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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 06:49

http://socio13.files.wordpress.com/2010/11/mc3a9lenchon-h-20-1186401-1209310492.jpgJe propose ici – ce qui nous donnerait assurément une université moins ravagée – deux réponses de Jean-Luc Mélenchon concernant l'avenir de l'avenir de l'enseignement supérieur (repris s du site du candidat à l'élection présidentielle link).


 

1) Envisagez-vous l’abrogation de la loi LRU ? Par quelles mesures immédiates et à plus long terme, engagez-vous un changement de cap garantissant un fonctionnement des établissements fondé sur une collégialité démocratique et assurant aux universités et laboratoires des financements d’Etat stables et pérennes ?


La LRU est l’outil privilégié des libéraux pour imposer la marchandisation et la mise en concurrence de l’enseignement supérieur et de la recherche. Désormais, les universités luttent entre elles et en leur sein pour vivre. Elles doivent se plier au diktat de la compétition en lieu et place de la coopération qui devrait prévaloir dans ce monde du savoir. L’Université est le lieu de l’universalisme et du savoir. Or le savoir est la seule chose qui se multiplie quand on la partage. Je restaurerai ce cycle vertueux.


Cela demandera bien sûr de préparer la construction d’une nouvelle loi dont le vote interviendrait en même temps que l’abrogation de cette sinistre LRU. La méthodologie de travail revêt autant d’importance à mes yeux que le contenu de la future loi, dans l’optique d’y faire adhérer l’ensemble de la communauté. Ainsi, en tout premier lieu, il faut, d’une part, procéder à une évaluation critique des dégâts et des mesures immédiates de réparation nécessaires et, d’autre part, charger le CNESER et le CoNRS d’organiser au sein de toute la communauté de l’ESR l’ébullition intellectuelle indispensable à l’émergence de la loi.


2) Pour rompre avec le processus inégalitaire actuel des Idex, Labex,…, quelles mesures institutionnelles et quels moyens budgétaires (y compris en emplois) comptez-vous mettre en oeuvre, dès la prochaine rentrée, pour assurer un développement équilibré sur l’ensemble du territoire du service public d’enseignement supérieur et de recherche ? Quels sont les objectifs qui seront assignés à ce service public ?


Les Idex, Labex et autres « Bidulex » visent aujourd’hui à créer des territoires d’exception au sein de la République pour mieux conforter la concurrence libre et non faussée internationale. La concurrence est mise en place au niveau international pour se traduire ensuite en une lutte entre étudiants. La concentration comme mode d’organisation privilégié doit donc être interrompue. À l’occasion de l’élaboration de la nouvelle loi, nous redéfinirons le périmètre des Idex et transformerons ceux-ci en pôles de coopération. Mais, pour cela, la question des moyens se pose avec acuité après les ravages du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ce sont donc 5 000 emplois statutaires par an pendant 5 ans qu’il faudra envisager pour remettre sur les rails un service public qui vise l’élévation du niveau culturel, scientifique et des qualifications de l’ensemble d’une classe.


3) Comptez-vous abroger la « réforme » de la formation des enseignants ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour engager, dès la rentrée 2012, une tout autre réforme associant une véritable formation professionnelle à une formation universitaire en s’appuyant sur le potentiel des IUFM et des UFR ?


Une nouvelle réforme de la formation des enseignants doit voir le jour pour remplacer ce dispositif absurde qui nie la nature même de l’acte d’enseigner. Celle-ci articulera formation de haut niveau dans la ou les disciplines à enseigner, formation professionnelle et ouverture à la recherche. Elle s’appuiera sur des pré-recrutements afin de permettre aux jeunes issus de milieux populaires d’accéder au métier. Le statut de fonctionnaire d’État, garantie de la liberté pédagogique et de l’égale qualité du service public sur tout le territoire, sera renforcé. Parallèlement, la recherche en éducation doit être relancée, la formation continue rétablie, et des temps d’échanges pédagogiques, de réflexion et d’élaboration institués dans les établissements.



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16 mars 2012 5 16 /03 /mars /2012 06:44

Revuedepresse"Ils ont droit aux aides sociales mais ne les demandent pas", explique Estelle Faure dans Rue 89.

RSA, CMU... Loin d'une France des «  fraudeurs  », des bénéficiaires potentiels capitulent face à l'administration ou ne savent pas qu'ils ont droit à des allocations.

Selon un rapport d'évaluation [PDF] paru en décembre dernier, la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA (Revenu de solidarité active) n'en ont pas fait la demande.

Les gens sont en butte à la lourdeur administrative : la CAF, la Sécurité sociale, les impôts. On parle beaucoup des fraudeurs à l'assurance maladie, mais on n'entend jamais parler de ceux qui auraient droit à des allocations et qui ne le savent pas.

 

Tout part en fumée, nous explique Le Grand Soir : la zone Euro contraint une ville d’Espagne à cultiver de la marijuana.

Une ville d’Espagne "moribonde" (Rasquera), qui souffre d’un chômage de plus de 20%, essaie d’enrayer son déclin économique de la seule manière dont elle dispose : en cultivant de la marijuana. Le fait que l’Espagne en arrive à prendre des mesures aussi désespérées est-il un signe de ce qui attend l’Europe à mesure que la crise s’aggrave ?

Pour essayer de retenir les jeunes de cette petite municipalité, le Conseil Municipal de Rasquera a voté mercredi la location d’un terrain à une association de cannabis de Barcelone pour faire pousser de la marijuana.

 

Le 1er février, l’écrivain Mouloud Akkouche effectue le trajet Foix-Toulouse, à bord d'un TER Midi-Pyrénées. Il découvre l'affichette suivante :

« Ces dernières semaines des soucis ont été rencontrés avec des Roumains. En effet de nombreux vols de bagages ont été constatés. Nous vous demandons de redoubler de vigilance. Par ailleurs tous les faits de roumains doivent être signalés au PCNS [PC national sûreté de la SNCF, ndlr]. Il arrache alors ce qu'il pense être un canular. Pris d'un doute, il compose le numéro inscrit et tombe... sur la SNCF. Il scanne l'affiche et l'envoie à Rue89. La SNCF s'excuse : « Une enquête interne est en cours »

Contacté, le service de communication de la SNCF en Midi-Pyrénées reconnaît que « cette note a bien existé » : « Elle a été affichée dans certains TER de la région. C'est un agent SNCF qui a eu une expression malheureuse. Début février, des agents SNCF nous ont alertés. Les affichettes ont immédiatement été retirées. » Selon la SNCF, aucun passager ne s'est plaint de la note, qui serait restée affichée plus d'une semaine. La CGT Cheminots de Toulouse précise que ce sont des contrôleurs qui, trouvant la note dans leurs casiers, s'en sont plaints auprès de la direction de l'établissement.

 

Sur le site Mémoires des Luttes, Bernard Cassen dénonce le traitement que l’Union européenne inflige à la Grèce : « Vu d’un autre continent, cet acharnement laisse pantois, et le visiteur européen de passage éprouve un sentiment de honte lorsqu’il doit expliquer à ses interlocuteurs une situation grecque en tous points comparable à celle des pays du Sud laminés par les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale. Loin des grands discours humanistes, le message que l’Union européenne (UE) donne au reste du monde est celui de la solidarité avec ses banquiers et non pas avec ses citoyens.

L’UE délivre aussi un message destiné, lui, à ses propres ressortissants, en premier lieu ceux de sa périphérie : préparez-vous à vivre à la grecque. Il y va de votre compétitivité ! Dans cette perspective, les différents gouvernements font assaut de « rigueur », avec une obsession : réduire le coût du travail et accélérer sa précarité. Mariano Rajoy, se veut particulièrement exemplaire : il a ainsi « réformé » le Code du travail, jugé trop « rigide », en faisant notamment chuter de 42 à 12 mois de salaire le montant maximum des indemnisations en cas de licenciement. »

 

Pierre Verhas, sur le site Uranopole, ne croit plus en la victoire de Hollande. Son argumentation mérite notre attention :

« Un point faible de la gauche est sa division. Elle est double : la division au sein du PS et celle entre les différentes sensibilités de la constellation de gauche. Bien que François Hollande ait remporté les « primaires » avec brio montrant ainsi qu’il a une forte base populaire au sein de la gauche, le PS ne s’est pas mis en ordre de marche derrière lui. Ensuite – et c’est essentiel – il n’y a pas d’accord préalable entre les différentes formations de gauche, comme en 1981. François Mitterrand avait réussi à créer un rapport de forces en sa faveur. Celui-ci n’existe plus aujourd’hui. La tentative de rapprochement avec les écologistes a échoué et le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon  a été laissé de côté. Or, il est fort probable que celui-ci représentera, au terme du premier tour, une force sur laquelle Hollande devra compter. La droite, elle aussi, est divisée, mais Sarkozy a réussi à ramener au bercail les « brebis égarées » comme Borloo, Boutin et Morin. L’UMP est ainsi. En dépit des sondages – on peut se demander dans quelle mesure ils ne sont pas manipulés – la droite a toutes les chances de l’emporter le 6 mai prochain. Il reste une seule voie : un accord réel, c’est-à-dire pas seulement de désistement, mais de programme, entre Mélenchon et Hollande. »

 

Nous verrons bien. À la semaine prochaine.

 

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 06:33

Henri Rochefort. Un sacré personnage. Fils d’un faux comte (de Rochefort-Luçay), expéditionnaire à l’Hôtel de ville de Paris pendant dix ans, il a suffisamment de loisirs pour collaborer au Charivari. Calembourreur de première bourre, il écrit une quinzaine de pièces de boulevard (à succès) en quatre ans.

Il fonde son propre journal en mai 1868 : La Lanterne, un brûlot d’opposition pamphlétaire. Très gros succès (100000 exemplaires vendus). L'éditorial du premier numéro restera célèbre : « La France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement… » (il sera également l’auteur de la célèbre formule : « Ce n’est pas cela qui nous rendra l’Alsace et la Lorraine »). Après une interdiction à la vente publique, il est attaqué en justice et condamné à des amendes et de la prison. Il rejoint alors à Bruxelles Victor Hugo, chez qui plusieurs mois.

Il rentre en France fin 1869 et sort le premier numéro de son nouveau journal, La Marseillaise, co-créé avec le révolutionnaire Lissagaray. Le quotidien accueille les collaborations de Jules Vallès et de Victor Noir. Celui-ci est assassiné le 10 janvier 1870 par un des neveux de l’empereur, passablement caractériel. Rochefort est condamné à six mois de prison pour menées subversives.

Il est libéré le 4 septembre 1870 et fonde un nouveau quotidien : Le Mot d’Ordre. Le 8 février, il est élu député de Paris. Il soutient la Commune. À la veille de l’entrée des Versaillais, il est arrêté et condamné à la détention à perpétuité. Il est déporté en Nouvelle-Calédonie. Au cours de la traversée, il écrit pour Louise Michel “ À ma voisine de tribord arrière ” :

Non loin du pôle où nous passons,

Nous nous frottons à des glaçons,

Poussés par la vitesse acquise.

Je songe alors à nos vainqueurs :

Ne savons-nous point que leurs cours

Sont plus dures que la banquise ?

Il s’évade et gagne l’Australie, puis les Etats-Unis , puis l’Angleterre.

Après l’amnistie, il fonde L’Intransigeant, quotidien socialiste. Puis il soutient le boulangisme et sombre dans l’antisémitisme lors de l’affaire Dreyfus.

Comme on dit en Afrique de l’Ouest : « Qui est fou ? »

http://uploads4.wikipaintings.org/images/james-tissot/men-of-the-day-no-4-the-mob-rule-henri-rochefort.jpg


Ouvrier tapissier, Théodore Six participe à la révolution de 1848. Il participe à la résistance au coup d’État du 2 décembre 1851. Il est condamné à la déportation en Algérie. Il organise des coopératives ouvrières. Il publie ce texte saisissant : “ Du peuple au peuple ” le 24 février 1871, à la veille de la Commune :

Un jour m'élançant sur la place publique

J'ai dit  : vivre en travaillant, mourir en combattant.

J'ai dit : l'air de ma mansarde m'étouffe

Je veux respirer.

J'ai dit : les hommes sont égaux

J'ai dit : république universelle.

Alors ils m'ont saisi

Ils m'ont enfermé dans de noirs cachots,

Ils m'int laissé pendant de longues semaines

Couché sur la paille infecte,

Et puis une nuit, ils m'ont enchaîné ;

Ils m'ont emmené dans un entrepont de vaisseau,

Rempli de vermine

Côte ç côte avec les enfants du crime,

Les forçats de leur société  ;

Après ils m'ont emmené bien loin,

Bien loin de mon pays,

De la terre où j'étais né,

Où vivaient ma femme et mes petits enfants.

Bien loin,

Dans le pays où le soleil brûle,

Où la terre brûle,

Où l'air brûle l'âme du prisonnier ;

Puis ils ont mis dans mes mains une pioche,

Ils m'ont dit en ricanant :

Forçat, tu veux le droit au travaille ?

Travaille !

Forçat, l'air de ta mansarde t'étouffe ?

Respire !

Ils m'ont battu à coups de pied, lls m'ont insulté,

Ils m'ont appelé pillard, bandit.

Mon âme séchée par la douleur, l'incertitude, la torture

Demanda justice.

Ils ont ri.

Alors, la douleur, l'incertitude, la torture, la transportation

Lentement, bien lentement, m'ont donné la mort.

Loin de ceux que j'aimais

Et qui m'aimaient.

Dis, ne m'ont-ils pas assassiné ?

...

Tout autour de moi, demandait l'égalité ;

Tout me démontrait

Que ma chair était semblable à la chair du riche.

Tout me démontrait que

Riche et pauvre voulait dire usure et esclavage,

Voulait dire : Pauvre, moi capital,

Je poserai les bases de ton salaire,

Pauvre, tu mangeras selon mon bon plaisir,

Je te pressurerai

Comme le pressoir pressure la grappe

Pour lui faire rendre tout le sang de la terre.

Alors j'ai dit :

Abolition de l'explotation de l'homme par l'homme.

J'ai dit :

La terre à celui qui la cultive.

J'ai dit :

Celui qui ne produit pas n'est pas digne de vivre.

C'est alors qu'ils m'ont assassiné

...

J'ai publié ceci pour pouvoir dire : à tous par tous.

Peuple, médite et souviens-toi

Que tu es force et nombre,

Mais que

Tant que tu seras force et nombre sans idée

Tu ne seras qu'une bête de somme.

J'ai publié ceci pour te dire, peuple,

Que ton émancipation réside dans ta solidarité ;

Pour te dire que l'heure la plus sombre

Est celle qui précède l'aurore.

http://2.bp.blogspot.com/_LU-VCffjJJ0/SKgwIUaC2mI/AAAAAAAAB4Y/ZKTFBxkpRNA/s400/quilles+de+six+parc+theodore+denis+dax.jpg


Jules Vallès sut prendre de la distance avec son œuvre poétique : « La strophe, le décamètre, la stance, l’alexandrin, des bêtises ! Nos coquins d’enfants feront des cocottes avec nos poésies, je vous le promets ! »

Le père de l’auteur de L’Insurgé fut instituteur puis agrégé de grammaire. À seize ans, alors qu’il est lycéen, Jules Vallès participe aux événements révolutionnaires de 1848. En 1851, Vallès et son camarade Charles-Louis Chassin fondent un Comité des Jeunes pour lutter contre Louis-Napoléon Bonaparte, dont ils suspectent les intentions ; après le 2 décembre, ils essaient de mobiliser les étudiants parisiens.

En 1867, Vallès fonde son premier journal, La Rue. En 1869, il est candidat aux législatives. Dans son programme, cette phrase : « Son programme : « J'ai toujours été l'avocat des pauvres, je deviens le candidat du travail, je serai le député de la misère ! La misère ! Tant qu'il y aura un soldat, un bourreau, un prêtre, un gabelou, un rat-de-cave, un sergent de ville cru sur serment, un fonctionnaire irresponsable, un magistrat inamovible ; tant qu'il y aura tout cela à payer, peuple, tu seras misérable ! » Il n’est pas élu.

En 1870 : Jules Vallès relance son journal La Rue. Jules Vallès, pacifiste, est arrêté lors de la déclaration de guerre contre la Prusse. La République est proclamée le 4 septembre. Vallès est opposé au « Gouvernement de la Défense nationale ».

Le 6 janvier : Vallès est un des quatre rédacteurs de l’Affiche rouge qui dénonce « la trahison du gouvernement du 4 septembre » et réclame « la réquisition générale, le rationnement gratuit, l'attaque en masse ». le texte se termine par : « Place au peuple ! Place à la Commune ! ».

En février, Vallès fonde le Cri du Peuple. « La Sociale arrive, entendez-vous ! Elle arrive à pas de géant, apportant non la mort, mais le salut. » Le 26 mars, il est élu à la Commune dans le XVe arrondissement. il intervient contre les arbitraires, pour la liberté de la presse. il siége à la commission de l'enseignement, puis à celle des relations extérieures. Durant la Semaine sanglante durant laquelle 20000 personnes sont fusillées, deux faux Vallès seront exécutés par erreur.

Vallès s’enfuit en Belgique, puis en Angleterre. Il est condamné à mort par contumace. Il rentre à Paris en 1880. Il meurt épuisé par la maladie en 1885. Des dizaines de milliers de Parisiens l’accompagnent au Père-Lachaise. Charles Longuet, le gendre de Marx, prononce cet éloge funèbre : « L’humanité n’oublie jamais ceux qui ont lutté avec éclat pour accroître sa somme de liberté, de justice, de bonheur. »

 

Dans le n° 1 de son journal Le Peuple, Vallès explique à qui il veut s’adresser :

 

Cet homme a peau de bête, coiffé comme un pendu, que la pluie glace, que la vapeur brûle, debout sur la locomotive, coupant le vent, avalant la neige, mécanicien, chauffeur, c’est le Peuple !

L’animal qui, là-bas dans les champs, redresse son échine cassée et levant son cou maigre aux muscles tendus comme des cordes, regarde d’un œil terne le wagon qui s’enfuit, le paysan brun comme une feuille de vigne ou blanc comme une rave, c’est le Peuple !

Ce barbu aux épaules larges, à chapeau de goudron, qui, sur la rivière muette, mène dans le courant le radeau de bois noyé, seul entre le ciel et l’eau, le flotteur mouillé jusqu’au ventre et perclus jusqu’au cœur, c’est le Peuple !

Ce mineur qui vient, la lampe accrochée à son front, traverser la chambre du feu grisou, et qui est resté l’autre jour enfoui dix heures sous un éblouissement – on ne voyait que ses grands yeux blancs dans le trou noir – ce mineur, c’est le Peuple !

Ce couvreur qui tombe du toit comme un oiseau mort, ce verrier dont la vie fond avec le verre dans le braiser, ce tourneur que la poussière de cuivre étouffe, ce peintre que la céruse mort, ce mitron, pâle comme sa farine, c’est le Peuple ! Il suffit à tout, contre l’eau, le vent, la terre et le feu, ce peuple héroïque et misérable ! C’est de ce peuple-là que nous allons parler. »

En 1878, Vallès rendit cet hommage à Gustave Courbet : « [...] Il a eu la vie plus belle que ceux qui sentent, dès la jeunesse et jusqu'à la mort, l'odeur des ministères, le moisi des commandes. Il a traversé les grands courants, il a plongé dans l'océan des foules, il a entendu battre comme des coups de canon le cœur d'un peuple, et il a fini en pleine nature, au milieu des arbres, en respirant les parfums qui avaient enivré sa jeunesse, sous un ciel que n'a pas terni la vapeur des grands massacres, mais, qui, ce soir peut-être, embrasé par le soleil couchant, s'étendra sur la maison du mort, comme un grand drapeau rouge. »

 http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/3/3/2/9782258070233.jpg

 

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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 16:36

http://amitie-entre-les-peuples.org/IMG/jpg/racisme-cerveau.jpgJe propose ici de larges extraits d’un très bon article de Dominique Dupart pour Mediapart sur la rhérorique de Sarkozy dans son discours de Villepinte. Tout le monde le dit, ce discours a été écrit par Henri Guaino. Tout comme l’ignoble adresse aux Africains (« pas encore entrés dans l’histoire », les pauvres, alors qu’ils étaient déjà organisés en royaume et en empires quand les ancêtres magyars du kleiner Mann vivaient en tribu sous des tentes !).

 

Guaino, comme dit pudiquement Wikipédia, n’a pas connu son père. Il a été élevé par sa mère, une femme de ménage, et sa grand-mère. Par ailleurs, bien que brillant (parce que brillant ?), il a échoué au concours de l’ENA. Chaque matin, il a une terrible revanche à prendre. Dans d’autres circonstances, il pourrait aller beaucoup plus loin.

 

Villepinte, 11 mars. Le discours du candidat président se clôt sur la mention de Victor Hugo coincé entre Jeanne d’Arc et le général De Gaulle. Le nom du grand écrivain sonne comme un drapeau. Il est la pointe d’un discours très écrit, très travaillé: un discours dont la simplicité apparente –phrases à la première personne, courtes, formulaires, rythmées – révèle une grande éloquence populaire et populiste, destinée à la masse et dont le principe est l’attaque de populations particulières, isolées du reste du pays pour être stigmatisées.

Villepinte, 11 mars. Le discours du candidat président se clôt sur la mention de Victor Hugo coincé entre Jeanne d’Arc et le général De Gaulle. Le nom du grand écrivain sonne comme un drapeau. Il est la pointe d’un discours très écrit, très travaillé: un discours dont la simplicité apparente –phrases à la première personne, courtes, formulaires, rythmées – révèle une grande éloquence populaire et populiste, destinée à la masse et dont le principe est l’attaque de populations particulières, isolées du reste du pays pour être stigmatisées. Un exemple: «…que celui qui n’a jamais travaillé et jamais cotisé… que le profiteur, le tricheur, le fraudeur soit puni parce qu’il vole l’argent des Français, parce qu’il prend à tous ceux qui ont vraiment besoin de solidarité nationale».

Un des grands enseignements oratoires du XIXe siècle est la nécessité d’accueillir dans les discours des personnages spécifiques qui animent, incarnent les idées et des arguments défendus par l’orateur. Dans une grande éloquence démocratique, les idées s’incarnent en des types, des agents, des figures : une sorte de personnel de tribune qui loge traits, caractères, habitudes spécifiques qui animent la parole politique des visages de ceux qui sont supposés l’écouter. Ici, le profiteur, le tricheur, le fraudeur.

Ces types ne sont pas seulement des clichés car un grand orateur, c’est celui qui invente justement un personnel de tribune nouveau, ou celui qui modifie l’axiologie traditionnelle qui le traverse. Par exemple, dans son discours (fameux) sur la misère prononcé à la Chambre le 9 juillet 1849, Victor Hugo dresse les silhouettes de femmes, d’enfants, de familles avilies par la misère, obligés de chercher leur nourriture «dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon»: mais ces êtres avilis sortent grandis du discours car se joint à eux, en passant, un «malheureux homme de lettres» mort de faim et ce malheureux homme de lettres sert à une chose: à permettre à l’auditoire et à l’orateur de s’identifier aux miséreux !

La triade du profiteur, tricheur, fraudeur est succincte. C’est du rapide et de l’efficace car l’orateur s’adresse à un auditoire qui possède la connaissance et la jouissance des mêmes implicites accolés aux chômeurs longue durée, ou aux bénéficiaires du RSA. Pas question, ici, d’inventer un nouveau personnel de tribune ou de construire une nouvelle figure démocratique à la Victor Hugo. Autour du même trait trois fois décliné, le profit, la triche et la fraude, s’esquisse la mention éclair de la silhouette d’un bouc émissaire facile et possible.

Le mot-signal dans la triade est celui de fraudeur. La fraude aux indemnités: une pratique unanimement réprouvée par tous et qui déchaîne d’autant plus l’hostilité qu’elle s’incarne ici idéalement en des personnes facilement identifiables. Encore pire que la fraude: le fraudeur.

Ce que l’éloquence populiste d’aujourd’hui conserve, c’est la typification, même si elle est plus rapide, plus allusive qu’autrefois. Ce qu’elle laisse de côté, c’est l’épithète infâmante ou le qualificatif insultant. Jamais le candidat président ne va jusqu’à caractériser le profiteur, le tricheur, le fraudeur de parasite dans son discours de Villepinte. Il s’arrête sur le seuil au moyen d’embrayeurs oratoires typifiant des comportements: à l’auditoire revient de trouver le bon mot qui fait mal «sans langue de bois». C’est le grand progrès de notre démocratie, la cible est toujours autant désignée, mais elle n’est plus nommée en tant que telle par l’insulte.

Cette pudeur rend étrangement et paradoxalement un racisme de tribune toujours possible. Le candidat président ne peut pas tout dire parce qu’il s’adresse à un auditoire feuilleté, mélangé, du meetingproprement dit à l’audience médiatique la plus large : de l’électeur raciste, frontiste à l’électeur seulement conservateur et résolument chrétien ou, dans tous les cas,  anti-raciste. Il invente donc une éloquence feuilletée qui correspond à la perfection à cet éventail aussi large et c’est cette invention qui le rend si efficace et quasi à l’abri de tout reproches, de la censure inoffensive de nos démocraties occidentales.

Si le personnel de tribune possède une histoire oratoire, un vrai passé de tribune, en revanche, ce procédé de l’éloquence feuilletée est tout à fait propre à l’orateur de Villepinte. Un exemple: «C’est pour que l’immigré puisse trouver sa place dans la société, pour que la mère puisse être libre, élever ses enfants, parler à l’instituteur, que je veux mettre au regroupement familial des conditions de revenu, de logement et un examen préalable prouvant un minimum de maîtrise de français et de connaissance des valeurs de la République». Ce n’est pas la peine que j’explique les sous-entendus de cette phrase. Tous les auditeurs, tous les lecteurs le font automatiquement : et pourtant rien ne déborde, absolument rien. La tribune populiste est magique. Elle est aussi sale qu’elle paraît propre, aussi raciste qu’elle paraît humaniste et généreuse. Cette phrase est prononcée, qui plus est, après deux autres phrases similaires qui prenaient pour cible le chômeur (encore !) et le titulaire du RSA (encore !). La grande cible du racisme de tribune inventé par le candidat président Sarkozy possède bien trois visages : le fraudeur, le jeune (si possible au RSA) et – osons le dire frontalement, parce que nous condamnons – l’Arabe.

La sollicitude est l’instrument oratoire même par lequel on mène ces populations à l’abattoir tribunicien, pour cristalliser des réflexes d’exclusion comme on les appelle aujourd’hui.

Au nom de la liberté de la femme, l’étranger ne pourra plus faire venir sa femme. Au nom d’un idéal bucolique de partage symbolique avec l’instituteur, son enfant ne pourra pas aller à l’école en France. Le sous-texte excluant a pris le déguisement d’un humanisme oratoire volé aux Romantiques. Ou encore, l’étranger dont on sait ici qu’il s’identifie principalement aux populations issues de l’Afrique du Nord est pris souterrainement à partie pour sa race, pour sa religion, pour ses mœurs. J’en veux pour preuves la proposition défendue sur la même page du discours, deux microscopiques strophes oratoires plus tard: « Je veux qu’aucune femme ne soit asservie à des pratiques ; à des traditions qui les empêcheraient d’être libres, qui seraient contraires aux valeurs de la République. Nous avons interdit la Burqa ».

La défense de la laïcité isole la même cible : seule l’entrée diffère. Cette fois, ce sont les droits de la femme qui aident à entrer en tribune. Le candidat président fait croire qu’il défend des valeurs cardinales mais ces valeurs cardinales sont seulement mentionnées pour toucher une cible. En réalité, un racisme de tribune, aussi éclatant que nié, recompose opportunément le paysage des valeurs républicaines de base.

Chez Sarkozy, la République éponge le racisme qui imbibe la tribune de l’UMP. Que se passe-t-il alors ? Une complète inversion des perspectives construites artificiellement par ce Romantique de pacotille. Un renversement systématique et automatique des propos entendus : comme si on saisissait la tribune et qu’on la secouait la tête en bas pour mieux l’entendre. Un exemple de relecture inversée : Parce que nous voulons désigner à la vindicte les Arabes bien connus pour bafouer les valeurs de la justice et de l’égalité en brutalisant leurs femmes (contrairement à vous, Français de souche, blancs comme neige, vous qui m’écoutez), nous en appelons opportunément, au cours de ce discours, aux droits de la femme et à la République.

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 06:17

La LRU, en Belgique cette fois.

On lira ci-dessous le témoignage criant de vérité d'une universitaire belge qui quitte l'institution :

 

Enseignant à l’université de Liège depuis 2001, Annick Stevens, docteur en philosophie, a décidé de quitter son poste. Dans une lettre ouverte, elle explique son choix. Les universités subissent des pressions économiques. Ces traditionnels lieux de formation des esprits critiques seraient-ils sacrifiés sur l'autel de l'utilitarisme ?

 

 

Plus que jamais il est nécessaire de réfléchir au rôle que doivent jouer les universités dans des sociétés en profond bouleversement, sommées de choisir dans l’urgence le type de civilisation dans lequel elles veulent engager l’humanité. L’université est, jusqu’à présent, la seule institution capable de préserver et de transmettre l’ensemble des savoirs humains de tous les temps et de tous les lieux, de produire de nouveaux savoirs en les inscrivant dans les acquis du passé, et de mettre à la disposition des sociétés cette synthèse d’expériences, de méthodes, de connaissances dans tous les domaines, pour les éclairer dans les choix de ce qu’elles veulent faire de la vie humaine. Qu’à chaque époque l’université ait manqué dans une certaine mesure à son projet fondateur, nous le lisons dans les critiques qui lui ont constamment été adressées à juste titre, et il ne s’agit pas de s’accrocher par nostalgie à l’une de ses formes anciennes. Mais jamais elle n’a été aussi complaisante envers la tendance dominante, jamais elle n’a renoncé à ce point à utiliser son potentiel intellectuel pour penser les valeurs et les orientations que cette tendance impose à l’ensemble des populations, y compris aux universités elles mêmes. D’abord contraintes par les autorités politiques, comme on l’a vu de manière exemplaire avec le processus de Bologne, il semble que ce soit volontairement maintenant que les directions universitaires (à quelques rares exceptions près) imposent la même fuite en avant, aveugle et irréfléchie, vers des savoirs étroitement utilitaristes dominés par l’économisme et le technologisme.

 

Si ce phénomène repose très clairement sur l’adhésion idéologique de ceux qui exercent le pouvoir institutionnel, il ne se serait pas imposé à l’ensemble des acteurs universitaires si l’on n’avait pas instauré en même temps une série de contraintes destinées à paralyser toute opposition, par la menace de disparition des entités qui ne suivraient pas la course folle de la concurrence mondiale : il faut attirer le « client », le faire réussir quelles que soient ses capacités (« l’université de la réussite » !), lui donner un diplôme qui lui assure une bonne place bien rémunérée, former en le moins de temps possible des chercheurs qui seront hyper productifs selon les standards éditoriaux et entrepreneuriaux, excellents gestionnaires et toujours prêts à siéger dans les multiples commissions et conseils où se prennent les simulacres de décisions — simulacres, puisque tant les budgets que les critères d’attribution et de sélection sont décidés ailleurs. De qualité, de distance critique, de réflexion sur la civilisation, il n’est plus jamais question. La nouvelle notion d’« excellence » ne désigne en rien la meilleure qualité de l’enseignement et de la connaissance, mais la meilleure capacité à engranger de gros budgets, de grosses équipes de fonctionnaires de laboratoire, de gros titres dans des revues de plus en plus sensationnalistes et de moins en moins fiables. La frénésie d’évaluations qui se déploie à tous les niveaux, depuis les commissions internes jusqu’au classement de Shanghaï, ne fait que renforcer l’absurdité de ces critères.

 

 

Il en résulte tout le contraire de ce qu’on prétend promouvoir : en une dizaine d’années d’enseignement, j’ai vu la majorité des meilleurs étudiants abandonner l’université avant, pendant ou juste après la thèse, lorsqu’ils ont pris conscience de l’attitude qu’il leur faudrait adopter pour continuer cette carrière ; j’ai vu les autres renoncer à leur profondeur et à leur véritable intérêt intellectuel pour s’adapter aux domaines et aux manières d’agir qui leur offriraient des perspectives. Et bien sûr j’ai vu arriver les arrivistes, à la pensée médiocre et à l’habileté productive, qui savent d’emblée où et avec qui il faut se placer, qui n’ont aucun mal à formater leur écriture pour répondre aux exigences éditoriales, qui peuvent faire vite puisqu’ils ne font rien d’exigeant. Hormis quelques exceptions, quelques personnes qui ont eu la chance d’arriver au bon moment avec la bonne qualification, ce sont ceux-là, les habiles médiocres, qui sont en train de s’installer — et la récente réforme du FNRS vient de supprimer les dernières chances des étudiants qui n’ont que leurs qualités intellectuelles à offrir, par la prépondérance que prend l’évaluation du service d’accueil sur celle de l’individu. Ces dérives présentent des variantes et des degrés divers selon les disciplines et les pays, mais partout des collègues confirment les tendances générales : concurrence fondée sur la seule quantité ; choix des thèmes de recherche déterminé par les organismes financeurs, eux-mêmes au service d’un modèle de société selon lequel le progrès humain se trouve exclusivement dans la croissance économique et dans le développement technique ; inflation des tâches administratives et managériales aux dépens du temps consacré à l’enseignement et à l’amélioration des connaissances. Pour l’illustrer par un exemple, un Darwin, un Einstein, un Kant n’auraient aucune chance d’être sélectionnés par l’application des critères actuels. Quelles conséquences pense-t-on que donnera une telle sélection sur la recherche et les enseignements futurs ? Pense-t-on pouvoir encore longtemps contenter le « client » en lui proposant des enseignants d’envergure aussi étroite ? Même par rapport à sa propre définition de l’excellence, la politique des autorités scientifiques et académiques est tout simplement suicidaire.

 

Certains diront peut-être que j’exagère, qu’il est toujours possible de concilier quantité et qualité, de produire du bon travail tout en se soumettant aux impératifs de la concurrence. L’expérience dément cet optimisme. Je ne dis pas que tout est mauvais dans l’université actuelle, mais que ce qui s’y fait de bon vient plutôt de la résistance aux nouvelles mesures imposées que de leur application, résistance qui ne pourra que s’affaiblir avec le temps. On constate, en effet, que toutes les disciplines sont en train de s’appauvrir parce que les individus les plus « efficaces » qu’elles sélectionnent sont aussi les moins profonds, les plus étroitement spécialisés c’est-à-dire les plus ignorants, les plus incapables de comprendre les enjeux de leurs propres résultats.

 

Même les disciplines à fort potentiel critique, comme la philosophie ou les sciences sociales, s’accommodent des exigences médiatiques et conservent toujours suffisamment de conformisme pour ne pas être exclues de la bataille productiviste, — sans compter leur incapacité à affronter l’incohérence entre leurs théories critiques et les pratiques que doivent individuellement adopter leurs représentants pour obtenir le poste d’où ils pourront se faire entendre.

 

Je sais que beaucoup de collègues partagent ce jugement global et tentent héroïquement de sauver quelques meubles, sur un fond de résignation et d’impuissance. On pourrait par conséquent me reprocher de quitter l’université au moment où il faudrait lutter de l’intérieur pour inverser la tendance. Pour avoir fait quelques essais dans ce sens, et malgré mon estime pour ceux qui s’efforcent encore de limiter les dégâts, je pense que la lutte est vaine dans l’état actuel des choses, tant est puissante la convergence entre les intérêts individuels de certains et l’idéologie générale à laquelle adhère l’institution universitaire.

 

Plutôt que de s’épuiser à nager contre le courant, il est temps d’en sortir pour créer autre chose, pour fonder une tout autre institution capable de reprendre le rôle crucial de transmettre la multiplicité des aspects des civilisations humaines et de stimuler la réflexion indispensable sur les savoirs et les actes qui font grandir l’humanité. Tout est à construire, mais il y a de par le monde de plus en plus de gens qui ont l’intelligence, la culture et la volonté pour le faire. En tous cas, il n’est plus temps de perdre ses forces à lutter contre la décadence annoncée d’une institution qui se saborde en se trompant d’excellence.

 

Annick Stevens,

Docteur en philosophie,

Chargée de cours à l’Université de Liège depuis 2001.

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 15:39

http://lenumerozero.lautre.net/IMG/jpg/abrog_lru.jpgDes responsables du CNRS s'adressent aux candidats à l'élection présidentielle

 

Adresse aux candidats à l’élection présidentielle… et aux électeurs !

 

Le C3N, composé du président et du bureau du Conseil Scientifique du CNRS, des dix présidents des Conseils Scientifiques d’Institut du CNRS, du président et du bureau de la conférence des présidents des sections du Comité National de la Recherche Scientifique, s’est réuni ce 28 février 2012 à Paris. Au nom des instances qu’ils représentent, les participants souhaitent relever l’erreur consistant à voir comme une réussite la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, et veulent témoigner de son insuccès par l’adresse suivante :


Contrairement à ce que disent François Hollande et Nicolas Sarkozy, la réforme de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n’est pas une réussite ! Au lieu de promouvoir « la lisibilité et la visibilité » et de favoriser l’innovation et les partenariats, ces réformes n’ont fait qu’accroître la complexité, le conformisme et la compétition stérile.


La politique des Investissements d’Avenir aboutit, sous couvert d’excellence, à empiler les structures, dans une compétition contre-productive entre les territoires, les régions, les établissements, les laboratoires, et même entre les individus. Le résultat est un grand gaspillage d’énergies, de compétences et de moyens, un déni de démocratie et la création de déserts universitaires. Il est temps de supprimer les structures redondantes.


En matière d'évaluation, l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur fonctionne de manière opaque et souvent insatisfaisante. Nous préconisons qu’elle s’appuie largement sur l’expertise du Comité National et du Conseil National des Universités, qui émanent de façon transparente de la communauté scientifique.


La recherche à long terme et la prise de risque, toutes deux nécessaires à une politique ambitieuse, ne peuvent pas se contenter de financements sur projets et à court terme (Agence Nationale de la Recherche, régions, Europe etc..), ni des emplois précaires qu’ils génèrent. Les réformes ont affaibli le financement de base des laboratoires, réduit en moyenne sur le quinquennat d’au moins un tiers, parfois beaucoup plus. Nous préconisons un rééquilibrage d’urgence entre financements de base et sur projets.


Le Crédit Impôt-Recherche (CIR, plus de 5 milliards d’euros en 2011, soit plus de dix fois ce que le CNRS peut affecter à ses laboratoires) est une mesure dont l'efficacité a été sérieusement critiquée par la Cour des Comptes. Il n’a pas l’impact attendu sur la recherche, y compris sur le plan de l’innovation et des partenariats. Redéployer vers la recherche publique la part du CIR revenant aux grandes entreprises (au moins 3 milliards) en multiplierait l’efficacité.


Il est urgent de mettre en œuvre une réforme concertée et intelligente, qui s’appuie sur les compétences internationalement reconnues de la recherche et de l’enseignement français.

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 07:15

http://pointdebasculecanada.ca/resizer.php?imgfile=img/jpg/SaudiFlog.jpg&max_width=476Dans le numéro de mars 2012, Serge Halimi revient sur l’incroyable impunité dont jouit l’Arabie saoudite : « Les libertés fondamentales ne sont pas mieux respectées en Arabie saoudite qu’en Iran. Est-ce donc à son statut de premier pays exportateur de pétrole et d’allié des Etats-Unis que la monarchie wahhabite doit d’être miraculeusement épargnée par la « communauté internationale » ? L’Arabie saoudite peut en tout cas intervenir à Bahreïn, y écraser une protestation démocratique, exécuter soixante-seize personnes en 2011 (dont une femme accusée de « sorcellerie »), menacer du même châtiment un blogueur qui a diffusé sur son compte Twitter un dialogue imaginaire avec le Prophète, condamner les voleurs à l’amputation, proclamer les chefs d’inculpation de viol, de sodomie, d’adultère, d’homosexualité, de trafic de drogue, d’apostasie passibles de la peine capitale, sans que, hormis le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, nul ou presque semble s’en émouvoir. Ni le Conseil de sécurité de l’ONU, ni le G20, dont l’Arabie saoudite est membre, ni le Fonds monétaire international (FMI), dont la directrice générale vient de saluer le « rôle important » joué par Riyad dans la stabilisation de l’économie mondiale. »

 

Benoît Bréville et Anaëlle Verzaux décrivent les mutations que connaît actuellement la Seine-Saint-Denis (“ La Seine-Saint-Denis entre deux mondes ”) : « Il n’est pas facile de passer du statut de ville ouvrière de la « banlieue rouge » à celui de municipalité accueillant l’un des plus grands pôles d’affaires d’Ile-de-France. Enquête chez les salariés et les habitants. »

 

Où en sont Madagascar et ses fantômes (Thomas Deltombe) ? « Trois ans après le renversement du président Marc Ravalomanana, Madagascar est dans l’impasse. Malgré la signature en septembre 2011 d’une feuille de route censée sortir le pays de cette phase de transition, l’île s’enfonce dans la crise. S’y dévoilent les dysfonctionnements d’un pays victime de la rapacité de ses élites et des politiques de développement imposées par ses partenaires étrangers. »

 

Mona Chollet nous rappelle qu’Angela Merkel est fille de pasteur luthérien. Il y a donc chez elle un souci de rigueur très protestant qu’elle a& réussi à inoculer au catholique Sarkozy (“ Aux sources morales de l’austérité ”) : « L’Union européenne a consenti le 21 février à accorder une nouvelle aide financière à la Grèce, à condition que celle-ci accepte une « surveillance renforcée » de sa gestion budgétaire. Ce plan ne devrait qu’aggraver un peu plus la récession dans un pays exsangue. L’obstination à préconiser la rigueur s’expliquerait-elle par des certitudes morales plus puissantes que la raison ? »

 

Natsuki Ikezawa explique quel parti on peut tirer d’une catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre au Japon (“ La catastrophe comme occasion ”).

 

Que faut-il penser de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne ? (“ Balkans, la fin du rêve européen ”, par Jean-Arnauld Dérens) : « La Croatie deviendra, le 1er juillet 2013, le vingt-huitième Etat membre de l’Union européenne. Les électeurs ont approuvé le 22 janvier l’adhésion de leur pays. Si le « oui » a remporté près de 67 % des suffrages, la très faible participation (43 % des inscrits) limite la portée de ce vote. En réalité, c’est sans enthousiasme que les Croates s’apprêtent à rejoindre l’Union. Laquelle a perdu beaucoup de son attrait dans tous les pays de la région. »

 

Gary Sick se demande pourquoi la “ communauté internationale ” (en fait les E-U et Israël) s’acharne contre l’Iran : « Un Iran sans l’arme nucléaire est préférable à un Iran qui en serait doté. Même Téhéran l’admet. Toujours signataire du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), il accepte les inspections de ses principaux sites par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Et ses dirigeants, l’ayatollah Ali Khamenei le premier, proclament régulièrement que la possession, la fabrication ou l’utilisation d’armes de cette nature sont contraires à l’islam. »

 

Une très bonne enquête de Renaud Lambert sur les « économistes à gages » et leurs conflits d’intérêt : « Éditoriaux, matinales radiophoniques, plateaux de télévision : en pleine campagne présidentielle, une poignée d’économistes quadrillent l’espace médiatique et bornent celui des possibles. Présentés comme universitaires, ils incarneraient la rigueur technique au cœur de la mêlée idéologique. Mais leurs diagnostics seraient-ils aussi crédibles si ces « experts » rendaient publiques leurs autres activités ? »

 

Pour Laurent Carroué, l’industrie est « le socle de la puissance » : « En dépit des discours sur la « société de loisirs post-industrielle » qui avaient fleuri dans les années 1990 et 2000, l’industrie joue toujours un rôle majeur dans l’organisation des territoires, la dynamique des systèmes productifs et les rapports de puissance structurant la mondialisation. En vingt ans, entre 1990 et 2010, de profonds changements sont apparus dans la hiérarchie planétaire : face au dynamisme des pays émergents et des puissances régionales, l’Europe à trente (les vingt-sept pays de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et la Suisse) tombe de 36 % à 24,5 % de la production. En 2011, la Chine est devenue la première puissance industrielle du monde, mettant fin à un siècle d’hégémonie américaine. De son côté, le Brésil, désormais sixième économie de la planète. a devancé la France pour la production industrielle ; la Corée du Sud a surpassé le Royaume-Uni, lui-même talonné par l’Inde. »

 

Gérard Duménil et Dominique Lévy se demandent ce que cache « l’engouement pour les nationalisations » : « L’automobile américaine qui se redresse ; l’industrie allemande qui s’exporte ; la relocalisation d’unités de production qui pointe... Mais derrière les déclarations se cachent des réalités moins reluisantes. »

 

Un petit article très acide de Pierre Rimbert sur l’OCDE : “ A l’OCDE, je pense donc je fuis ”.

 

Philippe Déscamps décrit “ La longue marche parlementaire des maoïstes népalais ” : « Revenus au pouvoir en août 2011, les maoïstes du Népal ont relancé le processus de paix après cinq ans d’atermoiements sur l’intégration de leurs combattants dans l’armée nationale. Dans une nouvelle république fédérale aux contours institutionnels incertains, il leur faut trouver un consensus avec les autres forces politiques pour adopter une Constitution avant la fin mai. Et démontrer qu’ils peuvent transformer une société arrimée au sous-développement par la corruption et les prébendes. »

 

Michael T. Klare estime que “ le Pentagone met le cap sur le Pacifique ” : « Alors que le gouvernement israélien menace de bombarder l’Iran, l’Union européenne et les Etats-Unis ont durci leurs sanctions contre la République islamique  – une stratégie dont on peut douter qu’elle aboutisse à l’objectif affiché. Cette situation inquiète d’autant plus Washington que l’Amérique, affaiblie par la crise et par ses échecs en Irak et en Afghanistan, cherche à réorienter ses priorités et à se concentrer sur le Pacifique. »

 

Hernando Calvo Ospina se demande si la gauche gouverne au Salvador : « Vainqueur de la primaire organisée par l’opposition vénézuélienne le 12 février, M. Henrique Capriles affrontera le président sortant, M. Hugo Chávez, lors de l’élection d’octobre 2012. Pour séduire les électeurs de gauche, il promet d’imiter le « modèle brésilien ». Un discours qui n’est pas sans rappeler celui de M. Mauricio Funes, élu à la tête du Salvador en 2009. »

 

Patrick Hermann salue une “ Victoire historique au procès de l’amiante ” : « En 1988, les habitants de Casale Monferrato, ville du Piémont envahie par la poussière mortelle d’une usine d’amiante, créaient l’Association des familles des victimes ; en 2004, ils portaient plainte auprès du procureur de Turin. Au bout du chemin : la condamnation retentissante, en février, de deux dirigeants du groupe mondial Eternit. »

 

Philippe Rekacewicz explique en quoi l’Europe est un continent à géométrie variable : « Difficile aujourd’hui de se repérer sur la mappemonde : déplacement des centres d’activité et de pouvoir vers de nouveaux territoires, alliances inédites, recompositions géopolitiques… »

 

Où en est le roman policier chinois (Michel Imbert) : « Si les produits made in China abondent, la traduction de la littérature chinoise reste en revanche mesurée, ce qui ne facilite pas la disparition des clichés auxquels fut longtemps associé l’empire du Milieu dans l’imaginaire collectif, notamment au travers de la littérature populaire européenne. « Péril jaune », mystère oriental : une fascination mêlée de mépris et de peur. Le stéréotype longtemps le plus caractéristique fut sans doute celui que cristallisa le diabolique docteur Fu Manchu, génie du mal, héros des romans du Britannique Sax Rohmer, qui l’inventa en 1912. La figure de l’Asiate pervers et redoutable, maître du mystère d’une littérature d’avant et d’après-guerre en mal d’exotisme, symbole de perfidie savante, s’est ensuite déclinée dans les bandes dessinées et les feuilletons pour incarner l’Autre par excellence, du Secret de l’Espadon d’Edgar P. Jacobs au Lotus bleu d’Hergé. » (À propos de chinois, je ne saurais trop recommander la lecture du dernier Henning Mankell : Le Chinois (époustouflant).

 

À tout seigneur, tout déshonneur, Jean-Pierre Garnier explique en dernière page pour quoi le “ libertaire ” Michel Onfray est en fait le dernier nouveau philosophe : « Pour qui souhaite connaître la pensée d’Albert Camus et, éventuellement, s’en pénétrer, il suffira de lire son œuvre. A défaut d’être toujours profonde, elle a le mérite de la clarté. À cet égard, l’ouvrage que Michel Onfray vient de lui consacrer n’est d’aucune utilité. En revanche, pour qui s’intéresserait à la vision du monde et surtout de lui-même de ce philosophe à succès, la lecture de cette somme est indispensable. »

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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 06:36

RP2Philippe Bilger, dans Marianne.fr, règle son compte au candidat-président, avant de voter Bayrou au premier tour et Hollande au second tour (et après avoir voté Sarkozy en 2007, scrongneugneu !). « Avant de lui faire un sort, il est symptomatique de relever que Nicolas Sarkozy n'a de cesse de cliver ce que l'obsession de l'unité nationale devrait le contraindre à maintenir solidaire. Le peuple contre les élites d'abord puis, à Lille, le peuple souhaité contre un peuple implicitement exilé puisque la France dont il soulignait les mérites et les qualités n'avait à l'évidence, selon lui, rien de commun avec celle de l'adversaire. Demain, peut-être, nous aurons droit à une nouvelle configuration, confrontation, et à la fin la France, qu'il n'est pas besoin de définir pour l'aimer, sera en lambeaux.

Cette énormité, la voici. « Cette France, elle veut la morale et la décence ».

Quel culot, ai-je immédiatement pensé avec un mélange de stupéfaction presque admirative devant ce qu'il se permettait et le regret que la dignité du politique soit ainsi rabaissée! Comment, même devant une salle inconditionnelle, invoquer une éthique exemplaire quand durant un quinquennat elles ont été foulées aux pieds ! Il n'est personne, pourtant, dans l'assemblée, qui a eu le courage de se lever et de crier : quelle honte !  

Ainsi, tout est permis, tout peut être dit, l'amnésie est la meilleure tactique qui soit, la République tellement imparfaite n'interdit pas qu'à nouveau il brandisse l'illusion, pour sa sauvegarde, d'une République irréprochable! En effet, le peuple aspire « à la morale et à la décence » mais c'est le mépriser que de lui promettre ce que consciencieusement, avec persévérance, au mieux on a laissé se déliter, au pire on a détruit. La parole publique ne lave pas tout. »

Convergences révolutionnaires nous signale que Moscou est la ville au monde comptant le plus de milliardaires en dollars : 79 sur un total de 101 en Russie, troisième pays avec le plus de milliardaires derrière les États-Unis et la Chine. Par contre, 133 000 millionnaires seulement ( !) en 2010 : on en compte près de 400 000 en France, et plus de 3 millions aux États-Unis. Au-delà des milliardaires et des millionnaires, il y a une petite et moyenne bourgeoisie russe qui jouit d’un niveau de vie comparable à la classe moyenne aisée d’Europe. Mais 90 % de la population gagnent moins de 1000 euros par mois…

 

Selon Critique sociale, les inégalités sont en forte hausse depuis 2004 : Une récente étude de l'INSEE confirme que les inégalités s'aggravent en France. En 2010, les 5 % les plus riches possèdent 35 % des richesses globales de ce pays, quand les 50 % les moins riches n'en ont que 7 %. Donc, la moitié de la population possède en moyenne 50 fois moins que le vingtième le plus privilégié !

 

Les 10 % les plus privilégiés possèdent la moitié des richesses totales ; à l'opposé, les 10 % les plus modestes n'ont que 0,05 % du patrimoine : le dixième le plus riche possède donc mille fois plus (!) que le dixième le plus pauvre. L'inégalité entre ces deux tranches de la population s'est accrue de 30 % entre 2004 et 2010.

Patrick Le Hyaric (L’Humanité) revient de Grèce : « Décomposition du paysage politique, éparpillement, désunion à gauche, telles sont les caractéristiques de la vie politique en Grèce alors que le pays vit des attaques économiques, sociales et démocratiques inédites en Europe depuis la fin des dictatures. Cette situation fait penser à une époque lointaine, d’avant la guerre civile. Ces derniers temps, nous assistons à un renouveau des mobilisations populaires et cette colère s’exprimera dans les urnes. Malheureusement, la gauche est si divisée qu’il n’y a pas de proposition d’une expression alternative après des élections qui pourraient donner une expression politique à ces luttes.

 

L’Humanité revient sur les problèmes des apiculteurs qui : « ont ouvert le bal des manifestations, en exigeant que le maïs MON 810 soit à coup sûr bouté hors des cultures françaises. Le ministère de l’environnement avait annoncé, le 20 février, qu’il reconduirait l’interdiction de la semence OGM de la firme Monsanto. Mais beaucoup de producteurs redoutent que les arguments juridiques avancés par le gouvernement français ne tiennent pas la route devant le Conseil d’État et la Cour européenne. Alors que l’Union européenne a récemment décidé d’interdire à la vente le miel issu de pollens contenant des OGM, les apiculteurs craignent que la proximité de cultures MON810 ne nuise à la commercialisation de leur production.

 

Originellement entreprise de produits chimiques, Monsanto est associé l'agent orange massivement utilisé par l'armée américainelors de la guerre du Viêtnam.

La citation « si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité n'aurait plus que quatre années devant elle », attribuée à Albert Einstein, a été pour la 1re fois énoncée en 1994 dans un document distribué par l'Union Nationale de l'Apiculture Française.
 Sans abeilles, la pollinisationd’un grand nombre de plantes ne se ferait plus, entraînant la disparition de nombreux animaux et des effets dévastateurs sur l'agriculture. Les abeilles ne sont pas les seuls insectes pollinisateurs, mais assurent néanmoins une grande part de la pollinisation.

 

 

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 06:25

http://www.pointsdactu.org/IMG/bmp/La_vie_des_forcats.bmpLe kleiner Mann et le gang du Fouquet’s ont ravagé l’Éducation nationale. Ils en redemandent. S’il est réélu (20% des enseignants se prononcent en sa faveur), Sarkozy prépare pour les personnels quelques traitements aux petits oignons. Souvenons-nous de ces initiatives tellement intelligentes du début de son quinquennat. Mais tellement normales pour quelqu’un qui voue un mépris d’acier à l’école de la République. Les élèves de CM2 devaient parrainer un enfant juif mort dans les camps. Même Simone Veil, qui soutient Sarkozy publiquement (en privé, hum !) avait trouvé cette initiative scabreuse. Chaque année, les lycées devaient lire la lettre de Guy Môquet. Le casinotier Laporte, patron de l’équipe de France de rugby à l’époque, avait imposé ce pensum aux joueurs avant une branlée mémorable lors d’un tournoi des cinq nations. Les parents devaient pouvoir choisir librement l’école de leurs enfants. L’échec scolaire allait être divisé par trois en fin de primaire (fastoche avec la suppression des RASED), les élèves allaient sortir bilingues du lycée, le master formation des maîtres allait supplanter avantageusement le Capes.

Donnons la parole à quelques enseignants qui évoquent franchement leur vécu (source : Libération).

Jean François Petit, secrétaire régional Rhône-Alpes de la CGT-Éduc'action et professeur de construction mécanique dans un lycée professionnel de Givors.

«Le bilan des cinq années Sarkozy, c'est les suppressions de postes. L'année dernière, on a perdu 30 professeurs dans l'académie en lycée pro, cette année 150. Le résultat c'est plus d'élèves par classe. On plafonnait à 24, maintenant on est à 30.

Sarkozy c'est aussi le bac pro en trois ans au lieu de quatre. Avant les élèves faisaient deux ans de BEP plus deux ans de bac. Maintenant, ils font la totalité en trois ans. Avec des mômes cabossés, ça ne marche pas. Ils ont voulu justifier la réforme d'un point de vue pédagogique, c'est elle n'est que comptable.

Pour les enseignants, ce sont des conditions de travail qui se détériorent. Les gens s'imaginent qu'on ne fout rien. Psychologiquement, c'est quand même dur pour nous à vivre.

Sarkozy, c'est aussi les gamins sans papiers qui s'angoissent. On en a régulièrement. C'était pas le cas avant Sarko, c'est net.

Pour moi, faut oublier ces cinq ans. Habituellement, je vote très à gauche, mais là je vais voter Hollande au premier tour pour le dégager.»

«Une casse systématique et organisée»

Sylvie Caron, enseignante en primaire à Rillieux-la-Pape (Rhône), militante à SE-Unsa (Syndicat des enseignants du premier degré et du second degré).

«On assiste depuis cinq ans à une casse systématique et organisée de l'Education nationale et de l'enseignement en général. Le gouvernement a cassé la formation professionnelle des enseignants, il a cassé les moyens en termes de postes d'aide aux enfants en difficulté, de remplaçants, et de postes de directeurs quand on a fusionné les écoles pour en gagner un.

Cette entreprise de casse démobilise les troupes et provoque dans les établissements un ras-le-bol général. Les profs sont pressurés par l'administration avec des évaluations natinales à tout bout de champ et pas forcément en corrélation avec ce qu'ils doivent enseigner et demander aux élèves. Ce ras-le-bol a des effets au niveau santé, motivation, moral, et se ressent dans le travail d'équipe.

D'autant qu'on s'entend dire dans le même temps qu'on est des nantis, que tout va bien, et qu'on a beaucoup trop de moyens.»

Jérémie Buttin, professeur depuis douze ans en arts appliqués au lycée Adolphe-Chérioux, dans le Val-de-Marne.  Il y a tout juste deux ans, un élève était agressé dans l'enceinte de l'établissement par une bande de jeunes venus de l'extérieur. L'équipe enseignante s'était alors fortement mobilisée réclamant des postes d'encadrement.

«Après cet épisode, ils ont fait une clôture autour de l'établissement pour l'isoler du grand parc départemental qui est à côté. On a obtenu quatre postes de surveillants sur les onze qu'on demandait. Leur contrat de deux ans arrivent à échéance, on ne sait pas du tout s'ils seront remplacés. De manière générale, il y a une vraie pénurie de personnel encadrant et administratif. La dégradation est vraiment criante ces dernières années. Le personnel reste motivé mais débordé. L'intendante du lycée, par exemple, est à cheval sur plusieurs établissements. Elle a un travail de dingue. Cela a des répercussions sur les projets éducatifs, tout est plus compliqué, les délais sont plus longs pour débloquer les budgets...

Autre dégradation qui me vient à l'esprit : depuis la rentrée, avec la mise en place de la réforme du lycée, chaque proviseur a désormais une enveloppe avec un nombre d'heures à distribuer pour dédoubler les classes par exemple. C'est une sorte de pot commun. Chaque enseignant doit se battre et justifier pourquoi il a besoin de prendre ses élèves en demi-groupe... Cela met une mauvaise ambiance dans l'équipe. On se retrouve en compétition les uns les autres, ce n'est pas sain.»

Sabine, enseignante Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté), ces profs spécialisés dans le traitement de la difficulté scolaire. Elle vient d'apprendre que son poste était supprimé à la rentrée.

«C'est vraiment dommage. Surtout ce qui m'énerve, c'est ce double discours complètement contradictoire. D'un côté, Sarkozy dit mettre tout en place pour aider les enfants à réussir à l'école. De l'autre, il détruit le seul système qui existe dans l'Education nationale pour venir en aide aux élèves qui sont en grandes difficultés. Tout cela obéit à une logique purement comptable. Le chef de l'Etat a promis de ne pas supprimer de classes donc il fait des économies sur tous les postes à côté: les Rased sont les premières cibles.

En tant qu'enseignante spécialisée Rased, je ne suis pas rattachée à une classe, j'interviens dans plusieurs écoles. Je m'occupe, par petits groupes, d'enfants en grandes difficultés. Je travaille en étroite relation avec les orthophonistes, les psychologues, les parents pour essayer d'aider ceux qui sont vraiment en grandes difficultés. Bien évidemment, cela ne marche pas à chaque fois, mais nous avons des résultats. Plutôt que d'encourager cette démarche et de l'améliorer, on la détruit. Les premières victimes, ce sont évidemment ces enfants, souvent les plus défavorisés socialement. Sarkozy se vante d'avoir instauré à la place l'aide personnalisée [après l'école, le soir ou entre midi et deux, ndlr] mais on ne cible pas du tout les mêmes élèves et les mêmes difficultés. La preuve : depuis la mise en place de l'aide personnalisée, nous avons toujours autant de demandes d'intervention dans les classes.»

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 07:04

http://nad.b3-everquest.pagesperso-orange.fr/Eugene_pottier.jpgEugène Pottier. Sur le portrait, son regard porte loin et fort. On sent que, quand il tient la plume, il n’a pas peur.


À 14 ans, il travaille douze heures par jour dans l’atelier de son père. Il compose sa première chanson à cette époque : “ Vive la liberté ”. Un peu plus tard, “ Il est bien temps que chacun ait sa part ”. Il participe à la révolution de 1848. Il adhère à la preière Association Internationale des Travailleurs en avril 1870. Membre de la Garde nationale, il est élu pour le 2è arrondissement. Il participe aux combats de la Semaine sanglante. Caché quelque part dans Paris, il écrit “ L’internationale ” (link). Réfugié en Angleterre, il est condamné à mort par contumace en 1873. Il s’installe aux États-Unis, où il adhère à la franc-maçonnerie puis au Parti ouvrier socialiste d’Amérique. Amnistié, il revient en France en 1880, ruiné et a demi paralysé. Ses chansons se répandent dans le peuple. 10000 personnes assistent à son enterrement au Père-Lachaise le 6 novembre 1887. Un an après sa mort, Pierre Degeyter met en musique “ L’internationale ”. Pottier entre dans la légende du mouvement ouvrier.

 

Dès 1848, il chante le peuple, qu’il compare aux arbres de la liberté :

 

Peuple la feuillaison commence

Te voilà comme un arbre immense

Dressé de toute sa hauteur.

 

D’emblée, il dénonce la bourgeoisie qui maintient le peuple dans la misère :

 

J’ai faim ! J’ai faim, dit le corps

Je n’ai pas le nécessaire ;

Le ver ronge moins les morts

Que les vivants la misère.

 

Il dénonce les futurs B.O.F. et le gouvernement qui les soutient :

 

Protégez la boutique

Comme ont fait tous vos devanciers

Et que la République

Profite aux épiciers

 

En 1848, après avoir échappé de peu à une exécution sommaire,, il lance sa “ Propagande des chansons ”, des textes d’une très grande force :

 

Le monde va changer de peau

Misère, il fuit ton bagne,

Chacun met cocarde au chapeau,

L’ornière et la montagne ;

Sac au dos, bourrez vos caissons.

Entrez vite en campagne

Chansons !

 

Après le coup d’État de 1851, il dit sa certitude de la revanche :

 

Du soir jusqu’au matin

Gorgez-vous du butin.

La verra qui vivra ! [la République]

Sonnez, les temps sont proches

La verra qui vivra !

La terre enfantera !

Le marteau chantera !

Le travail fleurira !

La rose rougira !

 

Il nargue Napoléon avec ironie, en vers de huit pieds (très efficace, le 8) :

 

Cayenne a fait monter la rente

Vive la prime et le coupon

Vive, vive Napoléon !

[…]

Sous le lard étouffons le rêve,

Gavons le ventre et qu’il en crève ;

Vive notre auge et notre son !

Vive, vive Napoléon !

 

Au moment de la guerre du Mexique (Napoléon III avait dit que « L’Empire, c’est la paix »), Pottier en appelle à la grève des femmes :

 

S’il faut recruter vos milices

Fécondez tigresse ou guenon

Nous ne sommes plus vos complices

Pour fournir la chair à canon

 

En 1857, il fonde le plus important atelier de dessin de Paris. Il encourage ses employés à constituer une chambre syndicale qu’il fait adhérer à l’Internationale.

 

Après la défaite de Sedan, il encourage les Parisiens à défendre l’indépendance nationale :

 

Sur tes coteaux vois la fumée

Des avant-postes allemands.

Voilà ce que l’Empire coûte

La défaite et le désarroi.

 

Pottier consacre un poème à la tentative insurrectionnelle du 31 octobre 1870 :

 

Chez les chamarrés, rien ne bouge

Va-nu-pieds, marchons de l’avant,

Nommons une Commune rouge,

Rouge comme un soleil levant !

 

En juin 1841, il écrit sa saisissante “ Terreur blanche ” :

 

Messieurs les conservateurs,


Vous le grand parti de l’Ordre,


Procédons, plus de lenteur !


L’hydre peut encor nous mordre.


On a pris Paris et huit jours durant


Par la mitrailleuse on sut faire grand,


Taper dans le tas, c’était à se tordre,


Mais fallait finir comme on commença.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Dans les premiers jours d’exploit


On n’a pas manqué de touches,


Quand on relit le Gaulois,


L’eau vous en vient à la bouche.


Parlez-moi des gens comme Galliffet :


Avec la canaille, il va droit au fait,


Mais l’esprit public d’un rien s’effarouche.


Bref ! Dans les pontons, on les entassa !…


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Dès qu’on juge, c’est gâché,


On tombe dans le vulgaire.


Ils sont en papier mâché


Vos fameux conseils de guerre !


Pourquoi les Gaveaux, les Boisdenemets,


Vous embarquez-vous dans les si, les mais ?


La peine de mort encor ce n’est guère,


Mais pas de Cayenne ou de Lambessa,


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Quels lâches, que ces meneurs,


Ils ont gagné la frontière.


C’était tous des souteneurs


Et des rôdeurs de barrière,


Des joueurs de vielle et des vidangeurs.


Que d’argent trouvé sur ces égorgeurs !


C’est vingt millions qu’emportait Millière,


Enfin Delescluze était un forçat.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Quoi ! Rochefort qui traita,


Dans ces immondes sornettes,


Un illustre homme d’Etat,


De vieux serpent à lunettes !


L’homme à la Lanterne, un esprit cassant,


Marquis journaliste et buveur de sang,


Quoi, vous le tenez dans vos mains honnêtes,


Ce petit monsieur qui nous agaça.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !



 

Les petits sont pétroleurs


Dans le ventre de leur mère ;


Pour supprimer ces voleurs


Nul moyen n’est trop sommaire.


Exemple : à Montmartre un mâle étant mort,


La femelle en pleurs s’élance et nous mord ;


Bien qu’elle fût pleine, on prit la commère :


À faire coup double, elle nous força.


Fusillez-moi ça !


Fusillez-moi ça !


Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !

 

Il rentre d’exil malade, diminué mais plein d’allant :

 

Au cœur, pas de ferments aigris

Dans ses rameau pas de chenilles.

Voyez ! Ses cheveux sont tout gris

Mai jouerait encore aux billes.

 

La mort de Blanqui lui inspire un chant magnifique :

 

Ce cœur qui ne bat plus battait pour une idée :

L’Égalité ! … Gens sourds. Terre, esclave ridée

Qui tournes dans ta cage ainsi que l’écureuil,

À présent qu’il est mort, tu l’entendra peut-être !

Ce combattant passant de la geôle au cercueil,

Du fond de son silence, il dit : Ni Dieu, ni maître !

 

Le monument des Fédérés lui inspire un texte rageur et émouvant :

 

Oui, pour tout monument, peuple, un amas de pierres !


Laissons l’Académique aux tueurs de bon goût,

Et sur ces pavés bruts qu’encadreront les lierres,


Simple, allant à la mort, Delescluze debout,


Des cadavres autour dans leur vareuse brune,


Des femmes, des enfants, mitraillés, éventrés ;

Qu’il ressuscite la Commune,

Le monument des Fédérés !

 

Tout comme Jules Vallès :

 

Paris vient de lui dire:Adieu!

Le Paris des grandes journées,

Avec la parole de feu

Qui sort des foules spontanées.

Et cent mille hommes réveillés

Accompagnent au cimetière

Le candidat de la misère,

Le député des fusillés.

 

D'idéal n'ayant pas changé

La masse qui se retrouve une,

Fait la conduite à l'Insurgé

Aux cris de : Vive la Commune!

Les drapeaux rouges déployés

Font un triomphe populaire

Au candidat de la misère,

Au député des fusillés.

 

Et que dire de ce “ Mur voilé ”, dédié à « Séverine, qui eut la première idée de cette pièce » :

 

Ton histoire, Bourgeoisie,

Est écrite sur ce mur.

Ce n’est pas un texte obscur…

Ta féroce hypocrisie

Est écrite sur ce mur !


Le voici, ce mur de Charonne,


Ce charnier des vaincus de Mai ;


Tous les ans, Paris désarmé


Y vient déposer sa couronne.


Là, les travailleurs dépouillés


Peuvent énumérer tes crimes,


Devant le trou des anonymes,


Devant le champ des fusillés !

 

Un sacré bonhomme !

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