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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 06:11

Non aux évaluations de CE1!

Par Claude Lelièvre (historien de l’éducation) pour Médiapart

 

http://data0.revolublog.com/malesherbesengreve/mod_article414133_3.jpgDans un contexte de décisions qui rendent de plus en plus clair l’objectif recherché d’une évaluation en fin de CE1, la principale fédération de parents d’élèves (la FCPE) appelle au combat contre la poursuite de sa mise en œuvre.

 

Lorsque les évaluations par tests nationaux ont commencé au début des années 90 (en CE2 et en sixième) elles ont été programmées en début d’année scolaire, car elles avaient clairement un objectif ‘’diagnostic’’ qui pouvait être clairement affiché. 

Ces dernières années, on a commencé par ‘’remplacer’’ l’évaluation de début de CE2 (début du deuxième cycle de l’enseignement élémentaire) par celle de fin de CE1 ( fin du premier cycle de l’enseignement primaire ). C’était quelque peu étrange, mais l’objectif ne pouvait pas encore être clair (sauf  pour les initiés).
Ensuite on a ‘’remplacé’’ l’évaluation de début de sixième ( début du collège ) par une évaluation au milieu du CM2. C’était encore plus étrange ( une évaluation en plein milieu d’année ), mais on n’avait pas osé aller franchement jusqu’à la logique du déplacement effectué  car cela aurait trop rendu visible ce qui était cherché : acclimater petit à petit une évaluation terminale de l’école élémentaire, prélude à un retour à un examen d’entrée en sixième.

 

Depuis, une partie de la droite politique a clairement affiché qu’il convenait d’aller dans cette direction rétroactive ( en sens contraire de tout ce qui a été mis en place durant les années gaulliennes de la cinquième République ).Et Jean-François Copé a dit récemment tout haut (fin octobre dernier) ce que beaucoup de ceux là pensaient tout bas : « l’entrée au collège ne doit se faire que pour l’enfant qui maîtrise totalement les savoirs fondamentaux :  mon idée est de créer un examen de fin de CM2, d’évaluation des enfants ; ce serait un examen de passage en sixième ». Du coup, il est pratiquement ‘’acquis’’ que les prochaines évaluations de CM2 auront lieu en fin d’année.

Enfin, il a été annoncé tout dernièrement qu’une évaluation en fin de cinquième devrait désormais être mise en place ( en concomitance remarquable avec l’annonce de plusieurs nouveaux dispositifs de ‘’dispatching’’ pour les deux dernières années du collège : pré-orientation professionnelle dès la quatrième, DIMA, troisième ’’prépa-pro’’).


 

La boucle est bouclée, et tout devrait être désormais très clair. Mais les commentaires dans les médias des hauts responsables du ministère s’efforcent toujours de ‘’noyer le poisson’’ de façon pathétique (et cynique) en raison des difficultés prévisibles (non résolues d’avance) de la mise en place effective de cette politique d’ensemble, parmi lesquelles on ne peut compter pour négligeables les réactions des ‘’intéressés’’, en premier lieu celles des parents d’élèves. Dans ces conditions, on ne devrait pas s’étonner de la prise de position très claire de la FCPE.

 

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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 09:49

http://a21.idata.over-blog.com/450x303/0/07/86/93/2010/MARS-2010/22032010/sarkozy-berezina-regionales-3.jpgTrès bonne livraison, en ce mois de mai 2011. Je n’ai malheureusement pas reçu mon exemplaire car le mensuel connaît des problèmes de distribution. Un voisin compatissant m’a prêté le sien.

 

 Serge Halimi revient sur les effets de la crise financière d’il y a quatre ans :

Le Fonds monétaire international (FMI) vient de l’admettre : « Près de quatre ans après le début de la crise financière, la confiance dans la stabilité du système bancaire global doit toujours être entièrement restaurée (1). » Mais ce que le président de la Réserve fédérale américaine, M. Ben Bernanke, qualifie de « pire crise financière de l’histoire mondiale, Grande Dépression[de 1929] comprise (2) », n’a entraîné aucune sanction pénale aux Etats-Unis. Goldman Sachs, Morgan Stanley, JP Morgan avaient misé sur l’effondrement des placements à risque qu’ils recommandaient avec empressement à leurs clients... Ils s’en tirent au pis avec des amendes, plus souvent avec des bonus.

 

Un article saisissant de Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade : “ Quand le peuple islandais vote contre les banquiers ” :

Aux Etats-Unis, les républicains bataillent pour amputer le budget fédéral ; au Portugal, les autorités négocient souveraineté contre plan de sauvetage ; en Grèce, la perspective d’une restructuration de la dette renforce l’austérité. Sous la pression des spéculateurs, les gouvernements ont fait le choix de l’impuissance. Consultés par référendum, les Islandais suggèrent une autre voie : adresser la facture de la crise à ceux qui l’ont provoquée. Petite île, grandes questions. Les citoyens doivent-ils payer pour la folie des banquiers ? Existe-t-il encore une institution liée à la souveraineté populaire capable d’opposer sa légitimité à la suprématie de la finance ? Tels étaient les enjeux du référendum organisé le 10 avril 2011 en Islande. Ce jour-là, pour la seconde fois, le gouvernement sondait la population : acceptez-vous de rembourser les dépôts de particuliers britanniques et néerlandais à la banque privée Icesave ? Et, pour la seconde fois, les habitants de l’île ravagée par la crise ouverte en 2008 répondaient « non » — à 60 % des votants, contre 93 % lors de la première consultation, en mars 2010.

 

Janet Biehl se demande s’il existe un lien naturel entre le féminisme et l’écologie :

Augmentation des accouchements à domicile, odes à l’allaitement… Ces dernières années, la montée en puissance de l’écologie a modifié la façon d’envisager la maternité. Au-delà des remises en cause de la surmédicalisation ou des lobbies industriels, on voit parfois poindre l’idée controversée d’une « nature féminine ». Un débat qui, aux Etats-Unis, dure depuis déjà vingt ans.

 

Une analyse intéressante d’Anne-Cécile Robert sur les vicissitudes du droit d’ingérence :

En moins d’un mois, l’Organisation des Nations unies (ONU) a autorisé par deux fois le recours à la force, en Libye et en Côte d’Ivoire. Exceptionnelles, puisque la Charte de l’ONU prône le règlement pacifique des différends, ces décisions sont fondées sur la récente reconnaissance du « devoir des Etats de protéger les populations civiles ». L’ONU serait-elle en passe de valider un « droit d’ingérence » à géométrie variable ?

« J’ai donné l’ordre de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’usage d’armes lourdes contre la population civile », déclare le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), M. Ban Ki-moon, le 4 avril 2011. Quelques heures plus tard, à Abidjan, les hélicoptères de combat de l’ONU et la force française Licorne se joignent à l’offensive des troupes de M. Alassane Dramane Ouattara contre celles du président sortant Laurent Gbagbo.

Dans les couloirs de l’organisation, à New York, cette décision suscite un certain malaise. Si la résolution (n° 1975) du Conseil de sécurité qui la fonde a été adoptée à l’unanimité, le 30 mars 2011, des fonctionnaires expriment des doutes quant au pouvoir du secrétaire général de donner un tel « ordre » (qui reviendrait au seul Conseil de sécurité) et soulignent l’ambiguïté de l’expression « mesures nécessaires ». La grande liberté que laisse celle-ci aux acteurs engagés au nom de l’organisation fait craindre des dérives. « Ce n’est pas dans la culture des Nations unies de mener des actions militaires fortes ou de prendre parti dans une guerre civile. La Libye, puis la Côte d’Ivoire : cela commence à faire beaucoup »,confie un fonctionnaire qui souhaite garder l’anonymat. Un autre ajoute : « Il ne faudrait pas que le recours à la guerre se banalise. »

 

Qu’en est-il du « bien-être de l’enfant », demande Sandrine Garcia ?

L’Union européenne définit désormais comme « maltraitance » l’« absence de disponibilité affective » ou l’« incapacité à favoriser l’adaptation sociale de l’enfant ». Des principes qui s’imposent en premier lieu aux mères. La prise en compte de la vie psychoaffective du jeune enfant constitue un progrès qui a permis à différentes institutions d’améliorer l’accueil des enfants séparés de leurs parents, que cette séparation soit durable ou quotidienne. On la doit en grande partie à la psychanalyse, dont les théories ont aidé à la professionnalisation des personnels se consacrant à la petite enfance. Mais ces savoirs se sont diffusés bien au-delà. Ils ont eu une audience particulièrement forte dans les années 1970, parce qu’ils mettaient en cause une conception hiérarchique des rapports parents-enfants et correspondaient à la sensibilité antiautoritaire de l’époque.

Gérard Mauger pose le problème du retour des bandes de jeunes. Sommes-nous en présence de rites de passage ou de délinquance ?

Le décès d’un adolescent lors d’un affrontement entre jeunes dans la région parisienne, en mars 2011, a de nouveau projeté les bandes à la « une » de l’actualité. Mais, au-delà des discours alarmistes des experts et des martiales déclarations des ministres de l’intérieur, que sait-on de ces formes de sociabilité des milieux populaires et de leurs évolutions ? A l’occasion de tel ou tel fait divers, de la publication des dernières statistiques policières ou de l’annonce d’un nouveau projet de loi sécuritaire, le monde des bandes resurgit régulièrement dans les débats politiques et médiatiques. Aux figures des apaches de la Belle Epoque, des blousons noirs de la fin des années 1950, des loubards des années 1970 a succédé le spectre des « jeunes des cités ».

L’une des interprétations du phénomène relie immigration et délinquance. Martelée par le chroniqueur Eric Zemmour, elle a trouvé un relais récent dans le monde académique. Refusant, lui aussi, de « se laisser intimider par la pensée unique » et en quête d’une théorie originale de la délinquance, le sociologue Hugues Lagrange a cru bon de mettre en avant les « origines culturelles  ». Mais, si l’exhibition d’une « nouvelle variable » peut, la conjoncture politique aidant, être au principe d’un « scoop sociologique », l’étude au coup par coup de variables isolées conduit à une impasse scientifique. En l’occurrence, s’il est vrai que les enfants d’immigrés sont surreprésentés en prison et, vraisemblablement, dans la population délinquante, c’est notamment parce qu’ils le sont aussi dans la population en échec scolaire et, de ce fait, dans celle des jeunes sans diplôme en quête d’un emploi et jugés inemployables  – tant à cause de leur absence de ressources scolaires que des discriminations qui les frappent. Quant à l’influence propre de « facteurs ethniques ou culturels » (domination masculine, polygamie, etc.), encore faudrait-il, après les avoir identifiés, montrer qu’ils ont un effet criminogène : les réserves sont permises...

 

Nicolas Séné explique pourquoi la profession d’informaticien est de plus en plus déclassée :o

Dans l’imaginaire collectif, les informaticiens forment une élite privilégiée. Pourtant, derrière l’écran, l’épanouissement que vantent les directions des ressources humaines n’est bien souvent qu’un mythe masquant une atteinte au droit du travail. « Il y a trente ans, l’élite faisait Polytechnique, les Mines ou les Ponts et Chaussées. Désormais, elle sort de l’Ecole nationale d’administration [ENA], où elle a appris à produire un bon bilan comptable »,déplore Joseph Saint-Pierre, statisticien à l’université Paul-Sabatier de Toulouse. Le prestige de l’ingénieur est écorné, son statut banalisé.

Pierre Conesa nous parle d’  “ Un Américain bien tranquille ”

Vendre des centrales nucléaires après la catastrophe de Fukushima ? Si ce défi peut en effrayer certains, d’autres ont déjà accompli des prouesses au moins aussi remarquables. Ils ont en effet compris qu’un équipement ne vaut que s’il est fourni avec des solutions de sécurité.

« J’écris un article sur les raisons du succès de l’offre nucléaire coréenne au détriment de la France à Abou Dhabi, pourrais-je vous demander un entretien ?

— Malheureusement, cela ne va pas être possible. »

L’homme qui nous ferme ainsi poliment la porte aurait pourtant beaucoup à dire. Il vient de prendre la parole lors d’une conférence organisée par un grand centre émirati d’études stratégiques (Emirates Center for Strategic Studies and Research). Au cours de son intervention — consacrée à « la sécurité dans la cité intelligente du futur » —, il a, pendant une bonne demi-heure, convoqué toutes les crises majeures ayant éclaté ces dernières années : outre la récente catastrophe de Fukushima, les attentats du 11 septembre 2001, les tremblements de terre avec ou sans tsunami, les incendies en Australie, le cyclone Katrina, le virus Stuxnet... Au point qu’un auditeur local s’est mis en colère, accusant les Occidentaux d’alimenter l’angoisse pour mieux vendre leurs armes et leurs équipements.

 

Qui sont les “ travailleurs du cybersexe ”, demande Olivier Aubert ?

On les appelle « performeurs », « modèles », « animateurs ». Des jeunes femmes surtout, bien qu’il y ait aussi des hommes, des couples et des femmes d’âge mûr. Installés face à la webcam de leur ordinateur, et le plus souvent en musique, ils travaillent, reliés au réseau Internet. De leur bout de trottoir numérique, ils tentent d’appâter le client pour qu’il vienne les rejoindre sur leur « chat » privé. Strip-tease d’un continent à l’autre, ils dialoguent, s’exhibent, simulent l’excitation sexuelle, le plaisir, l’orgasme, répondent aux injonctions des clients envoyées sous forme de textes brefs, au clavier ou en paroles.

 

Alain garrigou revient sur 1848, “ le printemps des peuples ” :

La révolution est parfois contagieuse. Dans une ville, une étincelle : les barricades du peuple qui exige un changement de régime se dressent contre les fusils de la garde royale. La contestation s’étend, gagne un pays voisin, bientôt tout un continent. Puis les monarchies se ressaisissent. L’Europe, en 1848.

En 1848, le printemps commence le 22 février, à Paris. Pour contourner l’interdiction de réunion et d’association imposée par la monarchie de Juillet, les partisans d’une réforme du suffrage censitaire organisent, depuis juillet 1847, une campagne de banquets où les toasts se transforment en discours politiques. Celle-ci doit culminer lors d’un rassemblement à Paris : il est interdit. Les organisateurs décident néanmoins de le maintenir et en fixent la date au 22 février. La veille, ils renoncent à leur projet. Trop tard : les participants se rassemblent, accueillis par les fusils. La soirée se termine par des échauffourées.

 

Rodney Benson explique la “ Trahison au Huffington Post ” :

D’anciens blogueurs bénévoles ont décidé, en avril, de porter plainte contre le Huffington Post, le site américain d’information qui les hébergeait et dont ils ont permis le développement. Ils protestent contre son rachat par America Online et réclament 105 millions de dollars. Comment, en six ans, un média-phare de la gauche américaine s’est-il transformé en centre de profit d’une multinationale ?


Le Diplo nous offre de délicieuses bonnes feuilles de Frédéric Lordon (en alexandrins) consacrées à la crise financière :

La crise financière en alexandrins... Mais, grands dieux, quelle idée ! Peut-être d’abord parce que les télescopages produisent des effets par eux-mêmes, et que celui de la langue du théâtre classique, avec tout son univers de raffinement Grand Siècle, et de l’absolue vulgarité du capitalisme contemporain se pose un peu là.

 

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6 mai 2011 5 06 /05 /mai /2011 15:17
Vers l'université SARL

Par Claude Calame, pour Mediapart

 

http://laternamagika.files.wordpress.com/2010/05/wallstreet.jpgAlors que se tient à Dijon, du 5 au 7 mai, un «Contre G 8 de l'éducation et de la recherche», Claude Calame, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, dénonce la soumission de l'Université aux «grands principes de l'économie de marché et de la pensée néo-libérale», organisée au niveau européen par le «processus de Bologne».

 

On se souvient sans doute de la déclaration tranchante faite par Nicolas Sarkozy à l'intention des lectrices et des lecteurs de 20 Minutes en date du 4 avril 2007: «Les universités auront davantage d'argent pour créer des filières dans l'informatique, dans les mathématiques, dans les sciences économiques. Le plaisir de la connaissance est formidable, mais l'État doit se préoccuper d'abord de la réussite professionnelle des jeunes.» Quant au développement des connaissances universitaires, cette déclaration présidentielle, dans sa suffisance et avec ses contradictions, s'avère n'être que la version abrégée et populiste de ce que l'on dénomme, à Bruxelles, la «stratégie de Lisbonne».

Le 25 mai 1998, à l'occasion d'un colloque organisé à la Sorbonne pour célébrer le 800e anniversaire de l'Université de Paris, se réunissaient les quatre ministres de l'enseignement supérieur de l'Allemagne, de l'Italie, de la Grande-Bretagne et de la France. D'un commun accord, les quatre responsables politiques décidaient:

-de favoriser les échanges interuniversitaires,

-de faire converger les systèmes universitaires concernés,

-de définir par conséquent des niveaux de référence communs.

À la suite de cette première intention ministérielle, une conférence réunit en juin 1999, à Bologne, les ministres de l'éducation supérieure de 29 pays européens. La rencontre conduit à l'adoption de la «Déclaration de Bologne», engageant ce qui est devenu le «processus de Bologne». Le système de convergence et d'échanges interuniversitaires prévu à la rencontre de la Sorbonne est envisagé en termes fondamentalement quantitatifs:

-architecture universitaire en trois grades : bachelor - master - doctorat (on appréciera les dénominations anglos-saxonnes; on a de justesse échappé au PhD); assortis de chiffres contraignants: 3 + 2 + 3 ans;

-mise en place d'un système de «crédits» (ECTS) (1);

-organisation des études en semestres et en unités d'enseignement.

Ainsi, «l'ECTS garantit la reconnaissance académique des études à l'étranger ; il permet de capitaliser (sic !) des crédits et de les transférer (...) ; le système entraîne aussi plus de souplesse et de flexibilité». Le système de Bologne s'inscrit donc dans une logique purement quantitative, dans une logique d'accumulation d'unités interchangeables; rien n'est dit jusqu'ici quant à l'évaluation de la qualité du travail correspondant de ces unités, dans un système destiné à favoriser la sacro-sainte flexibilité. Pas besoin d'être un marxiste dogmatique pour constater qu'à la valeur d'usage on a définitivement substitué la valeur d'échange.

On l'aura compris: ce sont désormais les grands principes de l'économie de marché et de la pensée néo-libérale qui doivent modeler le système universitaire européen, par l'accumulation de profits chiffrés et dans cette mesure capitalisables, par la logique d'un échange mercantile généralisé, par le respect du principe de la concurrence (non faussée...) dans la flexibilité, par la promotion de la compétitivité, c'est-à-dire, en définitive, du rendement. On croirait lire le bréviaire de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ou le catéchisme qui préside à la «libéralisation des marchés» imposée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Quant aux contenus, ils ne sont à vrai dire pas épargnés dans un système qui semble se limiter à imposer une architecture unifiée, susceptible de promouvoir la quantification.

En effet, en mars 2000, le Conseil de l'Europe se réunissait en séance extraordinaire à Lisbonne pour élaborer et définir une «Europe de l'innovation et de la connaissance» (2). De fait, ces propositions quant à la production de savoirs «innovants», à stimuler dans l'Europe du XXIe siècle, donnent à la fois un nouveau contexte idéologique et un contenu académique à l'harmonisation universitaire engagée par le «processus de Bologne».

Repris sous le titre «Une société de l'information pour la croissance et l'emploi» et désormais adossé au «programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation adopté pour la période 2007-2013» (CIP) (3), ce projet de développement des TIC (soit les technologies de l'information et de la communication) doit favoriser «l'innovation et l'esprit d'entreprise». Il est entièrement soumis à la logique économiste du marché et au productivisme qui lui est attaché: il s'agit d'abord de «promouvoir l'emploi». Cet objectif revient à solliciter une croissance économique fondée sur le profit. Sous le couvert de «développement durable» et d'«adoption de sources d'énergie nouvelle et renouvelable», il implique l'exploitation aussi bien des ressources naturelles extractives que de ce qu'on dénomme désormais les «ressources humaines»; on soumettra du même coup les secondes au même régime que les premières. En effet, dans cette «eEurope», l'accent sera mis autant sur «l'accroissement de la productivité économique» que sur «l'amélioration de la qualité et l'accessibilité des services» (au profit des citoyens de l'Europe). But général de l'opération: faire des Européens (au masculin...) des «acteurs de l'économie de la connaissance», dans la perspective d'un «individualisme concurrentiel» (re-sic !). Désormais, en relation avec son contenu, la connaissance est subordonnée à l'économie (de marché), et la production des savoirs doit répondre au critère de la compétitivité. Dans la «stratégie de Lisbonne» on privilégiera donc les savoirs  «utiles».

Quant à l'organisation universitaire qui en découle, la communication du Conseil de l'Europe du 20 avril 2005 recommande:

-une «réforme» de la «gouvernance» des Universités quant à la gestion du personnel et des ressource, selon des critères allant dans le sens d'une efficacité de fonctionnement accrue;

-l'assouplissement du «cadre réglementaire» pour permettre aux dirigeants d'Université «d'entreprendre de véritables réformes (!) et de prendre des décisions stratégiques».

Ni l'enseignement, ni la recherche universitaires n'échapperont désormais à la «culture de l'évaluation». La qualité fait un retour en force, mais en termes doctrinaires de management: «benchmarking» et «total quality management», soit la référenciation des techniques de gestion des concurrents et leaders dans la branche, et la «qualité totale» par l'exploitation sans faille des ressources humaines (voyez la gestion de France Telecom par Orange). Sur le plan européen, cette volonté de gouvernance entrepreneuriale s'est traduite par la création à Bruxelles,  l'été 2008, d'un Registre européen des agences de garantie de la qualité (4). Explicitement mis au service du «processus de Bologne», cette institution non lucrative a pour but de centraliser les données et de coordonner le travail des agences de qualité et d'accréditation que met peu à peu sur pied chacun des 46 pays ayant désormais souscrit aux normes bolonaises. En France même, cette volonté s'est traduite par la création en 2006 de l'AERES, soit l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur; cette énorme organisation est censée porter un intérêt particulier à la «politique qualité» des établissements, en accord avec les recommandations et les décisions européennes activées dans le cadre du processus de Bologne.

Cerise sur le gâteau: le «Programme on Institutional Management in Higher Education» de l'OCDE dont la conférence générale de septembre 2010 avait pour thème «faire plus avec moins» (dans un monde en mutation profonde)... (5)

L'université européenne idéale sera donc soumise, du point de vue de son organisation, aux règles du management économique, marqué par les slogans de l'efficacité, de la bonne gouvernance, de la compétitivité, de la flexibilité, de l'exploitation des ressources (naturelles et humaines), de la synergie, de la convergence, etc. Et du point de vue du développement des savoirs, elle sera orientée vers les technologies par les moyens de l'informatique, au profit de l'économie. A l'université libérale de Wilhelm von Humboldt doit se substituer l'Université SARL. La conséquence en France en a été l'introduction en force, à la faveur du régime Sarkozy, de la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités); avec une autonomie budgétaire qui transforme le Président d'Université en PDG, à la fois chef du personnel et gérant immobilier (6). De savoirs universitaires, en particulier en sciences humaines, il n'est plus question.

 

(1) Crédits dénommés ECTS pour «European credit transfer and accumulation system».
(2)
«Le Conseil européen extraordinaire de Lisbonne (mars 2000): vers une Europe de l'innovation et de la connaissance» (modifié le 18 mai 2006), sur le site du Conseil de l'Europe. Sur les conséquences de la « stratégie de Lisbonne », cf. I. Bruno, P. Clément, Ch. Laval, La Grande mutation. Néolibéralisme et éducation en Europe, Paris (Syllepse) 2010.
(3° Selon la Décision 1639/2006/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 24 octobre 2006 ; programme doté d'un budget de 3,621 milliards d'euros pour la durée du programme.
(4) EQAR (European Quality Assurance Register), en collaboration avec le réseau ENQA (European Network for Quality Assurance in Higher Education) établi en 2000 sous l'impulsion des ministres européens de l'enseignement supérieur.
(5) IMHE ; en français : le Programme sur la gestion des établissements d'enseignement supérieur.
(6) Loi n
o 2007-1199 relative aux libertés et aux responsabilités des universités du 10.8.07. Sur le conséquences de l'introduction de LMD sur les Universités françaises, voir O. Beaud, A. Caillé, P. Encrenaz, M. Gauchet, F. Vatin, Refonder l'université. Pourquoi l'enseignement supérieur reste à reconstruire, Paris (La Découverte) 2010 : 41-68.

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6 mai 2011 5 06 /05 /mai /2011 06:43

 

http://www.pierreguenin.com/editions/r-peyrefitte.jpgIl y a une trentaine d’années, Bernard Pivot recevait dans son émission littéraire Roger Peyrefitte. Écrivain talentueux, Peyrefitte (cousin d’Alain, le ministre) était un type assez détestable. Il revendiquait sa pédérastie (« j’aime les agneaux, pas les moutons », disait-il), ce qui était courageux à l’époque, mais il ne pouvait s’empêcher de faire figurer dans ses romans des personnages homosexuels dont il était très facile de retrouver l’identité dans la vraie vie.


Chaque fois qu’il était reçu sur un plateau de télévision, il se délectait dans son numéro de “ folle ”, de type de droite outragé, de redresseur de torts au petit pied, de dénonciateur de scandales sans intérêt.


Ce soir-là, Pivot lui posa une question qu’il n’aurait certainement pas infligée à un hétéro, homme ou femme. Il lui demanda quel était le secret de sa superbe coiffure blanche.


L’auteur des Amitiés particulières lui répondit qu’il se lavait les cheveux chaque jour avec du savon de Marseille.


Ce en quoi il avait parfaitement raison. À part le savon d’Alep, rien ne vaut le savon de Marseille, y compris pour se laver les cheveux.


Ce qui signifie que la fortune de Madame Bettencourt, comme quelques autres d’ailleurs, ne repose que sur du vent.

 

 

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 06:04

 

À faire étudier dans les bonnes écoles de journalisme (s’il en reste)

 

http://www.passioncompassion1418.com/bibliotheque/imagesBiblio/Site%20romans%20et%20temoins/SiteContreBourrageCrane.jpgEn quatre jours, les médias ont mis en scène [au sens propre du mot]  trois événements différents, dont je souhaite établir les liens : le  mariage du petit-fils de la reine d'Angleterre, la béatification du pape  Jean-Paul II et la mort d'Oussama Ben Laden.

 

Ces trois événements n'ont rien à voir les uns avec les autres. Ils se  déroulent dans des pays différents (Angleterre, Italie, Pakistan), deux d'entre eux étaient prévus, le troisième était inopiné. L'un était mondain, l'autre religieux, le troisième politique. Les deux premiers étaient pacifiques, le troisième violent. Les deux premiers ont donné lieu à une foule d'images, tournées sous tous les angles, le troisième a été (par nécessité, par nature) dépourvu d'images.

Qu'ont-ils néanmoins en commun ?

 

1. D'abord leur absence totale de conséquences.

 

- Le mariage du prince William (au fait, pourquoi ne dit-on pas Guillaume, alors que l'historiographie française nomme ainsi les trois rois d'Angleterre qui ont porté  ce nom ?) est celui d'un individu qui, vraisemblablement (vu la longévité de son arrière-grand-mère, la robustesse - au moins apparente - de l'actuelle reine et les 90 ans encore verts du duc d'Edimbourg) ne sera roi, au mieux, que d'ici 30 ou 40 ans, et juste pour une fonction honorifique.

 

- La béatification du pape ne concerne que les catholiques pratiquants (et encore que ceux qui sont attachés au culte de dulie) et la béatification n'est que la deuxième des étapes qui conduisent à la canonisation, la première étant l'élévation au niveau de vénérable. [Il y a trois niveaux menant au sommet de la vénération, comme il y a trois niveaux menant au sommet de la hiérarchie militaire : officiers subalternes, officiers supérieurs, officiers généraux. Les saints sont des vénérables à cinq étoiles].

 

- La liquidation de Ben Laden, enfin, risque de ne pas changer grand chose ni aux contestations islamistes (qui ne se limitent pas à Al-Qaida), ni à l'opposition résolue et parfois violente d'une partie du monde musulman (opposition qui ne se réduit pas aux islamistes) aux Occidentaux.

 

2. En contrepoint, ce que ces trois événements ont en commun est leur portée symbolique.

 

- Le symbole du mariage princier est celui de la majesté du pouvoir, qui ne prend pleinement ses effets que dans une monarchie, où se mêlent lignée, tradition, hiérarchie et (la reine étant chef de l'Eglise anglicane), religion. [Ce qui est rappelé, entre les lignes, c'est que le pouvoir, ce n'est pas seulement, ici un président de la République inculte et mal éduqué, là un président du conseil qui entretient une prostituée mineure, ailleurs un souverain sanguinaire ou corrompu, ou même, dans le pays concerné, un membre de la famille royale (le frère du marié) en tenue nazie.]

 

- Le symbole de la béatification du pape est aussi celui de la majesté de la religion, du pouvoir (l'Eglise catholique étant hiérarchisée et également reconnue comme Etat en son chef), de la tradition, de l'ancienneté et, si j'ose dire, de la lignée, la suite des papes étant (en dépit des schismes) ininterrompue depuis saint Pierre.

 

- Le symbole de l'exécution de Ben Laden, c'est celui de la toute-puissance américaine, dontle bras vengeur frappe au-delà des lustres, au-delà des murs et au-delà des mers [A la manière dont le supplice de Jacques de Molay, grand maître des Templiers, était censé être vengé sur la personne de Louis XVI, descendant de son bourreau Philippe le Bel]. C'est une manifestation de toute-puissance, destinée à conférer aux exécuteurs un statut quasi-divin... et une sainte frousse à ceux qui osent défier l'Empire !

 

3. Outre cette portée symbolique, ces événements ont une portée idéologique à plusieurs dimensions :

 

- Alors que l'actualité récente extra-européenne, c'est le malheur (séisme, tsunami, désastre nucléaire au Japon), le désordre et la violence (révolte et répression des pays arabes, attentats à Marrakech), l'actualité européenne s'impose par la pérennité de rites pacifiques, lents - le mariage princier et la béatification résultent d'une préparation de plusieurs années - et qui répètent des cérémonies déjà connues. Il ne peut donc rien se passer de malheureux : la béatification, comme le mariage royal (à l'instar du couronnement du roi ou de l'élection du pape) sont des événements qui reviennent comme la floraison des cerisiers ou les hirondelles du printemps. La paix, la joie sont associées aux notions de hiérarchie, de tradition et de religion.

 

- La béatification de Jean-Paul II et l'exécution de Ben Laden sont là, en soutien de ce qui précède, pour rappeler que l'Occident (blanc, capitaliste, chrétien et propre sur lui), pour défendre cette "tranquillité" [qui fait l'impasse sur les ravages de l'ultralibéralisme] sait se défendre contre ses "ennemis". Et ses "ennemis", qui sont-ils ? Le communisme et l'islamisme. Or, bien que cela soit délibérément minimisé, le "mérite" principal de Jean-Paul II n'est pas religieux, il est politique et idéologique ! Il est d'avoir fait "chuter le communisme" par le soutien puissant que son pontificat est censé avoir apporté à la dissidence dans les pays de l'Est. ["Censé avoir" car peu importe que cela soit vrai et que le pontificat de Jean Paul II n'entretienne, avec la chute du communisme, que des rapports de corrélation et non de cause à effet, l'essentiel est que c'est la croyance qui a cours et que propagent les médias dominants].

 

- L'exécution de Ben Laden s'insère dans une tradition, dont l'histoire, la littérature, le cinéma, les actualités, nous ont appris à regarder le déroulement à travers une perspective cinématographique, voire hollywoodienne : "l'ennemi public n° 1" éliminé au bout d'une longue traque : Cartouche, Mandrin, Jules Bonnot, Jacques Mesrine. Pour les États-Unis, Bonnie et Clyde, Dillinger et, sur le plan politique, des personnages aussi divers qu'Adolf Eichmann, Che Guevara, Carlos, Klaus Barbie, Abimaël Guzman (le chef du Sentier Lumineux), Milosevic, Karadzic et Saddam Hussein. Cette exécution s'insère aussi dans toutes les fictions (littéraires ou cinématographiques) où sont opposés à la fois le caractère foncièrement mauvais de l'individu poursuivi et le professionnalisme et le prestige des services secrets (CIA, Mossad, Shin Beth, MI5, DGSE...), proposés à l'admiration des foules. Cette mort illustre la morale simpliste des bandes dessinées, romans, et films américains : les bons ("nous") l'emportent toujours sur les méchants ("eux"), de préférence si ces "méchants" sont pauvres, basanés, communistes ou - pour changer - islamistes...

 

4. Il ne manque même pas, dans les trois cas, les vivats et les

acclamations (à l'apparition des époux princiers, à l'annonce de la

béatification, à l'annonce de la mort de Ben Laden). Ces acclamations

ont la même fonction de renforcement d'adhésion à l'événement (comme les

téléspectateurs d'un match de football et de rugby se sentent confortés

par les acclamations des spectateurs du stade).

 

5. Dernier point : la présence "d'experts" ou de commentateurs qui, en fait, commentent pour enjoliver : dans le cas du mariage princier, la coupe de la robe de la mariée, la robe des chevaux, le composition des bonnets à poil, le menu servi pour la noce ; dans le cas de la béatification, la liste des cardinaux, les dimensions du portrait de Jean Paul II ; dans le cas de l'exécution de Ben Laden, les détails d'une opération dont ils ne savent strictement rien, ainsi que ses conséquences, dont ils disent les mêmes banalités que les astrologues à l'orée d'une nouvelle année.

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 12:59

Emmanuel Todd est, à mes yeux, l'un des analystes les plus importants de notre temps. Ce qu'il a écrit sur les bouleversements démographiques, sur l'avenir des États-Unis, sur le prétendu “ choc ” des civilisations – parmi d'autres thèmes – est d'une utilité absolue.

http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/images/nizan20avec20rirette20foire1.jpgEn revanche, lorsqu'il se confronte à la politique de terrain, il perd les pédales, contredit ses propres théories. Il se déstructure et ne produit que de la bouillie. Je l'ai vu récemment débattre avec Jean-Luc Mélenchon (qu'il s'était permis précédemment de traiter de “ gugusse ” – c'est celui qui le dit qui l'est, Emmanuel !) sur le site d'Arrêt sur Images. Par parenthèse, merci à Daniel Schneiderman de faire s'exprimer pendant une heure et demi des personnes d'une telle qualité (link). Je ne sais trop pourquoi, mais j'eus honte pour Emmanuel Todd : bourré de tics, bafouillant, incapable de regarder son antagoniste dans les yeux. Est-il écrasé par son histoire familiale : fils d'Olivier Todd, petit-fils de Nizan ? Ça ne m'étonnerait guère, mais, à dire vrai, je n'en sais rien. Entendre un penseur aussi radical confesser son appartenance au camp social-démocrate et ne voir aucun salut hors du marché a quelque chose de pathétique.

Je voudrais ici proposer quelques brèves et lumineuses analyses d'Emmanuel Todd sur l'appauvrissement de toute la société, sur les “ élites ”, sur le cynisme en politique, sur le militantisme à la mode XXIe siècle :

 

Ce qui est tout à fait particulier dans la situation la plus récente, ce que je décris, c’est la façon dont les effets négatifs du libre-échange remontent du bas vers le haut de la société. Nous avons eu la phase des années 1980 durant laquelle c’étaient les ouvriers qui subissaient le plus. Nous avons ensuite vu le décrochage des classes moyennes inférieures au moment du traité constitutionnel européen. Nous avons vu que sur les sept dernières années, les gains d’argent dus au libre-échange ne bénéficiaient plus finalement qu’aux 1 % supérieurs de la société. […] Nous sommes confrontés à une idéologie dominante qui ne produit plus aucun bien pour aucun secteur de la société, y compris les riches !

 Pour la première fois, les "éduqués supérieurs" peuvent vivre entre eux, produire et consommer leur propre culture […] le monde dit supérieur peut se refermer sur lui-même, vivre en vase clos et développer […] une attitude de distance et de mépris vis-à-vis des masses, du peuple, et du populisme qui naît en réaction à ce mépris.

 La disparition des idéologies traditionnelles renvoie chaque strate éducative, chaque profession à ses déterminations propres […] Le métier devient un objet d'identification primordiale, fragmentant encore plus finement le corps social. En 2008, les défections socialistes vers le sarkozysme ont révélé l'existence d'un métier politique indifférent à l'idéologie. […] en 1988, Franz-Olivier Giesbert ouvrait une ère nouvelle du journalisme en passant directement du Nouvel Observateur au Figaro, en véritable pionnier de la mort des idéologies dans ce milieu.

Au narcissisme individuel des membres de l'élite répond un narcissisme du groupe de l'élite, reniant ses responsabilités économiques et sociales, méprisant les humbles et enfermé dans une politique économique libre-échangiste, qui dégage des profits pour les riches et implique lastagnation puis la baisse des revenus pour les autres.

Le militant ancien faisait vivre  le Parti dans la collectivité, et vivre la collectivité par le Parti. Le militant nouveau vient pour contribuer, certes, mais surtout pour s'exprimer, "s'épanouir" personnellement. Il est, dans sa section socialiste, l'un des millions de nouveaux narcisses engendrés par la révolution éducative supérieure. 

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 07:27

http://home.nordnet.fr/~jdujardin/haubourdin/mcravaux.jpg
La loi permet désormais à l’État et aux régions de financer les lycées privés sous contrat. Ces financements se montent actuellement à 7 milliards d’euros. Il s’agit là d’une atteinte, d’une mise en danger de l’école publique et laïque.

 

La région Île de France (à majorité socialiste) va au-delà de ce que permet la loi. 37% des financements régionaux versés aux lycées privés ne découle d'aucune obligation légale.

 

Depuis 1982, l’entretien, la rénovation et la construction des lycées publics est à la charge des collectivités territoriales. Ce qui, pour la région Île de France, représente 22% de son budget. Depuis 2004, les régions sont par ailleurs responsables du recrutement et de la gestion d’une partie du personnel non-enseignant.

 

La loi impose aux régions des obligations quant au financement des lycées privés : rémunération des personnels non enseignants, dépense de fonctionnement en matériel. Le législateur a considéré que les deux contributions de fonctionnement versées aux établissements privés doivent être "calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public". Les deux contributions sont majorées d'un pourcentage permettant de couvrir les “ charges sociales et fiscales ” des personnels de droits privé ainsi que les “ charges ” dont les établissements publics sont dégrevés, comme si la loi considérait que les deux enseignements méritent un même soutien financier et que la collectivité doit payer en lieu et place des établissements privés, tout ou partie de leurs impôts locaux. On note que le législateur utilise le registre patronal lorsqu’il parle de « charges » et non de cotisations. Enfin, la loi a supprimé le taux de majoration de 5 % pour couvrir les charges diverses (impôts et taxes) accordés aux lycées privés pour le remplacer par un “taux non imposé”, lequel reste à définir par les conseillers régionaux. Ce taux peut être revu … à la baisse. Or en 2008 le Conseil régional d'Ile-de-France a « choisi de reconduire le même taux de majoration de 5% », alors qu'il n'y était pas contraint et qu'il pourrait ramener ce taux à zéro. En ces périodes de disette de l'argent public est-ce dans les priorités d'une Région de maintenir cette majoration accordée aux lycées privés sous contrats ? Concernant la construction des bâtiments, leur rénovation ou les gros travaux, la Région n'est dans l'obligation de les prendre en charge que pour les établissements publics. L'article L 214-7 du Code de l'Education précise : « La Région est propriétaire des locaux dont elle a assuré la construction et la reconstruction ». La Région Île-de-France finance les 470 lycées publics et contribue à des financements obligatoires mais également facultatifs pour 202 lycées privés sous contrat (chiffres 2009).

 

Prenons l’exemple des 1,36 M d’euros débloqués par la Région pour la construction du lycée Jean Paul II de Sartrouville auxquels se sont ajoutés 776 960 euros pour les locaux d’un Centre de Formation en Apprentissage (CFA), comme par hasard installé dans le lycée... Ainsi la Région a utilisé l'argent public, celui de tous pour la construction d'un lycée privé. Cela a été rendu possible par un subterfuge juridique. Ce nouveau lycée a été présenté comme une annexe d’un lycée existant. Il ne s’agissait plus juridiquement de la création d’un nouveau lycée, mais du financement de places nouvelles dans un lycée professionnel privé existant.

 

Ces choix s’inscrivent dans le contexte de la mise en concurrence de tous les établissements et de l’offensive anti-laïque menée par la droite depuis le discours de Latran. Les « diplômes du Vatican » sont désormais automatiquement reconnus (l’État n’a plus le monopole de la délivrance des diplômes nationaux, c’est Kouchner qui a signé cette forfaiture au nom du gouvernement). Le développement des écoles privées hors contrat se verra défiscalisé. Pendant ce temps-là, des dizaines de milliers de postes sont supprimés dans l’enseignement public (dix fois plus que dans le privé). Dans 520 communes françaises, l’école publique est absente, mais pas l’école privée (en contravention avec la loi du 30 octobre 1886 et avec la Constitution).

 

Le cadre égalitaire de l’Éducation nationale est plus qu’en danger. Le recours au privé encourage les ségrégations et aggrave encore les inégalités déjà amplifiées par la suppression de la carte scolaire. En Ile-de-France le coût d'une scolarité dans le privé, surtout dans certains établissements, ne laisse pas de doute sur la sélection par l'argent qui en découle. Ainsi l'Ecole Active bilingue étoile située près des Champs-Élysées sélectionne ouvertement ses élèves : 4500 euros de frais de scolarité auxquels il faudra ajouter 630 euros de préparation à la Mention Européenne et 975 euros l'option internationale au Bac !

 

L’idée selon laquelle l’enseignement privé  exerce une mission de service public est un mythe. Une école privée peut fermer quand bon lui semble. C’est arrivé récemment à un lycée privé parisien car le diocèse avait besoin des liquidités obtenues par la vente de terrains (link).

 

En Ile de France, 19% des élèves sont scolarisés dans le privé et 81% dans le public. Avec 470 lycées publics, les 202 lycées privés sous contrat représentent 30% des établissements. Il suffit d'un calcul mathématique assez simple pour constater que 19% d'élèves bénéficient de 30% des établissements.

 

Les manuels scolaires mis à disposition de l'ensemble des lycéens du privé représentent près de 4 Millions d’euros de dépenses. Cette somme est souvent présentée comme « une aide aux familles » mais elle est versée directement aux lycées et c'est ainsi une aide supplémentaire accordée à des établissements dont certains n'hésitent pas à faire payer aux familles jusqu'au coût de l'organisation des “ bacs blancs ”. Le lycée Saint Dominique à Neuilly-sur-Seine facture, ainsi les oraux de 1ere et de terminale 66 euros pour l'année.

 

À ces inégalités, il convient d’ajouter le problème des bourses : moyenne il y a moins de 10% d’élèves boursiers dans le privé, quand le public en accueille plus de 30%.

 

En usant d’un subterfuge de classe, le gouvernement vient enfin de faire un superbe cadeau au privé : l'association d'entraide des établissements privés (AEE) d’Île-de-France a récemment bénéficié d’une transformation lourde de conséquence. Par décret du 16 février 2010, cette association c’est transformée en “Fondation saint Matthieu pour l'école Catholique” (link), reconnue d’utilité publique. Par le biais de cette Fondation, les Évêques de France et le Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique peuvent récolter des dons qui permettent aux plus favorisés de s'exonérer de leur obligation de contribution au financement des services publics. Et ceux qui sont visés par cette fondation sont ciblés : « Si vous êtes assujettis à l'ISF, vous pouvez en affecter tout ou partie à la Fondation Saint Matthieu jusqu'à 50 000 euros ». « Le don libre favorise la création d’un cercle vertueux d’entraide », annonce cette brave fondation. Mais cette politique fiscale et les financements facultatifs organisent l'injustice !

 

En conclusion, disons qu’avec la complicité active de la gauche d’Île de France l’École publique est aujourd'hui déshabillée et dénigrée et son affaiblissement ouvre la voie à une marchandisation accrue des savoirs. L’enseignement privé profite d’une dégradation considérable de l’image de l’enseignement public.

 

 

 

Note réalisée à l’aide d’une réflexion du Front de Gauche d’Île de France

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 06:40

Une fois encore, je vole une pépite au courrier des lecteurs de Télérama (n° 3196) :

 

http://images.jedessine.com/_uploads/membres/articles/20070416/plombier_mq4.jpgMonsieur Luc Chatel estime envisageable le remplacement des professeurs absents par des parents d'élèves ou toute autre personne n'ayant reçu aucune formation pédagogique.

 

Je propose donc que l'on étende cette idée à tous les corps de métier. Ainsi, la prochaine fois que Monsieur Chatel aura une fuite d'eau à son domicile et que son habituel plombier sera indisponible, envoyons-lui un journaliste sportif, un boulanger ou, pourquoi pas, un prof.

 

Un professionnel n'étant visiblement pas nécessaire pour assurer le bon déroulement d'une tâche, je suis bien certaine que la fuite de Monsieur Chatel sera parfaitement maîtrisée par des personnes n'ayant aucune formation en plomberie.

 

Et un urologue ?

 

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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 06:14

http://www.wacochildrenstheatre.com/Graphics/JungleBookImages/JB064.jpgRécemment, plusieurs classes de plusieurs écoles primaires de Toulouse se sont retrouvées dans une MJC afin de répéter et de peaufiner des saynètes, sous la direction d’un responsable de cet établissement, spécialiste de théâtre.


Un exercice extrêmement formateur.


En père d’élève intéressé, j’ai assisté à une partie de ce travail.


Une petite majorité des élèves étaient issus des classes moyennes. Une minorité de milieux nettement défavorisés.


Il se trouve que ces derniers enfants avaient travaillé des morceaux très concrets, alors que certains des enfants issus des classes moyennes avaient présenté des textes, des jeux de scène plus conceptuels, plus abstraits.


Les petits-bourgeois furent copieusement sifflés par les défavorisés. Une maîtresse d’école “ classes moyennes ” assise à mon côté s’en offusqua. Je lui dis :


— C’est tout bête : vous venez d’assister à un épisode de la lutte des classes … et des classes.

 

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 14:47

Le 12 mars dernier,  l'Italie fêtait le 150ème anniversaire de sa création et à cette   occasion fut donnée, à l'opéra de Rome, une représentation de l'opéra   le plus symbolique de cette unification : Nabucco de Giuseppe Verdi,   dirigé par Riccardo Muti.


http://graphics8.nytimes.com/images/2007/01/20/arts/20muti.650.jpgNabucco de Verdi est une oeuvre autant musicale que politique : elle   évoque l'épisode de l'esclavage des juifs à Babylone, et le fameux   chant « Va pensiero » est celui du Choeur des esclaves opprimés. En   Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple, qui   dans les années 1840 - époque où l'opéra fut écrit - était opprimé par   l'empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu'à la création de   l'Italie unifiée.


Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est   monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans  le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu'Alemanno est   un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi. Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus  symboliques pour l'Italie, allait produire un effet inattendu,  d'autant plus que Sylvio Berlusconi en personne assistait à la  représentation...


Selon le Times, Riccardo Muti, raconte ce  qui fut une véritable soirée de révolution : « Au tout début, il y a   eu une grande ovation dans le public. Puis nous avons commencé  l'opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j'ai immédiatement senti que l'atmosphère  devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez  pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c'est le silence du  public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va  Pensiero allait démarrer, le silence s'est rempli d'une véritable  ferveur. On pouvait sentir la réaction viscérale du public à la  lamentation des esclaves qui chantent : « Oh ma patrie, si belle et  perdue ! ».


  Alors que le Choeur arrivait à sa fin, dans le public certains  s'écriaient déjà : « Bis ! » Le public commençait à crier « Vive  l'Italie ! » et « Vive Verdi ! » Des gens du poulailler (places tout  en haut de l'opéra) commencèrent à jeter des papiers remplis de  messages patriotiques - certains demandant «Muti, sénateur à vie ».

 

Bien qu'il l'eut déjà fait une seule fois à La Scala de Milan en  1986, Muti hésita à accorder le « bis » pour le Va pensiero. Pour lui,  un opéra doit aller du début à la fin. « Je ne voulais pas faire  simplement jouer un bis. Il fallait qu'il y ait une intention  particulière. », raconte-t-il. Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans  un geste théâtral, le chef d'orchestre s'est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà  ce qui s'est produit :
  [Après que les appels pour un "bis" du "Va Pensiero" se soient tus,  
on entend dans le public : "Longue vie à l'Italie !"]

Ricardo Muti : Je n'ai plus 30 ans et j'ai vécu ma vie, mais en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays.
 Donc j'acquiesce à votre demande de bis pour le "Va Pensiero" à nouveau. Ce n'est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le Choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de l'Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et perdue". [Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur scène]


 

Muti : « Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant... nous devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un Choeur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble. »


Muti invita alors le public à chanter avec le Choeur des esclaves. « J'ai vu des groupes de gens se lever. Tout l'opéra de Rome s'est levé. Et le Choeur s'est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l'opéra. Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l'attention des  politiciens. »

 

http://g.sheetmusicplus.com/Look-Inside/large/3133009_01.jpg

http://niurka39.canalblog.com/archives/2011/04/09/20851216.html
http://www.dailymotion.com/video/xhpdw3_verdi-le-choeur-des-prisonniers_newsiframe

 

 


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