Le kleiner Mann et le gang du Fouquet’s ont ravagé l’Éducation nationale. Ils en redemandent. S’il est réélu (20% des
enseignants se prononcent en sa faveur), Sarkozy prépare pour les personnels quelques traitements aux petits oignons. Souvenons-nous de ces initiatives tellement intelligentes du début de son
quinquennat. Mais tellement normales pour quelqu’un qui voue un mépris d’acier à l’école de la République. Les élèves de CM2 devaient parrainer un enfant juif mort dans les camps. Même Simone
Veil, qui soutient Sarkozy publiquement (en privé, hum !) avait trouvé cette initiative scabreuse. Chaque année, les lycées devaient lire la lettre de Guy Môquet. Le casinotier Laporte,
patron de l’équipe de France de rugby à l’époque, avait imposé ce pensum aux joueurs avant une branlée mémorable lors d’un tournoi des cinq nations. Les parents devaient pouvoir choisir librement
l’école de leurs enfants. L’échec scolaire allait être divisé par trois en fin de primaire (fastoche avec la suppression des RASED), les élèves allaient sortir bilingues du lycée, le master
formation des maîtres allait supplanter avantageusement le Capes.
Donnons la parole à quelques enseignants qui évoquent franchement leur vécu (source : Libération).
Jean François Petit, secrétaire régional Rhône-Alpes de la CGT-Éduc'action et professeur de construction mécanique dans un lycée professionnel de Givors.
«Le bilan des cinq années Sarkozy, c'est les suppressions de postes. L'année dernière, on a perdu 30 professeurs dans l'académie en lycée pro, cette année 150. Le résultat c'est plus d'élèves par classe. On plafonnait à 24, maintenant on est à 30.
Sarkozy c'est aussi le bac pro en trois ans au lieu de quatre. Avant les élèves faisaient deux ans de BEP plus deux ans de bac. Maintenant, ils font la totalité en trois ans. Avec des mômes cabossés, ça ne marche pas. Ils ont voulu justifier la réforme d'un point de vue pédagogique, c'est elle n'est que comptable.
Pour les enseignants, ce sont des conditions de travail qui se détériorent. Les gens s'imaginent qu'on ne fout rien. Psychologiquement, c'est quand même dur pour nous à vivre.
Sarkozy, c'est aussi les gamins sans papiers qui s'angoissent. On en a régulièrement. C'était pas le cas avant Sarko, c'est net.
Pour moi, faut oublier ces cinq ans. Habituellement, je vote très à gauche, mais là je vais voter Hollande au premier tour pour le dégager.»
«Une casse systématique et organisée»
Sylvie Caron, enseignante en primaire à Rillieux-la-Pape (Rhône), militante à SE-Unsa (Syndicat des enseignants du premier degré et du second degré).
«On assiste depuis cinq ans à une casse systématique et organisée de l'Education nationale et de l'enseignement en général. Le gouvernement a cassé la formation professionnelle des enseignants, il a cassé les moyens en termes de postes d'aide aux enfants en difficulté, de remplaçants, et de postes de directeurs quand on a fusionné les écoles pour en gagner un.
Cette entreprise de casse démobilise les troupes et provoque dans les établissements un ras-le-bol général. Les profs sont pressurés par l'administration avec des évaluations natinales à tout bout de champ et pas forcément en corrélation avec ce qu'ils doivent enseigner et demander aux élèves. Ce ras-le-bol a des effets au niveau santé, motivation, moral, et se ressent dans le travail d'équipe.
D'autant qu'on s'entend dire dans le même temps qu'on est des nantis, que tout va bien, et qu'on a beaucoup trop de moyens.»
Jérémie Buttin, professeur depuis douze ans en arts appliqués au lycée Adolphe-Chérioux, dans le Val-de-Marne. Il y a tout juste deux ans, un élève était agressé dans l'enceinte de l'établissement par une bande de jeunes venus de l'extérieur. L'équipe enseignante s'était alors fortement mobilisée réclamant des postes d'encadrement.
«Après cet épisode, ils ont fait une clôture autour de l'établissement pour l'isoler du grand parc départemental qui est à côté. On a obtenu quatre postes de surveillants sur les onze qu'on demandait. Leur contrat de deux ans arrivent à échéance, on ne sait pas du tout s'ils seront remplacés. De manière générale, il y a une vraie pénurie de personnel encadrant et administratif. La dégradation est vraiment criante ces dernières années. Le personnel reste motivé mais débordé. L'intendante du lycée, par exemple, est à cheval sur plusieurs établissements. Elle a un travail de dingue. Cela a des répercussions sur les projets éducatifs, tout est plus compliqué, les délais sont plus longs pour débloquer les budgets...
Autre dégradation qui me vient à l'esprit : depuis la rentrée, avec la mise en place de la réforme du lycée, chaque proviseur a désormais une enveloppe avec un nombre d'heures à distribuer pour dédoubler les classes par exemple. C'est une sorte de pot commun. Chaque enseignant doit se battre et justifier pourquoi il a besoin de prendre ses élèves en demi-groupe... Cela met une mauvaise ambiance dans l'équipe. On se retrouve en compétition les uns les autres, ce n'est pas sain.»
Sabine, enseignante Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté), ces profs spécialisés dans le traitement de la difficulté scolaire. Elle vient d'apprendre que son poste était supprimé à la rentrée.
«C'est vraiment dommage. Surtout ce qui m'énerve, c'est ce double discours complètement contradictoire. D'un côté, Sarkozy dit mettre tout en place pour aider les enfants à réussir à l'école. De l'autre, il détruit le seul système qui existe dans l'Education nationale pour venir en aide aux élèves qui sont en grandes difficultés. Tout cela obéit à une logique purement comptable. Le chef de l'Etat a promis de ne pas supprimer de classes donc il fait des économies sur tous les postes à côté: les Rased sont les premières cibles.
En tant qu'enseignante spécialisée Rased, je ne suis pas rattachée à une classe, j'interviens dans plusieurs écoles. Je m'occupe, par petits groupes, d'enfants en grandes difficultés. Je travaille en étroite relation avec les orthophonistes, les psychologues, les parents pour essayer d'aider ceux qui sont vraiment en grandes difficultés. Bien évidemment, cela ne marche pas à chaque fois, mais nous avons des résultats. Plutôt que d'encourager cette démarche et de l'améliorer, on la détruit. Les premières victimes, ce sont évidemment ces enfants, souvent les plus défavorisés socialement. Sarkozy se vante d'avoir instauré à la place l'aide personnalisée [après l'école, le soir ou entre midi et deux, ndlr] mais on ne cible pas du tout les mêmes élèves et les mêmes difficultés. La preuve : depuis la mise en place de l'aide personnalisée, nous avons toujours autant de demandes d'intervention dans les classes.»