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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 06:51

 

http://2.bp.blogspot.com/_I1BVBCGIwMc/TPQCoE778AI/AAAAAAAAAZo/Wfc5zmS_GAQ/s1600/George%2BOrwell%2Bproverb%2B-%2BCopenhague%2B-.jpgGeorge Orwell m'accompagne depuis plus de quarante ans. Je sais qu'au final il restera pour moi un écrivain moraliste plus qu'un écrivain politique.

J'ai publié ce texte sur mon blog censuré et sur le site du Grand Soir. Sur ce dernier site, les réactions furent parfois violemment hostiles. Le débat fut très vigoureux. Je le publie in extenso.




Il n’y a évidemment pas de recette pour aborder l’œuvre d’une telle figure littéraire. Je raconterai simplement ici comment, pour reprendre l’expression de Picasso, je suis allé à cette source, à ce compagnon de vingt ans de vie intellectuelle. Orwell est connu pour deux chefs-d’œuvre publiés en 1944 et 1949 (donc vers la fin de sa vie, puisque, né en 1903, il est mort prématurément de la tuberculose en 1950) : Animal Farm et 1984, deux ouvrages qui se sont vendus à plus de vingt millions d’exemplaires.


Très courageuse (pour l’époque) dénonciation du stalinisme, le premier de ces ouvrages a ceci de particulier qu’il peut être lu à la fois par un public d’enfants ou d’adultes – comme Les Fables de La Fontaine ou Les Voyages de Gulliver. Ne faisant pas toujours les choses comme les autres, je suis venu à Orwell à l’inverse de la majorité de ses lecteurs : j’ai lu ces deux textes après plusieurs autres livres de mon auteur fétiche.


Je me trouvais un jour de 1969 dans une famille de la banlieue résidentielle du sud de Londres, un "home" bien sympathique dominé par la très forte personnalité d’une grand-mère, membre de l’Independent Labour Party (des bourgeois peuvent avoir des idées très nettement progressistes, tandis que des ouvriers votent pour l’extrême droite ou pour ceux qui les exploitent), un petit parti d’extrême gauche dont Orwell avait pris quelque temps la carte. Elle avait d’ailleurs rencontré l’écrivain à plusieurs reprises. Ayant découvert que j’étais originaire du pays minier du nord de la France, elle me tendit un livre d’Orwell (dans l’édition originale, que n’ai-je pu le garder…), dont je n’avais jamais entendu parler :The Road to Wigan Pier (en français Le quai de Wigan). Cet ouvrage, qui décrivait par le menu les conditions de vie, de travail et de chômage des ouvriers dans le nord de l’Angleterre des années trente, me bouleversa. Ou plutôt, c’est la démarche de l’auteur qui m’enchanta. J’appréciais énormément qu’un bourgeois anglais aille vivre – ne serait-ce que deux ou trois mois – dans les corons, qu’il descende au fond de la mine, qu’il décrive le travail des mineurs, le corps des mineurs avec la force et la précision d’un Zola. Je savais que tout ce qui était rapporté correspondait parfaitement à la réalité, ayant moi-même vécu au contact des mineurs de charbon français dans les années cinquante, et ayant eu la possibilité de descendre une fois au fond de la mine. En lisant Le Quai de Wigan, je me remémorais ces samedis après-midi de mon enfance, lorsque je voyais des mineurs revenir du travail, noirs de charbon, puis se laver méthodiquement, méticuleusement avec une seule bassine d’eau. Il me revint en particulier comment ils se débarrassaient de la crasse sous les ongles, ou encore dans l’interstice situé entre l’œil et l’arcade sourcilière. Des années plus tard, en rédigeant ma thèse ou des articles sur Le quai de Wigan, j’expliquerais comment Orwell était allé au-delà de la réalité, au-delà du réel pour construire une véritable œuvre littéraire à partir de ces choses vues et fortement ressenties dans le Lancashire et le Yorkshire.


Un peu plus tard, sachant que je connaissais (dans le Lot-et-Garonne) des réfugiés républicains espagnols, la vieille dame me tendit Homage to Catalonia (toujours dans l’édition originale), en français Hommage à la Catalogne. Je fus subjugué. Non seulement cet Orwell était descendu au fond de la mine, mais en plus il s’était enrôlé dans des milices anti-franquistes, avait combattu comme simple soldat du rang (et non comme André Malraux en officier auto-promu, ou comme Hemingway, brancardier porté sur le whisky). Il avait même été gravement blessé dans un conflit où il n’avait rien à gagner, avant de dénoncer quelques mois plus tard ce que personne n’avait osé évoquer avant lui en Grande-Bretagne, la trahison de Staline dans cette guerre civile effroyable où le peuple espagnol s’était retrouvé seul face à la barbarie fasciste. Quand, plus tard, je découvrisAnimal Farm et 1984, je me dis que j’étais en présence d’un écrivain politique extraordinaire, doublé – ce qui m’attirait peut-être encore plus sans que j’en sois vraiment conscient à l’époque – d’un moraliste de grand calibre.


La rédaction de cette thèse me prit sept ou huit ans. Dans le même temps, j’écrivis quelques dizaines d’articles sur Orwell, je fis des communications dans de nombreux colloques, devant divers publics. Je finis par publier un livre, en 1994, synthèse de tous ces travaux. J’eus le grand bonheur de voir ce livre préfacé par un des intellectuels anglais que j’admirais le plus, Richard Hoggart, l’auteur de l’ouvrage ayant fondé les “Cultural Studies” anglaises, The Uses of Literacy (en français La culture du pauvre), une étude de 1957 sur la culture populaire.


Il en alla pour moi d’Orwell comme du vélo : je crois que pendant toutes ces années, je réussis à combiner travail, enrichissement et plaisir.


 

21/07/2008 à 18:40, par DB

 

Il n’est certes pas de recette pour aborder une ouvre littéraire, et le débat a souvent eu lieu à propos de céline... Mais le cas de george Orwell est un peu différent, il est l’icone de la dénonciation du totalitarisme avec hannah Arendt (qui fut elle aussi selon les mêmes sources recrutée par la CIA), il est le dénociateur du stalinisme, jusqu’à quel point devait aller cette dénonciation ?

Voici quelques pièces au dossier, ce qui n’enlève rien à ses qualités littéraires bien sûr.

Voici ce qu’écrit entre autres Frances Stonor saunder. Qui mène la danse. La CIA et la guerre froide culturelle, publié chez Denoël.

p.306 à 308

Mais orwell lui-même n’était pas entièrement innocent de ce genre de manipulations de la guerre froide. Il avait, après tout, remis une liste des présumés compagnons de route au département de recherche de renseignements en 1949, liste qui dénonçait trente cinq personnes comme compagnon de route (ou CR en « orwellangue »), hommes de paille présumés ou « sympathisants » - dont Kingsley martin, rédacteur en chef du New Statesman and nation (« libéral pourri. Très malhonnète ») Paul robeson (« très anti-blanc. Partisan de wallace »), J.B.Priestley (« ferme sympathisant a peut-être un lien avec une organisation . Très anti-USA ») et Michael Redgrave (ce qui est ironique, étant donné le rôle qui lui sera confié dans 1984). Soupçonnant pratiquement tout le monde, Orwell avait depuis plusieurs années un registre bleu format in-quarto toujours à portée de la main. En 1949, il contenait 125 noms et était devenu une sorte de « jeu » auquel il aimait jouer avec Koestler(1) et Richard Rees, chacun estimant « jusqu’à quel point nos bêtes noires préférées pourraient pousser à la traîtriseé. Les critères d’inclusion semblent avoir été très larges, comme dans le cas de stephen Spender dont orwell juge « la tendance à l’homosexualité « digne d’être notée (il le dit aussi « très peu fiable » et « influençable »). Le réaliste américain John Seinbeck y figure uniquement parce que c’est « un faux écrivain », alors que Upton Sinclair a droit à « complétement idiot ». George Padmore (pseudonyme de malcom Nurse) est dépeint comme un « Nègre, d’origine (peut-être) africaine ? » qui est « anti-blanc » et probablement l’amant de nancy Cunard. Tm Driberg essuie un feu nourri car il est tout ce qu’orwell abhorre : »homosexuel », « généralement considéré comme faisant partie d’un mouvement clandestin » et « Juif anglais ». Mais cette sorte de jeu (comme il l’appelait) prend une nouvelle dimension sinistre quand Orwell remet de sa propre initiative sa « petite liste au département de recherche de renseignements, bras secret, comme il le savait du Foreign Office. (..) Cinquante ans plus tard le biographe officiel d’orwell, bernard Crick prend vigoureusement la défense de l’écrivain, lequel n’aurait pas agi « différemment des citoyens responsables d’uajourd’hui qui fournissent à la brigade antiterroriste des renseignement sur des personnes de leur connaissance qu’ils croient être des plastiqueurs de l’IRA ». cette ligne de défense est reprise par ceux qui veulent à tout prix perpétuer le mythe d’un groupe d’intellectuels rassemblés par leurs liens avec Moscou, et unis dans une tentative séditieuse pour préparer le terrain au stalinisme en Grande-Bretagne. Il n’existe aucune preuve que les personnes figurant sur la liste de orwell (dans la mesure où celle-ci a été rendue publique) aient pris part à des actions illègales et certainement rien qui puisse justifier la comparaison avec des terroristes de l’ira. »Homosexuel » était alors la seule accusation susceptible d’entraîner des poursuites judiciaires, mais cela ne semble pas avoir dissuadé orwell d’utiliser ce terme. La loi anglaise n’interdisait pas l’appartenance au parti Communiste, ni le fait d’être juif, ou bien sentimental, ou encore stupide."

Cf. également George orwell dans peter Davison (ed.) The Complete Works of George Orwell, Londres, Seckers et Warburg, 1998 Bernard Crick, Evening Standard, 11 juillet 1996

86.***.52.***   #49346 

Aller vers George Orwell

23/07/2008 à 12:15, vincent présumey

Tout cela est extrémement douteux. Lire à ce sujet l’article de Wikipedia sur Orwell. Il semble que pour certains, un antistalinien ne puisse que difficilement être "innocent" de tout lien avec la CIA. Si Orwell avait voulu être une crapule genre Aragon, il en avait la capacité, mais il a choisi. Les éventuelles erreur d’Orwell -comme d’ailleurs l’évolution de Hannah Arendt- s’expliquent par leurs idées et le rôle de repoussoir que le monstre stalinien a joué envers celles-ci, et pas par leur "recrutement par la CIA" : cela c’est la vision des policiers, mais il y a des gens dont la stature est plus haute que celle des flics et des kapos.

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23/07/2008 à 17:38, Anonyme

"une crapule genre Aragon"

En quoi a consisté la "crapulerie" d’Aragon ?

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23/07/2008 à 18:32, alain girard

Aragon une crapule ?! Il suffit qu’un jugement soit porté sur Orwell pour qu’un boomerang renvoie Aragon, pourquoi Aragon, allez savoir, pour son audace et son courage à rester communiste, à demeurer le poête des gens comme moi, ouvrier, fils d’ouvrier, générations rompues à l’usine avec cette seule lueur Aragon et notre idéal émancipateur.Aragon le méchant stalinien, Orwell le gentil anti et la messe est dite, les raccourcis empruntés, les jugements définitifs, la vérité établie..Diantre Orvell ce brave homme ne pouvait émarger aux compte de la CIA, oh pureté, oh naîveté, oh aveuglement, oh vision partisane, oh mensonges éhontés.

Relisons Wikipédia ensemble en ayant présent à l’esprit que ce qui est trop polémique est filtré voir interdit coupant ainsi toute perspective réelle d’information MAIS LISONS

Le 11 juillet 1996, un article, publié dans le quotidien anglais The Guardian, explique que George Orwell, en 1949, a collaboré avec l’Information Research Department (une section du ministère des Affaires étrangères britannique liée aux services de renseignements)[45] par l’intermédiaire d’une fonctionnaire de celui-ci : Celia Kirwan. Orwell aurait livré à cet agent une liste de noms de journalistes et d’intellectuels « cryptocommunistes », « compagnons de routes » ou « sympathisants » de l’Union soviétique. La réalité de cette collaboration est prouvée par un document déclassifié la veille par le Public Record Office [46].

L’information est relayée en France principalement par les quotidiens Le Monde (12 et 13 juillet 1996) et Libération (15 juillet 1996). Le public français apprend à cette occasion que l’auteur de 1984 « dénonçait au Foreign Office les "cryptocommunistes" » (Le Monde, 13 juillet 1996). Dans son numéro d’octobre 1996, le magazine L’Histoire va plus loin encore, expliquant qu’Orwell aurait « spontanément participé à la chasse aux sorcières » organisée contre les intellectuels communistes par le Foreign Office.

En revanche, ces articles omettent de mentionner qu’Orwell est un ami personnel de Celia Kirwan (belle-sœur de l’écrivain Arthur Kœstler, elle a en 1945 repoussé la demande en mariage d’Orwell, veuf depuis quelques mois). Celle-ci, à l’occasion d’une visite à l’auteur de L’Hommage à la Catalogne, lui confie travailler alors pour un service gouvernemental chargé de recruter des écrivains et des intellectuels susceptibles de produire de la propagande antisoviétique. Orwell, après lui avoir donné les noms de quelques personnes de sa connaissance lui paraissant aptes à être recrutées, propose à Celia Kirwan de lui communiquer, à titre privé, les noms d’autres personnes qu’il est, pour beaucoup de notoriété publique[47], et, en raison de leurs convictions politiques, inutile d’approcher.

La fameuse liste, déclassifiée en 2003 (mais, curieusement, déjà mentionnée dans la biographie de Crick parue en 1980[48]) ne dit pas autre chose, et tout laisse à penser que la « collaboration » d’Orwell s’est réduite à cela. John Newsinger, dans sa « biographie politique » d’Orwell, a par ailleurs rappelé que George Orwell a à plusieurs reprises manifesté, à la fin des années 1940, son hostilité à toute tentative d’instaurer un « maccarthysme anglais[49] ».

Vous y êtes, donc monsieur Présumey invoque le droit à l’erreur, tiens donc acceptables pour les uns pas pour les autres. Cependant j’ai le sentiment d’une confusion bien volontaire entre la notion d’erreur et celle de l’acte délibéré et appeler erreur la dénonciation , non pas de délinquants quoique communistes, cela n’est pas sans rappeler d’autres dénonciations entre autres celles qui aboutirent à l’emprisonnement de démocrates américains et à l’exécution d’un couple des plus célèbres Julius et Ethel Rosenberg, erreurs sans doute que ces deux chaises électriques anéantissant l’amour (je vous invire à regarder la dernière photos des Rosenberg) mais cela il faut l’expliquer à leurs fils. Monsieur Présumey omet de rappeler ce que fut la guerre froide déclenchée par les alliés, cette volonté d’en finir avec le socialisme et les mouvements de libérations nationales naissant. La guerre froide ce fut par exemple la confiscation des stocks de riz en Inde par les américains et la bourgeoisie locale pour casser le mouvement d’indépendance , cela au prix de combien de millions de morts ? Lorsque Orwell commet ses "erreurs" wikipédia nous dit que ce dernier avait refusé une chasse aux sorcières en Grande Bretagne, dont acte mais l’herbe est tellement plus verte ailleurs et la CIA si convaincante mais il est vrai, si l’on en croit la soft version qu’Orwell ne dénonçât qu’en privé, un peu genre lettre anonyme, encore un acte de courage ! Je dénonce et si tu répètes je n’y suis pour rien que cela soit bien entendu ! Notons au passage que le veuf Orwell ne perdit pas de temps pour courir les jupons mais cela n’est sans doute qu’un côté peu ragoûtant du personnage.

Monsieur Présumey dénoncer un démocrate ce n’est pas banal, ce n’est pas démocratique , c’est de la compromission, de la lâcheté et aucun combat fusse t’il contre le stalinisme n’autorise à employer la même méthode que le combattu ou alors nous sombrons dans la barbarie.

Aragon n’a jamais sombré, il a souvent douté,parfois soutenu sans conviction mais jamais il n’ a dénoncé, trahi, en communiste, en démocrate. Mais je laisse les derniers morts à Orwell, ceux-ci me sont éclairants ;

de la pitié ! m’écriai-je.Crois-tu que je sois venu ici pour faire preuve de pitié ? Crois-tu que j’aurais payé mille franc pour ça ? Je vous le jure, messieurs et dames, sans ces maudites lois qui sont autant d’obstacles à la liberté , je l’aurais tuée à ce moment-là. Dans la dèche à Paris et à Londres G Orwell

Ces maudites lois qui punissent meurtres et viols, des erreurs sans doute !

 Aragon la femme est l’avenir de l’homme , Orwell non !

n’importe quoi ...

23/07/2008 à 21:36, vincent présumey

Je n’ai jamais dit ni écrit ni pensé que le droit à l’erreur serait acceptable pour les uns et pas pour les autres, mais oui je fais une distinction entre un franc tireur qui cherche à agir pour l’émancipation, Orwell, dans une situation difficile et qui fait des conneries dans ces conditions, et quelqu’un qui participe pleinement à un appareil, à une police, qui est payé pour : Aragon. Qu’on nous épargne ls fadaises sur le gentil Aragon poète des ouvriers. Il a soutenu l’exploitation, la torture et la déportation des ouvriers et des communistes. Ni communistes, ni démocrate. Grand écrivain, oui, comme Céline ...

Aller vers George Orwell

23/07/2008 à 18:41, Anonyme

Vincent presumey vous êtes odieux et ce n’est pas la première fois. Deux choses sur le fond du débat :

1) j’ai moi-même subi pas mal de choses du PCF ou plutôt de sa direction actuelle, mais il ne viendrait jamais à l’idée de donner leurs noms aux renseignements généraux en notant qu’ils sont juifs ou homosexuels. Mieux ou pire je considère que mon engagement communiste est au-delà de ce que j’ai subi et continue à subir et il ne dépend de personne sinon de moi même de ne pas me déshonorer. C’est pourquoi je continue à voter communiste. pour cela et aussi parce que je ne confond pas les moeurs regrettables dans tous les partis avec mon engagement. Donc personne n’est excusable d’être devenu un individu méprisable au point d’aller donner une liste...

2) J’ai écrit un jour sous la dictée d’Aragon ces mots être communiste c’est ne pas confondre les petites histoires avec la grande, Aragon dit François la Colère a été d’un grand courage et s’il fut "la plaie et le couteau" comme il l’écrivit, il refleta aussi les grandeurs de cet engagement dans un siècle plein de bruit et de fureur.

3) Il n’y a aucune comparaison entre Aragon qui a été un des trés grands écrivains du XXe siècle, peut-être le plus grand et Orwell dont la taille littéraire a été infiniment, infiniment plus modeste...

Danielle bleitrach

bas les pattes.

23/07/2008 à 21:20, vincent présumey

Mieux vaudraut pouvoir en rire -car d’une certaine façon c’est risible : trois lignes posant au passage une vérité factuelle sur l’homme qui a écrit des poémes à la gloire du Guépéou quand celui-ci torturait et déportait en masse les militants ouvriers et communistes en URSS, et voila les chars qui débarquent et, cerise sur le gateau, Danielle Bleitrach qui s’imagine qu’elle n’a rien de mieux à faire que de venir nous expliquer qu’Orwell était un écrivain mineur : pitoyable. Je suis désolé de lui avoir donné l"occasion d’écrire cette honte, mais on prend ses responsabilités : mes chers camarades, calmez vous et rengainez donc vos chars, la vérité fait mal, je sais bien, et la mémoire vivante de la classe ouvrière, d’une part, Pif le chien d’autre part, ce n’est pas la même chose. Cela vous énerve et vous fait mal quelque part ? vous l’avez cherché, et dites vous bien que c’est pour votre bien ! Venir nous expliquer qu’Orwell c’était la CIA ? Pas ça, pas vous. Nettoyez devant votre porte - je n’ai quand à moi aucune raison d’assumer les erreurs d’Orwell, n’ayant aucune lien d"appareil avec lui. L’engagement, c’est au service de la classe ouvrière, pas au service de la mémoire de ceux qui l’ont trompée et exploitée. C’est nécessaire pour qu’on puisse gagner tous ensemble au XX° siècle.

Aller vers George Orwell

23/07/2008 à 22:08, Anonyme

je voudrais encore préciser la dernière idée,il est des auteurs immenses que je n’aime pas sur le plan politique par exemple pour rester avec les anglais, je pense à Dickens. Il a écrit des textes sur la Révolution française que je ne lui ai jamais pardonné, il est aussi judéophobe que Orwell, mais je ne peux pas résumer un tel monument à ces aspects périphériques, comme est périphérique chez Balzac son engagement monarchiste... Ce sont tous les deux des créateurs d’univers, d’immenses écrivains. Orwell y compris dans les deux textes les plus céléèbres 1984 et les animaux de la ferme se limite à sa dénonciation du totalitarisme et en particulier du "stalinisme", alors qu’il est contre l’hitlérisme mais ça lui passe, je crois que son ralliement à la CIA, à une certaine politique des Etats-Unis, son oubli rapide du nazisme pour mieux se retourner contre le stalinisme, est le fondamental... C’est un néo-conservateur avant l’heure... avec des limites assez semblables, y compris par rapport au sionisme... Et y compris dans ses écrits quand on considère les personnages, ceux qui existent réellement ont des nuances, des contradictions, sont semblables à lui, des hommes occidentaux, le reste y compris les femmes ne sont que des types abstraits... Là encore rien à voir avec les créateurs d’univers. Et le vrai problème est je le répète qu’à l’inverse de gens comme Dickens, Balzac, Aragon qui ne se limitent jamais à un engagement toujours présent Orwell n’est rien d’autre... Son projet littéraire ne se réalise que dans l’obsession politique autour de lui-même. Ce n’est vraiment pas le cas en ce qui concerne Aragon, qui quoiqu’il ait affirmé est toujours resté un surrealiste...

Donc l’acte est haissable, dénoncer d’anciens camarades au moment même où comme le dit Alain girard est en train de démarrer la chasse aux sorcières est ignoble, mais il y a plus... Et faire de Orwell une contradiction vivante, ou parler de son style c’est aussi offrir un certain type de marchandise, y compris puisqu’il est question d’eux à des enfants...

Danielle Bleitrach

George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions

23/07/2008 à 22:38, Gilles Questiaux

Orwell, ancien intellectuel de gauche, est devenu anticommuniste en Espagne par sympathie pour les militants du POUM, proches du trotskysme, pourchassés par le NKDV (pour aller vite). Curieusement, il a conservé la réputation d’être un homme de gauche, alors que la leçon de son œuvre est la résignation au conservatisme, à la suite d’un idéal assez superficiel de gentleman anglais, du style "la démocratie est le pire des systèmes, exceptés tous les autres". Mais dans l’ultragauche, en particulier chez les prosituationnistes, Orwell est considéré, de manière ultra parano, comme décrivant la réalité secréte de notre monde démocratique, que l’on juge entièrement manipulé, au sein du "spectacle". Ce sont les mêmes qui croyaient que Russes et Américains étaient de mèche pour dominer le monde à deux.

Orwell peut être associé à H Arendt, dans la mesure où ils ont servi à construire la notion de totalitarisme, notion de guerre idéologique, sans aucune valeur scientifique, pour associer fascisme et communisme dans le même rejet.

En 1945, il y avait un choix à faire, pour les USA ou pour l’URSS, et une bonne partie de l’intelligentsia a fait tout naturellement ce qui était le "bon choix" pour les services américains, et en a été récompensée, sous forme de prestige, de notoriété, etc. Orwell a donné des noms, parce qu’il croyait ainsi défendre la civilisation et sa "decency". Son évolution est la même que celle de Dostoievski cent ans auparavant, mais avec le génie en moins. No one is innocent !

GQ

PS : "Hommage à la Catalogne" est tragique et émouvant sur les contradictions du camp républicain dans le guerre d’Espagne. Animal Farm est une redoutable brochure de propagande, très bien faite. 1984 est surfait, politiquement et artistiquement.

 http://reveilcommuniste.over-blog.fr/

George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions

24/07/2008 à 15:55, vincent présumey

Réponses pour tous. Il y plusieurs débats mélangés les uns avec les autres dans cet échange.

1) Une remarque de fond : il m’arrive assez souvent de me facher grave avec des camarades issus de la tradition de ce qu’on appelle, pour aller vite, "le mouvement communiste" (les anciens PC et ce qui était lié au bloc soviétique), étant moi même de la tradition communiste antistalinienne (dont le trotskysme est une pièce importante mais pas la seule), je dis bien tradition, avec autant de racines dans la lutte, de souvenirs de lutte des anciens, etc. Il vaut le coup de se facher dans la mesure et seulement dans la mesure où, dans des luttes de classes contemporaines, en France aujourd’hui -contre Sarkozy, le TCE, la loi Pécresse, le droit du travail ...- nous nous trouvons du même côté de la barricade. Si ce n’était pas le cas ça ne vaudrait pas le coup. Cela suppose une forme de respect : je tiens donc à dire ici que je respecte Danielle Bleitrach et les souvenirs qu’elle évoque. Que trouve-t’elle odieux chez moi ? - à mon avis, deux genres de choses. L’une, que ce soit d’un point de vue marxiste que je puisse dire et écrire, par exemple, que le régime chinois est capitaliste et qu’il y a bel et bien oppression nationale au Tibet (sans cautionner le dalai-lama pour autant) -mais trouver cela "odieux" me semble être une erreur, il ne s’agit pas de morale ni de caractère mais bien d’analyse politique avec des conséquences concrètes. L’autre, le coup d’Aragon : je le confesse le coup est parti tout seul, je me suis dit "tiens pour une fois que le GS nous diffuse un article antistal bien senti, naturellement il faut qu’il y en ait qui nous ramènent la CIA", alors bing, boomerang en effet comme dit l’autre ! Je comprends d’autant mieux que Danielle Bleitrach trouve cela "odieux" que je connais -et respecte- bon nombre de militants communistes qui ont tété Aragon quand ils étaient ados (pas quand ils étaient petits, quand ils étaient petits, c’était Pif le chien). N’empèche qu’il faudrait être capable d’admettre que ce grand écrivain a fait des crapuleries en tant que stalinien, tout en en tirant avantage au sens le plus bourgeois du terme. Ensuite on peut discuter de ce qui s’est passé, des circonstances, etc. On verrait alors qu’il y a eu d’autres écrivains des mêmes origines intellectuelles et littéraires qui n’ont pas tout à fait fait la même chose, je ne pense pas qu’à Breton ou d’autres, mais aussi au surréaliste tchèque Zavis Kalandra, qui a été assassiné par les staliniens au pouvoir avec la complicité explicite d’Eluard, son ancien ami -pour Aragon je ne sais pas, je ne suis pas spécialiste mais ça m’étonnerai tout de même qu’on puisse prouver qu’Aragon se soit opposé à l’assassinat étatique de Kalandra (fin des années 40). J’ai peut-être une manière brusque de rappeler les choses et mettre les pieds dans le plat. Je l’assume. Pourquoi ? parce que moi aussi, je suis fier d’être communiste.

2) Sur le parcours et l’’ensemble des faits et gestes d’Orwell : je ne suis pas spécialiste non plus. Donc moi je n’en sais rien sur ce qu’il a fait à la fin des années quarante. Ce que je sais c’est que la source de ce qu’il dénonce notamment dans 1984 et dans Animal’ farm, ce ne sont pas les émoluements de la CIA (certains aspects de ces oeuvres valent d’ailleurs contre le capitalisme contemporain). Je pense qu’il faut que les spécialistes et historiens d’Orwell examinent sereinement les choses (peut-être l’auteur de l’article à la source de notre débat parmi eux). Cela dit deux remarques encore sur les aspects non littéraires, mais politiques, d’Orwell. Premièrement c’est vrai, notamment dans le monde anglo-saxon où il s’agit d’un phénomène majeur, il y a des gens qui sont passés de l’antistalinisme à l’anticommunisme. Mais la responsabilité première dans cette évolution, le stalinisme doit quand même en avoir une, non ? En outre, soit dit en passant, le nombre de types qui sont passés du stalinisme à l’anticommunisme est sans doute plus important encore ... Deuxièmement, à propos du mail d’Alain Girard, mélanger dans une sorte d’imprécation des données factuelles discutées sur Orwell avec l’action de la CIA sur les stocks de riz en Inde et le procés des Rosenberg, ce n’est pas de la discussion, c’est du tapage.

3) En tant que marxiste, je suis totalement opposé à la vision du monde au XX° siècle que préconise Gilles Questiaux : l’hostilité aux méthodes du NKVD (NB : torturer à mort Andreu Nin, rendre leurs usines aux patrons, recruter les anciens flics pour mettre les syndidats au pas, renvoyer les femmes combattantes au foyer, décollectiviser les terres prises par les paysans d’Aragon, le tout au non de l’antifascisme avec pour résultat concret la victoire des fascistes ! ) envers le POUM conduirait à l’anticommunisme, et en 45 il n’y aurait eu qu’à choisir entre EU et URSS et donc il fallait choisir l’URSS. Justement non. Justement si le capitalisme a gagné le XX° siècle c’est parce qu’on a voulu contraindre la classe ouvrière mondiale à ce choix.

4) Sur le plan littéraire je ne partage pas les appréciations de Danielle Bleitrach sur Orwell. Je pense qu’elle n’arrive pas à le lire à cause du rôle que ses oeuvres ont joué dans la construction de la notion de "totalitarisme" que l’impérialisme a utilisée et que cela gache sa lecture. C’est un peu comme moi avec Aragon, j’ai du mal en effet, parce que je pense aux millions de communistes, je dis bien de communistes, torturés et liquidés par ceux qu’il chantait. Mais je veux bien faire un effort pour le lire comme poète et écrivain. "Toute licence en art", comme disait Lénine ...

Voila pour cette fois, camarades qui quelques parts regrettaient quand même un peu un certain bon vieux temps qui n’a pourtant pas été une réussite ... en espérant que la prochaine fois qu’on se retrouvera ce sera pour tirer ensemble dans la même direction ! VP

George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions

24/07/2008 à 18:26, Anonyme

Honnêtement vincent presumey, je n’ai pas trouvé odieux votre manie au milieu d’un article au demeurant tout à fait intéressant sur les subprimes de voir surgir une attaque contre la Chine, j’ai trouvé ça hors sujet et dommageable pour l’article et son auteur.

je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse de la Chine mais je crois que cela peut donner lieu à des débats importants qu’il faut savoir mener.

Non ce que je trouve "odieux"c’est l’insulte gratuite, en particulier contre Aragon... Qui n’avait rien à voir avec le sujet et qui est un immense écrivain.

Je ne crois pas que ma lecture d’Orwell soit gâchée par ce qu’il est mais comme je l’ai dis parce qu’il n’est que ça...Un conservateur anglais égaré et il l’est resté dans son oeuvre, alors qu’il existe des conservateurs que j’adore, par exemple cette délicieuse peste de Jane Austen.

Je suis tout à fait d’accord pour les combats communs mais encore faudrait-il que vous bloquiez votre hernie hiatale du ressentiment. Une hernie hiatale est à l’entrée de l’oesophage ce qui occasionne de terribles remontées d’acidité, votre trotskysme vindicatif m’y fait songer.J’ai adhéré au PCF alors que je n’avais pas encore 15 ans et Staline était mort depuis quelques années, moi c’était la guerre d’Algérie, les luttes anti-coloniales... Vous aussi sans doute. Je suis en outre convaincue que l’assassinat de Trotsky est une chose indéfendable, je n’ai jamais eu la moindre résistance à militer avec des trotskystes, simplement ils me cassent les pieds souvent à marquer des buts contre leur camp... et quand tout à coup, il y a ces poussées de haine contre ce à quoi je tiens, Aragon mais aussi à la Chine, je pique des colères... A mon tour... Il est vrai que l’on a du mal à s’expliquer qu’il s’agisse d’Aragon, de la Chine ou d’autres questions il est probable que d’autres occasions de débats vifs surgiront. je vous propose que nous fassions tous un effort, par parenthèse je trouve qu’Alain Girard a eu raison de rétablir le contexte, il a oublié la bombe atomique larguée sur hiroshima pour empêcher l’avancée des armées dites de Staline, celles qui ont vaincu "au nom de tous les peuples y compris celui que l’on nomme allemand". Et moi la petite enfant juive j’avais au-dessus de mon lit la photo de Staline et de vorochilov sur les toits de Moscou... Alors je comprends ce que dit gilles Questiaux. Entre nous je crois qu’il est plus compétent que moi en littérature anglaise. sans rancune

Danielle Bleitrach

A suivre

25/07/2008 à 00:50, vincent présumey

Donc : à la prochaine ! Ceci dit quand même, quelques petites précisions. Sur la Chine, sur d’autres choses ... on en reparlera. Mais je trouve tragique -c’est dit sans aucune espèce d’ironie- cette description d’une petite enfant juive ayant les portaits de Staline et de Vorochilov en anges protecteurs au dessus de son lit. Car leur politique n’a protégé ni les prolétaires, ni les Juifs. En ce qui concerne les Juifs, c’est vrai qu’au temps du pacte Hitler-Staline il vallait mieux pour eux se trouver dans la zone de l’Etat polonais annexée par l’URSS que dans celle annexée par l’Allemagne, ils y aurait crevé de faim autant mais sans être plus opprimés dans l’ensemble que les autres. Mais l’antisémitisme a été une composante du stalinisme de bout en bout et le "complot des blouses blanches" préparait une purge de caractère probablement raciste quand la mort de Staline l’a empéchée. Quand aux armées de Staline "avançant pour tous les peuples" allemands compris ? Mais c’’est encore plus tragique de croire à un tel mythe un demi-siècle aprés. "A chacun son boche" titrait l’Huma en 44. Quelle fut la proportion de femmes allemandes violées dans la future RDA en 45 ? certainement pas 5%, mais bien dans les 50% voire au delà. Et l’annéantissement de type génocidaire des Allemands de Prusse orientale, Poméranie et Silésie ? -je m’empresse de préciser qu’évidemment Hiroshima fut un crime, motivé en grande partie par la volonté de faire peur à Moscou. Bref ; ce n’est pas une question de hernie-chez-pas-quoi dans l’oesophage, c’est une question de vérité. Nul plaisir pour moi à faire de la peine avec Aragon- mais il me semble qu’il y a une vraie question pour aujourd’hui : car pourrons nous vaincre le capitalisme au XXI° siècle sans avoir tiré le bilan du XX° ? ... bien entendu cette question n’empèche pas de combattre ici et maintenant. Encore un mot : c’est une erreur de penser qu’en Orwell il n’y avait "que" du conservatisme anglais égaré (ça fait beaucoup : "conservatisme", "anglais", et "égaré" !), outre l’ampleur de l’écrivain il y avait la rencontre avec le mouvement ouvrier, en Angleterre et en Espagne. Je veux bien reconsidérer Aragon sous l’angle d’une telle renconre possible à travers le PCF. Il faut faire l’effort de considérer cela aussi chez Orwell. Le mouvement ouvrier comporte plusieurs cultures -toutes respectables, mais qui pour se parler doivent se libérer de leurs fétiches. Quitte à ce que de bonnes remontées acides fassent peter les vieux bouchons dans les oesophages ...

Bon je voulais écrire juste deux lignes ... donc à bientôt.

George Orwell, anticommuniste pavé de bonnes intentions

24/07/2008 à 17:39, Bernard Gensane

Décidément, Orwell a suscité et continue de susciter énormément de commentaires et réactions.

Je suis un peu surpris que l’on puisse établir une analogie franco-française avec Aragon, figure institutionnelle du monde littéraire de l’époque. Ca ne sert pas à grand chose, mais si je devais, dans une perspective négative, tirer Orwell vers un écrivain français contemporain, je ferais plutôt appel à Camus.

Mais revenons à la liste, puisque c’est de cela que les lecteurs du Grand Soir ont choisi de parler. Il y aurait eu tellement de choses bien plus intéressantes à évoquer concernant la vie, les textes et les actes d’Orwell.

Pour moi, Orwell a eu tort. Cela s’est passé exactement comme le dit V. Présumey. J’ai suivi, à l’époque, l’affaire dans la presse quotidienne britannique. Il ne s’agissait pas pour Orwell de fournir, de manière mlitante, une liste de procommunistes à dénoncer. Il a cru bon mettre en garde Celia Kirwan et les gens pour qui elle travaillait par des commentaires qu’il a écrits et fournis à titre privé. Dire que ces commentaires étaient subjectifs est un euphémisme, encore que... Kingsley Martin n’a pas toujours fait preuve de probité intellectuelle et il détestait Orwell pour de très mauvaises raisons. Mais je n’ai jamais compris pourquoi Orwell, qui partageait beaucoup des idées de Priestley, n’a jamais pu encadrer ce dernier, qui n’avait "aucun lien avec une organisation" et qui, comme lui, fut écarté de la BBC, vraisemblablement sur ordre personnel de Churchill. Quant à Spender, politiquement peu structuré tout au long de son existence (écrivain important, cela dit), il avait effectivement le grand tort, pour Orwell, d’être homosexuel, et celui-ci a eu, sa vie durant, une aversion psychanalytique profonde pour ceux qu’il appelait les "pansies".

Contrairement à ce que dit l’un des intervenants, Orwell n’a jamais été, et ne s’est jamais considéré comme un intellectuel. Le mot "intellectual" est quasiment une insulte en anglais (ça le devient en français). Ce ne fut pas un idéologue, mais avant tout un écrivain. A ceux qui considèrent Animal Farm et 1984 comme des oeuvres mineures, je dis d’abord : "faites-en autant", et je dis ensuite qu’Amimal Farm est à ce point parfait que si on change une phrase tout s’écroule et que 1984 est un classique, non seulement parce que sa description du monde post conférence de Téhéran n’est pas piquée des vers, parce que sa compréhension du totalitarisme est sidérante (de la part de quelqu’un qui n’avait jamais vécu en pays totalitaire), parce que sa description de l’Angleterre des années 30 et 40 est extrêmement réaliste, mais surtout parce qu’il s’attaque à des problèmes humains, moraux qui ne sont pas près d’être résolus. Une grande partie du livre est effectivement consacrée aux questions fondamentales suivantes : pourquoi peut-on haïr (individuellement et collectivement), pourquoi peut-on trahir ceux qu’on aime, pourquoi peut-on aimer son bourreau, comment un intellectuel peut-il devenir tortionnaire (un assassin de masse serbe pratiquait la médecine douce), peut-on se révolter, dans quelle mesure interriorise-t-on la tyrannie ? C’est pour ces raisons que la lecture de ce livre est toujours vrillante et efficace. Accessoirement, on compte sur les doigts d’une main les créateurs capables d’avoir inventé la novlangue, Big Brother, un espace-temps à nul autre pareil.

Je suis choqué que l’on puisse - même se cela a été fait par Reagan et Thatcher en leur temps - dire qu’Orwell serait devenu un réac atlantiste s’il avait vécu, disons jusqu’en 1984. C’est tellement facile de faire parler les morts. Moi qui l’ai lu, relu et rerelu, je n’ai pas rencontré un seul mot dans sa production qui confirme cette hypothèse. Bien au contraire. Entre 1945 et sa mort en 1949, Orwell a soutenu mordicus le Parti travailliste, faute de mieux. Il a en effet soutenu les nationalisations (les travaillistes ont davantage nationalisé que Jospin n’a privatisé), l’éducation pour tous gratuites, les soins gratuits, la sécurité sociale etc., tout en disant qu’il fallait aller plus loin encore. Dans son livre mentionné par un des correspondants (et que j’ai traduit pour Agone), John Newsinger explique longuement la nature des liens profonds qui ont uni, pendant des années, Orwell à une certaine extrême-gauche américaine, à qui il a consacré des milliers d’heures de travail. Par auto-provocation, il se qualifiait d’anarchiste tory. Il ne fut jamais anarchiste, et encore moins tory. Je renvoie à la lecture du livre de Newsinger ceux qui souhaitent comprendre comment Orwell s’est forgé SON socialisme. Il y avait aussi du communisme chez lui. Et pas de manière abstraite. Pendant la guerre, comme il travailla énormément et avec un certain succès, il gagna confortablement sa vie.Tous les soirs, il régala au restaurant des écrivains et journalistes moins chanceux que lui. Mieux encore, il remit régulièrement dans le pot commun de je ne sais plus quelle administration les tickets d’alimentation, d’habillement, de charbon etc. qui lui étaient alloués.

A la différences de bien des auteurs des années trente et quarante, Orwell a mis ses contradictions sur la table, et il en fait une oeuvre. "Honnêtement", pensait-il, à tort. S’il croyait pouvoir être honnête avec lui-même, c’est parce que, comme je l’ai laissé entendre dans ma note initiale, il a vécu son oeuvre dans sa chair. Quand, à 33 ans, on se retrouve, physiquement, pris entre les balles des franquistes et celles des communistes, on peut, effectivement, estimer être porteur d’une parole honnête. Ken Loach, atlantiste de droite bien connu, a suivi la tendance idéologique d’Hommage à la Catalogne dans son film Land and Freedom. Thatcher et Blair ont beaucoup apprécié.

Deux remarques subalternes pour deux propos subalternes : 
 Orwell coureur de jupons. Comme c’est intéressant ! 
 La citation de Dans la Dèche. Le procédé n’est pas très honnête. La phrase est sortie de son contexte. Mais surtout, ce livre est une autoFICTION, pas une autobiographie, encore moins un reportage journalistique.

Orwell et Camus

25/07/2008 à 00:22, vincent présumey

Merci pour cette mise au point. L’analogie avec Camus me semble assez profonde. Je ne sais pas si par ailleurs nous aurons droit à une théorie sur Camus "écrivain mineur" en regard du petit père des poètes, mais en tous cas Camus avait une sorte d’admiration pour les vieux syndicalistes révolutionnaires de l’équipe de la Révolution Prolétarienne (Pierre Monatte), le sel de la vieille CGT, la moelle du mouvement ouvrier français un peu comme les ILP touchaient à la moelle de la tradition ouvrière brittish. Merci aussi d’avoir rappelé incidemment qu’Orwell est mort en 1949, la CIA ayant été crée en 1948 ...

Orwell et Camus

25/07/2008 à 16:27, Bernard Gensane

Je suis en vacances. J’ai écrit ce texte un peu rapidement dans un café muni d’une connexion internet. Je rectifie : Orwell est mort en 1950, mais depuis 49 il ne faisait plus grand chose, cloué au lit par la tuberculose.

J’en profite pour raconter une anecdote désormais bien connue, qui situe le personnage. Au début des années 30, Orwell était déjà très malade d’un poumon. Un médecin lui recommanda un séjour de quelques mois au Maroc. Orwell n’avait pas un sous vaillant. Un collègue écrivain anglais, ayant du bien comme on dit, lui prêta, par l’entremise d’un ami commun et de manière totalement anonyme, l’équivalent de 15000 euros. L.B. Myers et Orwell ne se connaissaient pas et ne se sont jamais rencontrés. Orwell remboursa des années plus tard, sans savoir qui lui avait prêté cette somme. A l’époque, Orwell était connu des sphères littéraires mais pas du grand public.

Je n’ai pas d’autre exemple d’un individu ayant sucité un acte d’une telle générosité.

Orwell et Camus

25/07/2008 à 17:34, Orwell the saint comes marching in ?

Bon, on frise l’hagiographie là.

Ca commence à ressembler au journal de 13 h de TF1.

Orwell et la Birmanie

07/08/2008 à 00:34, Xavier Lavaud

Orwell a travaillé dans la police en Birmanie, il a laissé dans "Burmese days" un témoignage extraordinaire de justesse, à propos d’un destructeur tout à fait diabolique. Ses observations sont d’une justesse inouie (rien n’a changé), quant au traitement de ses personnages, il est difficile de lui trouver la moindre malveillance. Il me semble que la rivalité entre une puissance maritime et une puissance continental a plus de durée, est plus compréhensible que ce qui commence à ressembler à la lutte des guelfes et des Gibelins. Le thème qu’a traité Orwell est celui de la volonté de puissance, de domnination, d’oppression, d’exploitation, à cet égard les relations entre la fiance américaine et la révolution russe est extrêmemnt troublant. Je ne pense pas qu’Orwell apprécierais la positioin du parti communiste à l’égard des Palestiniens, du reste, voterait-il ? Je n’imagine pas du tout Orwell en délateur mais en dénonciateur ce qui n’est pas pareil. A propos des agences de renseignement, on voit ces derniers temps de drôle de choses, ainsi, par exemple,l’opposition unanimes de 16 agences américaines de renseignement à la guerre contre l’Iran. On sait également que le procureur Vincent Bugliosi réclame, à cors et à cris, que Bush et ses complices soient poursuivi pour meurtre en se fondant, notamment, sur le rapport de la CIA qui concluait,à propos de l’IRAK exactement le contraire de ce que Bush a dit au Congrès et au peuple américain. Il n’est pas surprenant qu’il ait connu des difficultés financières (il ignorait,sans doute, quelles étaient "les bonne portes")

 

 

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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 06:35

http://www.caissedesdepots.fr/uploads/tx_templavoila/univ_haute_alsace_mulhouse-.jpgLes universitaires devront bientôt payer pour enseigner. Y compris ceux, nombreux, qui ont soutenu la loi LRU.


En vertu du principe de non-fongibilité, les universités peuvent puiser dans les crédits d’enseignement pour subvenir aux besoins de fonctionnement (la démarche inverse est interdite par la loi).


Les mesures décidées, parmi d’autres exemples, par l’Université de Haute-Alsace, sont éclairantes. Je cite les décisions prises récemment par son conseil d’administration :

 

« Conscient de l’obligation d’engager une politique de maîtrise des coûts (notamment au regard de la progression du volume d’heures complémentaires), conscient que notre engagement du contrat quadriennal sur la réduction des formations à faibles effectifs n’est pas atteint à ce jour,le Conseil d’Administration de l’université, réuni en séance le 4 mai 2011, décide de mettre en place les conditions suivantes d’ouverture des formations dès la rentrée 2011.

 

Conditions d’ouverture des formations à la rentrée 2011

1- Tout cours magistral, TD ou TP délivré à moins de cinq étudiants ne sera pas ouvert à la rentrée 2011.

2- Tout cours magistral délivré au cours de l’année 2011-2012 à un nombre d’étudiants compris entre cinq et dix étudiants sera rétribué au taux horaire de TD.

3- Toute séance de travaux dirigés organisée au cours de l’année 2011-2012 avec un nombre d’étudiants compris entre cinq et dix étudiants sera rétribuée au taux horaire de TP.

4- Toute formation de licence, y compris de licence professionnelle (mention, parcours, spécialité, option…) dont le nombre d’étudiants ne dépasse pas 15 étudiants par année (L1, L2 ou L3) depuis 2008-2009 ne sera pas ouverte à la rentrée 2011.

5- Toute formation de master, ou niveau équivalent (mention, spécialité, parcours, option…) dont le nombre d’étudiants ne dépasse pas 10 étudiants par année (M1, ou M2) depuis 2008-2009 ne sera pas ouverte à la rentrée 2011.

Les conditions d’ouverture des formations indiquées ci-dessus ne s’appliquent pas aux formations qui bénéficient d’un financement autre que la dotation de l’Etat (apprentissage, formation continue, autres types de crédits), sous réserve que leur point d’équilibre financier soit à tout le moins atteint (en général une dizaine d’étudiants sous statut financé par l’intermédiaire d’autres crédits que la dotation d’Etat).

 

Le Conseil d’Administration pourra être saisi de demandes de dérogation par rapport à ces consignes. Les demandes devront justifier de la nécessité d’y déroger. »

 

Cette université est également très en pointe en tant qu'agence immobilière. En témoigne ce document de la Caisse des Dépôts pour l'Alsace (link) :

 

 

"Alain Brillard, président de l’Université de Haute Alsace, et Patrick François, directeur régional Alsace de la Caisse des Dépôts, ont signé le 29 janvier 2009 une convention de partenariat d’une durée de deux ans qui définit le cadre et le champ de la collaboration entre les deux institutions : gestion et optimisation du parc immobilier universitaire, aménagement urbain et universitaire, transports, infrastructures, réseaux et services numériques, vie étudiante et logement, valorisation de la recherche, transfert de technologie, création d’entreprises. La Caisse des Dépôts pourra co-financer les études liées à ces projets, dont la réalisation d’un schéma directeur immobilier, d’ores et déjà convenue.

L’Université de Haute Alsace, qui figure parmi les 18 universités françaises déclarées autonomes au 1er janvier 2009, souhaite utiliser au mieux les opportunités offertes par la loi. Elle entend notamment, avec le soutien de l’Etat et des collectivités territoriales, renforcer son attractivité et développer des coopérations, tant avec les Universités de Strasbourg, de Bâle et de Fribourg, qu’avec celles de l’axe métropolitain Rhin-Rhône.

L’Université de Haute Alsace rassemble plus de 7 600 étudiants, 650 enseignants et chercheurs, 390 personnels administratifs, ingénieurs, techniciens et ouvriers. Elle occupe six sites à Mulhouse et Colmar, sur 130 000 m²."

 


 

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 14:53

http://www.planetenonviolence.org/photo/art/default/693842-848216.jpg?v=1289419758Dans l’éditorial du Sarkophage n° 24 (qui a le grand honneur d’être censuré en Chine !) Paul Ariès donne ce conseil : « Cessons de nous complaire dans un discours critique qui, collant de trop près à celui de nos adversaires, finit par se laisser imposer l’ordre du jour, jusqu’à épouser la grammaire de sa pensée, tout en croyant rester rebelles alors que nous ne faisons qu’escalader son autre face. »

 

Pour Thierry Brugvin, l’OMS est sous le pouvoir de l’industrie nucléaire : « Quelques jouurs après Fukushima, l’OMS annonce que les risques pou la santé des populations civiles vivant hors du Japon sont assez faibles. »

 

Le premier qui mange du porc de supermarché après avoir lu l’article d’Isabelle Saporta (“ Une agriculture de cochon ! ”) gagne son poids en saucisson Géo : « Que mange un porc ? Tous les déchets des industries du monde entier ! Pardon, maintenant, on dit les coproduits, ça fait plus chic, et surtout, ça fait moins peur. […] Les truies enchaînent les mises bas à une cadence infernale. 30 petits chaque année, deux fois plus qu’il y a 30 ans . Un miracle rendu possible grâce aux hormones. »

 

Dans un article théorique bien mené, Irène Pereira nous invite à construire « une grammaire de la gauche radicale » : cela permettra de « mieux comprendre les divergences à l’œuvre dans les discours, les positions et les stratégies d’action des acteurs en mettant en valeur des logiques philosophiques différentes. »

 

Yann Fiévet (ici, l’article dans son intégralité : http://www.legrandsoir.info/De-la-gratuite-de-l-engagement.html) explique ce qu’est la « gratuité de « engagement » : « Depuis que l’Homme éprouve l’injustice frappant ses semblables ou croit souhaitable de changer l’ordonnancement des choses terrestres l’engagement pour ces objets inhabituels tient en éveil certains de ses congénères. L’engagement ne semble certes pas chose naturelle. Ses contours sont difficiles à délimiter tant les causes à défendre semblent innombrables et souvent incertaines. L’engagement est bien sûr indissociable de la personne de l’engager qui le vit. La figure de l’engagé est complexe car faite d’un mélange inextricable d’éléments plus ou moins fortement intériorisés par la conscience de l’individu au cours de son histoire – et de celle des siens y compris ceux des générations antérieures – et des nombreuses sollicitations du contexte vécu au jour le jour par l’individu attentif. Qu’il soit admiré ou raillé l’engagé est avant tout fidèle à son engagement qu’il veut gratuit de surcroît afin d’en renforcer le noble caractère. Et si l’engagement était un art, un art dont l’esthétique serait destiné à combattre la vulgate du monde marchandisé ? »

 

Une contribution originale de Véronique Petiot : “ L’habitat vernaculaire, une clé pour habiter la terre ” : « É tait vernaculaire tout ce qui était confectionné, tissé, élevé à la maison et destiné non à la vente, mais à l’usage domestique. En anglais comme en français, il s’emploie principalement pour désigner la langue natale. Pourquoi ne pas ranimer ce terme pour penser nos habitats ? […] Le vernaculaire, c’est l’alternative au tentaculaire. »

 

Dans le coin des sophistes, Laurent Paillard évoque, dans la droite, la fiction politico-médiatique « d’une invasion de la France par des hordes de clandestins. […] Bien sûr, une bonne partie de l’électorat de l’UMP n’est pas prête à assumer une politique ouvertement raciste, mais cela fait bien longtemps qu’il est gêné dans son ensemble par la différence de couleur. C’est sur cette corde sensible que tire le discours sur l’immigration clandestine au risque de déclencher une violence incontrôlable. »

 

Un entretien passionnant avec Clifford Conner après son Histoire populaire des sciences : « La production et la propagation du savoir scientifique ont été pour la plus grande part le fait de la masse anonyme des petites gens, ceux du commun, et ce, bien plus qu’on ne le reconnaît généralement. La capacité de Newton à voir plus loin n’est pas tant la résultante du fait qu’il se soit, comme il le formulait “ juché sur les épaules de géants ”, que du fait qu’il se soit hissé sur le dos de milliers de petits artisans anonymes et illettrés. »

 

La décroissance est-elle de gauche, demande Serge Latouche ? « Pour sortir de la crise qui est inextricablement écologique et sociale, il faut sortir de cette logique d’accumulation sans fin du capital et de la subordination de l’essentiel des décisions à la logique du profit. »

 

Deux mots un peu obscurs mais une analyse lumineuse de Nicolas Sersiron : « La stratégie de l’obsolescence organisée veut forcer les consommateurs à renouveler inutilement nombre d’objets et à augmenter les profits des détenteurs de capitaux. Mais une telle stratégie n’aurait pas pu exister sans l’accès facile aux matières premières du Sud, lesquelles n’auraient pas pu arriver à des prix aussi bas dans les pays industrialisés sans le couple infernal formée par les dettes illégitimes et la corruption organisée. »

 

Jacques Testart explique le concept de « l’homme augmenté » : « La déculturation à l’œuvre des projets transhumanistes est évidente avec le macro organisme planétaire dans lequel les individus, dépourvus d’identité, seraient reliés entre eux pour former un monstre unique dont le cerveau serait le réseau internet. »

 

Pierre et Maïta Lucot nous demandent d’en « finir à gauche avec le progressisme » : « Si le progrès technologique a accompagné la désappropriation de l’outil de production, il a également engendré le découplage entre utilisateur-consommateur et production-producteur. Son objet est même d’accroître la distance séparant l’objet de son utilisateur pour empêcher toute réappropriation, toute possibilité d’autoentretien et conduire l’usager à une totale dépendance porteuse d’obsolescence. […] L’énergie nucléaire est le paroxysme de ce système. »

 

Avant l’événement que l’on sait, Paul Ariès demandait : « « Que faire face à DSK, Hulot et compagnie ? » : « Qui sera le candidat du revenu garanti ? Qui sera le candidat de la défense et de l’extension de la sphère de la gratuité ? »

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 07:00

http://www.le-grand-barnum.fr/wordpress/wp-content/uploads/2011/05/Soubrette2.jpgLundi dernier, Jean-François Kahn et Alain-Gérard Slama devisaient « entre hommes » (vous savez, les hommes, ces créatures couillues qui en ont) sur les égarements de Dominique. Nous étions sur France Culture (pas chez Doc Gynéco), une station d’un certain niveau.

 

Je cite :


J.-F. Kahn : Je suis certain, enfin pratiquement certain, qu'il n'y a pas eu une tentative violente de viol, je ne crois pas, ça, je connais le personnage, je ne le pense pas. Qu'il y ait eu une imprudence on peut pas le… (rire gourmand), j'sais pas comment dire, un troussage,

A.-G. Slama : il appelait ça une erreur de jugement (gloussements).

J.-F. Kahn : que y ait un troussage, euh, de domestique, enfin, j'veux dire, c'qui est pas bien, mais, voilà, c'est une impression.

 

Moi qui étais tant redevable à la contribution aux débats intellectuels de cet homme d’extrême-centre. Je tombe de haut.

 

Quelle crapulerie !

 

Trousser une femme de chambre est une saloperie, heureusement passible des tribunaux.

 

Quant à Alain-Gérard Slama, pas de commentaire.

 

 

http://www.rue89.com/2011/05/18/jean-francois-kahn-pas-de-viol-mais-un-troussage-de-domestique-204530?page=2#comment-2373624

 

 

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 15:00

Sur nouvelobs.com (qui m'a censuré, histoire connue), il y a une blogueuse très sympa, qui écrit des choses toujours censées, et parfois même très profondes : c'est PlumePlume.

 

Une de ses notes récentes :

 

Si c'est un homme...

 

Lu sur « l’Avis sauve » ce matin…

 

…et ça passe sans réaction !

 

 

(de la défécation et de l’anus)

 


4484303960_73c9466f86.jpg

 

 

« Visiblement, ce qui a impressionné mon gamin durant cette journée de Nakba, ce fut sans doute d'observer aux jumelles les conneries des gazaouis en train de se la jouer "martyrs" en devenir et surtout l'incroyable indécence de certains.


En effet, il était écroulé de rire en regardant un de ces nakbaïste en train de démouler son cake au milieu du terrain et se relever sans se torcher.


Il aurait du savoir ce brave arabe que les pierres au lieu de les jeter sur les soldats de Tsahal, il aurait pu en utiliser pour nettoyer son anus.


Ils en oublient leur coran les pauvres ! »

 

Ecrit par : Nina | lundi, 16 mai 2011

 

 

Je me souviens de l’expression d’Anus mundi chez Primo Levi, autrement dit d’Auschwitz…

Je me souviens de la première page de L’espèce humaine de Robert Antelme : Problèmes de défécation d’abord…

 

 

 Rien de comparable, c’est certain.

 

 

Mais ce matin, lisant le commentaire de la Nina, j’ai honte.

 

 

Et je relis ceci sous la signature de Primo Levi dans son ultime écrit, I Sommersi e I Salvati :

 

 

« C'était une honte que nous connaissions bien, celle qui nous submergeait après les sélections, et chaque fois qu'il nous fallait assister à un outrage ou le subir : la honte que les Allemands ne connurent pas, ce que le juste éprouve devant la faute commise par autrui, le remords éprouvé parce qu'elle a été introduite irrévocablement dans le monde des choses existantes et que sa volonté ait été nulle ou trop faible, et qu'elle ait été impuissante. »

 

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 06:30

Parlons pédagogie

  

http://www.ecoleaupluriel.be/images/bonnet-d-ane.jpgDepuis que le capitalisme financier est totalement aux commandes, non seulement de la finance, mais encore de l’économie, et surtout de la politique, ses relais dans l’opinion (hommes et femmes politiques, journalistes, responsables d’instituts de sondages) se gargarisent du mot “pédagogie”. Ce très vieux terme (1495) a pris la place de ce qu’on appelait autrefois “propagande”, de ce qu’on dénomme aujourd’hui, grossièrement, par le vocable “vaseline”. En un mot, pour contaminer les cerveaux, pour faire entrer dans les pauvres milliards de têtes que le bonheur, que le salut passe par le pouvoir absolu des Marchés, que les êtres humains sont au service de l’économie capitaliste, il faut « faire de la pédagogie ».

Point besoin d’être contemporain de Jules Ferry pour se sentir écœuré par l’utilisation, aux fins de bourrage de crâne, d’un mot qui, jusqu’alors, impliquait la libération des esprits. C’est toujours la même chose avec le capitalisme, son idéologie, ses pratiques culturelles de masse : il se saisit d’un concept riche, qui a traversé l’histoire, qui s’est nourri des humains et les a nourris, et puis il simplifie, travestit, trahit selon ses intérêts les plus étroits.

Avec l’aide du Robert, je voudrais rappeler deux ou trois petites choses.

Le terme « pédagogie » dérive du grec παιδαγωγία, de παιδός (/’paɪdɔs/), « l’enfant », et ἄγω (/’a.gɔ/), « conduire, mener, accompagner, élever ». Nous sommes donc dans l’éducation, dans la direction des enfants. Écoutons Renan se souvenir : « Sans rien de ce que l’on appelle maintenant la pédagogie, ils pratiquaient la première règle de l’éducation, qui est de ne pas trop faciliter des exercices dont le but est la difficulté vaincue. » Ce qui signifiait de la lenteur, de la méthode, des obstacles que l’on surmonte. Le contraire du remplissage des cerveaux vides par TF1. Parlant de la culture de la mémoire, Georges Duhamel nous dit qu’en tant que méthode pédagogique, elle a « d’abord pour effet de laisser, au fond de l’esprit, des sédiments utilisables. » La pédagogie, c’est la douceur, le contraire de ce que prônait, selon Alain, le philosophe anglais Locke : « Il ne connaît d’autres moyens que le fouet pour corriger l’enfant menteur. »

À la Renaissance, un des grands précurseurs de la pédagogie fut Rabelais et son abbaye de Thélème, un univers moral de dépassement de soi. Il fut férocement critiqué par Sainte-Beuve (qui critiquait tout mais la sainte n’avait pas toujours raison) qui voyait dans Gargantua « le dernier legs du moyen âge expirant, une éducation crasseuse et routinière ».

Pour Rousseau, dans sa préface à l’Émile, la pédagogie était « l’art de former les hommes ».

Pour le penseur étasunien John Dewey, influencé par Darwin, l’esprit humain était en constante évolution, sous l’influence de son milieu, de ses expériences, de ses actes. Il prôna donc une pédagogie active, socialisante : apprendre en faisant.

On a pu se méfier des pédagogues. Le mot “pédant”, qui signifiait à l’origine “précepteur” est proche. Émile Henriot, que le féminisme n’a jamais vraiment effleuré, disait que Madame de Maintenon n’attirait pas la sympathie parce qu’elle était « dévote, pédagogue et chagrine ». Pour Molière, dans Le Dépit amoureux, « faire le pédagogue », c’était « prêcher en chaire ».

Le mot “pédagogie” redevint totalement positif au XIXè siècle. Fondateur du mouvement coopératif, forte personnalité socialiste et laïque, Robert Owen (l’un des pères de l’enseignement primaire outre-Manche) demandait à la pédagogie d’éveiller la curiosité des enfants.

Cofondateur de la Ligue des droits de l’homme, prix Nobel de la paix, Ferdinand Buisson définissait la pédagogie comme « la science de l’éducation, tant physique qu’intellectuelle et morale ». Pour Durkheim, elle impliquait une « réflexion méthodique » : « L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et mentaux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu social auquel il est particulièrement destiné ». La pédagogie était donc à la fois une théorie et une pratique, permettant de réfléchir sur « les systèmes et les procédés d’éducation ».

Et l’on ne parlera pas de Ferrière, de Decroly. Ni de Célestin Freinet, bête noire de la droite dure française pendant toute sa vie professionnelle. Il est vrai qu’il avait accueilli dans son école de Vence des petits juifs allemands et des enfants de Républicains espagnols. Pour le coup, nous sommes vraiment loin de Jean-Marc Sylvestre...


Photo : L'école au pluriel

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 06:13


http://www.ps-blog.fr/wp-content/uploads/dsk-ps-2012.jpg"À midi, j'ai regardé le journal télévisé de France 2 qui, bien entendu, était consacré, pour sa plus large part, à l'affaire Strauss-Kahn. Le journal était centré depuis le bureau d'Elise Lucet - la présentatrice - qui, d'une part, s'adressait à divers correspondants, d'autre part, 
recevait des invités à sa table (Vincent Peillon, membre du PS, un commentateur de la chaîne et un avocat américain, doublement habilité au barreau de Paris et à celui de New York).

 

Mais le point sur lequel je veux insister est celui-ci : tout le long de ce sujet, les commentaires de la journalistes ou de ses invités, n'ont pas cessé d'être accompagnés des mêmes images, celles des quelques secondes entre la sortie de Dominique Strauss-Kahn, menotté, du commissariat où il avait été interrogé et son départ dans une voiture. [Cette séquence comportait trois plans (j'appelle "plan" - peut-être le mot est-il inexact - une séquence filmée sans interruption)]. En dehors de ces plans filmés, on trouvait des photos fixes, prises dans les mêmes séquences du même DSK.

 

Rien qu'au début, au bout de 3 mn 10 s, il y avait eu 10 plans filmés du prévenu. Puis un autre plan à 4 mn 54, puis 2 à 5 mn 30, puis 1 à 6 mn 21, puis une photo à 7 mn 15, plus 7 ou 8 photos entre 7 mn 30 s et 8 mn, puis 4 plans à 9 mn 36, puis 1 plan à 15 mn 01, puis un plan à 15 mn 43, puis un à 16 mn 35, puis un à 16 mn 50, puis une photo à 20 mn 57, à 21 mn 12, à 21 mn 22, à 21 mn 31, à 22 mn 17, à 22 mn 55 et à 23 mn 19.

 

En tout, donc, en 25 minutes à peu près de traitement du sujet, Dominique Strauss-Kahn a été vu 37 fois, soit en séquence filmée, soit en photo, et vu avec les mains menottées derrière le dos, sans cravate, et, parfois même à moitié habillé, sa veste ayant glissé le long de sa manche gauche, presque jusqu'au milieu du dos, et les policiers n'ayant pas même songé à la lui remonter.

 

Cette image évoque, pour des Français, un souvenir sinistre, à l'époque de la guillotine, lorsque le condamné se voyait découper le haut de sa chemise pour que le bourreau positionne mieux le cou à l'aplomb de la lame.

 

Ce que j'ai trouvé particulièrement indécent (voyeur, obscène), c'est qu'après les premières images - qu'il n'était pas la peine de montrer trois fois ! - les téléspectateurs aient été abreuvés au moins toutes les 40 secondes de l'image du directeur du FMI dans cette situation humiliante. Et j'ai eu un peu le sentiment que le "texte" du journal (les questions, les analyses, les reportages), loin de constituer le fond de l'émission (dont les images n'auraient été que l'illustration"), n'en avait été que le "prétexte", comme si l'objectif caché était davantage le racolage du téléspectateur (arrivant en zappant d'une autre chaîne et retenu par cet appât) que l'information.

 

Je n'ai pas de sympathie particulière ni pour Dominique Strauss-Kahn, ni pour la ligne politique qu'il incarne au P.S. Je suis évidemment consterné par ce qu'il est censé avoir fait (en attendant d'autres preuves) et, si c'est vrai, je partage la frayeur, l'épouvante, la détresse de la femme de chambre confrontée à une telle agression.

 

Mais je ne peux m'empêcher d'éprouver les images exhibées par France 2 comme la diffusion complaisante d'une scène de lynchage."

 

Ce que Philippe aurait pu ajouter, c'est que la "Loi Guigou" de 2000 interdit de montrer une personne entravée alors qu'elle n'a pas été jugée. Tous les médias français ont donc agi dans l'illégalité.

Ce n'est pas parce que les EU ont des mœurs et des lois bien à eux, et un peu particulières, qu'il faut se couler, tels des colonisés de la tête, dans leur moule.

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 06:30

http://img.clubic.com/03865922-photo-cia-logo.jpg

Vu récemment à la télévision une très bonne émission sur la politique culturelle de la CIA en Europe durant la guerre froide.

 

 

Cette émission montrait fort bien que la CIA n’y était pas allée avec de gros sabots, mais par une colonisation très subtile des esprits, dans le domaine littéraire, mais aussi dans le cinéma, la peinture (l’agence soutenait l’art abstrait), la sculpture etc.

 

Durant toutes mes études d’angliciste, j’ai lu la revue britannique Encounter, tout en sachant que la CIA la pilotait dans l’ombre. Ce mensuel politique et culturel de grande qualité, progressiste, avait été fondé en 1953 par le célèbre écrivain anglais Stephen Spender, ancien membre des Brigades internationales en Espagne, proche un temps du parti communiste britannique, mais aussi par l’intellectuel étatsunien Irvin Kristol, qui sera l’un des inspirateurs du néo-conservatisme d’outre-atlantique, après avoir été marxiste, trotskiste et socialiste. Le financement d’Encounter était assuré, bien sûr par ses valeureux abonnés, surtout par le Congrès pour la liberté de la culture, association culturelle anticommuniste fondée à Paris en 1950, financée par la CIA.

 

En 1966, Frank Kermode (l'un des professeurs de littérature les plus influents au XXe siècle outre-Manche) succéda à Spender. Il démissionna au bout d’un an lorsque fut révélé officiellement ce que même les étudiants français subodoraient : le financement de la revue par la CIA. T.S. Eliot, dramaturge et poète anglais d’origine étatsunienne, viscéralement de droite, avait estimé qu’Encountern’était que de la propagande américaine sous un vernis de culture britannique. Le jour de la démission de Kermode, les masques tombèrent, le cynisme éclata en pleine lumière. Thomas Braden, journaliste et ancien responsable de la CIA, publia dans un quotidien britannique un article intitulé “ Je suis content que la CIA soit immorale ”. Il expliquait : « Nous avons placé un agent dans une organisation d'intellectuels basée en Europe appelée Congrès pour la liberté de la culture. Un autre agent devint un directeur d'Encounter. Les agents pouvaient non seulement proposer des programmes anticommunistes aux chefs officiels de l'organisation, mais ils pouvaient également suggérer des voies pour résoudre les inévitables problèmes budgétaires. Pourquoi ne pas voir si l'argent recherché ne pourrait pas être obtenu auprès de fondations américaines. Comme les agents le savaient, les fondations financées par la CIA étaient tout à fait généreuses quand il s'agissait d'intérêt national. »

 

En France, la CIA finança indirectement la revue Preuves de Raymond Aron. En Allemagne, ce fut le cas de Monat, où s’exprimait Heinrich Böll. En Italie, l’écrivain Ignazio Silone, socialiste, puis communiste (il fut l’un des dirigeants du PCI clandestin au débuts des années 20), finit par frayer avec le Congrès pour la liberté de la culture. Pour certains historiens italiens, Silone aurait même exercé des activités de renseignement au profit de la police fasciste.

 

Quid de Tavernier et Neruda ?

En 1964, le poète chilien partait largement favori pour l’obtention du prix Nobel de littérature. Ancien proche de Federico García Lorca, ancien prix Staline pour la paix, soutien inconditionnel d’Allende, Neruda ne pouvait qu’être dans le collimateur du Congrès pour la liberté de la culture (tout comme Alberto Moravia, soit dit en passant). L’émission expliquait que le Chilien avait été victime d’une campagne de calomnies, de basses critiques, orchestrées par le Congrès, en provenance de plusieurs pays, dont la France. Chez nous, ce fut l’intellectuel René Tavernier qui s’y serait collé. Authentique résistant, le père du cinéaste Bertrand Tavernier fut un éditeur courageux qui publia Aragon en 1942. Il aurait été sollicité afin de participer à une campagne de presse de dénigrement contre Neruda, qu’il avait d’ailleurs publié après la guerre. Le prix Nobel fut décerné à Sartre (lui-même une des cibles favorites du Congrès pour la liberté de la culture), qui le refusa.

 

J’ai pris l’habitude de me méfier de tout ce qui est publié, sur internet ou ailleurs. Je ne sais si ce qui est dit sur Tavernier est avéré ou non. Si c'est le cas, c'est bien triste...

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 06:00

Le quotidien proche du parti communiste britannique met en vente ces deux gobelets (en bon franglais "mugs") pour 10 euros. C'est cher payé.

 


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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 15:35

C’est la 42158e fois que je le dis ou l’écris : la LRU est une arme de guerre conçue par l’hyperbourgeoisie internationale pour privatiser l’enseignement supérieur français et sortir ses personnels de la Fonction publique en une génération. Ont lutté contre cette ignominie, outre, évidemment, toutes les bonnes volontés individuelles, le Snesup, la CGT, Sud, une p
artie du syndicat autonome (droite), le Parti communiste, le NPA, le Parti de gauche, ainsi que deux associations d’universitaires : Sauvons l’Université ! et Sauvons la Recherche !. Le SGEN-CFDT, l’UNSA, le Parti socialiste (très tardivement) se sont fort mollement opposés à Pécresse. Les deux confédérations syndicales participent désormais à la gestion de l’Université de manière plutôt zélée. Le Parti socialiste, qui n’a jamais condamné globalement la logique de la LRU, ne prévoit pas de faire abolir cette loi en cas de victoire aux prochaines élections présidentielle et législatives.

 

Un psychodrame vient tout récemment de se dérouler autour de la personne de Bertrand Monthubert, ancien animateur de Sauvons l’Université !. Scientifique de premier plan, Monthubert a joué un rôle déterminant dans le combat contre la LRU. Membre du Parti socialiste, il a choisi d’accepter, après s’être retiré de la direction de SLU, des fonctions éminentes dans ce parti.

 

Le Parti socialiste avait décidé d’inviter à Toulouse (la ville où exerce Monthubert) Étienne Boisserie, l'actuel président de Sauvons l’Université !, à l’occasion d’une journée consacrée à l’université. Très choqué par le programme du Forum des idées du PS, Boisserie, dénonçant la manière dont ce parti accompagne les réformes de la droite en matière d’enseignement supérieur et de recherche, vient d’adresser une lettre ouverte à Monthubert ;

 

Cher Bertrand Monthubert,

Je vous remercie de votre invitation à venir assister aux débats du PS à Toulouse.

J'ai bien entendu regardé attentivement l'organisation de vos travaux, les thèmes abordés et les personnalités invitées. Pour vous dire les choses avec une franchise que je juge préférable, connaissant les combats que vous avez menés, je dois bien avouer une grande déception. De toute évidence, vous avez totalement oublié les représentants des personnels (toutes catégories confondues), un certain nombre de thèmes et de secteurs fondamentaux de nos universités, et particulièrement ceux qui souffrent déjà – et continueront de souffrir – des effets des “ réformes ” conduites depuis 2007. J'entends bien qu'un président d'université – a fortiori quatre – a une certaine expérience des RCE et de l'application de la loi LRU, mais cela ne vous aidera certainement pas à calibrer l'indispensable balayage des effets les plus délétères de la LRU et des graves dysfonctionnements introduits dans les structures universitaires par les différents « -ex » que nombre de vos invités ne manqueront d'ailleurs pas de louer. Au demeurant, l'idée d'inviter à vos travaux un « grand témoin » qui, la veille, aura présenté dans une librairie parisienne le livre qu'il cosigne avec la ministre, permettant ainsi à celle-ci de vanter urbi et orbi son miraculeux « bilan », est un pied de nez qui doit être apprécié à sa juste valeur.

 J'entends bien, par ailleurs, que « l'innovation » – qui se substitue bien trop à la « recherche » pour ne pas devoir susciter quelques interrogations – est une composante essentielle du discours ambiant, mais quid de pans entiers de l'université ? Des SHS ? Des IUT ? Quid des conditions de travail des personnels soumis à la RGPP – les Biatoss depuis un moment, les enseignants-chercheurs sous peu ?

 Beaucoup de « vedettes » et de discours convenus en perspective, un mauvais signal adressé à la communauté universitaire, une incapacité à poser un diagnostic autrement qu'avec ceux qui ont accompagné – ouvertement ou dans les faits, avec zèle ou toute honte bue – des transformations redoutables.

 Avez-vous oublié que votre groupe parlementaire avait, en plein mouvement de 2009, certes tardivement, mais clairement, pris position contre la loi LRU ? Avez-vous oublié que vous-même aviez pris une telle position au même moment ? Êtes-vous en train de vous préparer à annoncer au nom du Parti, comme M. Cambadélis l'a fait en son nom dans le JDD du 8 mai, que la réforme des universités est « peut-être » la seule réussite du quinquennat de Nicolas Sarkozy ? Votre idée de « la société de la connaissance » ne cache-t-elle pas une conversion définitive à « l'économie de la connaissance ? Et, enfin, pourquoi diable avoir pris la peine de consulter les associations SLR et SLU en décembre dernier si c'était pour produire un tel cadre de débat et de réflexion publique ?

 Je reconnais bien volontiers que ce courrier n'est pas une réponse courtoise à votre aimable invitation, mais comment un parti comme le vôtre peut-il à ce point évacuer autant de dimensions du problème de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Comment peut-il aussi durablement éviter de tracer des priorités nouvelles pour un secteur gravement affecté depuis 2007. Or, il est consternant de constater qu'aucun de vos invités – à l'exception sans doute de votre élue régionale – n'a jamais pris la mesure de ces bouleversements et des effets néfastes des réformes en cours, quand il ne s'en est pas réjoui au nom d'une « excellence » qu'il est désormais convenu dans les cercles « réalistes » d'invoquer à tout bout de champ, comme jadis, en d'autres lieux, on en appelait aux mannes du « socialisme scientifique » ? Mesurez-vous vraiment – votre parti, pas vous-même – le degré de renoncement atteint, qui consiste à copier le discours de l'adversaire par crainte du discrédit ?

 Cela ne remet pas en cause mon estime pour le militant que vous fûtes, ni mon espoir d'une alternance politique. Mais cela ne sera pas à n'importe quel prix et vous devez prendre enfin la mesure du désarroi des femmes et des hommes sans lesquels l'université n'existe pas. Je ne doute pas que le programme de votre « Forum des idées » - certains d'entre nous y ont lu un « Forum des Idex » - provoquera chez beaucoup d'entre eux un sourire mi-las, mi-désabusé, chez d'autres une grande inquiétude.

 En espérant que votre parti saura un jour comprendre que ce n'est pas seulement d'une alternance dont l'Université et la Recherche ont besoin, mais bien d'une alternative aux politiques en cours, je vous prie de croire, cher Bertrand Monthubert, en mes sentiments les plus cordiaux.

 Étienne Boisserie

 Président de Sauvons l'université !

 

 Deux remarques explicatives avant de poursuivre. Le “ grand témoin ” dont parle Boisserie, qui a cosigné un livre avec Pécresse, n’est autre que le président de l’université Paris V, élu en 2007. Homme assoiffé de pouvoir et de reconnaissance, Axel Kahn eut, pendant la lutte contre la LRU, une attitude plus qu’ambiguë de soutien voilé aux agissements de la droite. Dans sa jeunesse, Kahn fut membre du Parti communiste puis, brièvement, du Parti socialiste. Il est vice-président des Amis du journal L’Humanité et fut membre – au titre de ses compétences en génétiques, peut-être – de la commission de révision de la Constitution française présidée par Simone Veil. Bref, l’homme navigue à la godille, un pied dans chaque camp. Heureusement, il n’y a que deux camps. Je n’ai aucune compétence pour évaluer le savant. Je note ceci dans la page Wikipédia qui lui est consacrée :

 

« Présenté parfois par les médias comme le « généticien français le plus renommé en Europe », Axel Kahn ne figure cependant pas dans la liste des 137 scientifiques français les plus cités, établie par l’Institute for Scientific Information. Cette liste comporte une bonne dizaine de généticiens français, parmi lesquels Pierre Chambon, Daniel Cohen, Jean-Louis Mandel, Marie-Geneviève Mattéï et Jean Weissenbach. Il a néanmoins publié plus de 500 articles dans des revues internationales. »

 

Dans sa lettre, Boisserie joue avec le suffixe “ ex ”. Il faut savoir que les inventeurs de la LRU et les nombreux universitaires qui la soutiennent se gargarisent désormais du concept d’excellence. Cette notion bidon sert à mettre les institutions universitaires en compétition les unes avec les autres, tout comme les personnes. C’est ainsi qu’ont été créés des “ laboratoires d’excellence ” ou Labex. Une minorité de labos pourra bénéficier de cette prestigieuse étiquette et des subventions afférentes. Mais à l’intérieur de ces labos remarqués, seuls 30% des personnels pourront se prévaloir de l’excellence. On imagine donc la lutte à couteaux tirés entre les labos et à l’intérieur même de chaque labo. Ce n'est pas le lieu de se demander ici combien de ministres pourraient bénéficier du label...

 

La lettre d’Étienne Boisserie a été reproduite par Mediapart. Je voudrais, pour terminer, citer quelques commentaires des lecteurs de ce site.

 

Il y a ceux qui pensent, comme 70% des Français, paraît-il, que trop d’universitaires sont des fainéants assistés qui, comme les bénéficiaires du RSA doivent faire leurs preuves en matière d’excellence. On me permettra de ne pas leur faire de publicité. Je préfère citer les lecteurs choqués par les dérives des socialistes :

 

 Si le PS doit prolonger ce qu'a fait Pécresse, inutile pour les enseignants-chercheurs et les Biatoss de voter pour lui en 2012. Nous attendons tous le départ du tandem Sarkozi-Pécresse comme une délivrance. Depuis 2009, il y a de plus en plus de collègues qui n'en peuvent plus et "ne travaillent plus ou à peine", faute de moyens et de perspectives. Savez-vous que désormais, au moins en SHS, les colloques français (y compris de dimension internationale) sont exclus du champ de l'évaluation par l'AERES (la nouvelle autorité d'évaluation) ? La LRU a des effets pervers que l'on ne va plus tarder à mesurer hors de l'université (mais que les enseignants-chercheurs ont d'ores et déjà pu mesurer). Et s'il faut évaluer, c'est par la LRU qu'il faut commencer, de toute urgence. Un enseignant-chercheu), avant la LRU, était évalué de façon permanente par ses pairs, et de façon très supérieure à ce qui se fait ailleurs la plupart du temps dans la plupart des métiers : DEA, puis thèse, puis habilitation à diriger la recherche, concours de bourse ATER, concours de maître de conférences, concours de professeur des universités, passage à la première classe, à la hors classe, et sans cesse la recherche d'aides à la recherche, de financements aux programmes de recherche et d'ouverture de nouvelles formations (DESS, DEA, aujourd'hui masters) ; animation de séminaires et d'écoles doctorales, accueil d'étudiants et de collègues étrangers, contributions aux équipes de recherche, contributions aux journées de recherches, colloques, échanges internationaux, publications et direction de projets de publications, de revues, etc. Facilement 50 heures de boulot par semaine, y compris (surtout) pendant les "vacances". Tout ça chez 99 % des collègues.

 

 Militant du parti socialiste, je peux en effet, faire remonter l'extrême mécontentement des collègues envers les ambiguïtés de mon propre parti. Par ailleurs, la rumeur voudrait (mais je n'ai guère de certitudes en la matière faute de temps ) que Mr Axel Kahn aurait obtenu de V.  Pécresse,  un recul de l'âge du départ à la retraite des présidents d' Université qui expliquerait sa moindre opposition à la réforme.

 

 Dans bien des métiers en lesquels les choses changent vite et en lesquels les formations sont rapides, les exigences sont inévitablement à court terme, mais la Science procède par approfondissement et cette réforme lui est nuisible. Et, en fait, c'est peut-être encore plus vrai dans les sciences "dures" (celles que Mr Monthubert connaît le mieux ...) que dans les SHS. Les lazzis sur Mr Cambadelis qui aurait eu, comme expérience essentielle de la vie universitaire, la gestion de la MNEF n'arrange pas l'image de mon parti auprès des universitaires, sauf peut-être ceux qui ont investi massivement les tâches administratives , et sont probablement les vrais gagnants de la réforme. Rappelons, pour finir, qu'un des ingrédients des défaites de 2002 et 2007 fût l'abstention des enseignants du second degré suite aux propos déconcertants de Claude Allègre. Mon parti a suivi les orientations d'un de ses membres qui s'est empressé de le quitter quand les tentations de " la politique d'ouverture " se présenta. Immense gachis pour la Gauche...

 Pour revenir à la forme que prend ce "Forum des idées" du PS, on ne comprend vraiment pas que n'ait pas été entrepris le travail minimum d'une représentation de la pluralité des acteurs de l'université et de la recherche. Pourquoi 4 présidents d'université quand on sait l'essentiel de la CPU acquis à la politique actuelle? Et pourquoi Monsieur "Axcellence" (Axel Kahn) qui signe un livre avec Pécresse? Faire de lui le "Grand témoin" de ce forum socialiste n'est pas seulement un mauvais signal envoyé à toute la communauté universitaire, c'est acter une pleine adhésion du PS à l'ensemble de la politique d'excellence qui restructure et déstructure la carte territoriale de la recherche et les laboratoires au seul profit des grands groupes industriels et financiers en faisant au passage les choux gras du secteur véreux et incompétent de la consultance.

 Beaucoup attendent que le PS se prononce enfin clairement sur trois sujets centraux : le soutien ou non à la loi LRU et toutes ses conséquences délétères en matière de démocratie et de respect de la collégialité; l'adhésion ou non à la politique d'appel d'offre via les projets d'excellence qui redessinent de façon absurde la carte territoriale de la recherche en concentrant les moyens sur quelques grands pôles et des secteurs disciplinaires à rentabilité immédiate; le devenir des SHS et des Humanités qui sont instrumentalisées et menacées d'affaiblissement ou de disparition sur les deux tiers du territoire universitaire français.

 

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