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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 06:25

http://www.pointsdactu.org/IMG/bmp/La_vie_des_forcats.bmpLe kleiner Mann et le gang du Fouquet’s ont ravagé l’Éducation nationale. Ils en redemandent. S’il est réélu (20% des enseignants se prononcent en sa faveur), Sarkozy prépare pour les personnels quelques traitements aux petits oignons. Souvenons-nous de ces initiatives tellement intelligentes du début de son quinquennat. Mais tellement normales pour quelqu’un qui voue un mépris d’acier à l’école de la République. Les élèves de CM2 devaient parrainer un enfant juif mort dans les camps. Même Simone Veil, qui soutient Sarkozy publiquement (en privé, hum !) avait trouvé cette initiative scabreuse. Chaque année, les lycées devaient lire la lettre de Guy Môquet. Le casinotier Laporte, patron de l’équipe de France de rugby à l’époque, avait imposé ce pensum aux joueurs avant une branlée mémorable lors d’un tournoi des cinq nations. Les parents devaient pouvoir choisir librement l’école de leurs enfants. L’échec scolaire allait être divisé par trois en fin de primaire (fastoche avec la suppression des RASED), les élèves allaient sortir bilingues du lycée, le master formation des maîtres allait supplanter avantageusement le Capes.

Donnons la parole à quelques enseignants qui évoquent franchement leur vécu (source : Libération).

Jean François Petit, secrétaire régional Rhône-Alpes de la CGT-Éduc'action et professeur de construction mécanique dans un lycée professionnel de Givors.

«Le bilan des cinq années Sarkozy, c'est les suppressions de postes. L'année dernière, on a perdu 30 professeurs dans l'académie en lycée pro, cette année 150. Le résultat c'est plus d'élèves par classe. On plafonnait à 24, maintenant on est à 30.

Sarkozy c'est aussi le bac pro en trois ans au lieu de quatre. Avant les élèves faisaient deux ans de BEP plus deux ans de bac. Maintenant, ils font la totalité en trois ans. Avec des mômes cabossés, ça ne marche pas. Ils ont voulu justifier la réforme d'un point de vue pédagogique, c'est elle n'est que comptable.

Pour les enseignants, ce sont des conditions de travail qui se détériorent. Les gens s'imaginent qu'on ne fout rien. Psychologiquement, c'est quand même dur pour nous à vivre.

Sarkozy, c'est aussi les gamins sans papiers qui s'angoissent. On en a régulièrement. C'était pas le cas avant Sarko, c'est net.

Pour moi, faut oublier ces cinq ans. Habituellement, je vote très à gauche, mais là je vais voter Hollande au premier tour pour le dégager.»

«Une casse systématique et organisée»

Sylvie Caron, enseignante en primaire à Rillieux-la-Pape (Rhône), militante à SE-Unsa (Syndicat des enseignants du premier degré et du second degré).

«On assiste depuis cinq ans à une casse systématique et organisée de l'Education nationale et de l'enseignement en général. Le gouvernement a cassé la formation professionnelle des enseignants, il a cassé les moyens en termes de postes d'aide aux enfants en difficulté, de remplaçants, et de postes de directeurs quand on a fusionné les écoles pour en gagner un.

Cette entreprise de casse démobilise les troupes et provoque dans les établissements un ras-le-bol général. Les profs sont pressurés par l'administration avec des évaluations natinales à tout bout de champ et pas forcément en corrélation avec ce qu'ils doivent enseigner et demander aux élèves. Ce ras-le-bol a des effets au niveau santé, motivation, moral, et se ressent dans le travail d'équipe.

D'autant qu'on s'entend dire dans le même temps qu'on est des nantis, que tout va bien, et qu'on a beaucoup trop de moyens.»

Jérémie Buttin, professeur depuis douze ans en arts appliqués au lycée Adolphe-Chérioux, dans le Val-de-Marne.  Il y a tout juste deux ans, un élève était agressé dans l'enceinte de l'établissement par une bande de jeunes venus de l'extérieur. L'équipe enseignante s'était alors fortement mobilisée réclamant des postes d'encadrement.

«Après cet épisode, ils ont fait une clôture autour de l'établissement pour l'isoler du grand parc départemental qui est à côté. On a obtenu quatre postes de surveillants sur les onze qu'on demandait. Leur contrat de deux ans arrivent à échéance, on ne sait pas du tout s'ils seront remplacés. De manière générale, il y a une vraie pénurie de personnel encadrant et administratif. La dégradation est vraiment criante ces dernières années. Le personnel reste motivé mais débordé. L'intendante du lycée, par exemple, est à cheval sur plusieurs établissements. Elle a un travail de dingue. Cela a des répercussions sur les projets éducatifs, tout est plus compliqué, les délais sont plus longs pour débloquer les budgets...

Autre dégradation qui me vient à l'esprit : depuis la rentrée, avec la mise en place de la réforme du lycée, chaque proviseur a désormais une enveloppe avec un nombre d'heures à distribuer pour dédoubler les classes par exemple. C'est une sorte de pot commun. Chaque enseignant doit se battre et justifier pourquoi il a besoin de prendre ses élèves en demi-groupe... Cela met une mauvaise ambiance dans l'équipe. On se retrouve en compétition les uns les autres, ce n'est pas sain.»

Sabine, enseignante Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté), ces profs spécialisés dans le traitement de la difficulté scolaire. Elle vient d'apprendre que son poste était supprimé à la rentrée.

«C'est vraiment dommage. Surtout ce qui m'énerve, c'est ce double discours complètement contradictoire. D'un côté, Sarkozy dit mettre tout en place pour aider les enfants à réussir à l'école. De l'autre, il détruit le seul système qui existe dans l'Education nationale pour venir en aide aux élèves qui sont en grandes difficultés. Tout cela obéit à une logique purement comptable. Le chef de l'Etat a promis de ne pas supprimer de classes donc il fait des économies sur tous les postes à côté: les Rased sont les premières cibles.

En tant qu'enseignante spécialisée Rased, je ne suis pas rattachée à une classe, j'interviens dans plusieurs écoles. Je m'occupe, par petits groupes, d'enfants en grandes difficultés. Je travaille en étroite relation avec les orthophonistes, les psychologues, les parents pour essayer d'aider ceux qui sont vraiment en grandes difficultés. Bien évidemment, cela ne marche pas à chaque fois, mais nous avons des résultats. Plutôt que d'encourager cette démarche et de l'améliorer, on la détruit. Les premières victimes, ce sont évidemment ces enfants, souvent les plus défavorisés socialement. Sarkozy se vante d'avoir instauré à la place l'aide personnalisée [après l'école, le soir ou entre midi et deux, ndlr] mais on ne cible pas du tout les mêmes élèves et les mêmes difficultés. La preuve : depuis la mise en place de l'aide personnalisée, nous avons toujours autant de demandes d'intervention dans les classes.»

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 07:04

http://nad.b3-everquest.pagesperso-orange.fr/Eugene_pottier.jpgEugène Pottier. Sur le portrait, son regard porte loin et fort. On sent que, quand il tient la plume, il n’a pas peur.


À 14 ans, il travaille douze heures par jour dans l’atelier de son père. Il compose sa première chanson à cette époque : “ Vive la liberté ”. Un peu plus tard, “ Il est bien temps que chacun ait sa part ”. Il participe à la révolution de 1848. Il adhère à la preière Association Internationale des Travailleurs en avril 1870. Membre de la Garde nationale, il est élu pour le 2è arrondissement. Il participe aux combats de la Semaine sanglante. Caché quelque part dans Paris, il écrit “ L’internationale ” (link). Réfugié en Angleterre, il est condamné à mort par contumace en 1873. Il s’installe aux États-Unis, où il adhère à la franc-maçonnerie puis au Parti ouvrier socialiste d’Amérique. Amnistié, il revient en France en 1880, ruiné et a demi paralysé. Ses chansons se répandent dans le peuple. 10000 personnes assistent à son enterrement au Père-Lachaise le 6 novembre 1887. Un an après sa mort, Pierre Degeyter met en musique “ L’internationale ”. Pottier entre dans la légende du mouvement ouvrier.

 

Dès 1848, il chante le peuple, qu’il compare aux arbres de la liberté :

 

Peuple la feuillaison commence

Te voilà comme un arbre immense

Dressé de toute sa hauteur.

 

D’emblée, il dénonce la bourgeoisie qui maintient le peuple dans la misère :

 

J’ai faim ! J’ai faim, dit le corps

Je n’ai pas le nécessaire ;

Le ver ronge moins les morts

Que les vivants la misère.

 

Il dénonce les futurs B.O.F. et le gouvernement qui les soutient :

 

Protégez la boutique

Comme ont fait tous vos devanciers

Et que la République

Profite aux épiciers

 

En 1848, après avoir échappé de peu à une exécution sommaire,, il lance sa “ Propagande des chansons ”, des textes d’une très grande force :

 

Le monde va changer de peau

Misère, il fuit ton bagne,

Chacun met cocarde au chapeau,

L’ornière et la montagne ;

Sac au dos, bourrez vos caissons.

Entrez vite en campagne

Chansons !

 

Après le coup d’État de 1851, il dit sa certitude de la revanche :

 

Du soir jusqu’au matin

Gorgez-vous du butin.

La verra qui vivra ! [la République]

Sonnez, les temps sont proches

La verra qui vivra !

La terre enfantera !

Le marteau chantera !

Le travail fleurira !

La rose rougira !

 

Il nargue Napoléon avec ironie, en vers de huit pieds (très efficace, le 8) :

 

Cayenne a fait monter la rente

Vive la prime et le coupon

Vive, vive Napoléon !

[…]

Sous le lard étouffons le rêve,

Gavons le ventre et qu’il en crève ;

Vive notre auge et notre son !

Vive, vive Napoléon !

 

Au moment de la guerre du Mexique (Napoléon III avait dit que « L’Empire, c’est la paix »), Pottier en appelle à la grève des femmes :

 

S’il faut recruter vos milices

Fécondez tigresse ou guenon

Nous ne sommes plus vos complices

Pour fournir la chair à canon

 

En 1857, il fonde le plus important atelier de dessin de Paris. Il encourage ses employés à constituer une chambre syndicale qu’il fait adhérer à l’Internationale.

 

Après la défaite de Sedan, il encourage les Parisiens à défendre l’indépendance nationale :

 

Sur tes coteaux vois la fumée

Des avant-postes allemands.

Voilà ce que l’Empire coûte

La défaite et le désarroi.

 

Pottier consacre un poème à la tentative insurrectionnelle du 31 octobre 1870 :

 

Chez les chamarrés, rien ne bouge

Va-nu-pieds, marchons de l’avant,

Nommons une Commune rouge,

Rouge comme un soleil levant !

 

En juin 1841, il écrit sa saisissante “ Terreur blanche ” :

 

Messieurs les conservateurs,


Vous le grand parti de l’Ordre,


Procédons, plus de lenteur !


L’hydre peut encor nous mordre.


On a pris Paris et huit jours durant


Par la mitrailleuse on sut faire grand,


Taper dans le tas, c’était à se tordre,


Mais fallait finir comme on commença.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Dans les premiers jours d’exploit


On n’a pas manqué de touches,


Quand on relit le Gaulois,


L’eau vous en vient à la bouche.


Parlez-moi des gens comme Galliffet :


Avec la canaille, il va droit au fait,


Mais l’esprit public d’un rien s’effarouche.


Bref ! Dans les pontons, on les entassa !…


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Dès qu’on juge, c’est gâché,


On tombe dans le vulgaire.


Ils sont en papier mâché


Vos fameux conseils de guerre !


Pourquoi les Gaveaux, les Boisdenemets,


Vous embarquez-vous dans les si, les mais ?


La peine de mort encor ce n’est guère,


Mais pas de Cayenne ou de Lambessa,


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Quels lâches, que ces meneurs,


Ils ont gagné la frontière.


C’était tous des souteneurs


Et des rôdeurs de barrière,


Des joueurs de vielle et des vidangeurs.


Que d’argent trouvé sur ces égorgeurs !


C’est vingt millions qu’emportait Millière,


Enfin Delescluze était un forçat.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Quoi ! Rochefort qui traita,


Dans ces immondes sornettes,


Un illustre homme d’Etat,


De vieux serpent à lunettes !


L’homme à la Lanterne, un esprit cassant,


Marquis journaliste et buveur de sang,


Quoi, vous le tenez dans vos mains honnêtes,


Ce petit monsieur qui nous agaça.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Les petits sont pétroleurs


Dans le ventre de leur mère ;


Pour supprimer ces voleurs


Nul moyen n’est trop sommaire.


Exemple : à Montmartre un mâle étant mort,


La femelle en pleurs s’élance et nous mord ;


Bien qu’elle fût pleine, on prit la commère :


À faire coup double, elle nous força.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !

 

Il rentre d’exil malade, diminué mais plein d’allant :

 

Au cœur, pas de ferments aigris

Dans ses rameau pas de chenilles.

Voyez ! Ses cheveux sont tout gris

Mai jouerait encore aux billes.

 

La mort de Blanqui lui inspire un chant magnifique :

 

Ce cœur qui ne bat plus battait pour une idée :

L’Égalité ! … Gens sourds. Terre, esclave ridée

Qui tournes dans ta cage ainsi que l’écureuil,

À présent qu’il est mort, tu l’entendra peut-être !

Ce combattant passant de la geôle au cercueil,

Du fond de son silence, il dit : Ni Dieu, ni maître !

 

Le monument des Fédérés lui inspire un texte rageur et émouvant :

 

Oui, pour tout monument, peuple, un amas de pierres !


Laissons l’Académique aux tueurs de bon goût,

Et sur ces pavés bruts qu’encadreront les lierres,


Simple, allant à la mort, Delescluze debout,


Des cadavres autour dans leur vareuse brune,


Des femmes, des enfants, mitraillés, éventrés ;

Qu’il ressuscite la Commune,

Le monument des Fédérés !

 

Tout comme Jules Vallès :

 

Paris vient de lui dire:Adieu!

Le Paris des grandes journées,

Avec la parole de feu

Qui sort des foules spontanées.

Et cent mille hommes réveillés

Accompagnent au cimetière

Le candidat de la misère,

Le député des fusillés.

 

D'idéal n'ayant pas changé

La masse qui se retrouve une,

Fait la conduite à l'Insurgé

Aux cris de : Vive la Commune!

Les drapeaux rouges déployés

Font un triomphe populaire

Au candidat de la misère,

Au député des fusillés.

 

Et que dire de ce “ Mur voilé ”, dédié à « Séverine, qui eut la première idée de cette pièce » :

 

Ton histoire, Bourgeoisie,

Est écrite sur ce mur.

Ce n’est pas un texte obscur…

Ta féroce hypocrisie

Est écrite sur ce mur !


Le voici, ce mur de Charonne,


Ce charnier des vaincus de Mai ;


Tous les ans, Paris désarmé


Y vient déposer sa couronne.


Là, les travailleurs dépouillés


Peuvent énumérer tes crimes,


Devant le trou des anonymes,


Devant le champ des fusillés !

 

Un sacré bonhomme !

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 07:12

RebRP.jpgLe Sarkophage, dont je rends compte régulièrement dans ce blog et sur le site du Grand Soir, vient de publier un formidable hors série consacré à ceux qui désobéissent, qui luttent, qui résistent. Je ne retiendrai dans cette chronique que l’exemple de Dominique Liot, un Robin des Bois CGT de l’énergie, qui travaille pour l’EDF désormais privatisée, dans la région de Toulouse.

 

Dans son style bien à lui, Mélenchon aime à forger des expressions qui le caractérisent et le singularisent. Il en va du Jean-Luc comme de Chateaubriand : le style « est de l’homme même ». Pour le candidat du Front de Gauche, une tête dure est une personne qui ne se laisse pas impressionner par les « en haut d’en haut », qui sait quand il faut faire un écart par rapport à la norme qui ne tombe jamais du ciel mais est le produit d’un rapport de forces, qui fait tout pour ne pas subir les règles imposées par les dominants – et qui donc s’efforce d’édicter les siennes. Ainsi, pour les Robins des Bois de l’énergie (voir ici qui était le vrai Robin Hood : link), il est anormal que les actionnaires d’EDF, de GDF ou de Total perçoivent des dividendes délirants quand des victimes du système ne peuvent plus faire cuire leur tambouille ou réchauffer leurs enfants. D’où leurs actions diverses et variées  consistant, par exemple, à remettre le courant chez des chômeurs ou des travailleurs précaires. Il est certain que dans la société française d’aujourd’hui, il y a les têtes dures et les ventres mous.

Dominique Liot se présente de manière fort politique : « Je travaille dans une entreprise née publique à la Libération, EDF-GDF, issue de nationalisations en 1946 des multiples entreprises électriques et gazières qui couvraient le territoire. Cette nationalisation, menée non sans réaction du camp patronal, était inscrite dans le programme du Conseil National de la Résistance. Comme une première marche d’un escalier menant l’ensemble des salariés à un statut respectable et respecté. »

Tout est dit lorsque Liot ajoute que le but de cette entreprise nationale n’était pas de réaliser des profits. Il faut toujours avoir à l’esprit que les nationalisations de l’après-guerre furent une des conséquences de la lutte contre le fascisme qui a permis la construction d’un monde meilleur, que les dominants sont en train de saper méthodiquement, en Grèce et ailleurs.

Dominique Liot, qui lie son destin de travailleur à celui des luttes collectives, a cette formule admirable : « Militer n’est pas une croix à porter, c’est une dignité à entretenir. » Il rappelle qu’au printemps 2009 un vent de révolte a soufflé sur ERDF-GRDF Midi-Pyrénées, peu après la tempête Klauss qui a ravagé le Gers et la Haute-Garonne. Les directions des établissements de l’énergie avaient préféré laisser à l’abandon une bonne partie du réseau « au motif que cela revient statistiquement moins cher d’attendre que ça pète plutôt que de mettre les moyens techniques et humains nécessaires pour l’éviter. »

Avec ses camarades, Liot entreprit d’aider des Rmistes dans le besoin en leur remettant le courant, en vertu du droit à l’énergie pour tous. Il fut mis à pied trois semaines (link). ERDF décida alors, de manière particulièrement mesquine, de porter plainte contre ces Rmistes pour vol d’électricité, en leur envoyant par ailleurs une facture de 367 euros pour frais de coupure ! Liot a bien raison : « ERDF fait du fric sur la misère. »

Être un Robin des Bois consiste, dans sa tête, à considérer que certaines actions, bien qu’illégales, sont légitimes. Comme celles des faucheurs volontaires ou des enseignants désobéisseurs. Ces actions amènent une prise de conscience qui débouchera – on peut l’espérer sous un gouvernement de gauche – sur « une tranche sociale gratuite et une forme de tarif progressif pour lier justice sociale et économies d’énergie ».

En l’état actuel, rappelle Liot, la privatisation d’EDG et GDF se concrétise par une externalisation massive et par un statut, pour EDF, de fournisseur comme un autre. Cette situation n’est pas inscrite dans le marbre si les travailleurs des deux grandes entreprises ET les consommateurs résistent pour récupérer ce qui leur appartient.

Le programme du Conseil National de la Résistance (24 mars 1944) s’intitulait Les jours heureux. Pour espérer vivre ces jours, Dominique Liot nous dit qu’il ne faudra rien céder sur les retraites, sur la précarité, la santé, l’éducation. On s’en veut de reprendre le slogan d’un candidat qui aura eu, contre son gré, le mérite de faire naître des initiatives comme celles du Sarkophage. Mais si on se retrousse les manches, dans les luttes, ensemble « tout deviendra possible ».

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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 07:12

http://jm-bares.elunet.fr/public/jm-bares.elunet.fr/Illustrations%20article/Copie_de_IMG_0305.JPGJean-Marc Barès, universitaire toulousain, maire-adjoint à la mairie de Toulouse, candidat aux élections législatives pour le Front de Gauche, se prononce ici sur le PRES de l’université de Toulouse, qui vient de se voir attribuer un IDEX. C’est peu dire que je souscris globalement à son analyse.

Le PRES de Toulouse (ensemble des établissements d’enseignement supérieur de Toulouse : universités, instituts et écoles d’ingénieurs) vient de se voir choisi par le jury national, au sein de l’ensemble des grandes universités françaises, pour l’attribution d’un IDEX, en retour de son projet UNITI.
Comme membre de l’Université Paul Sabatier et comme élu municipal, je pourrais simplement me féliciter que soit ainsi reconnue la qualité de l’enseignement dispensé et de la recherche menée dans les établissements toulousains.
Mais le gargarisme n’étant pas un mode d’action pour un homme politique responsable, je me dois de signaler le « prix à payer » pour la mise en route de ce projet qui pourrait bien se révéler une potion amère. En effet, sans pouvoir ici analyser in extenso un document de plus de cent pages, je retiendrai que :

-Les fonds (provenant des intérêts du « grand emprunt ») ne couvriraient, s’ils étaient versés, qu’une faible partie des projets IDEX, plus faible encore du budget des établissements. Par exemple, sur qautre ans, les fonds espérés seraient de 189 millions d’euros, à comparer aux 2245 millions mobilisés pour les actions du projet.

-En retour les établissements perdraient leur autonomie, devenus simples « collèges » d’une entité gigantesque appelée UT (Université de Toulouse), dont la direction échapperait totalement aux personnels et dont les choix et orientations seraient pilotés par des « experts » extérieurs.

-Au sein de cette UT, un secteur « d’excellence » appelé UT* drainerait l’essentiel des crédits de recherche et des postes. Seraient créées également des licences dites d’excellence réservées à une minorité d’étudiants.
Ce périmètre de « l’excellence » a été estimé par une agence « extérieure », à 2000 chercheurs et enseignants-chercheurs sur 6000 et à 20000 étudiants sur 94000. Par la suite, qui s’y maintiendra ou y entrera sera défini par un Groupe d’Évaluation Scientifique (GES) totalement extérieur aux établissements.

-L’adoption de ce projet induirait, dans le cadre de la RGPP et de la LRU, une réduction des personnels et le développement de recrutements précaires.
Dans un premier temps, il est demandé aux établissements d’adopter un « pacte » qui interdirait tout contenu différent ou rejet du projet.
On concevra que tout élu de gauche attaché à la diffusion de la connaissance, l’élévation du niveau de qualification du plus grand nombre et la coopération entre les acteurs de la recherche, ne puisse que combattre un tel projet fondé sur l’élitisme, la concurrence, la mise à l’écart du plus grand nombre, le contournement du statut des personnels et la mise à mal du fonctionnement démocratique de l’université.
Le Front de Gauche est porteur d’un autre projet plus stimulant pour l’Enseignement supérieur et la Recherche, dont l’essentiel est exposé dans son livre-programme « L’humain d’abord ». En l’attente de réformes véritablement progressistes, il appuiera les luttes des personnels contre l’adoption du « pacte » et de l’ensemble du projet UNITI.

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21 février 2012 2 21 /02 /février /2012 15:33
Lettre des 100 contre l’interdiction du colloque «Israël : un État d’apartheid ?»
http://fc06.deviantart.net/fs24/f/2007/329/1/3/Mandela_on_Israeli_apartheid_by_Latuff2.jpgSuite à l'interdiction du colloque prévu à Paris 8 intitulé «Israël : un État d’apartheid ?», Mediapart publie la lettre d'un collectif de chercheurs et de personnalités, parmi lesquels Étienne Balibar, Jacques Rancière, Olivier Roy, François Burgat, Sylvie Tissot, Alain Bertho, Roshdi Rashed, Judith Butler ou Luc Boltanski.

 

À l’attention de Pascal Binczak, Président de l’Université Paris 8

 

Monsieur le Président,

 

Nous tenons par la présente à vous faire part de notre consternation suite à votre décision de retirer l’autorisation que vous aviez préalablement accordée à la tenue du colloque « Des nouvelles approches sociologiques, historiques et juridiques à l'appel au boycott international : Israël : un État d’apartheid ? », qui devait se tenir les 27 et 28 février prochains dans votre établissement.

 

Cette décision nous semble particulièrement grave puisqu’elle met en péril la liberté d’expression et les libertés académiques. Les motifs que vous invoquez, et notamment le risque de « troubles à l’ordre public », ne nous semblent guère convaincants au regard des implications de votre décision.

 

Nous avons en effet appris que la direction de l’Université avait pris connaissance du programme du colloque et de la liste des intervenants avant de donner son accord, et que le Fonds de Solidarité et de Développement des Initiatives Étudiantes avait même attribué une subvention de 2500 euros à l’initiative.

 

C’est donc bien suite à des pressions, voire des menaces venues de l’extérieur que vous avez décidé de faire machine arrière. Cela nous semble particulièrement préoccupant : l’Université doit-elle se soumettre aux pressions politiques, de quelque ordre qu’elles soient ? N’est-ce pas précisément sa fonction que de permettre que les libertés académiques puissent s’exercer dans les meilleures conditions ?

 

Nous ne partageons pas nécessairement les vues et les objectifs du colloque des 27 et 28 février. Mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui est en jeu est en effet le droit de mettre en débat dans l’espace public, en l’occurrence dans ce lieu symbolique qu’est l’Université, des travaux et des opinions qui méritent d’être entendues et qui ne sont en aucun cas répréhensibles d’un point de vue légal.

 

Que le CRIF ne souhaite pas que certaines positions soient défendues est une chose. Qu’une institution universitaire cède à la pression et aux menaces en est une autre. Imaginerait-on un colloque sur le Tibet annulé au motif que des représentants officiels ou officieux du gouvernement chinois menaceraient de troubler l’événement ?

 

Monsieur le Président, il n’est pas trop tard pour reconsidérer votre décision. Ce serait au contraire tout à votre honneur de revenir à votre position initiale en permettant à ce colloque de se dérouler dans votre établissement, dont chacun mesure le précieux héritage, et de refuser de céder aux injonctions des adversaires de la liberté d’expression.

 

 

Pour signer la lettre ouverte, écrire à censurecolloqueparis8@gmail.com.

 

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21 février 2012 2 21 /02 /février /2012 06:35

http://www.lfjtokyo.org/secondaire/uploads/images/actus/maths.jpgUn quart des membres du jury de l'agrégation externe de mathématiques a démissionné. Ceci est sans précédent chez les mathématiciens. Bravo le courage de ces collègues.

 

Ces enseignants parmi les plus éminents dénoncent l'asphyxie des moyens, la course effrénée au financement dans les universités, la baisse alarmante des effectifs dans les études scientifiques, le recrutement de précaires non qualifiés dû à la destruction de la capacité de formation et de recrutement d'enseignants qualifiés.

 

Ils s'en prennent également à la nouvelle épreuve, totalement inepte, "agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable". Sans parler du calendrier, incroyablement serré, qui transforme l'épreuve en marathon.

 

Ces anciens membres du jury terminent leur protestation de la manière suivante : "il est urgent de redonner au métier d'enseignant l'éclat qu'il a perdu". Bien sûr. Mais même si un président de gauche est élu en mai, il faudra beaucoup de temps pour réparer la faute majeure de la droite au service des grands intérêts du CAC 40 : la destruction de la Fonction publique, la mise en coupe réglée de l'État, la gestion du bien public selon les normes du capitalisme anglo-saxon.

 

Puisque nous sommes dans des comportements dignes, saluons également le courage de ces universitaires du CNRS qui viennent de refuser la mascarade des primes d'excellence scientifique :

 

Lettre ouverte

à Monsieur Fuchs, président du CNRS

et à Monsieur Bourdelais, directeur de l’Institut des Sciences humaines et

sociales

 

Paris, le 6 février 2012

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur,

 

Chercheuses et chercheurs CNRS des centres de recherche de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, nous avons pris connaissance du lancement de la campagne 2012 relative à ladite « prime d’excellence scientifique » (PES).

 

Le temps n'ayant nullement érodé nos convictions, nous demeurons fermement opposés à ce système de rémunération injuste et nuisible au fonctionnement serein des équipes et donc à la qualité de la recherche dans notre pays. Il dénature et entrave l’objectif de revalorisation des traitements et des carrières de l'ensemble des chercheurs CNRS, notamment des débuts de carrière, ainsi que de leurs collègues ingénieurs, techniciens et administratifs. Il est particulièrement choquant pour les travailleurs précaires de la recherche et de l'enseignement, le montant de cette prime pouvant à  bon droit être reçu par eux comme une insulte.

 

Nous ne contestons pas seulement la forme de cette « campagne », même s'il y aurait beaucoup à dire sur des modalités d'attribution arbitraires et opaques de la PES, mais son principe : cette prime dégrade l’image que nous nous faisons de notre métier et du service public de la recherche et de l'enseignement. Au regard de l’activité éminemment collective qu’est la recherche, ces primes contribuent artificiellement à individualiser des mérites qui ne le sont guère. En introduisant des écarts de rémunérations toujours plus prononcés entre les agents du service public, elles véhiculent une gestion managériale de l’enseignement et de la recherche à l’opposé de la conception du service public à laquelle nous sommes attachés. C’est pour les mêmes raisons que les sections du comité national de l’INSHS ont refusé d’évaluer les demandes de PES.

 

Nous refusons par conséquent de participer à cette procédure et appelons tous nos collègues à refuser de cautionner un tel processus d'individualisation concurrentielle des rémunérations, dont la PES n’est malheureusement pas la seule modalité. Dans l’immédiat, nous vous suggérons d’affecter les ressources que vous voulez consacrer à la PES aux crédits récurrents des unités, qui sont en diminution.

 

Nous aimons notre métier et nous n'avons pas l'intention d’en changer en nous faisant acheter, fût-ce au nom de l' « excellence », mot fétiche du « new public management » et prétexte à la mise en concurrence sauvage de tous contre tous.

 

Veuillez croire, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, à notre

détermination.

 

Catherine Alès (GSPM), Luc Arrondel (PSE), Philippe Artières (IIAC), Emma Aubin-Boltanski (CEIFR), Michel Barthélémy (CEMS), Bernard Barraqué (CIRED), Irène Bellier (IIAC), Laure Béreni (CMH), Marc Bessin (IRIS), Christophe Bonneuil (CAK), Thierry Bonnot (IRIS), Véronique Boyer (CERMA), Pascal Buresi (CIHAM), Maurice Cassier (CERMES), François Denord (CSE), Marie-Elizabeth Ducreux (CRH), Julien Duval (CSE), Benoît Fliche (CETOBAC), Elie Haddad (CRH), Minh Ha-Duong (CIRED), Nicolas Jaoul (IRIS), Marie Ladier-Fouladi (CADIS), Sara Le Menestrel (CENA-MASCIPO), Amélie Le Renard (CMH), Benoit de l'Estoile (IRIS), Dominique Linhardt (GSPM),

Frédéric Lordon (CSE), Catherine Maire (CESPRA), Claire Manen (TRACES), Dominique Marchetti (CSE), Denis Matringe (CEIAS), Patrick Michel (CMH), Marika Moisseeff (LAS), Claire Mouradian (CERCEC), Catherine Neveu (Laios-IIAC), Albert Ogien (CEMS), Waltraud Paul (CRLAO), Thomas Perrin (CRPPM), Sophie Pochic (CMH), David Pontille (IIAC), Philippe Quirion (CIRED), Juliette Rouchier (GREQAM), Alessandro Stella (CRH), Stéphanie Tawa Lama-Rewal (CEIAS), Sophie Wahnich (Laios-IIAC).

 

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 06:19

On termine aujourd'hui à regret la lecture des Voies perdues, le très beau livre de Pascal Dessaint et Philippe Matsas.

 

De vénérables machines n'en finissent pas de rouiller, comme les tire-fond, boulons et éclipses éparpillées. C'est au nord de nulle part.

 

On pourrait rencontrer le diable à l'entrevoie.

 

Et si ce n'est pas le diable, parce qu'à la folie il faut que la vie aille, que les voies se perdent, que les voies résonnent, c'est Elvis Presley, Betty Boop, un nain de jardin sur un cochon, Pinocchio ou Serge Gainsbourg. Un désir sans issue.*

 

Ainsi, on s'achemine à l'extrême d'un paysage improbable. Nous arrivons gare de Lestrem.** Au fronton, on peut lire : Chemin de fer du Nord. La faïence finira par se défaire et tomber. Une usine moderne tient lieu de décor démesuré. Le contraste est saisissant, presque rassurant.

Il y a de la vie après l'abandon et l'oubli.

  Je pense aux petits trains de mon enfance. Ils étaient branchés sur le 220, empêchés souvent d'avancer sur la moquette usée ou le carrelage irrégulier. Mais ils ferraillaient tout de même, vaille que vaille, rail que rail, jusqu'à des pays magnifiques, des pays inventés, des pays de rêve.

 

*L'auteur fait ici allusion au jardin de sculptures de Monsieur et madame Sassano à Wingles.

** Lestrem connut une histoire dramatique : elle fut brûlée par les Flamands au XIVe siècle (Lestrem vient de De Stroom, qui signifie La rivière), brûlée par les Anglais au début du XVe siècle, complètement détruite pendant la Première Guerre mondiale. Le 27 mai 1940, 97 soldats anglais prisonniers furent massacrés à la mitrailleuse par un bataillon "Tête de mort" de la SS.

 

Avec l'aimable autorisation des auteurs et des éditions Après La Lune

 

Image-2-1.jpg

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 18:35

http://www.flatulenceremedyinfo.com/wp-content/uploads/2011/10/ailmentExcessiveFlatulence.jpgLa désormais célèbre affiche du kleiner Mann en campagne a fait l'objet de nombreux détournements.

 

Je me paye à mon tour un petit délire.

 

La " France forte ", prononcée par Papa Schultz dans Babette s'en va-t-en guerre, cela donne Frankfort. Justement, le siège de la Banque Européenne qui veut du bien au "peuple" français auquel s'intéresse désormais le kleiner Mann.

 

En allemand, Francfort se dit Frankfurt, ce qui signifie le gué des Francs. Notre gué, donc. Furt a donné en anglais ford, comme dans Oxford, le gué des boeufs.

 

Puisqu'on est dans l'anglais, furt est un dérivé de fart (pet). A furt, c'est un pet qui fait très mal parce que l'anus est gercé, ou encore parce que le péteur a mangé trop de choux de Bruxelles.

 

Bon, j'arrête le délire, l'important était, en partant de la mer Egée, d'arriver en pleine scato.

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 07:03

Clovis Hugues (de son vrai nom Hugues Clovis) est né en 1851 dans le Vaucluse. Il fut le mari de la sculptrice (les révolutionnaires politiquement corrects écriraient « sculpteure ») Jeanne Royannez. Les deux époux s’étaient passé du curé pour convoler à Paris. De retour à Marseille, ils furent dénoncés dans un journal local. L’affaire se termina sur le pré. Hugues envoya le dénonciateur ad patres. Il fut acquitté par la Cour d’assises d’Aix-en-Provence.

Hugues a vingt ans quand la Commune éclate à Marseille. Il soutient Gaston Crémieux (link) dont il partage la cellule après la défaite. Crémieux est condamné à mort et exécuté. Hugues est condamné à trois ans de prison pour publication de sa brochure Lettre de Marianne aux républicains.

Dans ses Poèmes de prison (1875), Hugues « porte la lyre comme on porte l’épée ». Il rejoindra le mouvement boulangiste en 1885, sera élu et réélu député jusqu’à sa mort en 1907.

Écoutons-le dans “ Misère ”, écrit à vingt ans dans la prison Saint-Pierre de Marseille :

L’autre hiver, la tête lassée,

J’entrai dans un café-concert,

Horrible taverne adossée

Au fond d’un vieux quartier désert.

 

Les décors avaient sur la scène

Des airs de tristesse. Une enfant

Chantait une chanson obscène

Dans ce lupanar étouffant.

 

Elle était là, le front tout pâle,

Ses yeux lugubrement profonds,

Soulignant l’allusion sale

De gestes tristes et bouffons.

 

Sous sa robe étroite et fripée

La misérable avait, hélas !

De vagues raideurs de poupée,

D’étranges lourdeurs de corps las.

 

Un tout petit bout de dentelle,

Festonné d’ourlets jaunissants,

Esquissait sa poitrine frêle,

Ses seins ronds, fluets et naissants.

 

Quand elle exprimait, les mains jointes,

Quelque charnel désir d’amour,

Ses deux coudes montraient leurs pointes

Dans l’étoffe cousue à jour.

 

Elle avait douze ans, la pauvrette !

Douze ans ! l’âge charmant et doux !

Et son sourire était honnête,

Pendant qu’on lui jetait des sous.

 

http://www.paca.culture.gouv.fr/banqueImages/cd/DOC_MH_dpt05_2008/tiers/MHR93_20080500113NUCA_T.jpg

 

 

Inversement, Jules Jouy (1855-1897) connut son heure de gloire au moment de la tentative boulangiste contre la République. À celui qu’il appelait le « César de carton », Jouy rappelle qu’il a massacré les Fédérés à la Grange-Ory lorsqu’il n’était encore que colonel versaillais :

 

Bourreau de soixante et onze

La victime se souvient.

 

Il apostrophe Clovis Hugues qui a rejoint le boulangisme :

 

Le vent qui souffle à travers la Boulange

T’a rendu fou.

 

Son “ Tombeau des fusillés ” est particulièrement émouvant :

 

Ornant largement la muraille, 

Vingt drapeaux rouges assemblés

Cachent les trous de la mitraille 

Dont les vaincus furent criblés. 

Bien plus belle que la sculpture 

Des tombes que bâtit l'Orgueil, 

L'herbe couvre la sépulture 

Des morts enterrés sans cercueil. 

 

Ce gazon que le soleil dore, 


Quand Mai sort des bois réveillés ;


Ce mur que l'Histoire décore, 

Qui saigne encore, 

C'est le tombeau des fusillés.

 

Tout comme son ode à Louise Michel :

 

Louise, c'est l'impersonnelle 

Image du renoncement.

Le « moi » n'existe plus en elle ;

Son être est tout au dévouement.

 

http://2.bp.blogspot.com/_1CuTnfxKFSI/ShgvmtYpCtI/AAAAAAAADGo/LCvsZds6G-U/s400/Jouy+Chansonniers+Montmartre.jpg

 

Louise Michel. Des dizaines de livres lui furent consacrés. Elle-même en écrivit une trentaine (mémoires, poésies, romans, théâtre, livres pour enfants, mais peu d’écrits théoriques). Elle fut la première militante française à brandir le drapeau noir de l’anarchie. Elle est née à quelques kilomètres du Domrémy de Jeanne d’Arc. Son père rdt vraisemblablement le fils du vieux châtelain de l’endroit, qui employait sa mère (Marthe Robert nous a dit de fort belles choses sur l’opposition bâtard/enfant trouvé dans la littérature). Elle reçoit au château une instruction libérale et coule une jeunesse heureuse. Elle devient institutrice et fonde une école en Haute-Marne, où elle n’enseigne qu’un an. En 1856, elle s’installe à Paris où elle travaille comme enseignante, dans un cours privé car elle ne veut pas prêter serment à l’empereur. De 1850 à 1879, elle entretient une correspondance suivie, exaltée, d’un romantisme exacerbé, avec Victor Hugo (que d’emblée elle appellera son « frère » en poésie). Un petit échantillon :

 

« Savez-vous ce que je vous dirais si j'avais de grandes ailes de vapeur et de flamme et que Dieu m'eût fait votre ange gardien ? Je vous dirais : s'il est vrai qu'on veuille rappeler les Bourbons de l'exil, c'est à toi, poète, à élever la voix le premier pour cette belle et grande inspiration. Tu aimes la liberté, la gloire ; ton âme a des larmes pour toutes les douleurs. Ne laisseras-tu pas tomber quelques paroles de clémence ?

Voilà ce que je vous dirais, Olympio, si j'étais votre ange, et je descendrais du ciel pour vous écouter, en repliant mes ailes sur ton front.

Adieu. Je m'arrache à ma lettre. La pensée que vous la trouverez trop longue me fait mal. »

 

Hugo pourrait être le père de sa fille Victorine, placée en nourrice à la naissance. Elle fréquente des clubs de gauche, côtoie Vallès, Varlin, Rigault. Dans le Paris affamé de la Commune, elle crée une cantine pour ses élèves. Elle organise les soins aux blessés, fait le coup de feu aux avant-postes. Elle se bat à la barrière de Clignancourt, au cimetière de Montmartre. Elle est volontaire pour se rendre seule à Versailles afin d’y tuer Thiers, mais le projet avorte. Elle se livre volontairement à l’ennemi pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place et menacée d’exécution. Détenue au camp de Satory, elle assiste aux exécutions, dont celle de Théophile Ferré (qui avait laissé fusiller des religieux otages), le grand amour (platonique) de sa vie. Peu après, elle comparait devant le Conseil de guerre sous un voile de veuve. Elle déclare en préambule : « Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue. J’appartiens tout entière à la révolution sociale. Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance. » La presse versaillaise qualifie celle qui réclame la mort de « louve avide de sang ». Elle passe vingt mois en détention à la prison d’Auberive, puis est déportée au bagne de Nouvelle-Calédonie. Pendant sept années, elle prodigue soins et réconfort à ses compagnes d’infortune et refuse de bénéficier d’un traitement différent de celui des hommes. Elle apprend la langue kanaque. Clémenceau, qu’elle connaissait depuis la Commune et qui l’admirait profondément, lui écrit régulièrement et lui envoye de nombreux mandats. Elle rentre en France en 1880 après l’amnistie générale, ayant obstinément refusé toute mesure de grâce personnelle. Pendant vingt-cinq ans, elle milite pour la cause anarchiste, sans dédaigner pour autant de soutenir des socialistes tels Jules Guesde ou Édouard Lafargue. Le 9 mars 1883, elle organise une manifestation au nom des « sans-travail » qui dégénère en pillage de trois boulangeries. Louise est condamnée à six ans de prison et dix ans de surveillance de haute-police. Elle est graciée en 1886 par le président de la République Jules Grévy. Elle est à nouveau emprisonnée pour quatre mois suite à un discours prononcé en solidarité avec les mineurs de Decazeville. Le 22 janvier 1888, alors qu’elle vient de prononcer un discours contre la peine de mort, un extrémiste de droite lui tire un coup de pistolet à la tête dont elle réchappe. Elle refuse de porter plainte contre son agresseur. Elle meurt le 10 janvier 1905 à Marseille, au cours d’une tournée de conférences.

 

Le 11e bataillon de la XIIIe Brigade internationale avait reçu le nom de « Louise Michel ». Les énarques de 1984 (Guillaume Pépy, président de la SNCF, Stéphane Bouillon, directeur de cabinet de Guéant, Pierre Moscovici, aussi !) baptisèrent leur promotion de son nom. Dans son discours fondateur du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon se réclama des « deux visages de Jean Jaurès et Louise Michel ».

 

Écoutons-là dans “ Le chant des captifs ” :

 

Ici l'hiver n'a pas de prise,

Ici les bois sont toujours verts ;

De l'Océan, la fraîche brise

Souffle sur les mornes déserts,

Et si profond est le silence

Que l'insecte qui se balance

Trouble seul le calme des airs.

 

Le soir, sur ces lointaines plages,

S'élève parfois un doux chant :

Ce sont de pauvres coquillages

Qui le murmurent en s'ouvrant.

Dans la forêt, les lauriers-roses,

Les fleurs nouvellement écloses

Frissonnent d'amour sous le vent.

 

Viens en sauveur, léger navire,

Hisser le captif à ton bord !

Ici, dans les fers il expire :

Le bagne est pire que la mort.

En nos coeurs survit l'espérance,

Et si nous revoyons la France,

Ce sera pour combattre encor !

 

Voici la lutte universelle :

Dans l'air plane la Liberté !

A la bataille nous appelle

La clameur du déshérité !...

... L'aurore a chassé l'ombre épaisse,

Et le Monde nouveau se dresse

A l'horizon ensanglanté !

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f5/Louise-Michel.jpg/220px-Louise-Michel.jpg

 

 

 

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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 15:38

http://www2.cnrs.fr/sites/journal/image/langevineinstein_hd.jpg

 

Autant je n'ai que commisération (j'utilise un terme gentil) pour les ventres mous, autant j'éprouve beaucoup d'admiration pour ceux qui résistent, qui "ne lâchent rien", comme dit la chanson. C'est le cas de chercheurs du CNRS qui refusent la marchandisation de leur métier.


 

Lettre ouverte

à Monsieur Fuchs, président du CNRS

et à Monsieur Bourdelais, directeur de l’Institut des Sciences humaines et

sociales

 

Paris, le 6 février 2012

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur,

 

Chercheuses et chercheurs CNRS des centres de recherche de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, nous avons pris connaissance du lancement de la campagne 2012 relative à ladite « prime d’excellence scientifique » (PES).

 

Le temps n'ayant nullement érodé nos convictions, nous demeurons fermement opposés à ce système de rémunération injuste et nuisible au fonctionnement serein des équipes et donc à la qualité de la recherche dans notre pays. Il dénature et entrave l’objectif de revalorisation des traitements et des carrières de l'ensemble des chercheurs CNRS, notamment des débuts de carrière, ainsi que de leurs collègues ingénieurs, techniciens et administratifs. Il est particulièrement choquant pour les travailleurs précaires de la recherche et de l'enseignement, le montant de cette prime pouvant à  bon droit être reçu par eux comme une insulte.

 

Nous ne contestons pas seulement la forme de cette « campagne », même s'il y aurait beaucoup à dire sur des modalités d'attribution arbitraires et opaques de la PES, mais son principe : cette prime dégrade l’image que nous nous faisons de notre métier et du service public de la recherche et de l'enseignement. Au regard de l’activité éminemment collective qu’est la recherche, ces primes contribuent artificiellement à individualiser des mérites qui ne le sont guère. En introduisant des écarts de rémunérations toujours plus prononcés entre les agents du service public, elles véhiculent une gestion managériale de l’enseignement et de la recherche à l’opposé de la conception du service public à laquelle nous sommes attachés. C’est pour les mêmes raisons que les sections du comité national de l’INSHS ont refusé d’évaluer les demandes de PES.

 

Nous refusons par conséquent de participer à cette procédure et appelons tous nos collègues à refuser de cautionner un tel processus d'individualisation concurrentielle des rémunérations, dont la PES n’est malheureusement pas la seule modalité. Dans l’immédiat, nous vous suggérons d’affecter les ressources que vous voulez consacrer à la PES aux crédits récurrents des unités, qui sont en diminution.

 

Nous aimons notre métier et nous n'avons pas l'intention d’en changer en nous faisant acheter, fût-ce au nom de l' « excellence », mot fétiche du « new public management » et prétexte à la mise en concurrence sauvage de tous contre tous.

 

Veuillez croire, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, à notre

détermination.

 

Catherine Alès (GSPM), Luc Arrondel (PSE), Philippe Artières (IIAC), Emma Aubin-Boltanski (CEIFR), Michel Barthélémy (CEMS), Bernard Barraqué (CIRED), Irène Bellier (IIAC), Laure Béreni (CMH), Marc Bessin (IRIS), Christophe Bonneuil (CAK), Thierry Bonnot (IRIS), Véronique Boyer (CERMA), Pascal Buresi (CIHAM), Maurice Cassier (CERMES), François Denord (CSE), Marie-Elizabeth Ducreux (CRH), Julien Duval (CSE), Benoît Fliche (CETOBAC), Elie Haddad (CRH), Minh Ha-Duong (CIRED), Nicolas Jaoul (IRIS), Marie Ladier-Fouladi (CADIS), Sara Le Menestrel (CENA-MASCIPO), Amélie Le Renard (CMH), Benoit de l'Estoile (IRIS), Dominique Linhardt (GSPM), Frédéric Lordon (CSE), Catherine Maire (CESPRA), Claire Manen (TRACES), Dominique Marchetti (CSE), Denis Matringe (CEIAS), Patrick Michel (CMH), Marika Moisseeff (LAS), Claire Mouradian (CERCEC), Catherine Neveu (Laios-IIAC), Albert Ogien (CEMS), Waltraud Paul (CRLAO), Thomas Perrin (CRPPM), Sophie Pochic (CMH), David Pontille (IIAC), Philippe Quirion (CIRED), Juliette Rouchier (GREQAM), Alessandro Stella (CRH), Stéphanie Tawa Lama-Rewal (CEIAS), Sophie Wahnich (Laios-IIAC).

 

 

* Sur la photo, en compagnie d'Einstein : Paul Langevin, un grand scientifique et un grand résistant.

 

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