Orwell a travaillé dans la police en Birmanie, il a laissé dans "Burmese days" un témoignage extraordinaire de justesse, à propos d’un destructeur tout à fait diabolique. Ses observations sont d’une justesse inouie (rien n’a changé), quant au traitement de ses personnages, il est difficile de lui trouver la moindre malveillance. Il me semble que la rivalité entre une puissance maritime et une puissance continental a plus de durée, est plus compréhensible que ce qui commence à ressembler à la lutte des guelfes et des Gibelins. Le thème qu’a traité Orwell est celui de la volonté de puissance, de domnination, d’oppression, d’exploitation, à cet égard les relations entre la fiance américaine et la révolution russe est extrêmemnt troublant. Je ne pense pas qu’Orwell apprécierais la positioin du parti communiste à l’égard des Palestiniens, du reste, voterait-il ? Je n’imagine pas du tout Orwell en délateur mais en dénonciateur ce qui n’est pas pareil. A propos des agences de renseignement, on voit ces derniers temps de drôle de choses, ainsi, par exemple,l’opposition unanimes de 16 agences américaines de renseignement à la guerre contre l’Iran. On sait également que le procureur Vincent Bugliosi réclame, à cors et à cris, que Bush et ses complices soient poursuivi pour meurtre en se fondant, notamment, sur le rapport de la CIA qui concluait,à propos de l’IRAK exactement le contraire de ce que Bush a dit au Congrès et au peuple américain. Il n’est pas surprenant qu’il ait connu des difficultés financières (il ignorait,sans doute, quelles étaient "les bonne portes")